Livv
Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 7 avril 1995, n° 8452-93

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance Crédit (SA)

Défendeur :

Stamenkovic (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hermet

Conseillers :

M. Maron, Mme Métadieu

Avoués :

Me Bommart, SCP Lambert-Debray-Chemin

Avocats :

Mes Ghazarian, Bluysen.

TI Gonesse, du 20 déc. 1993

20 décembre 1993

Les époux Stamenkovic ont accepté le 2 décembre 1990 de la société Franfinance Crédit une offre préalable de crédit d'un montant de 40 000 F remboursable au TEG de 16,92 % l'an en 36 mensualités échelonnées à compter du 30 juillet 1991, le crédit étant destiné à l'achat de meubles.

Après cessation de règlement des mensualités, la société Franfinance Crédit a, par acte du 13 août 1992, fait citer les époux Stamenkovic devant le Tribunal d'instance de Gonesse aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer les mensualités impayées, le capital restant dû et les intérêts échus augmentés des intérêts au taux conventionnel, l'indemnité légale de résiliation, les primes d'assurance, et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les défendeurs se sont opposés à ces demandes en exposant :

- qu'ils n'avaient été livrés que très partiellement pour les meubles commandés à la société Mobiland pour un montant global de 69 000 F,

- que la valeur des meubles livrés pour un montant de 18 420 F est inférieure à la somme de 29.000 F payée comptant par eux-mêmes et versée directement à la société Mobiland,

- qu'aucun bon de livraison n'a été signé par eux et qu'ils n'ont pas donné ordre à la société Franfinance de procéder au versement de la somme de 40 000 F,

- que la société Mobiland a été déclarée en état de liquidation des biens.

Le tribunal, statuant contradictoirement le 20 janvier 1993, a :

- débouté la société Franfinance Crédit de l'intégralité de ses demandes,

- condamné cette société à payer aux époux Stamenkovic une somme de 20 000 F HT sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le tribunal a motivé sa décision en raison de l'article 4 du contrat de crédit précisant que les obligations des emprunteurs à l'égard du prêteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien.

La SA Franfinance Crédit a fait appel de cette décision.

Elle estime :

- que le moyen tiré de l'absence de livraison est irrecevable en raison de la forclusion des actions dans le délai de deux ans prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation qui reprend l'article 27 de la loi du 10 janvier 1978,

- que le délai de deux ans part du jour de la souscription du crédit et expire le 2 décembre 1992,

- que subsidiairement il court du 30 juillet 1991 pour expirer le 30 juillet 1993,

- que les prétentions des époux Stamenkovic n'ont jamais été formalisées avant cette date,

- que les époux Stamenkovic n'ont versé aucune pièce démontrant ou laissant supposer la non-conformité des meubles livrés,

- qu'il y a eu livraison du bien,

- que le contrat de crédit ne peut être résolu que sur le fondement de l'article L. 311-21 du Code de la consommation,

- qu'un tel moyen est irrecevable en raison de la forclusion déjà invoquée.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de condamner solidairement les époux Stamenkovic à lui payer la somme de 58 813,10 F avec les intérêts au taux conventionnel de 16,92 % sur la somme de 50 718,87 F à compter du 27 mars 1992,

A titre subsidiaire en cas de confirmation du jugement entrepris,

- de condamner solidairement les époux Stamenkovic à lui payer la somme de 40 000 F avec les intérêts au taux légal à compter du 3 mai 1991 et la somme de 6 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Stamenkovic, intimés, déclarent :

- qu'ils ont eu livraison seulement d'une salle à manger, d'un réfrigérateur et d'une cuisinière pour un montant total de 18 420 F,

- qu'ils n'ont jamais eu livraison de la part de la maison Mobiland mise en état de liquidation judiciaire par jugement du 9 juillet 1991, de deux chambres à coucher, d'un meuble vidéo, d'un coin-cuisine, d'une table, de chaises, de deux matelas et de deux sommiers,

- qu'ils ont annulé l'ordre de prélèvement fourni précédemment à leur organisme bancaire et ont procédé à l'acquisition des meubles manquants et nécessaires auprès d'une autre société,

- qu'ils n'ont signé aucun bon de livraison même partiel qui aurait pu permettre le déblocage des fonds directement au profit de la société de financement,

- qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 311-20 du Code de la consommation, dont les dispositions sont reprises dans l'article 4 du contrat de prêt,

- qu'il n'y a jamais eu résolution judiciaire ou annulation du contrat de vente et annulation de plein droit du contrat de crédit,

- que la société Franfinance leur oppose une pseudo forclusion.

Ils demandent en conséquence à la cour :

- de débouter la société appelante,

- de confirmer le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

- de condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 10 000 F HT en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par des conclusions postérieures, ils demandent à la cour de donner acte à la SCP Lambert-Debray-Chemin de ce qu'elle se constitue aux lieu et place de Maître Lambert.

La société Franfinance Crédit a demandé également la condamnation des époux Stamenkovic à lui payer la somme de 2 000 F HT à titre de dommages et intérêts et a réduit à 2 000 F HT les sommes demandées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que l'article 4 du contrat de crédit reprenant les termes de l'article L. 311-20 du Code de la consommation et de l'article 9 alinéa 1 de la loi du 10 janvier 1978 rappelle que les obligations de l'emprunteur à l'égard du prêteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison de la chose ;

Que contrairement aux dires de la société de crédit les époux Stamenkovic n'ont ni demandé, ni obtenu la résiliation ou l'annulation du contrat de crédit ;

Qu'ils ont opposé seulement un moyen de défense contre l'action en paiement de la société Franfinance, en invoquant l'article 4 du contrat de prêt ;

Que la forclusion de deux ans concerne seulement les actions engagées dans les litiges relevant de la loi du 10 janvier 1978 et ne peut être invoquée par conséquent par la société appelante ;

Que son moyen d'irrecevabilité doit être rejeté ;

Considérant que l'article 9 de la loi du 10 janvier 1978 d'ordre public applicable au cas d'espèce, précise qu'en cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, les obligations de l'emprunteur prennent effet à compter du début de la livraison et cessent en cas d'interruption de celle-ci ;

Que les époux Stamenkovic qui invoquent l'absence d'effet du contrat de prêt, reconnaissent qu'il y a eu livraison partielle des meubles commandés mais ne rapportent pas la preuve que des meubles restaient encore à être livrés, la liste de ces meubles n'étant pas fournie par la production du contrat de crédit qui mentionne seulement le nom du vendeur, le prix des achats soit 68 000 F et le versement comptant, soit 28 000 F ;

Que les époux Stamenkovic n'ont fourni aux débats aucun document relatif à la liste des meubles achetés à la société Mobiland et aux conditions de vente et de livraison des marchandises, ce qui ne permet pas de vérifier leurs affirmations ;

Qu'ils ont produit seulement une facture émanant d'un centre de diffusion des grandes marques et deux factures pro-forma ou devis de la maison Conforama datées respectivement du 7 décembre 1991 et du 28 janvier 1992, soit à des dates postérieures de plus d'un an à compter de l'offre de crédit ;

Que ces pièces tardives et qui ne proviennent pas de la société Mobiland ne peuvent valoir preuve de la livraison partielle invoquée par les emprunteurs ;

Considérant que les époux Stamenkovic ne peuvent ainsi se prévaloir de l'article 4 du contrat de crédit ou de l'article 9 alinéa 1 de la loi du 10 janvier 1978 pour s'opposer à l'exécution du contrat de financement auquel ils ont souscrit ;

Qu'il ne peut être reproché à la société Franfinance d'avoir versé directement les fonds au vendeur même si elle ne produit pas aux débats de bon de livraison signé par les emprunteurs, une telle exigence n'ayant pas été prévue dans les clauses du contrat de crédit ;

Considérant que les époux Stamenkovic seront condamnés à payer le solde du crédit qu'ils ont sollicité ;

Considérant cependant que la société Franfinance Crédit n'a pas fourni toutes les pièces et les informations nécessaires à l'établissement de ce solde conformément aux exigences de l'article 20 de la loi du 1er octobre 1978 et ne met pas ainsi la cour en état de statuer sur le quantum de la créance de la société appelante ;

Qu'il doit être sursis à statuer sur ce chef de demande et sur celui fondé sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Donne acte à la SCP Lambert-Debray-Chemin de ce qu'elle se constitue aux lieu et place de Maître Lambert, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Dit que les époux Stamenkovic sont tenus d'exécuter leurs obligations d'emprunteur à l'égard de la société Franfinance Crédit en exécution de l'offre de crédit acceptée par eux le 2 décembre 1990, Les déboute de leurs prétentions contraires, Et avant-dire droit sur les autres demandes, Invite la société Franfinance Crédit à produire aux débats un décompte de l'ouverture de crédit, faisant apparaître conformément à la loi du 10 janvier 1978 : la date de la déchéance du terme, le capital restant dû à cette date, les intérêts échus et non payés à cette date, l'indemnité légale calculée sur le capital restant dû et le montant des échéances impayées, à la même date. Renvoie la cause devant le conseiller de la mise en état. Réserve les dépens.