CJCE, 13 mars 1985, n° 296-82
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royaume des Pays-Bas ; Leeuwarder Papierwarenfabriek BV (SARL)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes ; HA Hofmans, Vennootschap Onder Firma ; Schiecarton BV ; Cartonnagefabriek Bakker & Stoffels BV ; Industriele Drukkerij Chromos Bv ; Acket Vouwdozen Bv ; BV Imca Cartonnages ; Cartonnagefabriek D. Miedema BV ; Hubregtse BV ; Targa BV ; 4P Drukkerij Reclame BV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Ter Kuile, Van Lennep, Ottervanger.
LA COUR,
1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 23 novembre et 14 décembre 1982, le Royaume des Pays-Bas (affaire 296-82) et la société à responsabilité limitée Leeuwarder Papierwarenfabriek BV (affaire 318-82) ont introduit, en vertu de l'article 173 du traité, des recours visant à l'annulation de la décision 82-653 de la Commission, du 22 juillet 1982, concernant une aide du Gouvernement néerlandais en faveur d'une entreprise de transformation de carton (JO L 277, p. 15).
2. L'entreprise bénéficiaire visée par la décision, la Leeuwarder Papierwarenfabriek BV (ci-après dénommée LPF), à Leeuwarden (province de Frise), fabrique des cartons pliants et des emballages souples. En 1968, son prédécesseur, la société anonyme Leeuwarder Papierwarenfabriek NV (ci-après " ancienne LPF "), fut reprise par la société Papierfabrieken Van Gelder Zonen NV. En raison de difficultés financières de la société-mère, les résultats de l'ancienne LPF se sont considérablement dégradés au début des années 70. Toutefois, à la suite d'une réorganisation effectuée en 1977, la situation de l'entreprise s'est améliorée et, en 1979 et en 1980, elle a réalisé des bénéfices.
3. En 1980, la situation de l'ancienne LPF s'est à nouveau détériorée, notamment en raison des difficultés auxquelles s'est heurtée la société-mère Van Gelder. Dans ces conditions, contactée par l'ancienne LPF, la société de développement régional Noordelijke Ontwikkelingsmaatschappij (ci-après " nom ") s'est déclarée disposée à prendre une participation au capital de la LPF, à condition, toutefois, que l'entreprise soit détachée du groupe Van Gelder. Le nom est un organisme public, dont le capital est souscrit par les autorités néerlandaises. Son objet est d'améliorer la structure sociale et économique des provinces septentrionales des Pays-Bas, entre autres par la prise de participations dans le patrimoine à risques des entreprises. A cette fin, elle dispose de moyens financiers obtenus sur le marché des capitaux avec la garantie de l'état et dont l'utilisation est soumise à l'autorisation de l'autorité publique.
4. La prise de participation de la nom s'est effectuée, avec l'approbation du ministre des affaires Economiques, par la constitution, avec effet au 8 septembre 1980, d'une nouvelle société, la société à responsabilité limitée Leeuwarder Papierwarenfabriek BV (' LPF '), dont le capital, d'un montant de 12 millions de florins, fut souscrit et libère respectivement pour moitié par Van Gelder et la nom. La nouvelle société a racheté l'entreprise à Van Gelder contre paiement de la somme de 9,4 millions de florins. Il est à relever que la prise de participation allait de pair avec une restructuration de l'entreprise qui, des 1979, a axé sa politique commerciale sur la fabrication de produits de haut de gamme (produits spécialisés), réduisant ainsi sa capacité de production et sa part de marché dans les ventes à la fois de cartons pliants et d'emballages souples.
5. Le 5 décembre 1980, à la demande de la Commission, le Gouvernement néerlandais a communiqué à celle-ci certains renseignements concernant l'intervention en cause en soutenant qu'il ne s'agissait pas à son avis d'une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. La Commission n'ayant pas partagé ce point de vue, elle a décidé d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, laquelle a abouti à l'adoption de la décision litigieuse.
6. Cette décision, notifiée au Gouvernement néerlandais par lettre du 20 septembre 1982, déclare à son article 1er que : " l'aide en faveur d'une entreprise du secteur de la transformation du carton, accordée par le Gouvernement néerlandais qui en a informé la Commission, par télex du 5 décembre 1980, est incompatible avec le Marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE. Aux termes de l'article 2, le Royaume des Pays-Bas informe la Commission, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'il a prises pour éviter que l'aide octroyée ne continue à avoir des effets de distorsion de concurrence dans l'avenir, notamment à l'égard des entreprises des autres Etats membres ".
7. Pour motiver sa décision, la Commission expose dans le préambule que, au cours de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, ouverte à la suite de son intervention auprès du Gouvernement néerlandais, " les Gouvernements de deux Etats membres ont fait savoir à la Commission qu'ils partageaient ses préoccupations concernant l'atteinte à la concurrence intracommunautaire par des aides néerlandaises " (considérant 5) et que, en outre, les plaintes introduites par deux organisations professionnelles du secteur en question " mettent en évidence les distorsions de concurrence qui résultent de l'intervention du Gouvernement néerlandais " (considérant 6). L'aide dont il s'agit serait, " en l'espèce, de nature à affecter les échanges entre Etats membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE en favorisant l'entreprise considérée ou sa production " (considérant 7).
8. Le préambule de la décision poursuit en relevant que " l'interdiction des aides énoncées à l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE peut s'appliquer aux apports en capital effectués aussi bien par le Gouvernement central qu'a ceux effectués par des collectivités territoriales ou autres instances publiques qui relèvent de l'autorisation de l'état " (considérant 8). Pour ce qui est du cas d'espèce, il est précisé que " la structure financière de l'entreprise, qui avait un besoin urgent de procéder à des investissements de remplacement, et la surcapacité dans le secteur de la transformation du carton constituaient des handicaps tels qu'ils rendaient peu vraisemblable le fait que l'entreprise puisse obtenir les sommes indispensables à sa survie sur les marchés privés de capitaux " (considérant 9), et que " la situation du marché concerné ne permet pas raisonnablement d'espérer qu'une entreprise, qui se trouve dans la nécessité de procéder d'urgence à une restructuration importante, puisse obtenir une marge brute d'autofinancement (cash flow) suffisante pour financer les investissements de remplacement devenus nécessaires, même si elle bénéficie de l'aide envisagée " (considérant 10).
9. Quant aux dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité, la Commission explique qu'elles " précisent les objectifs poursuivis dans l'intérêt de la communauté et non dans celui du seul bénéficiaire de l'aide ; que ces dérogations doivent être interprétées strictement... Et, en particulier, qu'elles ne sont applicables que dans le cas ou la Commission est a même d'établir que, sans l'aide, le jeu des forces du marché ne permettrait pas d'obtenir à lui seul des entreprises bénéficiaires qu'elles adoptent un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l'un des objectifs visés par ces dérogations " (considérant 11). La disposition dérogatoire n'aurait pas été appliquée en l'espèce, des lors que " le Gouvernement néerlandais n'a pu donner et que la Commission n'a pu déceler aucune justification permettant d'établir que l'aide en cause remplit les conditions requises pour l'application d'une des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité CEE " (considérant 15).
10. Estimant que la décision litigieuse est intervenue en violation de règles de fond et de procédure du droit communautaire, le Gouvernement néerlandais et la LPF ont introduit les présents recours en annulation.
11. Par ordonnance du 18 mai 1983, les sociétés HA Hofmans VOF , à Rotterdam, Schiecarton BV, à Schiedam, Cartonnagefabriek Bakker & Stoffels BV, à Wormerveer, Industriele Drukkerij Chromos BV, à Krommenie, Acket Vouwdozen BV, à Oss, BV Imca Cartonnages, à Hoogerheide, Cartonnagefabriek D. Miedema BV, à Utrecht, Hubregtse BV, à Almelo, Targa BV, A's-Hertogenbosch, et 4P Drukkerij Reclame BV, à Rotterdam, ont été admises à intervenir dans l'affaire 318-82 (Leeuwarder Papierwarenfabriek BV/Commission) à l'appui des conclusions de la Commission, en application de l'article 93 du règlement de procédure.
12. Par ordonnance du 4 juillet 1984, les affaires ont été jointes aux fins de la procédure et de l'arrêt, conformément à l'article 43 du règlement de procédure.
13. La recevabilité des recours n'est pas contestée par la Commission. En effet, bien que la décision litigieuse soit adressée au seul Royaume des Pays-Bas, requérant dans l'affaire 296-82, elle concerne directement et individuellement, au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, la LPF, requérante dans l'affaire 318-82, en sa qualité de bénéficiaire de l'aide en question.
14. Les parties requérantes soulèvent à l'encontre de la décision litigieuse, outre divers arguments relatifs au déroulement de la procédure administrative ayant abouti à cette décision, deux moyens. Premièrement, elles font valoir que la Commission aurait à tort considéré que la participation de la nom au capital de la LPF constitue une aide étatique au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, et subsidiairement qu'elle aurait à tort refusé d'accorder une des dérogations du paragraphe 3 de cet article. Deuxièmement, elles font grief à la Commission de n'avoir pas suffisamment motive la décision en violation de l'article 190 du traité, en ce qui concerne, à la fois, l'existence des conditions de l'article 92, paragraphe 1, et le refus d'appliquer le paragraphe 3 de cet article. Il convient d'examiner, en premier lieu, le moyen tire de l'absence de motivation suffisante.
Sur l'absence de motivation suffisante
15. A cet égard, le Gouvernement néerlandais soutient que la Commission aurait omis d'indiquer les faits et les considérations sur lesquels elle s'est fondée pour conclure à l'existence d'une aide incompatible avec le Marché commun du fait que les échanges seraient affectés et que le jeu de la concurrence serait fausse ou menacerait d'être fausse. Les considérants de la décision ne contiendraient notamment aucune explication quant à la situation du marché en question qui fasse apparaître que la LPF est une entreprise saine avec des perspectives de rentabilité suffisantes. En outre, la Commission affirmerait à tort que le Gouvernement néerlandais n'a pu donner de justification permettant d'établir que l'aide en cause remplit les conditions requises pour l'application d'une des dérogations de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Enfin, la décision n'indiquerait pas non plus de quelle manière, selon quels critères et dans quel délai, il devrait être satisfait à l'obligation, énoncée à l'article 2 du dispositif, d'" éviter que l'aide octroyée continue à avoir des effets de distorsion de concurrence dans l'avenir ".
16. La LPF, quant a elle, invoqué une insuffisance de motivation en ce que la décision ne montrerait pas que la Commission ait eu la connaissance nécessaire du marché, ni qu'elle connaisse l'assortiment des produits et les perspectives d'avenir de l'entreprise. Il serait, notamment, erroné de mettre la prétendue surcapacité dans le secteur en relation avec les chances de survie de la LPF, dont la marge brute d'autofinancement ferait, au contraire, apparaître qu'il s'agit d'une entreprise saine ayant des perspectives d'avenir.
17. En revanche, la Commission fait valoir que la motivation de la décision satisfait aux exigences de l'article 190 du traité. La motivation partirait, pour ce qui est de l'article 92, paragraphe 1, du traité, de la constatation de principe que les participations d'état, sous quelque forme que ce soit, peuvent constituer une aide, et examinerait ensuite les éléments déterminants tenant à la solvabilité de la LPF, à savoir sa structure financière, son besoin urgent d'investissements de remplacement et la surcapacité dans le secteur concerne. Cet examen ferait apparaître qu'en l'espèce la prise de participation des pouvoirs publics s'est effectuée dans des conditions inacceptables par un investisseur privé guidé par les critères du marché. Pour ce qui est de l'article 92, paragraphe 3, les considérants indiqueraient qu'il appartient à l'Etat membre qui désire accorder une aide d'établir les circonstances justifiant la conclusion que l'aide en question à des effets positifs pour le Marché commun.
18. La Commission invoque, en outre, la nécessité de concilier les exigences de l'article 190 du traité avec l'obligation, énoncée à l'article 214 du traité, de sauvegarder le secret professionnel au regard de la situation concrète des entreprises et secteurs concernés. Enfin, la signification de l'article 2 du dispositif de la décision ressortirait du libellé même de cette disposition qui, tout en laissant à l'état néerlandais une certaine marge d'appréciation dans le choix des mesures appropriées, lui ferait obligation de supprimer les conséquences préjudiciables que subissent les entreprises concurrentes du fait de l'augmentation artificielle, par l'aide incriminée, de la capacité industrielle de la LPF.
19. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d'une décision faisant grief doit permettre à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité et fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoques et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte, au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, peuvent avoir à recevoir des explications.
20. S'agissant d'abord de l'existence d'une aide étatique, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il ressort des considérants de la décision que la Commission part de la thèse selon laquelle l'interdiction de telles aides peut s'appliquer également aux apports en capital effectués par les instances publiques relevant de l'autorité de l'état (considérant 8). Pour ce qui est du cas d'espèce, le caractère d'aide de la participation litigieuse a été déterminé par l'absence de possibilités de financement sur le marché prive des capitaux, sur la base de trois éléments, à savoir la structure financière de l'entreprise, son besoin urgent d'investissements de remplacement et la surcapacité dans le secteur de la transformation du carton, facteurs qui, de l'avis de la Commission, rendaient peu vraisemblable que l'entreprise puisse obtenir les sommes indispensables à sa survie sur les marchés privés de capitaux (considérant 9).
21. Cette motivation satisfait aux exigences de l'article 190 du traité en ce qu'elle permet à la Cour d'exercer son contrôle et aux intéressés de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués.
22. En revanche, la décision ne comporte aucune motivation pour ce qui est de l'appréciation portée sur les autres critères énoncés à l'article 92, paragraphe 1, du traité, c'est-à-dire la constatation que l'aide en cause affecte les échanges entre Etats membres et fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
23. En effet, les considérants de la décision, après avoir rappelé les préoccupations exprimées par les Gouvernements de deux Etats membres ainsi que par deux organisations professionnelles du secteur, relatives aux distorsions de concurrence qui résulteraient de l'intervention du Gouvernement néerlandais (considérants 5 et 6), se bornent à une simple répétition du texte de l'article 92, paragraphe 1, du traité (considérant 7) et ne contiennent aucune indication de fait.
24. S'il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre Etats membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision. En l'espèce, elle a omis de le faire, la décision litigieuse ne comportant pas la moindre indication relative à la situation du marché considère, la part de la LPF sur ce marché, les courants d'échanges des produits en cause entre les Etats membres et les exportations de l'entreprise.
25. A cela s'ajoute une insuffisance de motivation pour ce qui est de la non-application des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité. A cet égard, il est affirmé dans les motifs de la décision que l'existence des conditions requises pour l'application d'une de ces dérogations n'a pas été établie (considérant 15). Si cette affirmation est étayée par des éléments concluants en ce qui concerne les dérogations prévues aux points a) et b) du paragraphe précité (considérants 16 et 17), il n'en est pas de même pour la dérogation du point c), au regard de laquelle les motifs de la décision ne font pas apparaître que la Commission ait examiné tous les éléments essentiels de fait et de droit dont la prise en considération aurait pu conduire à accorder éventuellement ladite dérogation.
26. En effet, la décision litigieuse se limite à indiquer, d'une part, que l'aide néerlandaise ne présente pas les caractéristiques nécessaires pour contribuer au développement de certaines régions économiques telles que prévues par cette disposition " (considérant 16, in fine) et, d'autre part, que " l'évolution du secteur de la transformation du carton conduit à la conclusion que le maintien de la capacité de production au moyen d'aides d'état ne parait pas souhaitable dans l'intérêt commun " et que, " en outre, les perspectives de développement du secteur de la transformation du carton ne permettent pas de considérer que l'aide envisagée n'altèrera pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun " (considérant 18). Il n'est cependant exposé nulle part dans la décision que la Commission ait pris en considération le fait essentiel, éventuellement susceptible de donner lieu à une appréciation différente, que l'aide en cause s'accompagnait d'une restructuration de l'entreprise bénéficiaire qui, avec la conséquence d'une réduction de sa capacité productive et de sa part de marché, a réorienté sa fabrication vers des produits de haut de gamme.
27. Les défauts de motivation constatés ne sauraient être justifiés, contrairement à ce que fait valoir la Commission, par l'obligation, édictée à l'article 214 du traité, de respecter le secret professionnel, en l'occurrence, notamment, le secret d'affaires de l'entreprise visée. Outre le fait que certaines des données pertinentes, et notamment celles qui portent sur la structure du marché, ne revêtent manifestement pas le caractère confidentiel qui leur permette d'être couvertes par le secret professionnel, l'obligation de respecter ce secret ne peut être interprétée à ce point extensivement qu'elle vide l'exigence de motivation de son contenu essentiel, au détriment des droits de la défense des Etats membres et des opérateurs concernés.
28. En outre, s'agissant d'une décision individuelle pour laquelle, conformément à l'article 191 du traité, la publication au Journal officiel des Communautés européennes n'est pas une condition de son entrée en vigueur, la Commission aurait pu exclure de la publication les données qu'elle considère comme étant couvertes par le secret d'affaires, ainsi que cela a d'ailleurs été reconnu, pour le domaine des décisions prises en application des articles 85 et 86 du traité, à l'article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 du 6 février 1962 (JO p. 204).
29. L'obligation de motiver sa décision s'imposait d'autant plus à la Commission en l'espèce que l'article 2 de ladite décision oblige le Royaume des Pays-Bas à prendre des mesures " pour éviter que l'aide octroyée ne continue à avoir des effets de distorsion de concurrence dans l'avenir, notamment à l'égard des entreprises des autres Etats membres ", et que le contenu et la portée de cette obligation doivent être déterminés en fonction des éléments de fait et de droit qui ont amené la Commission à conclure à l'existence de tels effets. De plus, si la Commission a choisi la formule précitée précisément en vue de laisser au Gouvernement néerlandais une certaine liberté de décision quant aux mesures à prendre pour mettre fin à l'infraction constatée, il lui incombait de fournir à ce Gouvernement des indications utiles permettant d'identifier les mesures qui pourraient entrer en ligne de compte.
30. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de constater que la décision attaquée ne satisfait pas à l'obligation de motivation prescrite par l'article 190 du traité CEE et d'en prononcer l'annulation pour violation des formes substantielles, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants.
Sur les dépens
31. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.
32. La Commission et les parties intervenantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens. La Commission supporter à l'ensemble des dépens dans l'affaire 296-82, les dépens dans l'affaire 318-82 étant supportés solidairement par la Commission et les parties intervenantes.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) la décision 82-653 de la Commission, du 22 juillet 1982, concernant une aide du Gouvernement néerlandais en faveur d'une entreprise de transformation de carton (JO L 277, p. 15) est annulée.
2) la Commission et les parties intervenantes sont condamnées aux dépens. La Commission supporter à l'ensemble des dépens dans l'affaire 296-82, les dépens dans l'affaire 318-82 étant supportés solidairement par la Commission et les parties intervenantes.