CJCE, 2e ch., 1 avril 1993, n° C-25/91
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pesqueras Echebastar (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Murray
Avocat général :
M. Gulmann
Juges :
MM. Mancini, Schockweiler
Avocat :
Me Ferrer Lopez.
LA COUR (deuxième chambre),
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 janvier 1991, la société anonyme Pesquerias Echebastar (ci-après "Echebastar"), établie à Bermeo (Espagne), a introduit plusieurs demandes: la première, fondée sur l'article 175 du traité CEE, vise à faire constater la carence de la Commission qui, en ne statuant pas sur l'octroi à Echebastar d'un concours financier communautaire pour la construction d'un nouveau navire de pêche, aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement (CEE) n° 4028-86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7); la deuxième demande tend à ce que la Cour dise pour droit que, en vertu des dispositions du règlement précité, Echebastar avait droit au concours financier communautaire pour la construction d'un nouveau navire de pêche; la troisième demande, fondée sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité vise à obtenir réparation du préjudice qu'elle aurait subi en raison de la carence de la Commission.
2 En octobre 1987, Echebastar a introduit auprès de la Commission, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, une demande tendant à l'octroi d'un concours financier communautaire pour un projet de construction d'un navire de pêche du type thonier-congélateur.
3 Le 22 novembre 1989, la Commission a informé Echebastar que le projet en question ne pouvait bénéficier d'un concours financier communautaire au motif que "les crédits budgétaires disponibles pour le financement des projets de 1989 étaient insuffisants".
4 Par lettre du 30 novembre 1989, adressée à la Commission, Echebastar a soutenu notamment que, en vertu des dispositions de l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028-86, elle avait droit, en cas de rejet de sa demande, que celle-ci fût reportée à la première répartition de l'exercice suivant, à intervenir avant le 30 avril 1990.
5 Le 17 mai 1990, la Commission a répondu à Echebastar que son projet était à l'examen, qu'"une décision à son sujet sera prise au plus tard le 31 octobre 1990" et que l'entreprise serait informée sans délai de la teneur de la décision.
6 Par lettre du 20 septembre 1990, reçue par la Commission le 2 octobre suivant, Echebastar a invité la Commission, conformément à l'article 175 du traité, à prendre position sur la demande d'octroi d'un concours financier, conformément aux dispositions prévues à l'article 35, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4028-86.
7 Lorsque, fin novembre 1990, la Commission a eu à sa disposition toutes les informations, fournies notamment par les autorités espagnoles, elle a avisé les demandeurs dont les projets répondaient aux conditions requises par le règlement n° 4028-86 qu'ils n'avaient pas été retenus en raison de l'épuisement des crédits budgétaires disponibles. Ainsi, par lettre du 18 décembre 1990, reçue par Echebastar le 21 janvier 1991, la Commission, rappelant sa lettre du 17 mai 1990, a informé Echebastar que "... votre projet n'a pu bénéficier de ce concours pour la raison suivante: les crédits budgétaires disponibles pour 1990 étaient insuffisants".
8 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du cadre réglementaire, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
9 Selon Echebastar, l'invitation à agir, prévue à l'article 175 du traité, est constituée par sa lettre datée du 20 septembre 1990 et reçue par la Commission le 2 octobre suivant. Ainsi le délai de deux mois, prévu par cet article, aurait expiré le 2 décembre. La Commission n'ayant pas réagi à cette invitation dans ledit délai, Echebastar considère que son recours est recevable. Elle ajoute que la lettre de la Commission du 18 décembre 1990 ne constitue pas une prise de position au sens de l'article 175. En effet, cette lettre ne contiendrait aucun élément permettant de connaître l'attitude de l'institution dont elle émane sur les actions qu'il lui était demandé de prendre.
10 Se référant à la lettre du 18 décembre 1990, parvenue au destinataire le 21 janvier 1991, la Commission estime que le recours en carence, formé le 25 janvier suivant, est irrecevable, les conditions pour son introduction n'étant pas remplies.
11 Pour examiner la recevabilité de la demande visant à faire constater la carence de la Commission, il y a lieu d'observer que l'institution défenderesse a pris position, suite à l'invitation à agir, après l'expiration du délai de deux mois, prévu à l'article 175, deuxième alinéa, du traité, mais avant l'introduction du recours. Il s'ensuit que la Commission ne s'est pas abstenue de statuer sur la demande de Echebastar et que les conditions prévues à l'article 175 du traité ne sont pas remplies.
12 La circonstance que cette prise de position de la Commission ne donne pas satisfaction à Echebastar est, à cet égard, indifférente. Il résulte, en effet, de la jurisprudence que l'article 175 du traité vise la carence par l'abstention de statuer ou de prendre position et non l'adoption d'un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité ou estimé nécessaire (voir arrêt du 24 novembre 1992, Buckl e.a., C-15-91 et C-108-91, Rec. p. I-6061, points 16 et 17).
13 Il s'ensuit que le recours est irrecevable dans la mesure où il tend à faire constater la carence de la Commission.
14 En ce qui concerne la demande tendant à ce que la Cour dise pour droit que Echebastar a droit au concours financier, il suffit de relever que, dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 175 du traité, la Cour ne saurait donner des injonctions de paiement à une institution communautaire. Par conséquent, le recours est irrecevable dans la mesure où il vise cette demande.
15 Enfin, en ce qui concerne la demande tendant à la réparation du préjudice allégué, il convient de rappeler qu'en l'espèce aucune carence ne peut être reprochée à la Commission. Le recours doit, dès lors, être rejeté dans la mesure où il vise cette demande.
16 Au vu de ces considérations, il convient de rejeter le recours d'Echebastar dans son ensemble.
Sur les dépens
17 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en son action, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (deuxième chambre)
Déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens.