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Décisions

CJCE, 2e ch., 7 novembre 2002, n° C-228/01

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Jacques Bourrasse (C-228-01) et Jean-Marie Perchicot (C-289-01), en présence de l' Union régionale syndicale des petits et moyens transporteurs du Sud-Ouest (Unostra Aquitaine) (C-228-01), de la Fédération générale des transports et de l'équipement CFDT (FGTE-CFDT) (C-289-01) et de l' Inspection du travail des transports (C-228-01 et C-289-01).

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gulmann

Juges :

M. Skouris, Mme Colneric

Avocat général :

M. Tizzano

Avocats :

Mes Hontas, Duvignac.

CJCE n° C-228/01

7 novembre 2002

LA COUR (deuxième chambre)

I. Par arrêt du 15 mai 2001 et par jugement du 2 juillet 2001, parvenus à la Cour respectivement les 11 juin et 20 juillet 2001, la Cour d'appel de Pau (C-228-01) et le Tribunal de grande instance de Dax (C-289-01) ont posé, en vertu de l'article 234 CE, l'une, deux questions préjudicielles, l'autre, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 2 de la directive 84-647-CEE du Conseil, du 19 décembre 1984, relative à l'utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route (JO L 335, p. 72), telle que modifiée par la directive 90-398-CEE du Conseil, du 24 juillet 1990 (JO L 202, p. 46, ci-après la "directive 84-647").

II. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de procédures pénales engagées contre, respectivement, M. Bourrasse, président-directeur général de la société Transports Bourrasse SA (ci-après la "société Bourrasse"), établie à Soorts-Hossegor (France), et M. Perchicot, gérant de la société Transports Perchicot (ci-après la société Perchicot France), établie à Saint-Martin-de-Seignanx (France), poursuivis pour travail clandestin par dissimulation de l'emploi de salariés.

III. Par ordonnance du 23 janvier 2002, le président de la Cour a, conformément à l'article 43 du règlement de procédure, ordonné la jonction des deux affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

Le cadre réglementaire

Les dispositions communautaires

IV. Les articles 1er, 2 et 3 de la directive 84-647 disposent:

Article premier

Aux fins de la présente directive, on entend par:

- véhicules: un véhicule à moteur, une remorque, une semi-remorque ou un ensemble de véhicules, destinés exclusivement au transport de marchandises,

- véhicule loué: tout véhicule mis, contre rémunération et pour une période déterminée, à la disposition d'une entreprise qui effectue des transports de marchandises par route pour compte d'autrui ou pour compte propre moyennant un contrat avec l'entreprise qui met les véhicules à disposition.

Article 2

Chaque État membre admet l'utilisation sur son territoire, aux fins du trafic entre États membres, des véhicules pris en location par les entreprises établies sur le territoire d'un autre État membre pour autant que:

1) le véhicule soit immatriculé ou mis en circulation en conformité avec la législation dans ce dernier État membre;

2) le contrat ne concerne que la mise à disposition d'un véhicule sans conducteur et ne soit pas accompagné d'un contrat d'emploi conclu avec la même entreprise portant sur le personnel de conduite ou d'accompagnement;

3) le véhicule loué soit à disposition exclusive de l'entreprise qui l'utilise pendant la durée du contrat de location;

4) le véhicule loué soit conduit par le personnel propre de l'entreprise qui l'utilise;

5) le respect des conditions susmentionnées soit prouvé par les documents suivants, qui doivent se trouver à bord du véhicule:

a) le contrat de location, ou un extrait certifié de ce contrat contenant notamment le nom du loueur, le nom du locataire, la date et la durée du contrat, ainsi que l'identification du véhicule;

b) dans le cas où le conducteur n'est pas lui-même celui qui prend en location, le contrat d'emploi du conducteur ou un extrait certifié de ce contrat contenant notamment le nom de l'employeur, le nom de l'employé, la date et la durée du contrat d'emploi, ou une fiche de salaire récente.

Le cas échéant, les documents visés aux points a) et b) peuvent être remplacés par un document équivalent, délivré par les autorités compétentes de l'État membre.

Article 3

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires en vue d'assurer que leurs entreprises puissent utiliser, pour le transport de marchandises par route, dans les mêmes conditions que les véhicules leur appartenant, des véhicules loués immatriculés ou mis en circulation en conformité avec la législation dans leur pays, pour autant que ces entreprises satisfassent aux conditions fixées à l'article 2.

2. Les États membres peuvent exclure des dispositions du paragraphe 1 le transport pour compte propre effectué par des véhicules dont le poids total en charge autorisé est supérieur à six tonnes.

V. L'article 4 de la directive 84-647 prévoit:

"La présente directive n'affecte pas la réglementation d'un État membre qui prévoit pour l'utilisation des véhicules pris en location des conditions moins restrictives que celles prévues aux articles 2 et 3."

VI. Aux termes de l'article 5, premier tiret, de la directive 84-647:

"Sans préjudice des articles 2 et 3, la présente directive n'affecte pas l'application des règles relatives:

- à l'organisation du marché des transports de marchandises par route, pour compte d'autrui et pour compte propre et, notamment, à l'accès au marché et au contingentement des capacités routières".

VII. L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 881-92 du Conseil, du 26 mars 1992, concernant l'accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté exécutés au départ ou à destination du territoire d'un État membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs États membres (JO L 95, p. 1), dispose que ce règlement s'applique aux transports internationaux de marchandises par route pour compte d'autrui pour les trajets effectués sur le territoire de la Communauté. L'article 3, paragraphe 1, du même règlement prévoit que les transports internationaux sont exécutés sous le couvert d'une licence communautaire.

VIII. L'article 5 du règlement n° 881-92 dispose:

"1. La licence communautaire visée à l'article 3 est délivrée par les autorités compétentes de l'État membre d'établissement.

2. Les États membres délivrent au titulaire l'original de la licence communautaire, qui est conservé par l'entreprise de transport, et le nombre de copies certifiées conformes correspondant à celui des véhicules dont le titulaire de la licence communautaire dispose soit en pleine propriété, soit à un autre titre, notamment en vertu [...] d'un contrat de location [...].

3. [...]

4. La licence communautaire est établie au nom du transporteur. Elle ne peut être transférée par celui-ci à des tiers. Une copie certifiée conforme de la licence communautaire doit se trouver à bord du véhicule et doit être présentée à toute réquisition des agents chargés du contrôle."

IX. L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3118-93 du Conseil, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (JO L 279, p. 1), prévoit:

"Tout transporteur de marchandises par route pour compte d'autrui qui est titulaire de la licence communautaire prévue au règlement (CEE) n° 881-92 est admis, aux conditions fixées dans le présent règlement, à effectuer, à titre temporaire, des transports nationaux de marchandises par route pour compte d'autrui dans un autre État membre, ci-après dénommés respectivement transports de cabotage et État membre d'accueil, sans y disposer d'un siège ou d'un autre établissement."

X. L'article 3, paragraphes 1 et 3, premier alinéa, du même règlement dispose:

1. Les autorisations de cabotage [...] permettent au titulaire d'effectuer les transports de cabotage.

[...]

3. L'autorisation de cabotage est établie au nom du transporteur. Elle ne peut être transférée par celui-ci à un tiers. Chaque autorisation de cabotage ne peut être utilisée que pour un véhicule à la fois.

XI. Aux termes de l'article 14 du règlement (CEE) n° 3821-85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route (JO L 370, p. 8):

"1. L'employeur délivre aux conducteurs un nombre suffisant de feuilles d'enregistrement, compte tenu du caractère individuel de ces feuilles, de la durée du service et de l'obligation de remplacer éventuellement les feuilles endommagées ou saisies par un agent chargé du contrôle. L'employeur ne remet aux conducteurs que des feuilles d'un modèle homologué aptes à être utilisées dans l'appareil installé à bord du véhicule.

2. L'entreprise conserve, en bon ordre, les feuilles d'enregistrement pendant au moins un an après leur utilisation et en remet une copie aux conducteurs intéressés qui en font la demande. Les feuilles sont présentées ou remises à la demande des agents chargés du contrôle."

XII. L'article 14, paragraphe 1, du règlement n° 3821-85 a été modifié par le règlement (CE) n° 2135-98 du Conseil, du 24 septembre 1998 (JO L 274, p. 1), en vue d'y introduire certaines précisions, mais son contenu est resté le même en substance.

Les dispositions nationales

XIII. L'arrêté du ministre de l'Équipement, du Logement, des Transports et de la Mer, du 29 juin 1990, relatif à l'utilisation par des entreprises établies sur le territoire d'un État membre de la Communauté économique européenne de véhicules loués sans conducteur pour les transports de marchandises par route (JORF du 19 juillet 1990, p. 8563), qui vise la directive 84-647, dispose, à son article 1er:

"Les entreprises établies sur le territoire d'un État membre de la Communauté et qui effectuent des transports de marchandises par route en provenance ou à destination du territoire français ou en transit à travers celui-ci peuvent utiliser, aux fins de ces trafics, des véhicules pris en location auprès d'une entreprise de location de véhicules routiers, aux conditions suivantes:

- le véhicule pris en location est immatriculé ou mis en circulation en conformité avec la législation en vigueur dans cet État membre;

- [...]

- le véhicule est conduit par le locataire ou par les préposés de celui-ci."

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L'affaire C-228-01

XIV. La société Bourrasse est une société de transport routier établie en France, dont M. Bourrasse est le président-directeur général. Elle est titulaire d'une licence communautaire délivrée par la direction régionale de l'équipement d'Aquitaine. Les véhicules qu'elle possède et qui sont immatriculés en France sont munis chacun d'une copie conforme de cette licence.

XV. Le 23 avril 1993, la société Bourrasse a acquis la société de transport routier Ver Coelho (ci-après la "société Ver Coelho"), établie au Portugal, dont M. Bourrasse est devenu le gérant. Les deux sociétés sont des personnes morales distinctes.

XVI. Lors d'un contrôle de l'Inspection du travail des transports (ci-après l'"Inspection du travail") dans la société Bourrasse, le 24 juin 1996, il a été relevé que treize salariés portant des noms à consonance portugaise, embauchés le 1er janvier 1992 par la société Bourrasse, avaient été transférés à la société Ver Coelho, certains à la fin de l'année 1994, d'autres à la fin de l'année 1995.

XVII. Il a également été constaté que la société Bourrasse louait des ensembles routiers sans chauffeur à la société Ver Coelho. Celle-ci utilisait pour ses transports internationaux à destination de la France des autorisations internationales de transport portugaises délivrées au nom du loueur. Les feuilles d'enregistrement des chronotachygraphes concernant les véhicules loués à la société Ver Coelho étaient gérées par la société Bourrasse. Deux chauffeurs portugais salariés de la société Ver Coelho, entendus par la gendarmerie française, ont déclaré qu'ils conduisaient exclusivement des ensembles routiers appartenant à M. Bourrasse, l'un deux ajoutant qu'il avait traité directement avec ce dernier.

XVIII. Au vu de ces éléments, l'Inspection du travail a conclu que les salariés de la société Ver Coelho étaient en réalité des préposés de la société Bourrasse et ont relevé à l'encontre de M. Bourrasse un délit de travail clandestin par dissimulation de l'emploi de salariés.

XIX. Poursuivi devant le Tribunal de grande instance de Dax, M. Bourrasse a contesté l'infraction en faisant valoir que les chauffeurs de nationalité portugaise disposaient de contrats de travail établis par la société Ver Coelho et que la directive 84-647 autorise la société Bourrasse à donner des ensembles routiers en location à la société Ver Coelho pourvu qu'ils soient immatriculés dans l'État membre où ils sont pris en location et soient conduits par le locataire ou ses préposés.

XX. Par jugement du 6 décembre 1999, le tribunal de grande instance a retenu la culpabilité de M. Bourrasse.

XXI. M. Bourrasse et le Procureur de la République ont formé appel contre ce jugement devant la Cour d'appel de Pau.

XXII. C'est dans ces circonstances que la Cour d'appel de Pau a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1) La mise à disposition d'un véhicule sans conducteur telle qu'elle est envisagée par l'article 2 de la directive 84-647-CEE peut-elle être interprétée en ce sens qu'elle permet au loueur, société de transport routier de droit français:

- D'obtenir les autorisations de transport nécessaires sur le territoire national pour le compte du locataire, société de transport routier de droit portugais;

- de gérer pour le compte du locataire, société de transport routier de droit portugais, les disques chronotachygraphes des conducteurs salariés de cette société?

2) Les véhicules loués devaient-ils être immatriculés au Portugal?"

L'affaire C-289-01

XXIII. M. Perchicot est le gérant de la société Perchicot France, établie en France, qui effectue des transports entre la France et l'Espagne. Elle possède des véhicules immatriculés en France qui sont munis chacun d'une copie conforme de la licence communautaire délivrée à cette société par la direction régionale de l'équipement d'Aquitaine.

XXIV. En 1999, M. Perchicot a constitué une société de transports de droit espagnol dont il est également le gérant (ci-après la "société Perchicot Espagne") et à laquelle ont été transférés les contrats de travail de treize des salariés employés jusque-là par la société Perchicot France. Depuis le 1er décembre 1999, les nouvelles embauches ont été systématiquement réalisées par la société Perchicot Espagne. Les ensembles routiers possédés par la société Perchicot France ont été donnés en location sans chauffeur à la société Perchicot Espagne, tout en restant immatriculés en France.

XXV. À la suite de contrôles effectués au début de l'année 2000, l'Inspection du travail a constaté que la gestion des disques chronotachygraphes des véhicules loués, l'obtention des autorisations de transport pour ces mêmes véhicules et la gestion des salariés transférés restaient assurées par le loueur, la société Perchicot France. Elle en a conclu que la délocalisation était fictive et que l'entreprise continuait d'être gérée, dirigée et exploitée en France. Le cadre juridique dans lequel s'exerçait l'activité se heurtait, selon l'Inspection du travail, à la réglementation française, aux termes de laquelle la location de véhicules n'est pas permise entre États membres de l'Union européenne, seul le transit des véhicules donnés en location entre deux sociétés d'un même État membre étant autorisé. Dès lors, l'Inspection du travail a relevé à l'encontre de M. Perchicot le délit de travail clandestin par dissimulation de l'emploi de salariés, outre douze contraventions.

XXVI. M. Perchicot ayant été poursuivi pénalement devant le Tribunal de grande instance de Dax, cette juridiction, se demandant si la réglementation française est compatible avec la directive 84-647, qui permet la mise à disposition d'ensembles routiers entre entreprises, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"La mise à disposition d'un véhicule sans conducteur, telle qu'elle est prévue par l'article 2 de la directive 84-647-CEE, permet-elle au loueur, société de transport routier français:

- D'obtenir les autorisations de transport nécessaires sur le territoire national pour le compte du locataire, société de transport routier de droit français;

- de gérer pour le compte du locataire, société de transport de droit espagnol, les disques chronotachygraphes des conducteurs salariés de cette société?"

XXVII. Étant donné les faits en cause au principal, il convient de comprendre la question comme visant, au premier tiret, un locataire qui est une société de transport routier de droit espagnol.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question dans l'affaire C-228-01 et la question unique dans l'affaire C-289-01

XXVIII. Par ces questions, les juridictions de renvoi demandent en substance si l'article 2 de la directive 84-647 permet à une société de transport routier établie dans un État membre, qui loue des véhicules sans chauffeur à une société de transport routier établie dans un autre État membre, d'obtenir les autorisations de transport nécessaires sur le territoire du premier État pour le compte du locataire et de gérer les disques chronotachygraphes des conducteurs employés par le locataire, pour le compte de ce dernier.

XXIX. À titre liminaire, il y a lieu de constater que l'article 2 de la directive 84-647 précise les conditions dans lesquelles chaque État membre doit admettre l'utilisation sur son territoire, aux fins du trafic entre États membres, des véhicules pris en location par les entreprises établies sur le territoire d'un autre État membre.

XXX. Or, en vertu de l'article 5, premier tiret, de la directive 84-647, sans préjudice, notamment, de l'article 2 de la même directive, les règles relatives à l'accès au marché du transport international et, partant, à l'utilisation des autorisations de transport pour compte d'autrui ne sont pas affectées par ladite directive.

XXXI. Quant aux disques chronotachygraphes des conducteurs, l'article 2 de la directive 84-647 n'y fait aucune allusion.

XXXII. Par conséquent, il y a lieu de constater que l'article 2 de la directive 84-647 ne régit pas l'utilisation des autorisations de transport et des disques chronotachygraphes.

XXXIII. Toutefois, en vue de fournir à la juridiction qui lui a adressé une question préjudicielle une réponse utile, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes de droit communautaire auxquelles le juge national n'a pas fait référence dans l'énoncé de sa question (voir, notamment, arrêts du 20 mars 1986, Tissier, 35-85, Rec. p. 1207, point 9 ; du 27 mars 1990, Bagli Pennacchiotti, C-315-88, Rec. p. I-1323, point 10, et du 18 novembre 1999, Teckal, C-107-98, Rec. p. I-8121, point 39).

XXXIV. En ce qui concerne les autorisations de transport, il convient de rappeler que, selon les dispositions combinées des articles 1er, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, du règlement n° 881-92, une licence communautaire est nécessaire pour effectuer des transports internationaux de marchandises par route pour compte d'autrui sur le territoire de la Communauté et que, selon l'article 5, paragraphes 1 et 2, du même règlement, cette licence est délivrée par les autorités de l'État membre où est établie l'entreprise de transport, qui remettent au titulaire de la licence l'original de celle-ci et le nombre de copies certifiées conformes correspondant à celui des véhicules dont le titulaire dispose, y compris ceux qu'il détient en vertu d'un contrat de location. Par conséquent, ce n'est pas au loueur mais au locataire qu'il incombe de se procurer, auprès des autorités de l'État membre dans lequel il est établi, la licence communautaire pour des véhicules pris en location.

XXXV. En outre, en vertu de l'article 5, paragraphe 4, du règlement n° 881-92, la licence communautaire est établie au nom du transporteur et ne peut être transférée par celui-ci à des tiers. Il en découle que, dans le cas où des véhicules, utilisés à l'origine par un transporteur routier titulaire d'une licence communautaire, sont ensuite donnés en location à un autre transporteur routier, le loueur n'a pas le droit de faire bénéficier de sa propre licence communautaire le locataire.

XXXVI. Quant à la gestion des disques chronotachygraphes, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 3821-85, tant dans sa version initiale que dans celle résultant du règlement n° 2135-98, c'est l'employeur qui délivre les disques aux conducteurs, les remplace selon les besoins et les conserve ensuite pendant au moins un an.

XXXVII. Il s'ensuit qu'une société de transport établie dans un État membre, qui loue des véhicules sans conducteur pour le transport de marchandises par route à une société établie dans un autre État membre, ne peut pas conserver la gestion des disques chronotachygraphes des véhicules donnés en location.

XXXVIII. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question dans l'affaire C-228-01 et à la question unique dans l'affaire C-289-01 que les articles 3 et 5 du règlement n° 881-92 et l'article 14 du règlement n° 3821-85, tant dans sa version initiale que dans celle résultant du règlement n° 2135-98, ne permettent pas à une société de transport routier établie dans un État membre, qui loue des véhicules sans chauffeur à une société de transport routier établie dans un autre État membre, de faire bénéficier de sa propre licence communautaire le locataire ni de conserver la gestion des disques chronotachygraphes des véhicules donnés en location.

Sur la seconde question dans l'affaire C-228-01

XXXIX. Par sa seconde question dans l'affaire C-228-01, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans le cas d'une location transfrontalière d'un véhicule sans conducteur, les véhicules doivent être immatriculés dans l'État membre du locataire.

XL. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 2, point 1, de la directive 84-647, chaque État membre doit admettre l'utilisation sur son territoire des véhicules pris en location par les entreprises établies sur le territoire d'un autre État membre à condition que, entre autres, les véhicules soient immatriculés ou mis en circulation en conformité avec la législation de l'État membre dans lequel le transporteur locataire est établi.

XLI. Toutefois, selon l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive, un État membre peut prévoir des conditions moins restrictives pour l'utilisation des véhicules pris en location. Il apparaît que ce n'est pas le cas dans l'affaire au principal.

XLII. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question dans l'affaire C-228-01 que l'article 2, point 1, de la directive 84-647 doit être interprété en ce sens que, sous réserve de l'éventuelle application de l'article 4 de la même directive, les véhicules loués sans chauffeur doivent être immatriculés dans l'État membre où est établie l'entreprise de transport routier locataire.

Sur les dépens XLIII. Les frais exposés par le Gouvernement français et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre)

Statuant sur les questions à elle soumises par la Cour d'appel de Pau, par arrêt du 15 mai 2001, et par le Tribunal de grande instance de Dax, par jugement du 2 juillet 2001, dit pour droit:

1) Les articles 3 et 5 du règlement (CEE) n° 881-92 du Conseil, du 26 mars 1992, concernant l'accès au marché des transports de marchandises par route dans la Communauté exécutés au départ ou à destination du territoire d'un État membre, ou traversant le territoire d'un ou de plusieurs États membres, et l'article 14 du règlement (CEE) n° 3821-85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route, tant dans sa version initiale que dans celle résultant du règlement (CE) n° 2135-98 du Conseil, du 24 septembre 1998, ne permettent pas à une société de transport routier établie dans un État membre, qui loue des véhicules sans chauffeur à une société de transport routier établie dans un autre État membre, de faire bénéficier de sa propre licence communautaire le locataire ni de conserver la gestion des disques chronotachygraphes des véhicules donnés en location.

2) L'article 2, point 1, de la directive 84-647-CEE du Conseil, du 19 décembre 1984, relative à l'utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route, telle que modifiée par la directive 90-398-CEE du Conseil, du 24 juillet 1990, doit être interprété en ce sens que, sous réserve de l'éventuelle application de l'article 4 de cette directive, les véhicules loués sans chauffeur doivent être immatriculés dans l'État membre où est établie l'entreprise de transport routier locataire.