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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 25 juin 1998, n° 7772-96

VERSAILLES

arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Loca Din (Sté)

Défendeur :

Guthel Maroe (SARL) ; Azur Assurances Mutuelles de France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monteils

Conseillers :

M. Besse, Mme Bardy

Avoués :

SCP Lissarrague-Dupuis, Mes Delcaire, Boiteau, SCP Merle-Carena-Doron

Avocats :

Mes Champenois, Vila-Berrada, Richon

T. com. Nanterre, du 28 juin 1996

28 juin 1996

La société Loca Din a consenti à la SARL Guthel Maroe la prolongation d'un contrat de crédit bail, en date du 30 avril 1992 portant sur un véhicule fourgonnette d'une valeur de 122 000 F;

Ce véhicule aurait été volé au cours de l'été 1993. La société locataire a fait une déclaration de vol le 13 septembre 1993, le véhicule ayant été retrouvé le 10 septembre 1993. Des dégâts et vols ont été notés au procès verbal. La société Guthel Maroe a avisé sa compagnie d'assurances et par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 octobre 1993 a déclaré à la société Loca Din qu'elle mettait un terme à la location.

Loca Din a admis la résiliation et a interrompu la présentation des échéances ; indiquant le montant de l'indemnité à régler par l'assureur : 103 659,67 F TVA incluse;

La société Loca Din n'a perçu aucune indemnité. Elle a assigné la société Guthel Maroe en paiement de l'indemnité de résiliation sans déduction des loyers encaissés après le sinistre soit 91 703,67 F;

La société Guthel Maroe a appelé la compagnie d'assurances Groupe Azur, assurances mutuelles de France en garantie;

Par jugement du 28 juin 1996, le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré compétent pour connaître de l'appel en garantie;

- a débouté Loca Din de toutes ses demandes,

- a dit l'appel en garantie sans objet,

- a condamné Loca Din à payer à la société Guthel Maroe la somme de 14 945 F au titre des échéances indûment prélevées,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a condamné la société Loca Din à payer à la société Guthel Maroe 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Le tribunal a constaté que Loca Din avait accepté la résiliation du contrat de crédit bail, et qu'elle ne rapportait pas la preuve de n'avoir pas été dédommagée;

La société Loca Din fait appel;

Elle demande:

- d'infirmer le jugement,

- de condamner la société Guthel Maroe à lui payer la somme de 91 703,67 F avec intérêts à compter du 20 janvier 1995, date de l'assignation et 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Elle rappelle les termes de l'article 7 du contrat de crédit bail qui dispose qu'à défaut, ou insuffisance d'indemnisation, le locataire indemnise lui-même le bailleur à concurrence de la valeur vénale du véhicule avant le sinistre;

La société Guthel Maroe demande:

- de confirmer le jugement,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts subsidiairement, elle demande:

- d'accueillir la société Guthel Maroe en sa demande reconventionnelle et l'y déclarer bien fondée,

- constater que la sommation de communiquer engagée par la société Loca Din est sans fondement,

- constater que l'article 7b du contrat de crédit bail signé le 30 avril 1992 par la SARL Guthel Maroe avec la SA Loca Din constitue une clause abusive en application de l'article 35 de la loi numéro 78-23 du 10 janvier 1978,

- prononcer la nullité de l'article 7b du contrat de crédit bail signé le 30 avril 1992 par la SARL Guthel Maroe avec la SA Loca Din,

- débouter la société Loca Din de toutes ses demandes fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner la société Loca Din au paiement d'une somme de 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Loca Din au paiement d'une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par assignation du 19 décembre 1997, la société Guthel Maroe lui donne acte de ce qu'elle appelle le Groupe Azur Assurances Mutuelles de France en intervention forcée et en garantie contenant appel provoqué dans l'appel formé par la société Loca Din devant la Cour d'appel de Versailles, conformément aux articles 549 à 551 du nouveau Code de procédure civile;

Dit que l'Assurance Mutuelles de France - Groupe Azur sera tenue de garantir la SARL Guthel Maroe des conséquences et actions dirigées par la société Loca Din contre elle;

Adjuge à son encontre l'entier bénéfice des écritures précédemment signifiées devant la cour, dont copie est jointe aux présentes, la présente assignation étant faite à toutes fins utiles;

Condamne l'Assurance Mutuelles de France Groupe Azur au paiement d'une somme de 12 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La société Azur Assurances IARD demande:

- de confirmer le jugement, subsidiairement

- de limiter sa garantie à la somme de 50 820 F,

- de condamner la société Guthel Maroe à lui verser 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Elle indique que le véhicule était en état de marche le 10 septembre 1993, qu'il lui a été signalé que ce véhicule avait provoqué un carambolage sur la voie publique le 19 octobre 1993, que cependant la Compagnie d'Assurances n'a pas été avisée du nouveau sinistre, dont les conséquences étaient sans commune mesure avec les premiers dommages résultant du vol;

Discussion

Considérant que les circonstances du vol prétendument survenu avant le 10 septembre 1993, et déclaré le 13 septembre 1993 sont peu claires; que les dégâts déclarés, le 13 septembre 1993 n'ont pas empêché le véhicule de rouler puisque le dirigeant de l'entreprise locataire indique dans une attestation du 9 février 1994 que le véhicule était en état de fonctionnement ; qu'il est donc constant qu'il ne s'agissait pas d'une "épave" à la date de la découverte;

Considérant qu'il est en outre établi que le véhicule a été mis en cause dans un accident de la circulation survenu le 11 septembre 1993 à Saint-Denis ; que le conducteur était alors en possession des documents afférents au véhicule (carte grise, assurance);

Considérant que l'accident, certain, n'a jamais été déclaré à la compagnie d'assurances ni au bailleur ; que la société Guthel Maroe a préféré déclarer un vol hypothétique qu'il convient à cet égard de noter qu'aux ternies de l'article 7 du contrat de crédit bail ; en cas de sinistre total ou de vol, la location est résiliée de plein droit;

Considérant qu'il est également démontré et non contesté que la société Loca Din n'a reçu aucune indemnisation de la compagnie d'assurances;

Considérant que l'article 7 du contrat de crédit bail prévoit qu'à défaut de paiement des indemnités d'assurances ou de leur insuffisance, le locataire doit indemniser le bailleur ; que cette clause n'est pas abusive, et ne peut être annulée par application du Code de la consommation, étant insérée dans un contrat conclu par un commerçant pour les besoins de son activité;

Considérant que la société Guthel Maroe ne saurait échapper aux conséquences de ces dispositions, qu'elle doit indemniser la société Loca Din dans les conditions contractuelles, que le jugement sera en conséquence infirmé et la société Guthel Maroe condamnée à payer 91 703,67 F avec intérêts de droit à compter du jugement de l'assignation introductive d'instance;

Considérant que la Compagnie Azur dénie sa garantie en faisant valoir que la société Guthel Maroe ne l'a avisée que du sinistre vol, et cela hors délais; qu'elle n'a déclaré ni l'accident du Il septembre 1993, ni le pillage du véhicule qui serait survenu entre le 2 et le 3 septembre 1993 ; qu'elle n'a pas non plus indiqué l'échange de moteur constaté par l'expert;

Considérant que la déclaration du sinistre vol parait avoir été effectuée auprès de la Compagnie d'assurances dans le délai prévu au contrat (deux jours ouvrés), que par contre, l'obligation d'aviser les autorités locales de police, et de déposer plainte dans les vingt quatre heures n'a pas été respectée;

Considérant surtout qu'il n'est pas établi qu'un vol a réellement eu lieu; que la police n'a effectué aucun constat, mais a seulement relaté les déclarations de Monsieur Kadoche, gérant de la société Guthel Maroe ; que cette déclaration comporte de nombreuses invraisemblances et ne concorde pas avec le fait établi avec certitude, qu'un accident de la circulation a eu lieu le 11 septembre 1993 avec le véhicule prétendument hors d'état de rouler et garé dans un dépôt de Sarcelles depuis le 10 septembre 1993;

Considérant que la société Guthel Maroe n'a pas respecté ses obligations à l'égard de la Compagnie d'assurances qu'elle doit être déboutée de sa demande en garantie;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la Compagnie Azur, ainsi qu'à la société Loca Din, la totalité des frais irrépétibles qu'elle a due engager;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort; Infirme le jugement du 28 juin 1996; Condamne la société Guthel Maroe à payer à la société Loca Din la somme de 91 703,67 F avec intérêts de droit à compter du 19 janvier 1995; Déboute la société Guthel Maroe de sa demande en garantie à l'encontre de la Compagnie d'assurances Azur - Assurances IARD; Condamne la société Guthel Maroe à payer à la société Loca Din la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de toutes autres demandes; Condamne la société Guthel Maroe aux entiers dépens de premières instances et d'appel et accorde à la SCP Lissarrague-Dupuis et Associés, et à la SCP Merle-Carena-Doron, avoués, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.