CE, assemblée, 11 mars 1994, n° 98465
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
UTCV Bouches-du-Rhône, APTR 93, Transprovence (SARL), Les Autobus Artésiens (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Long
Commissaire du gouvernement :
M. du Marais
Rapporteur :
M. Seban
Avocats :
SCP Célice, Blancpain.
LE CONSEIL : - Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mai 1988 et 23 septembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour : - l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV), dont le siège social est 15, rue du Sud à Marseille (13003), - l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR 93), dont le siège social est 255 boulevard Robert Ballanger à Villepinte (93420), - la société "Transprovence SARL", dont le siège social est 2e avenue 37, 1re rue, zone industrielle de Vitrolles (13127), et la société "Les Autobus Artésiens SA", dont le siège social est 52, rue de l'Amiral Combier à Amiens cedex (80004), intervenante au soutien de la requête ; l'Union des transporteurs en commun de voyageurs des Bouches-du-Rhône (UTCV) et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 88-329 du 7 avril 1988 modifiant l'article 18 du décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et transports routiers non urbains de personnes ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ; Vu le Code des communes ; Vu la directive du conseil des Communautés européennes n° 74-562 du 12 novembre 1974 ; Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ; Vu le décret n° 85-891 du 16 août 1985 ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Seban, Auditeur, - les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV), - les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Sur le désistement de l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV) : - Considérant que, par un mémoire enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 mai 1989, l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV) déclare se désister de sa requête ; que le désistement de l'union requérante est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur l'intervention de la société "Autobus Artésiens SA" : - Considérant que la société "Autobus Artésiens SA" a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la recevabilité de l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR 93) : - Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 7 de la loi susvisée du 30 décembre 1982 : "Les entreprises de transport public de personnes doivent être inscrites à un registre tenu par les autorités de l'Etat. L'inscription à ce registre est subordonnée à la délivrance d'une attestation de capacité professionnelle et, le cas échéant, à des conditions de garantie financière, selon des modalités posées par décret en Conseil d'Etat" ; que le décret attaqué du 7 avril 1988 modifie l'article 18 du décret du 16 août 1985 pris pour l'application des dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 30 décembre 1982 ; qu'en vertu de l'article 46 de cette loi, l'adaptation des dispositions de son article 7 à la région d'Ile-de-France fera l'objet de dispositions législatives spéciales ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le décret attaqué ne s'applique pas à la région d'Ile-de-France ; que l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR93), dont les statuts limitent la compétence territoriale au seul département de la Seine-Saint-Denis, ne justifie donc pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le décret du 7 avril 1988 ; que les conclusions de l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR 93) sont dès lors irrecevables ;
Sur la légalité du décret attaqué : - Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : - Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du conseil des Communautés européennes lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ; que si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales, qui sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives dont s'agit ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article premier de la directive du conseil des Communautés européennes en date du 12 novembre 1974 concernant l'accès à la profession de transporteur de voyageurs par route dans le domaine des transports nationaux et internationaux : "Les Etats membres peuvent, après consultation de la Commission, dispenser de l'application de la totalité ou d'une partie des dispositions de la présente directive les personnes physiques ou entreprises qui effectuent exclusivement certains transports de voyageurs par route à des fins non commerciales ou qui ont une activité principale autre que celle de transporteur de voyageurs par route, pour autant que leur activité de transport n'ait qu'une faible incidence sur le marché des transports" ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que le pouvoir réglementaire ne peut régulièrement user de la faculté de dérogation qu'elles prévoient qu'à la condition de consulter préalablement la Commission ; qu'il est constant qu'il n'a pas été procédé à cette consultation préalablement à l'édiction du décret attaqué qui, en dispensant de la désignation d'un directeur les régies de transport de personnes dotées de la seule autonomie financière et ne disposant que de deux véhicules au maximum, déroge aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 2 de la directive susvisée en date du 12 novembre 1974, qui prévoient l'obligation pour ces entreprises d'être dirigées par une personne physique satisfaisant à certaines conditions d'honorabilité et de capacité professionnelle ; que la circonstance que le décret du 16 août 1985 dont les articles 5 et 18 que modifie le décret attaqué conféraient à ces régies un statut dérogatoire dispensant leur directeur de satisfaire à des conditions de capacité professionnelle, a été pris après consultation de la Commission, ne dispensait pas de procéder à une nouvelle consultation de celle-ci avant d'édicter comme l'a fait le décret attaqué une dérogation supplémentaire aux dispositions de la directive en date du 12 novembre 1974 ; qu'il résulte de ce qui précède que le décret attaqué est entaché d'excès de pouvoir et que la société "Transprovence SARL" est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Décide :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV).
Article 2 : L'intervention de la société "Autobus Artésiens SA" est admise.
Article 3 : Le décret n° 88-329 du 7 avril 1988 est annulé.
Article 4 : Les conclusions de la requête en tant qu'elles sont présentées par l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR 93) sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Union des transporteurs en commun de voyageurs Bouches-du-Rhône (UTCV), à l'association professionnelle des transporteurs routiers de voyageurs du département de la Seine-Saint-Denis (APTR 93, à la société "Transprovence SARL", à la société "Autobus artésiens SA", au Premier ministre, au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.