CJCE, 14 janvier 1988, n° 227-85
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
Royaume de Belgique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bosco (faisant fonction)
Président de chambre :
M. Rodriguez Iglesias
Juges :
MM. Koopmans, Everling, Kakouris, Joliet, Schockweiler
Avocat général :
M. Mancini.
LA COUR,
1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 23 juillet 1985, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, quatre recours visant à faire déclarer que le Royaume de Belgique, en ne s'étant pas conforme aux arrêts de la Cour du 2 février 1982 (Commission/Royaume de Belgique, 68-81, 69-81, 70-81 et 71-81, Rec. p. 153, 163, 169 et 175, respectivement), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 171 du traité.
2. Dans les arrêts précités, la Cour a constaté qu'en n'adoptant pas dans les délais prescrits les dispositions nécessaires pour se conformer:
- à la directive 78-176 du Conseil, du 20 février 1978, relative aux déchets provenant de l'industrie du dioxyde de titane (JO L 54, p. 19),
- à la directive 75-442 du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39),
- à la directive 75-439 du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23), et
- à la directive 76-403 du Conseil, du 6 avril 1976, concernant l'élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles (JO L 108, p. 41),
Le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.
3. N'ayant reçu du Gouvernement belge aucune information sur les mesures prises pour se conformer à ces arrêts, la Commission lui a adressé, le 16 avril 1984, conformément à l'article 169 du traité CEE, quatre lettres de mise en demeure l'invitant à présenter ses observations. Ces lettres étant restées sans suite, la Commission, après avoir émis, le 21 décembre 1984, quatre avis motivés qui sont également restés sans réponse, a introduit les présents recours.
4. En ce qui concerne les antécédents du litige ainsi que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
5. La Commission fait valoir que le fait de ne pas avoir, plus de trois ans après le prononcé des arrêts du 2 février 1982, adopté les mesures nécessaires pour transposer les directives en question dans l'ordre juridique interne belge constitue un manquement à l'obligation, découlant de l'article 171 du traité CEE, de prendre les mesures que comporte l'exécution de ces arrêts.
6. Le Gouvernement belge explique ce retard par les difficultés particulières nées du transfert d'une partie importante des compétences aux nouvelles institutions régionales en Belgique créées par la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.
7. En réponse aux questions de la Cour, le Gouvernement belge a expliqué que le pouvoir national n'est que partiellement compétent pour la mise en œuvre de la directive 78-176. Lors de l'audience, l'agent du Gouvernement belge a indiqué qu'un arrêté royal concernant les déversements des eaux usées dans les eaux de surface avait été adopte le 4 août 1986 et que, dès lors, au niveau des compétences du pouvoir national, toutes les mesures nécessaires avaient été prises pour se conformer aux arrêts précités.
8. Sur le plan des régions, le Gouvernement belge a fait savoir à la Cour que la région flamande avait adopté, le 2 juillet 1981, un décret concernant la gestion des déchets et avait pris une série d'arrêtés d'exécution qui couvrent les quatre directives. Le Gouvernement belge a toutefois admis que l'application complète des directives fait encore défaut dans les régions wallonne et bruxelloise en dépit des efforts de ces deux régions pour la mise en œuvre des quatre directives.
Dans ce contexte, l'agent du Gouvernement belge a rappelé à l'audience que la législation belge ne confère pas à l'état le pouvoir de contraindre les régions à mettre en œuvre la législation communautaire ou de se substituer à elles pour procéder directement à cette mise en œuvre dans le cas d'un retard persistant de leur part.
9. Il convient de rappeler, comme la Cour l'a dit dans ses arrêts du 25 mai 1982 (Commission/Pays-Bas, 96-81 et 97-81, Rec. p. 1791 et 1819, respectivement), que chaque Etat membre est libre de répartir, comme il le juge opportun, les compétences sur le plan interne et de mettre en œuvre une directive au moyen de mesures prises par les autorités régionales ou locales. Cette répartition de compétences ne saurait cependant le dispenser de l'obligation d'assurer que les dispositions de la directive soient traduites fidèlement en droit interne.
10. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l'inobservation des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire.
11. Dans ses arrêts du 2 février 1982, précités, la Cour a constaté qu'en ne mettant pas les directives en œuvre dans les délais prescrits le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. Conformément à l'article 171 du traité, le Royaume de Belgique était tenu de prendre les mesures que comportait l'exécution des arrêts de la Cour. Cet article ne précise pas le délai dans lequel lesdites mesures doivent intervenir. Toutefois, la mise en œuvre de l'exécution d'un arrêt doit être engagée immédiatement et doit aboutir dans les délais les plus brefs, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, puisque plusieurs années se sont déjà écoulées depuis le prononcé des arrêts en question.
12. Il y a donc lieu de constater qu'en persistant, en dépit des arrêts de la Cour du 2 février 1982 (Commission/Royaume de Belgique, 68-81, 69-81, 70-81 et 71-81, Rec. p. 153, 163, 169 et 175, respectivement), a ne pas prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des directives du Conseil 78-176, du 20 février 1978, relative aux déchets provenant de l'industrie du dioxyde de titane (JO L 54, p. 19), 75-442, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), 75-439, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23), et 76-403, du 6 avril 1976, concernant l'élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles (JO L 108, p. 41), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.
13. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête:
1) En persistant, en dépit des arrêts de la Cour du 2 février 1982 (Commission/Royaume de Belgique, 68-81, 69-81, 70-81 et 71-81, Rec. p. 153, 163, 169 et 175, respectivement), a ne pas prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des directives du Conseil 78-176, du 20 février 1978, relative aux déchets provenant de l'industrie du dioxyde de titane (JO L 54, p. 19), 75-442, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), 75-439, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23), et 76-403, du 6 avril 1976, concernant l'élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphenyles (JO L 108, p. 41), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.
2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.