CJCE, 5e ch., 7 mai 1987, n° 258-84
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Nippon Seiko KK
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes, Federation of European Bearing Manufacturers'Associations
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Galmot
Avocat général :
M. Mancini
Juges :
MM. Schockweiler, Everling, Joliet, Moitinho de Almeida
Avocats :
Mes Ehle, Feldmann, Schiller, Nehm, Sharpston, Griffith
LA COUR (CINQUIEME CHAMBRE),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 décembre 1984, la société Nippon Seiko KK, Tokyo, Japon (ci-après "NSK "), a introduit, au titre de l'article 173 du traité, un recours tendant à l'annulation du règlement n° 2089-84 du Conseil, du 19 juillet 1984, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de roulements à billes, dont le plus grand diamètre extérieur n'excède pas 30 mm, originaires du Japon et de Singapour (JO L 193, p. 1).
2. Par le règlement n° 744-84, du 19 mars 1984 (JO L 79, p. 8), la Commission avait institué un droit antidumping provisoire sur les importations de ces microroulements à billes originaires du Japon et de Singapour.
3. Le recours tend, a titre principal, à l'annulation du règlement n° 2089-84 dans son ensemble et, a titre subsidiaire, à l'annulation de ce règlement dans la mesure seulement ou il vise la société requérante, à savoir à l'annulation de l'article 1er en tant qu'il fixe a 14,71 % le droit antidumping définitif sur les microroulements à billes fabriqués et exportés par la requérante et à l'annulation de l'article 2 de ce règlement en tant qu'il prescrit que les montants prélevés au titre du droit antidumping provisoire, applicable a NSK, sont perçus à titre définitif.
4. En ce qui concerne le cadre réglementaire et les faits du litige, de même que les moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la recevabilité
5. Le Conseil estime que le recours n'est recevable que pour autant qu'il vise le droit antidumping impose à la requérante. Le Conseil fait valoir que l'acte attaqué est un règlement dont, par conséquent, seules les dispositions qui concernent directement et individuellement la requérante peuvent faire l'objet d'un recours en annulation.
6. Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante établie notamment par l'arrêt du 21 février 1984 (Allied Corporation et autres/Commission, 239 et 275-82, Rec. p. 1005), les actes portant institution de droits antidumping en application du règlement n° 3017-79 du Conseil, du 20 décembre 1979, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 339, p. 1), sont de nature a concerner directement et individuellement au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires. Le Conseil ne conteste pas que le règlement attaqué soit de nature à concerner directement et individuellement NSK, qui y est nommément désignée.
7. Il convient cependant de préciser que le règlement attaqué n'édicte pas des règles générales applicables à un ensemble d'opérateurs économiques indistinctement concernes, mais impose des droits antidumping différents à une série de sociétés fabricantes ou exportatrices de microroulements à billes, installées au Japon et à Singapour, qui sont nommément désignées, de même qu'aux autres sociétés, non désignées, se livrant aux mêmes activités dans ces mêmes pays. Il faut admettre, dans ces conditions, que NSK est individuellement concernée par les seules dispositions du règlement attaqué qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non pas par celles qui imposent des droits antidumping a d'autres sociétés.
8. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir présentée par le Conseil doit être accueillie et que les conclusions principales du recours tendant à l'annulation du règlement n° 2089-84 dans son ensemble doivent être rejetées. Il y a lieu, par contre, d'examiner au fond les conclusions subsidiaires qui tendent à l'annulation du règlement attaqué dans celles de ses dispositions qui concernent exclusivement NSK.
Sur le fond
9. La requérante invoque plusieurs moyens, qui, eu égard aux différents arguments présentés, doivent être regroupés comme suit :
- plusieurs moyens sont relatifs à l'illégalité de la méthode de calcul de la marge de dumping. A cet égard, la requérante invoque :
- le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation;
- le caractère inéquitable de la méthode transaction par transaction retenue pour calculer le prix à l'exportation;
- la motivation insuffisante du choix de cette méthode;
- l'adoption de cette méthode nouvelle en violation des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de bonne administration;
- l'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet;
- un moyen est tire de l'illégalité du refus de prendre en compte les engagements proposes ou, a tout le moins, les augmentations de prix décidées par NSK;
- un moyen est tire de la motivation insuffisante du niveau de préjudice prétendument subi par l'industrie communautaire et estime égal à la marge de dumping constatée;
- un moyen est tire de ce que le règlement attaqué autoriserait la perception définitive du droit antidumping provisoire sans tenir compte du fait que le droit définitif est inférieur au montant du droit provisoire.
I - Sur les moyens tirés de l'illégalité de la méthode de calcul de la marge de dumping
10. Afin de préciser la portée des moyens et arguments invoqués à cet égard par la requérante, il convient de rappeler tout d'abord que, en vertu de l'article 2, paragraphes 2 et 3, sous a), du règlement n° 3017-79 du Conseil, un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la communauté est inférieur à la valeur normale d'un produit similaire, c'est-à-dire au prix payé, au cours d'opérations commerciales normales, pour ce produit destiné à la consommation dans le pays d'exportation. Ainsi que le précise l'article 2, paragraphe 13, sous a), du règlement de base, il faut entendre par marge de dumping "le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation ".
11. Il résulte de ces dispositions que le prix à l'exportation et la valeur normale constituent les termes de la comparaison permettant d'établir la marge de dumping. En vertu de l'article 2, paragraphe 13, sous b) et c), du règlement n° 3017-79, "lorsque les prix varient, la marge de dumping peut être établie transaction par transaction ou en se referant aux prix les plus fréquemment constatés, représentatifs ou moyens pondérés; lorsque les marges de dumping varient, des moyennes pondérées peuvent être établies ".
12. Il ressort du point 11 du règlement attaqué que, en l'espèce, la valeur normale a été calculée sur la base d'une moyenne pondérée des prix pratiques sur le marché intérieur. Le prix à l'exportation a été, comme l'indique le point 16 du règlement attaqué, calculé selon une formule transaction par transaction. Il ressort du dossier que, en vertu de cette formule, les prix à l'exportation supérieurs à la valeur normale ont été pris en compte après avoir été fictivement ramenés au niveau de la valeur normale et qu'une moyenne pondérée a été établie entre l'ensemble des prix à l'exportation constates, qu'il s'agisse de prix inférieurs ou de prix égaux à la valeur normale. La marge de dumping a ensuite été établie par comparaison entre la valeur normale, calculée selon la méthode de la moyenne pondérée et le prix à l'exportation, calculé selon la méthode transaction par transaction.
A - Sur le caractère dissemblable des méthodes retenues pour calculer la valeur normale et le prix à l'exportation
13. La requérante fait valoir que, si, comme l'affirme le Conseil, le calcul de la valeur normale et celui du prix à l'exportation sont, eu égard à leur contexte économique, des opérations différentes, celles-ci ne sont cependant pas indépendantes l'une de l'autre. La possibilité de choix entre les diverses méthodes indiquées à l'article 2, paragraphe 13, du règlement n° 3017-79, précité, pour le calcul de la marge de dumping, doit être rapprochée du principe de base qui, énonce à l'article 2, paragraphe 9, de ce règlement, imposerait, pour permettre une comparaison valable, que la valeur normale et le prix à l'exportation soient calculés selon des méthodes identiques.
14. Il convient de constater, en premier lieu, que les méthodes de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation sont énumérées respectivement aux paragraphes 3 à 7 et au paragraphe 8 de l'article 2 du règlement n° 3017-79. Or, ces dispositions prévoient de manière indépendante plusieurs méthodes de calcul non similaires de chacun des termes de la comparaison.
15. Cette indépendance des méthodes de calcul susceptibles d'être retenues est confirmée par les termes précités de l'article 2, paragraphe 13, sous b) et c), du règlement n° 3017-79, qui se limitent à indiquer les différentes possibilités de calculer la marge de dumping sans formuler d'obligation de similitude ou d'identité des méthodes choisies aux fins de calcul de la valeur normale et du prix à l'exportation.
16. Il convient de relever, en second lieu, que, aux termes de l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79 :
"Afin d'établir une comparaison valable, le prix à l'exportation et la valeur normale doivent être examinés sur une base comparable quant aux caractéristiques physiques du produit, aux quantités et aux conditions de ventes."
17. Il résulte de cette dernière disposition, d'une part, qu'elle vise à définir les ajustements susceptibles d'être apportés à la valeur normale et au prix à l'exportation après que ceux-ci ont déjà été calculés selon les méthodes prévues à cette fin et, d'autre part, que les ajustements prévus portent exclusivement, comme l'indique le considérant 8 du règlement n° 3017-79, sur les différences observées en ce qui concerne les caractéristiques physiques et les quantités de produits, les conditions de ventes et le niveau des transactions commerciales, pris en compte sur le marché intérieur et le marché d'exportation.
18. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, il en résulte que l'article 2, paragraphe 9, du règlement n'impose pas que la valeur normale et le prix à l'exportation soient calculés selon des méthodes identiques.
19. Il convient, par conséquent, de rejeter le moyen susmentionné.
B - Sur le caractère prétendument inéquitable de la méthode transaction par transaction retenue pour calculer le prix à l'exportation
20. La requérante fait valoir que la méthode d'évaluation du prix à l'exportation transaction par transaction retenue par le règlement attaqué aurait eu pour résultat de ne tenir compte que des ventes effectuées à prix de dumping, en éliminant celles qui sont pratiquées à des prix supérieurs à la valeur normale. La requérante estime que la méthode suivie ne pouvait ainsi aboutir qu'à une constatation de dumping et à l'établissement d'une marge de dumping sans lien avec la réalité. Seule l'évaluation du prix à l'exportation selon la méthode des prix moyens pondérés aurait permis de parvenir en l'espèce à un résultat équitable.
21. Il convient de noter que le choix entre les différentes méthodes de calcul indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous b), du règlement n° 3017-79, suppose l'appréciation de situations économiques complexes. Or, comme la Cour l'a jugé notamment dans l'arrêt du 11 juillet 1985 (Remia, 42-84, Rec. p. 2545), le juge doit limiter le contrôle qu'il exerce sur une telle appréciation à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix conteste, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.
22. L'argumentation développée par la requérante revient à soutenir que les institutions ont commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause en retenant une méthode d'évaluation de la marge de dumping qui ne tient aucun compte des prix à l'exportation supérieurs à la valeur normale et conduit des lors à un résultat inéquitable.
23. Cette argumentation ne peut être accueillie. Il convient de constater tout d'abord que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode transaction par transaction n'élimine pas du calcul de la marge de dumping les transactions conclues à des prix supérieurs à la valeur normale. Elle se borne à ramener fictivement ces prix au niveau de celui de la valeur normale, mais les intègre dans le calcul de la moyenne pondérée de l'ensemble des prix pratiqués sur le marché d'exportation.
24. Il convient de souligner ensuite que la liberté de choisir l'une des méthodes indiquées à l'article 2, paragraphe 13, sous b), du règlement n° 3017-79, tend précisément à ce que soit retenue la méthode la plus appropriée à l'objet de la procédure d'institution d'un droit antidumping. Selon l'article 2, paragraphe 1, et l'article 4, paragraphe 1, du même règlement, une telle procédure vise à éliminer le préjudice ou la menace de préjudice résultant pour une production établie de la communauté d'une pratique de dumping.
25. Or, la méthode transaction par transaction est la seule qui permette de faire obstacle à certaines manœuvres qui consistent à dissimuler le dumping grâce à des pratiques de prix différents, tantôt supérieurs et tantôt inférieurs à la valeur normale. L'application, dans un tel contexte, de la méthode de la moyenne pondérée ne répondrait pas à l'objet de la procédure antidumping, dans la mesure ou cette méthode aurait pour effet essentiel de masquer les ventes effectuées à prix de dumping par celles effectuées à dumping dit "négatif", et laisserait ainsi subsister intégralement le préjudice subi par la production communautaire concernée.
26. Il convient, des lors, d'admettre que la Commission n'a commis, en l'espèce, aucune erreur manifeste dans l'appréciation des faits de la cause, en appliquant, comme elle l'a fait, la méthode transaction par transaction pour le calcul de la marge de dumping, et de rejeter le moyen analyse ci-dessus.
C - Sur la motivation prétendument insuffisante du choix de la méthode transaction par transaction
27. La requérante estime que les motifs exposés au point 18 du règlement litigieux sont insuffisants, dans la mesure ou ils n'indiquent pas les raisons pour lesquelles le prix à l'exportation n'a pas été établi, comme par le passe, sur la base d'une moyenne des prix constatés.
28. Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante rappelée notamment par l'arrêt du 26 juin 1986 (Nicolet instrument, 203-85, Rec. p. 2049), la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incrimine, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de défendre leurs droits, et à la Cour d'exercer son contrôle.
29. Cette exigence a été satisfaite en l'espèce par les motifs exposés au point 18 du règlement attaqué, dont il ressort notamment que le changement de méthode litigieux a été décidé aux fins d'éliminer le préjudice qui subsistait pour la production communautaire des roulements à billes, du fait de l'application de méthodes de calcul utilisées précédemment, lesquelles permettaient de compenser les ventes effectuées à prix de dumping par les ventes dites à dumping négatif.
30. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, des lors, être rejeté.
D - Sur les conditions d'adoption de la nouvelle méthode transaction par transaction
31. A l'appui de ce moyen, la requérante fait valoir que les engagements conclus en 1981, fondés sur les anciennes méthodes de calcul du prix à l'exportation, sont demeurés en vigueur jusqu'au 22 mars 1984, date à laquelle la Commission l'a informée du retrait de son acceptation. Les principes de confiance légitime, de sécurité juridique et les règles de bonne administration auraient exigé que le changement de méthode de calcul du prix à l'exportation fut annoncé en temps utile, pour que les opérateurs économiques puissent modifier leurs pratiques commerciales de manière à se conformer aux exigences communautaires.
32. Il convient de souligner, en premier lieu, que, en vertu de l'article 14 du règlement n° 3017-79, les engagements acceptés peuvent faire l'objet d'un réexamen, qui, selon l'alinéa 3 de cette disposition, peut aboutir à la modification, à l'abrogation ou à l'annulation des mesures définies dans le cadre de ces engagements. Des lors, le principe de sécurité juridique ne faisait pas obstacle à la remise en cause des mesures ainsi adoptées en 1981.
33. Il convient de rappeler, en second lieu, que, en vertu de l'article 2, paragraphe 13, sous b), du même règlement, en vigueur des avant l'époque ou les engagements de NSK ont été conclus, la méthode transaction par transaction est au nombre des méthodes que les institutions ont la possibilité d'adopter pour calculer la marge de dumping, lorsque, comme en l'espèce, les prix varient.
34. Dans ces conditions, et ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 28 octobre 1982 (Faust/Commission, 52-81, Rec. p. 3745), lorsque les institutions disposent d'une marge d'appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi, lequel peut être modifie par ces institutions dans le cadre de l'exercice de leur compétence.
35. Enfin, les règles de bonne administration ne sauraient faire obstacle à ce que les institutions utilisent les pouvoirs qui leur sont reconnus par la réglementation en vigueur.
36. Le moyen invoque doit, des lors, être rejeté.
E - Sur l'inégalité des ajustements dont la valeur normale et le prix à l'exportation ont fait l'objet
37. La requérante fait valoir que, en violation de l'article 2, paragraphe 9, du règlement n° 3017-79, et contrairement à ce qu'affirme la Commission au point 19 du règlement n° 744-84, la valeur normale et le prix à l'exportation n'ont pas été établis sur une base comparable, eu égard à l'inégalité des ajustements dont ces prix ont fait l'objet.
38. Elle expose ainsi que, dans le cadre de la constitution du prix à l'exportation, tous les frais de ses filiales européennes ont été déduits, alors que seuls certains des frais correspondants exposés sur le marché japonais ont été déduits de la valeur normale. De l'avis de NSK, cette asymétrie de traitement a conduit à surévaluer la valeur normale et, partant, la marge de dumping, et n'est pas justifiée, car les ventes de NSK sur le marché japonais se situent au même stade de la distribution que ses ventes sur le marché européen.
39. Il convient de souligner que, en vertu de l'article 2, paragraphe 8, sous b), du règlement n° 3017-79, le prix à l'exportation est établi selon une valeur construite, lorsque le prix convenu pour les ventes à l'exportation ne peut servir de référence : il en est ainsi, notamment, lorsque, comme en l'espèce, les transactions sont effectuées entre parties associées ou liées par un arrangement de compensation. Le prix à l'exportation est alors constitué sur la base du prix auquel le produit importé est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant ou sur toute base raisonnable. Dans ce cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte "de tous les frais intervenus entre l'importation et la revente ".
40. Il y a donc lieu de constater que la déduction de l'intégralité des frais exposés par les filiales européennes de NSK, dans le cadre de la constitution des prix à l'exportation, fait une application correcte des dispositions du règlement n° 3017-79.
41. Il est vrai que, selon l'article 2, paragraphe 10, du règlement n° 3017-79, lorsque le prix à l'exportation et la valeur normale ne sont pas comparables en ce qui concerne les caractéristiques indiquées au paragraphe 9, précité, de cette même disposition, il est tenu compte des différences qui affectent la comparabilité des prix. Il en va ainsi notamment des différences dans les conditions de vente. A cet égard, l'article 2, paragraphe 10, sous c), prévoit que les ajustements sont :
"limités en general aux différences qui ont une relation directe avec les ventes considérées et comprennent par exemple les différences de droits et taxes indirectes, les conditions de crédit, cautions, garanties, modalités, services après vente, commissions ou salaires payés aux vendeurs, emballage, transport ...; en règle générale, aucun ajustement (n'est) accordé pour des différences dans les frais administratifs et généraux, y compris les frais de recherche et de développement ou de publicité ...".
42. Sur la base de cette disposition, la requérante soutient que divers frais déduits du prix à l'exportation auraient également du être déduits de la valeur normale. A ce titre, elle cite, tout d'abord, le coût des communications téléphoniques et des services liés à la clientèle de ses filiales japonaises. NSK cite ensuite les activités de ses services techniques, qui, contrairement à ce qu'affirme le Conseil, ne constitueraient nullement un département de recherche et de développement dont les frais ne seraient pas susceptibles de faire l'objet d'ajustements, mais un service de prévente d'information et d'après-vente pour les clients japonais. NSK cite, enfin, les frais exposés sur le marché japonais pour le transport des marchandises.
43. Il convient d'observer, à cet égard, que les ajustements effectues au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 3017-79, se distinguent, tant par leur objectif que par leurs conditions d'application, des ajustements opérés dans le cadre de la constitution du prix à l'exportation.
44. D'une part, en effet, alors que ces derniers ajustements visent à déterminer le prix à l'exportation correspondant à des conditions commerciales normales, les ajustements effectués au titre de l'article 2, paragraphe 10, précité, tendent à redresser le prix à l'exportation ou la valeur normale déjà calculés en application des règles fixées par l'article 2, paragraphes 3 à 8. Ces ajustements prévus par l'article 2, paragraphe 10, sont opérés en fonction d'éléments objectifs, qui, énumères notamment à la lettre c) de cette même disposition, correspondent aux particularités de chaque marché (d'origine et d'exportation), se répercutent de manière inégale sur les conditions de vente et affectent en conséquence la comparabilité des prix.
45. D'autre part, alors que les ajustements relatifs à la constitution du prix à l'exportation sont opérés d'office par les institutions communautaires en application des dispositions de l'article 2, paragraphe 8, du règlement n° 3017-79, les ajustements visés par l'article 2, paragraphe 10, peuvent l'être également sur la demande d'une partie intéressée. Cette partie doit alors apporter la preuve que sa demande est justifiée, c'est-à-dire que la différence dont elle se prévaut concerne l'un des facteurs énumérés par l'article 2, paragraphe 9, que cette différence affecte la comparabilité des prix, et, enfin, s'agissant plus particulièrement, comme en l'espèce, de différences dans les conditions de vente, que ces différences ont une relation directe avec les ventes considérées.
46. Il ne ressort, en l'espèce, ni des pièces du dossier, ni des débats menés devant la Cour que NSK ait apporté la preuve que sa demande d'ajustements au titre de l'article 2, paragraphe 10, sous c), du règlement n° 3017-79, ait réuni les conditions exigées par ces dispositions.
47. S'agissant, en premier lieu, des ajustements à opérer au titre du coût des communications téléphoniques, des services liés à la clientèle et des services techniques, NSK n'a pas établi qu'il s'agissait la de différences en relation directe avec les ventes considérées. S'il est vrai que l'article 2, paragraphe 10, sous c), limite seulement "en general" les ajustements aux différences qui sont en relation directe avec les ventes, NSK n'a prouve l'existence d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une dérogation à la règle générale ainsi posée.
48. S'agissant enfin de l'ajustement réclame au titre des frais de transport à l'intérieur du Japon, le Conseil a fait valoir, dans son mémoire en duplique, qu'un ajustement avait été pris en compte à ce titre, et NSK n'a pas démontré l'inexactitude de cette affirmation.
49. Le moyen relatif aux ajustements apportés à la valeur normale et aux prix à l'exportation doit, en conséquence, être rejeté.
II - Sur le moyen tiré de l'illégalité du refus de prendre en compte les engagements proposés ou, à tout le moins, les augmentations de prix décidées par NSK
50. La requérante fait valoir que, après l'institution de droits antidumping provisoires par le règlement n° 744-84, elle a proposé des engagements en matière de prix et, en outre, qu'elle a communiqué au Conseil les augmentations de prix auxquelles elle aurait immédiatement procédé, sans que toutefois celui-ci en tienne compte et s'abstienne d'instituer des droits antidumping définitifs. Elle estime, notamment, que le motif du refus de tenir compte des augmentations spontanées des prix, tire du fait que celles-ci sont intervenues après la période couverte par l'enquête, n'est pas fondé car il conduit à nier la différence entre droits antidumping provisoires et droits antidumping définitifs. En outre, la notion de période couverte par l'enquête ne figurerait pas dans le règlement n° 3017-79.
51. Il convient de souligner, tout d'abord, qu'aucune disposition du règlement n° 3017-79 ne fait obligation aux institutions d'accepter des propositions d'engagements en matière de prix. Il résulte bien au contraire de l'article 10 de ce règlement que le caractère acceptable de tels engagements est défini par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation. Or, NSK n'a pas démontré que les motifs du refus de prendre en compte les propositions d'engagements qu'elle avait formulées, exposés au point 24 du règlement litigieux, excédaient la marge d'appréciation reconnue aux institutions.
52. Il y a lieu de constater ensuite que la prise en considération des augmentations spontanées de prix, après la période couverte par l'enquête, n'est nullement envisagée par le règlement n° 3017-79. En cette matière, le processus de décision comprend une enquête dont l'ouverture et le déroulement sont fixés par l'article 7 de ce règlement. Cette enquête doit permettre, grâce à une procédure contradictoire, d'établir les faits incontestables sur lesquels sera fondée soit une décision de clôture, soit l'institution de droits antidumping. Il résulte également des quatorzième et quinzième considérants du même règlement que la procédure d'enquête ne doit pas faire obstacle à une action rapide et efficace de la communauté. La conciliation nécessaire de ces deux objectifs rend indispensable que la période couverte par l'enquête, au cours de laquelle les faits à établir se sont produits, soit d'une durée bien déterminée et limitée dans le temps.
53. Il ne saurait, par conséquent, être admis que la procédure antidumping ne puisse être menée à son terme ou qu'une décision d'instituer un droit antidumping définitif ne puisse intervenir au simple motif que les sociétés visées par le droit antidumping provisoire ont procédé à des augmentations spontanées de prix après la fin de la période couverte par l'enquête. L'argumentation de NSK est d'autant moins justifiée que ces augmentations de prix peuvent donner lieu, le cas échéant, à un réexamen de la situation au titre de l'article 14 du règlement n° 3017-79 ou conduire à la restitution des droits perçus, conformément à l'article 15 du même règlement.
54. Le moyen invoqué par NSK doit, des lors, être rejeté.
III - Sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du niveau de préjudice prétendument subi par l'industrie communautaire et estimé égal à la marge de dumping constatée
55. La requérante, qui se réfère à l'arrêt du 23 mai 1985 (Allied corporation, 53-83, Rec. p. 1622), fait valoir que, en vertu de l'article 13, paragraphe 3, du règlement n° 3017-79, le Conseil est tenu d'établir que le montant adopté du droit antidumping définitif est nécessaire pour faire disparaître le préjudice prétendument subi par l'industrie communautaire. En l'espèce, le Conseil n'aurait pas suffisamment motivé le montant des droits définitifs adoptés, dans la mesure où, au point 21 du règlement attaqué n° 2089-84, il se contente, d'une part, de se reporter aux conclusions relatives au préjudice formulées par la Commission dans son règlement n° 744-84 et, d'autre part, d'affirmer qu'aucun élément nouveau relatif au préjudice subi par l'industrie communautaire n'a été présenté. Or, cette dernière affirmation serait inexacte, puisque le droit antidumping définitif imposé à NSK a été fixé à un niveau inférieur à celui du droit antidumping provisoire.
56. Il convient de relever, en premier lieu, que le motif 21 du règlement attaqué a entendu explicitement se référer aux développements relatifs au préjudice subi par l'industrie communautaire contenus dans le règlement n° 744-84. Les points 23 a 35 de ce dernier règlement établissent de manière détaillée l'accroissement de la part de marché réalisé par les importations litigieuses de 1979 au premier semestre 1983, les différences de prix constatées par rapport aux prix pratiqués par les producteurs de la communauté au cours de la période d'enquête, la réduction globale de production subie par l'industrie communautaire concernée, la réduction des ventes de roulements à billes en cause, ainsi que les pertes financières et d'emploi constatées. La Commission a également établi que la réduction de la demande dans la communauté avait beaucoup plus touché la production communautaire que les importations effectuées à des prix de dumping. Ces différents facteurs ont conduit la Commission à estimer que les effets des importations faisant l'objet de dumping devaient être considérés comme constituant un préjudice grave pour l'industrie communautaire concernée et qu'il convenait, en raison de l'ampleur du préjudice cause, de fixer le taux du droit antidumping provisoire au taux de la marge de dumping provisoirement constatée.
57. Il y a lieu de noter, en second lieu, que, par le règlement attaqué, le Conseil a relevé qu'aucun élément nouveau relatif au préjudice subi par l'industrie communautaire n'avait été présenté et qu'il fallait confirmer, en conséquence, les conclusions relatives au préjudice indiquées dans le règlement n° 744-84. Ce qui impliquait que le montant du droit définitif fut fixé, comme pour le droit provisoire, au montant de la marge de dumping.
58. Si, finalement, le taux du droit définitif imposé à NSK (14,71 %) s'est trouvé inférieur au taux du droit provisoire (18,45 %), c'est simplement parce que l'évaluation de la marge de dumping a été réduite à la suite des vérifications auxquelles il a été procédé au cours de l'enquête, et non pas parce qu'une appréciation nouvelle a été portée par les institutions sur la gravité du préjudice subi par l'industrie communautaire.
59. Il convient de reconnaître, dans ces conditions, que le règlement attaqué a suffisamment motivé l'ampleur du préjudice subi par l'industrie communautaire et la décision prise de fixer le montant du droit antidumping définitif au montant de la marge de dumping constatée.
IV - Sur le moyen tiré de ce que le règlement attaqué autoriserait la perception définitive du droit antidumping provisoire sans tenir compte du fait que le droit définitif est inférieur au montant du droit provisoire
60. Il y a lieu de constater que, en vertu de l'article 2 du règlement attaqué, les sommes versées au titre du droit antidumping provisoire ne sont perçues définitivement qu'"a raison du montant maximal du taux du droit antidumping définitif ". Il convient, des lors, d'en déduire que, contrairement à ce que soutient la requérante, le règlement attaqué tient compte du fait que le droit définitif a été fixé à un montant inférieur à celui du droit provisoire.
61. Le dernier moyen doit, par conséquent, être également rejeté, ainsi que l'ensemble du recours.
Sur les dépens
62. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombe en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
Déclare et arrête :
1) le recours est rejeté.
2) la partie requérante supportera les dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes.