CJCE, 14 mars 1990, n° C-156/87
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gestetner Holdings PLC, Mita Industrial Co. Ltd
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Royaume d'Espagne, Committee of European Copier Manufacturers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
Sir Gordon Slynn, MM. Schockweiler, Zuleeg
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
MM. Koopmans, Mancini, Joliet, O'Higgins, Moitinho de Almeida, Rodríguez Iglesias, Grévisse
Avocats :
Mes Lasok, Fergus Randolph, Bellis, Hans-Juergen Rabe, Schuette, Dietrich Ehle, Volker Schiller
LA COUR,
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 mai 1987, la société Gestetner Holdings PLC, ayant son siège à Londres (ci-après "Gestetner") a, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation de la décision par laquelle la Commission a rejeté l'engagement offert par Gestetner dans le cadre de la procédure antidumping relative à l'importation de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (ci-après "décision attaquée") et du règlement (CEE) n° 535-87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon (JO L 54, p. 12, ci-après "règlement attaqué").
2 En ce qui concerne le règlement attaqué, le recours tend, à titre principal, à son annulation dans son ensemble et, à titre subsidiaire, à son annulation dans la mesure où il frappe les photocopieurs à papier ordinaire (ci-après "PPC ") fabriqués par Mita Industrial Company Limited (ci-après "Mita ") d'un droit antidumping de 12,6 %.
3 Gestetner est un Original equipment manufacturer (ci-après "OEM "), c'est-à-dire le fournisseur sous sa propre marque de produits fabriqués par d'autres entreprises. En effet, elle achète au Japon des PPC auprès de Mita, fabricant japonais, pour les vendre sous la marque Gestetner dans la Communauté et dans de nombreux pays tiers.
4 En juillet 1985, Mita a fait l'objet, avec d'autres producteurs japonais, d'une plainte déposée auprès de la Commission par le Comité des fabricants européens d'appareils de copie, qui l'accusait de vendre ses produits dans la Communauté à des prix de dumping.
5 La procédure antidumping engagée par la Commission, sur la base du règlement (CEE) n° 2176-84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre des importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1), a conduit d'abord à imposer à Mita un droit antidumping provisoire de 13,7 %. Par le règlement attaqué, pris sur proposition de la Commission, le Conseil a ensuite fixé le droit antidumping définitif à 12,6 %.
6 Pour un plus ample exposé du cadre réglementaire et des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la recevabilité
Sur les conclusions du recours tendant à l'annulation du rejet par la Commission de l'engagement offert par Gestetner
7 Ainsi que la Cour l'a relevé dans l'ordonnance du 11 novembre 1987, Nashua/Conseil et Commission, point 6 (150-87, Rec. p. 4421), le rôle de la Commission s'intègre dans le cadre du processus de décision du Conseil. Il résulte, en effet, des dispositions du règlement n° 2176-84 du Conseil que la Commission a la charge de mener des enquêtes et de décider sur la base de celles-ci, de clôturer la procédure ou, au contraire, de la poursuivre en adoptant des mesures provisoires et en proposant au Conseil l'adoption de mesures définitives. C'est cependant au Conseil qu'il appartient de se prononcer définitivement. En effet, il peut s'abstenir de toute décision s'il est en désaccord avec la Commission ou, au contraire, prendre une décision sur la base des propositions de celle-ci.
8 Le rejet par la Commission d'une proposition d'engagement n'est pas une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, étant donné que la Commission peut revenir sur sa décision ou que le Conseil peut décider de ne pas instituer un droit antidumping. Un tel rejet est une mesure intermédiaire dont l'objectif est de préparer la décision finale et ne constitue donc pas un acte attaquable.
9 Or, ainsi qu'il ressort des arrêts du 7 mai 1987, Toyo Bearing/Conseil (240-84, Rec. p. 1809, Nachi Fujikoshi/Conseil (255-84, Rec. p. 1861) et Koyo Seiko/Conseil (256-84, Rec. p. 1899), c'est en attaquant le règlement instituant des droits antidumping définitifs que les opérateurs économiques peuvent, le cas échéant, faire valoir toute irrégularité relative au rejet de leurs propositions d'engagement.
10 Il résulte de ce qui précède que les conclusions du recours tendant à l'annulation de la décision attaquée sont irrecevables.
Sur les conclusions du recours tendant à l'annulation du règlement n° 535-87
11 Le Conseil estime que le recours est irrecevable dans la mesure où il vise l'annulation du règlement attaqué dans son ensemble. Il fait valoir que Gestetner ne peut être concernée directement et individuellement par les dispositions du règlement attaqué, qui imposent des droits antidumping spécifiques sur les importations de produits fabriqués par des entreprises exportatrices avec lesquelles elle n'a aucun lien. Selon le Conseil, les seules dispositions qui peuvent affecter Gestetner individuellement sont celles qui concernent les importations des produits fabriqués par Mita.
12 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, et notamment l'arrêt du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil, point 7 (258-84, Rec. p. 1923), un règlement imposant des droits antidumping différents à une série d'opérateurs économiques ne concerne individuellement l'un d'entre eux que par ses seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non pas par celles qui imposent des droits antidumping à d'autres sociétés.
13 Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter comme irrecevables les conclusions principales du recours tendant à l'annulation du règlement attaqué dans son ensemble.
14 En ce qui concerne les conclusions subsidiaires du recours tendant à l'annulation du règlement attaqué, dans la mesure où il frappe les PPC fabriqués par Mita d'un droit antidumping de 12,6 %, le Conseil soutient que Gestetner n'est pas directement et individuellement concernée par les dispositions correspondantes de ce règlement.
15 A cet égard, le Conseil fait valoir, en premier lieu, que Gestetner est un importateur indépendant de PPC fabriqués par Mita, dont le prix de revente n'a pas été pris en compte par les institutions pour établir le prix à l'exportation, seul cas où, selon la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de reconnaître à l'importateur en question la qualité pour agir en annulation à l'encontre d'un règlement instituant des droits antidumping définitifs.
16 Le Conseil fait valoir, en second lieu, que, pour la construction de la valeur normale des produits en cause, les institutions ont fixé la marge bénéficiaire de l'exportateur à 5 %, sur la base de données provenant exclusivement de Mita, producteur-exportateur, et non pas de Gestetner.
17 Il convient de rappeler, tout d'abord, que les règlements instituant un droit antidumping ont, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques. Toutefois, il n'est pas exclu que certaines dispositions de ces règlements concernent directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause, auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation I, points 11 et 12, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, et du 23 mai 1985, Allied Corporation II, point 4, 53-83, Rec. p. 1621).
18 Il en est de même pour ceux des importateurs dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l'exportation et qui sont dès lors concernés par les constatations relatives à l'existence d'une pratique de dumping (voir arrêts du 29 mars 1979, ISO, point 15, 118-77, Rec. p. 1277, et du 21 février 1984, Allied Corporation I, point 15, précité).
19 Il y a donc lieu d'examiner si, en l'espèce, Gestetner a été concernée par les constatations relatives à l'existence de la pratique de dumping incriminée.
20 Il y a lieu de relever, à cet égard, que c'est en fonction des particularités des ventes de Mita aux OEM et, notamment, des différences de frais encourus par Mita pour les ventes aux OEM, par rapport aux frais encourus par Mita pour les ventes de PPC sous sa propre marque, que le Conseil a jugé approprié de fixer, dans le cadre de la construction de la valeur normale, la marge bénéficiaire des exportateurs à 5 %, c'est-à-dire à un taux inférieur à celui de la marge bénéficiaire moyenne, estimée à 14,6 %.
21 Sur la base de la valeur normale ainsi construite pour les ventes de Mita aux OEM, les institutions ont abouti à une marge de dumping inférieure à celle déterminée pour les ventes de PPC commercialisés sous la propre marque de Mita, et cette marge de dumping ainsi que celles établies pour toutes les filières de ventes de Mita ont été prises en compte pour le calcul d'une marge de dumping pondérée sur la base de laquelle le droit antidumping a été fixé.
22 Il est vrai que la marge bénéficiaire de 5 % a été appliquée sans distinction entre les différents opérateurs économiques concernés lors de la construction de la valeur normale des PPC. Toutefois, les opérateurs économiques en question, dont le nombre est restreint, ont été identifiés par les institutions, et c'est précisément pour tenir compte des particularités de leurs relations commerciales avec les producteurs que le taux de la marge bénéficiaire retenue a été fixé à 5 %.
23 Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de qualifier la requérante comme importateur ou exportateur, et compte tenu de ses relations commerciales avec Mita, Gestetner est concernée par les constatations relatives à l'existence de la pratique de dumping incriminée et que, dès lors, elle est concernée directement et individuellement par les dispositions du règlement litigieux, relatives aux pratiques de dumping de Mita.
24 Les conclusions subsidiaires du recours, tendant à l'annulation du règlement n° 535-87, dans la mesure où celui-ci frappe les PPC fabriqués par Mita d'un droit antidumping de 12,6 %, sont dès lors recevables.
Sur le fond
25 A l'appui de sa demande, Gestetner invoque cinq moyens tirés respectivement : 1) du calcul erroné du prix à l'exportation; 2) de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation; 3) de la définition erronée de la production de la Communauté; 4) de l'appréciation erronée des intérêts de la Communauté; 5) de l'insuffisance de motivation du rejet des propositions d'engagement formulées par Gestetner.
Sur le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation
26 Gestetner soutient que, compte tenu de son indépendance par rapport à Mita, le Conseil aurait dû retenir comme prix à l'exportation, conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous a), le prix qu'elle a payé à Mita par l'intermédiaire de Mita Europe, et non pas tenir compte de ce prix pour construire le prix à l'exportation conformément à l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84.
27 Il y a lieu de relever, à cet égard, que les PPC produits par Mita sont vendus par l'intermédiaire de Mita Europe, qui traite les commandes des clients concernés, leur envoie les factures et reçoit les paiements correspondants. Or, le prix payé par les acheteurs à Mita Europe ne coïncide pas avec le prix facturé par Mita Japon à Mita Europe.
28 Le Conseil a, dès lors, décidé de construire le prix à l'exportation sur la base du prix facturé par Mita Europe à Gestetner, en procédant aux ajustements prévus par le règlement n° 2176-84, c'est-à-dire en déduisant de ce prix une marge raisonnable pour les frais généraux et les bénéfices, estimée à 5 %.
29 En procédant de cette manière, le Conseil a appliqué correctement l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 2176-84, aux termes duquel :
"Lorsqu'il n'y a pas de prix à l'exportation ou lorsqu'il apparaît qu'il existe une association ou un arrangement de compensation entre l'exportateur et l'importateur ou un tiers, ou que, pour d'autres raisons, le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté ne peut servir de référence, le prix à l'exportation peut être construit sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si le produit n'est pas revendu à un acheteur indépendant ou n'est pas revendu dans l'état où il a été importé, sur toute base raisonnable. Dans ces cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente, y compris tous les droits et taxes, ainsi que d'une marge bénéficiaire raisonnable."
30 Il résulte, en effet, de cette disposition que le prix à l'exportation doit être construit lorsque, pour une raison quelconque, le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté ne peut pas servir de référence.
31 En l'espèce, ni le prix payé par Mita Europe à Mita Japon ni le prix payé par Gestetner à Mita Europe ne pouvaient servir de référence, compte tenu respectivement de l'association existant entre le fabricant exportateur et sa filiale et de l'activité déployée par celle-ci pour les ventes. En effet, les frais inhérents à une telle activité réduisent effectivement le montant perçu par le fabricant-exportateur, dans la mesure où ils sont normalement supportés par l'importateur.
32 Il est vrai que, dans sa partie finale, l'article 2, paragraphe 8, sous b), ne mentionne que les ajustements nécessaires pour tenir compte de tous frais intervenus entre l'importation et la revente et que, d'une part, l'activité déployée par Mita Europe est antérieure à l'importation et, d'autre part, si l'on admet que Mita Europe revend les PPC à Gestetner, cette revente a lieu avant l'importation.
33 Il convient, toutefois, de relever que les ajustements mentionnés sont ceux inhérents à la construction du prix à l'exportation dans les cas les plus fréquents d'association ou d'arrangement de compensation conclu entre l'exportateur et l'importateur ou un tiers. L'article 2, paragraphe 8, sous b), n'exclut pas pour autant les ajustements exigés lorsque, pour d'autres raisons, le prix à l'exportation doit être construit.
34 Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre qu'il convenait de construire le prix à l'exportation sur la base du prix payé par le premier acheteur indépendant en ajustant ce prix en fonction des frais et bénéfices inhérents au rôle de Mita Europe.
35 Il ne résulte ni des pièces du dossier ni des débats menés devant la Cour que cette déduction ait été excessive. Dès lors, le moyen tiré du calcul erroné du prix à l'exportation doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation
36 Gestetner soutient que la différence de stade commercial entre, d'une part, les produits vendus par Mita à Gestetner et, d'autre part, ceux vendus par Mita aux distributeurs et détaillants au Japon, exigeait, conformément à l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 2176-84, des ajustements auxquels les institutions n'ont pas procédé. En effet, dans les ventes destinées au marché japonais, Mita supporterait des coûts que supportent les OEM dans les ventes des produits qui leur sont destinés, à savoir notamment des coûts de publicité, de promotion ainsi que les frais correspondant à l'emploi du personnel de vente.
37 A cet égard, il convient de relever, tout d'abord, qu'il ressort du dossier que les institutions ont pris en considération la différence entre les coûts et les bénéfices réalisés dans le cadre des ventes aux OEM et ceux correspondant aux autres ventes. C'est en effet dans ce but et compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elles se sont trouvées d'évaluer cette différence avec précision que, dans le cadre de la construction de la valeur normale, elles ont fixé la marge bénéficiaire à 5 %, et non pas au taux moyen de celle-ci, estimé à 14,6 %.
38 Il y a lieu de relever, ensuite, que c'est à la partie qui demande l'ajustement visé à l'article 2, paragraphe 10, premier alinéa, du règlement n° 2176-84, qu'il incombe de prouver la nécessité de l'ajustement et que, conformément au deuxième alinéa, sous c), de l'article précité, les ajustements au titre des différences de stade commercial ne peuvent être effectués que pour autant que ces différences n'ont pas été prises en considération autrement. Enfin, cette disposition prévoit que, en règle générale, aucun ajustement n'est effectué pour des différences constatées dans les frais administratifs et généraux, y compris les frais de recherche et de développement ou de publicité.
39 Gestetner n'a pas apporté la preuve de ce que l'ajustement effectué ne permettait pas de couvrir les différences alléguées. Elle n'a pas davantage démontré que les différences de stade commercial n'avaient pas été prises en compte dans le cadre des autres ajustements opérés en fonction des différences dans les conditions de vente ou qu'une circonstance particulière justifiait la prise en compte de frais administratifs et généraux.
40 Le moyen tiré de la comparaison erronée entre la valeur normale et le prix à l'exportation doit dès lors être rejeté.
Sur le moyen tiré de la définition erronée de la production de la Communauté
41 Gestetner fait valoir, tout d'abord, que les institutions se sont écartées de leur pratique antérieure selon laquelle, lorsqu'un producteur a des liens avec les exportateurs ou les importateurs ou est lui-même importateur du produit qui est présumé faire l'objet d'un dumping ou de subventions, il doit automatiquement être exclu de l'ensemble des producteurs formant la "production de la Communauté", au sens de l'article 4, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84.
42 Il convient de relever, à cet égard, que, aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84, "il n'est déterminé de préjudice que si les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions causent un préjudice, c'est-à-dire causent ou menacent de causer, par les effets du dumping ou de la subvention, un préjudice important à une production établie de la Communauté ou retardent sensiblement l'établissement de cette production ...". En vertu du paragraphe 5 du même article, il y a lieu d'entendre par production de la Communauté l'"ensemble des producteurs communautaires de produits similaires ou de ceux d'entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production communautaire totale de ces produits; toutefois :
- lorsque les producteurs ont des liens avec les exportateurs ou les importateurs ou sont eux-mêmes importateurs du produit qui est présumé faire l'objet d'un dumping ou de subventions, l'expression " production de la Communauté " peut être interprétée comme se référant au reste des producteurs ...".
43 Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux institutions, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, d'examiner si elles doivent exclure de la production communautaire les producteurs ayant des liens avec les exportateurs ou les importateurs ou qui sont eux-mêmes importateurs du produit faisant l'objet d'un dumping. Ce pouvoir d'appréciation doit être exercé cas par cas, en fonction de tous les faits pertinents.
44 Or, il y a lieu de constater que selon les pièces du dossier et les débats menés devant la Cour c'est dans l'exercice d'un tel pouvoir d'appréciation que, dans chaque cas mentionné par la requérante, un producteur communautaire a été exclu de la production de la Communauté. La pratique des institutions invoquée par Gestetner est donc inexistante.
45 Gestetner fait valoir ensuite que, même si l'on admet que les institutions ne doivent pas exclure certains producteurs de la production communautaire dès lors qu'elles constatent de tels liens, l'exclusion d'Olivetti, d'Océ et de Tetras, d'une part, et de Rank Xerox, d'autre part, aurait été justifiée en l'espèce.
46 En ce qui concerne Olivetti et Océ, Gestetner observe que l'importation de PPC originaires du Japon correspondait à une stratégie de leur part, visant à renforcer leur position sur le marché et à augmenter leurs bénéfices. Or, étant donné la part importante que représentent les ventes et locations, dans la CEE, des PPC importés par ces deux entreprises par rapport au total de leurs ventes, l'inclusion de celles-ci dans la définition de la "production de la Communauté" aboutirait à vider l'exception visée à l'article 4, paragraphe 5, du règlement n° 2176-84 de toute signification réelle. En ce qui concerne Tetras, Gestetner rappelle que Canon participe au capital de cette entreprise à raison de 19 %, avec une option d'achat de 30 %.
47 A cet égard, il convient de relever que, selon les institutions, Olivetti et Océ importaient des PPC en provenance du Japon, afin de pouvoir offrir à leurs clients une gamme complète de modèles. Les PPC, relevant des segments 1 et 2, étaient vendus à des prix supérieurs à ceux de leurs fournisseurs et représentaient entre 35 et 40 % des ventes et locations de ces nouveaux appareils sur le marché, au cours de la période comprise entre 1981 et juillet 1985. Les tentatives de ces deux producteurs visant ainsi à mettre au point et à lancer sur le marché une gamme complète de modèles ont cependant échoué du fait de la dépression des prix du marché imposés par les importations japonaises.
48 Dans ces circonstances, dont l'exactitude n'a été infirmée ni par les pièces du dossier ni par les débats menés devant la Cour, il y a lieu de considérer que, par leurs importations, les producteurs susmentionnés ne se sont pas causé de préjudice à eux-mêmes en provoquant la diminution d'utilisation de leurs capacités productrices, la baisse de leurs propres prix ou l'abandon de projets tendant à l'augmentation de la production ou à la production de nouveaux produits.
49 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, en incluant Olivetti et Océ dans la production communautaire, les institutions n'ont pas excédé la marge d'appréciation qui leur est reconnue.
50 En ce qui concerne Tetras, il suffit de constater que, comme l'indiquent les points 81 et 107 des considérants du règlement attaqué, ce producteur n'a été pris en considération ni pour l'évaluation du préjudice ni pour la fixation du taux du droit antidumping.
51 Selon Gestetner, Rank Xerox n'aurait pas d'avantage dû être considérée comme producteur communautaire. A cet égard, elle rappelle, tout d'abord, que Rank Xerox participe au capital de Fuji Xerox, société japonaise, à raison de 50 % et que ces deux sociétés sont sous le contrôle de Xerox Corporation (USA). Par conséquent, les décisions commerciales de Rank Xerox seraient prises dans le cadre d'une stratégie commerciale du groupe, élaborée pour le monde entier.
52 Gestetner fait valoir ensuite que, dans les segments 1 à 2, Rank Xerox se limite pratiquement à assembler les composants importés du Japon, la valeur ajoutée dans la Communauté n'atteignant 20 % que si les frais de main-d'œuvre sont inclus et 35 % que si les bénéfices de l'usine sont également inclus. La valeur ajoutée mentionnée par les institutions ne serait qu'une moyenne pondérée pour tous les photocopieurs Rank Xerox des segments 1 à 4. Cette dépendance de Rank Xerox par rapport aux importations de PPC japonais ne permettrait pas de mettre celle-ci au nombre des producteurs formant la "production de la Communauté".
53 Gestetner ajoute que la décision de Rank Xerox d'acheter des photocopieurs à faible capacité à Fuji Xerox ne serait pas justifiée par un souci d'autodéfense. Il s'agirait d'une décision de gestion ainsi que le Conseil l'aurait lui-même reconnu au point 64 des considérants du règlement attaqué.
54 Gestetner invoque, enfin, le préjudice que cause Rank Xerox aux autres producteurs communautaires, en revendant les PPC fournis par Fuji Xerox à des prix de dumping, préjudice d'ailleurs admis par le Conseil au point 63 des considérants du règlement attaqué.
55 Sur la base de ces différents arguments, Gestetner soutient que, en incluant les entreprises susmentionnées dans la production communautaire pour déterminer le préjudice causé à celle-ci par la pratique de dumping alléguée, les institutions auraient violé l'article 4, paragraphes 1 et 5, du règlement n° 2176-84. Elle ajoute que l'institution de droits antidumping était d'autant moins justifiée que les autres producteurs ne pouvaient être considérés comme représentant "une proportion majeure de la production communautaire", au sens du paragraphe 5 de l'article 4, et que, dès lors, aucun préjudice pour leur production n'aurait pu être constaté.
56 Pour apprécier si en l'espèce l'ensemble des faits pertinents exigeait l'exclusion de Rank Xerox de la production communautaire, il convient de relever, en premier lieu, qu'en ce qui concerne la valeur ajoutée des PPC fabriqués par Rank Xerox dans la Communauté celle-ci était, pendant la période de référence, de 50 % pour les PPC des segments 1 à 4. Il est vrai que pour les PPC à faible capacité fabriqués au Royaume-Uni cette valeur était bien inférieure. Toutefois, ainsi que le Conseil l'a observé à juste titre au point 58 des considérants du règlement attaqué, "puisque le produit similaire a été défini dans le cadre de la présente procédure comme toute la gamme des photocopieurs, allant des photocopieurs personnels aux appareils classés dans le segment 5 de Dataquest, il serait peu approprié d'analyser si un producteur communautaire devrait appartenir à la production de la Communauté en se fondant sur un seul modèle ou une gamme limitée de modèles ".
57 Il convient de relever, en second lieu, que, en ce qui concerne l'importation de PPC provenant du Japon et fournis par Fuji Xerox, les institutions ont considéré que Rank Xerox n'avait pas apporté la preuve de ce qu'elle avait été conduite à acheter les appareils pour des raisons d'autoprotection. Il s'agirait, selon des renseignements obtenus, d'une décision de gestion prise dans le cadre du groupe Xerox. Toutefois, le volume de ces importations a été minime par rapport à toute la gamme de PPC produits par Rank Xerox dans la Communauté, ainsi que par rapport à l'ensemble du marché communautaire (1 %), et les prix de revente ont été identiques à ceux des appareils correspondants produits par Rank Xerox.
58 Il convient de relever, en outre, que, s'il est vrai que, en revendant les PPC importés du Japon à des prix de dumping, inférieurs à ceux des autres producteurs communautaires, Rank Xerox a causé un préjudice à ces derniers, elle ne devait pas être exclue pour autant du nombre des producteurs communautaires et privée par là même de la protection qu'offre la réglementation communautaire par rapport au préjudice que, pour sa part, elle aurait subi.
59 Il convient de relever enfin que, selon le Conseil, Rank Xerox s'était engagée à fabriquer elle-même, ou à se procurer auprès d'autres producteurs communautaires, des composants destinés à remplacer ceux en provenance du Japon. Or, la réalisation de cet engagement se serait trouvée sévèrement compromise en l'absence de mesures antidumping.
60 Il est vrai que Rank Xerox détient 50 % du capital de son fournisseur japonais, Fuji Xerox. Toutefois, compte tenu de l'ensemble des circonstances énoncées ci-dessus, dont l'exactitude n'a été infirmée ni par les pièces du dossier ni par les débats menés devant la Cour, il y a lieu de conclure qu'en incluant Rank Xerox dans la production communautaire les institutions n'ont pas excédé la marge d'appréciation qui leur est reconnue.
61 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la définition erronée de la production de la Communauté doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'appréciation erronée des intérêts de la Communauté
62 Gestetner soutient que, vu la structure du marché et notamment son degré de concentration, les intérêts de la Communauté ne nécessitaient pas l'institution de droits antidumping. Elle ajoute que l'imposition de ces droits aurait renforcé la position dominante occupée par Rank Xerox et limité la concurrence, et que l'évolution du marché qui s'en est suivie aurait été défavorable aux consommateurs. Elle en conclut que, en instituant les droits antidumping, les institutions auraient violé l'article 12, paragraphe 1, du règlement n° 2176-84.
63 Il convient de relever que la question de savoir si les intérêts de la Communauté nécessitent une action communautaire suppose l'appréciation de situations économiques complexes. Or, comme la Cour l'a jugé notamment dans son arrêt du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil, point 21 (255-84, Rec. p. 1861), le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.
64 Il y a lieu d'observer, à cet égard, que selon les institutions, en l'absence de droits antidumping, il serait douteux qu'une production communautaire indépendante de PPC puisse continuer alors que celle-ci est nécessaire au maintien et au développement des techniques requises pour la fabrication des produits de reprographie ainsi qu'au maintien d'un grand nombre de postes de travail. Cette crainte était basée notamment sur le rachat, au cours de l'enquête, de l'entreprise de l'un des producteurs communautaires par un fabricant japonais. Les institutions ont également considéré que cette nécessité de protection de l'industrie communautaire était plus importante que la protection des intérêts immédiats des consommateurs.
65 Une telle nécessité justifie également l'éventuel renforcement de la position sur le marché de l'un des producteurs communautaires en conséquence de l'institution des droits antidumping, d'autant plus que les institutions n'avaient pas de raisons pour craindre des abus. Il convient de relever que, depuis l'institution de ces droits, aucun des six fabricants japonais qui occupaient une part du marché communautaire ne s'est retiré de ce marché.
66 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en considérant que les intérêts de la Communauté exigeaient l'institution de droits antidumping, les institutions n'ont pas commis une erreur manifeste d'appréciation.
67 Dès lors, le moyen tiré de l'appréciation erronée des intérêts de la Communauté doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation du rejet des propositions d'engagement de la part de Gestetner
68 Gestetner soutient que la motivation du rejet de ses propositions d'engagement est insuffisante et donc non conforme aux exigences de l'article 190 du traité. La Commission se serait bornée à invoquer sa pratique traditionnelle de ne pas accepter des engagements de la part d'importateurs (point 100 des considérants du règlement attaqué), sans expliquer les raisons de cette pratique et les modalités de son application en l'espèce et alors que la requérante aurait dû être considérée comme un exportateur.
69 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante (voir notamment arrêt du 26 juin 1986, Nicolet Instrument, point 10, 203-85, Rec. p. 2049), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une manière claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de défendre leurs droits, et à la Cour d'exercer son contrôle.
70 Cette exigence a été satisfaite en l'espèce. La pratique de la Commission de ne pas accepter des engagements de la part des importateurs, étayée par le Conseil au point 100 des considérants du règlement attaqué, est fondée tout à la fois sur les règles du code antidumping du GATT, dont l'article 7 ne prévoit que l'acceptation d'engagements de la part des exportateurs, et sur l'article 10 du règlement n° 2176-84. Il est vrai que cette dernière disposition n'exclut pas la possibilité pour la Commission d'accepter l'engagement offert par un importateur, mais il résulte des termes de celle-ci qu'une telle acceptation doit être exceptionnelle. En effet, les paragraphes 4 et 6, relatifs à la poursuite de l'enquête après acceptation des engagements et l'institution de droits antidumping après la dénonciation d'un engagement ou la constatation de sa violation, ne mentionnent que les exportateurs, c'est-à-dire ceux des opérateurs économiques dont les engagements peuvent en principe être acceptés.
71 Ce régime est justifié par deux ordres de raisons. D'une part, l'acceptation de l'engagement offert par un importateur aurait pour conséquence d'encourager celui-ci à continuer à s'approvisionner en dehors de la Communauté à des prix de dumping. D'autre part, les autres importateurs devraient être traités de la même manière, ce qui, étant donné le grand nombre de sociétés concernées, rendrait le contrôle du respect des engagements extrêmement difficile.
72 Il convient d'observer que la question de savoir si Gestetner est l'exportateur physique des PPC ou l'importateur n'a aucune importance. Étant donné, en effet, que les PPC sont achetés en vue de leur importation dans la Communauté et que, dès lors, les raisons qui justifient la non-acceptation des engagements offerts par les importateurs s'appliquent, Gestetner ne pouvait être considérée comme exportateur à cette fin (point 100 des considérants, quatrième alinéa, du règlement attaqué).
73 Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du rejet des propositions d'engagement formulées par Gestetner doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
74 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes qui ont conclu en ce sens. La société Mita, intervenue à l'appui de la partie requérante, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante supportera les dépens y compris ceux exposés par les parties intervenantes. Mita supportera ses propres dépens.