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Décisions

Ministre de l’Économie, 23 décembre 2004, n° ECOC0500091Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Electrabel

Ministre de l’Économie n° ECOC0500091Y

23 décembre 2004

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 19 novembre 2004, vous avez notifié l'acquisition par Electrabel (ci-après " Electrabel "), société appartenant au groupe Suez, d'une participation de 80 %, en deux tranches, dans le capital de la SHEM, celle-ci étant aujourd'hui détenue à 99,6 % par la SNCF. Cette acquisition découle de l'exercice par la SNCF le 27 août 2004 d'une promesse d'achat consentie par Electrabel et formalisée dans une convention de partenariat (ci-après " Convention ") conclue entre ces deux sociétés le 21 octobre 2002.

Les entreprises concernées par l'opération sont :

Le groupe Suez, actif dans les secteurs de l'énergie (électricité, gaz) et de l'environnement (eau, assainissement, propreté), qui a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires consolidé de 39,6 milliards d'euro, dont 30,2 milliards dans l'Union européenne et 9,75 milliards en France. Filiale du groupe Suez, Electrabel est essentiellement active sur les marchés de la production, du négoce et de la fourniture d'électricité, en Belgique notamment ;

La SHEM, active dans la production et la commercialisation d'électricité au travers de l'exploitation sous concession de 49 centrales hydroélectriques. Réparties sur 12 sites dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales, et le Massif central, les centrales exploitées totalisent une puissance installée de 773 mégawatts et produisent en moyenne 2 milliards de kilowattheures par an. En 2003, la SHEM a réalisé un chiffre d'affaires de 77 millions d'euro, en France exclusivement.

Le transfert effectif de la première tranche du capital de la SHEM au profit d'Electrabel est prévue le 20 janvier 2005. Selon les termes de la Convention, l'acquisition de cette première tranche de 40 % du capital rend automatiquement applicable un pacte d'actionnaires liant la SNCF et Electrabel dans la gestion de la SHEM. Aux termes du pacte d'actionnaires, il apparaît qu'Electrabel détiendra le contrôle exclusif de la SHEM. En outre, l'acquisition de la première tranche entraîne de façon automatique et irrévocable la cession d'une tranche complémentaire de 40 % du capital de la SHEM par la SNCF au profit d'Electrabel. Cette cession complémentaire interviendra deux années après la première cession de 40 %, mais cette date pourra être avancée dans certaines situations prévues par le pacte d'actionnaires.

Eu égard à ces éléments, l'opération notifiée a pour effet d'entraîner un contrôle exclusif d'Electrabel sur la SHEM. Elle constitue donc une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce ; compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire, et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

Dans sa pratique décisionnelle (1), la Commission européenne considère que les activités relatives à l'électricité peuvent être segmentées en (i) production d'électricité, (ii) transport d'électricité (2), (iii) distribution d'électricité (3), et enfin (iv) fourniture d'électricité au consommateur final. Selon la Commission, chacune de ces activités relève de marchés de produits distincts dans la mesure où elles nécessitent des actifs et des ressources différentes et correspondent à des conditions et des structures de marché distinctes.

S'agissant de l'activité de production d'électricité, seule activité sur laquelle l'opération entraîne un chevauchement entre les parties, la Commission a indiqué dans sa décision EDF/EDFT du 26 août 2003 qu'en France, " les limitations des capacités disponibles sur les interconnecteurs, la faible représentation des importations dans la consommation intérieure (moins de 1 %), la présence de variations de prix significatives entre Etats membres et la présence de réglementations nationales, semblent militer en faveur d'un marché national ".

En tout état de cause, la définition précise des marchés d'électricité, et notamment de celui de la production d'électricité, peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition adoptée, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Sur un marché de la production d'électricité en France, estimé à 522 TWh en 2003, pour 108 510 MW de capacité installée, Electrabel et SHEM ont respectivement généré [0-5] % et [0-5] % de la production totale, et disposent ensemble de [0-5] % des capacités installées. Le principal opérateur du marché, EDF, dispose quant à lui de [90-95] % des capacités installées et a généré, en 2003, [90-95] % de la production totale d'électricité en France.

En outre, il apparaît qu'aucun des autres marchés amont, aval ou connexes au marché de la production d'électricité sur lesquels Electrabel est actif n'est affecté par l'opération.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que je l'autorise.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

(1) Voir notamment les affaires M.1557, EDF/Louis Dreyfus ; M.1803, Electrabel/Epon ; M.1853, EDF/EnBW ; M.2792, Edison/Edipower/Eurogen ; M.3007 E.ON/TXU Europe Group ; M.3173, E.ON/Fortum Burghausen/Smaland/Edenderry ; M.3210, EDF/EDFT ; M.3318, ECS/Sibelga ; M.3448, Electricidade de Portugal/Hydroeléctrica del Cantàbrico.

(2) C'est-à-dire son acheminement à longue distance sur un réseau à haute tension interconnecté.

(3) C'est-à-dire son acheminement depuis le réseau de transport jusqu'au consommateur sur un réseau à moyenne et basse tension.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.