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Décisions

CA Paris, 8e ch. B, 25 mai 1990, n° 89-016296

PARIS

arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Scherier

Défendeur :

Pes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clavery

Conseillers :

MM. Trubert, Piquard

Avoués :

Mes Lecharny, Huyghe

Avocats :

Mes Dumonceau, Cojean.

CA Paris n° 89-016296

25 mai 1990

LA COUR statue sur l'appel interjeté par M. Scherier d'un jugement contradictoire, assorti de l'exécution provisoire, rendu le 25 avril 1989, ultérieurement rectifié et qui a :

- prononcé la résolution de la vente du véhicule Renault immatriculé 392 CWP 75,

- donné acte à Mme Pes de ce qu'elle est prête à restituer le véhicule,

- condamné M. Scherier à payer à Mme Pes les sommes suivantes la vente :

- 13 000 F en remboursement du prix de vente,

- 12 743,30 F en remboursement des frais occasionnés par la vente,

- 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamné M. Scherier aux dépens.

M. Scherier, qui est négociant en véhicules d'occasions, a fait paraître, dans le journal "Le Parisien" du 11 avril 1988, l'annonce suivante :

"Crédit total 750 F/mois - Estafette 7 CV 80 - Impeccable, 42 28 98 69".

Le jour même de cette publication, Melle Pes Josiane a passé commande du véhicule considéré, en l'occurrence une Estafette Renault 7 CV, type R 21-36, immatriculée 392 CWP 75, dont il était mentionné qu'il n'était pas de première main et qu'il présentait un kilométrage réel non garanti de 88 000 km.

Cet achat était effectué pour la somme de 13 000 F payée à concurrence de 12 000 F au moyen d'un crédit Cofica.

Avant d'être livré, le véhicule en cause faisait l'objet, le 14 avril 1988, à l'initiative du vendeur, d'un contrôle technique qui révélait quelques problèmes au niveau de l'échappement du jeu dans la direction et une pollution hors norme ; le vendeur faisait effectuer, à ses frais, auprès du Garage Guingand à Sevran (93) les réparations rendues nécessaires, dont le coût s'élevait à la somme de 242,89 F ; à la date de cette facturation (7 mai 1988), le compteur kilométrique marquait 89 012.

Ayant dû, au cours de l'été 1988, faire effectuer sur le véhicule diverses réparations, dont le montant total dépassait 7 000 F, Melle Pes a eu recours, à la date du 6 septembre 1988, à un nouveau contrôle technique, qui mettait en évidence :

a) des anomalies nécessitant une intervention immédiate, immédiate à savoir :

- du jeu dans le volant de direction,

- du jeu dans les rotules de direction,

- une défectuosité de la fonction mécanique de direction,

- un défaut d'efficacité du frein de stationnement,

- une action incorrecte du démarreur,

- le mauvais état du régulateur d'alternateur,

- la défectuosité du Neiman

- le réglage imparfait de la couronne de volant moteur,

b) des anomalies ne nécessitant pas une intervention affectant :

- le carter (fuites)

- la transmission droite (jeu)

- la carburation (pollution hors norme).

Melle Pes Josiane, estimant que les défauts ainsi révélés rendent impropre à l'usage le véhicule et compromettent gravement pour certains d'entre eux la sécurité, a, par exploit en date du 2 novembre 1988, fait citer M. Scherier devant le Tribunal d'instance du 17e arrondissement de Paris, sur le fondement de l'article 1644 du Code civil, en résolution de la vente du véhicule pour vices caché demandant au tribunal de :

- lui donner acte de ce qu'elle est prête à restituer le véhicule,

- condamner M. Scherier au paiement à son profit des sommes suivantes :

- 13 000 F en remboursement du prix de vente,

- 12 743,30 F en remboursement des frais occasionnés par la vente,

- 4 000 F à titre de dommages-intérêts,

- 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, le tout avec exécution provisoire.

M. Scherier a conclu en réponse au rejet de la demande et à la condamnation de Mme Pes au paiement à son profit de la somme de 4 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré, dont l'exécution forcée a été, depuis lors, poursuivie, la demande en suspension d'exécution provisoire ayant fait l'objet d'un rejet, suivant ordonnance en date du 18 octobre 1989 du Premier président.

En exécution de cette ordonnance, M. Scherier a repris possession, le 23 février 1990, du véhicule et fait constater son état par la SCP Jean-Bordeau-Tapin, huissiers associés à Paris.

M. Scherier conclut, par infirmation de la décision entreprise, à voir :

- dire l'action de Mme Pes irrecevable comme tardive par application des articles 1648 du Code civil et 122 du nouveau Code de procédure civile,

- décharger en conséquence M. Scherier de toutes les condamnations mises à sa charge,

A titre subsidiaire, et pour le cas où la cour devrait confirmer la résolution de la vente,

- constater que les dispositions de l'article 1645 son inapplicables en l'espèce,

- en conséquence, décharger M. Scherier de sa condamnation à verser à Mme Pes une somme de 12 743,30 F en dédommagement des frais qu'elle a engagés sur le véhicule,

- condamner Mme Pes au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En voie contraire, Mme Pes conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement ; elle prie, en outre la cour de condamner l'appelant au paiement à son profit de la somme 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'exécution provisoire et d'appel.

Postérieurement à l'ordonnance de clôture rendue le 9 février 1990, l'intimée a communiqué, sous bordereau du 26 février 1990, de nouvelles pièces.

Par conclusions déposées à cette dernière date ainsi que le 28 février 1990, Mme Pes a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture et la condamnation de l'appelant au remboursement =

a) de l'intégralité des échéances d'intérêts et d'assurance qu'elle continue à régler auprès de la Cofica et ce jusqu'à expiration de la ligne de crédit de Cofica,

b) des sommes réglées auprès de la Macif et de la Sagi.

L'affaire a été appelée une première fois à l'audience de plaidoiries du 2 mars 1990 ; mais, l'examen des dossiers par la cour a révélé qu'outre les pièces tardivement communiquées le 26 février 1990, un procès-verbal de constat dressé le 23 février 1990 à la requête de l'appelant et assorti de photographies n'avait lui même pas fait l'objet d'une communication régulière.

Par décision du Président de la chambre en date du 6 avril 1990 et pour satisfaire au principe du contradictoire, l'ordonnance de clôture était, d'accord entre les parties, révoquée et les débats rouverts à l'audience collégiale du 4 mai 1990, où la cause était définitivement retenue et débattre après qu'une nouvelle ordonnance de clôture ait été rendue par le magistrat de la mise en état.

Ceci étant exposé, la cour,

Sur la recevabilité de la demande.

Considérant que M. Scherier allègue que Mme Pes, qui a assigné son vendeur près de 7 mois après la cession de la chose prétendument viciée, est hors délai pour agir, en l'état de l'article 1648 du Code civil qui dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un bref délai ;

Mais, considérant que Mme Pes oppose avec raison que le délai susvisé ne court que du jour de la découverte du vice par l'acheteur ;

Que Mme Pes est, par suite, fondée à soutenir que c'est seulement en septembre 1988, quand elle a été informée des conclusions du contrôle technique effectué à sa diligence qu'elle a eu connaissance du vice dont elle entend ici se prévaloir ;

Qu'en agissant le 2 novembre 1988, soit moins de 2 mois plus tard, elle n'était pas hors délai ; que sa demande sera, dès lors, déclarée recevable ;

Sur l'absence de vices cachés.

Considérant que pour prononcer la résolution de la vente, le premier juge s'est essentiellement fondé sur le fait que le prix de vente du véhicule de près du double de la cote argus supposait un état parfait qui n'existait pas en l'espèce eu égard au nombre et à la nature des réparations auxquelles Mme Pes a dû faire procédure peu après l'achat du véhicule ;

Mais, considérant qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, s'agissant d'un véhicule d'occasion, si les 3 condition que la jurisprudence découlant de l'article 1641 du Code civil impose, à savoir la gravité, le caractère occulte et l'antériorité du vice, se trouvaient en l'espèce réunies, le tribunal a fait une application inexacte aux données de la cause des textes sur la garantie des vices cachés ;

Qu'il est acquis, en effet, que lors du premier contrôle technique du 14 avril 1988, le véhicule considéré ne présentait que de légers défauts (échappement défectueux, jeu dans la direction, pollution hors norme), parfaitement décelables même pour un automobiliste non averti et auxquels il fut au demeurant aussitôt remédié, en sorte que le vendeur a pu dans l'annonce parue qualifier la chose vendue d'impeccable, terme relevant du langage volontiers hyperbolique de la publicité commerciale, mais dont la mise en circulation déjà ancienne du véhicule, nécessairement avouée, n'était pas toutefois, sans limiter la portée aux yeux du candidat acquéreur ;

Que de fait, les problèmes mécaniques qui sont par la suite apparus et qui étaient prévisibles, - s'agissant d'un véhicule utilitaire, de 8 ans d'âge, de seconde main, accusant au compteur le chiffre non garanti de 80 000 km et qui pourrait bien, au surplus, avoir été utilisé par l'acheteur, sans grand ménagement, comme taxi-camionnette (certaines factures émanant des Etablissements Humblot, concessionnaire Renault, portant, en effet, dans le cadre "destinataire" les mots 'Taxi Italie") - sont manifestement dus à l'usure ou à un mauvais entretien du véhicule ;

Que les notes de réparations produites se rapportent effectivement tantôt à des prestations d'entretien courant (vidange, remplacement des vis et bougies), tantôt à des opérations banales de réglage (contrôles des compressions, de l'allumage, de la carburation et du débit de la pompe à essence), tantôt au remplacement de pièces usées (batterie, câble d'embrayage et échange-standard démarreur), série d'interventions, donc de dépenses auxquelles doit nécessairement s'attendre tout acheteur d'un véhicule automobile d'occasion ayant le même âge et le même kilométrage ;

Considérant que les contrôles techniques du 6 septembre 1988 n'ont, contrairement à ce que soutient l'intimée, permis de déceler aucun vice caché de la chose vendue ;

Qu'en effet, le jeu dans le volant et les rotules de direction constituent, tout comme le défaut d'efficacité du frein à main ou du démarreur des vices apparents ; que ces défauts sont au reste mineurs ; que de fait, un simple réglage suffit à rendre au frein de stationnement son efficacité première ;

Que la révision de la fonction mécanique de direction est une intervention courante et pratiquement systématique sur les véhicules du type de celui en cause ; qu'elle est, d'ailleurs, liée au jeu existant dans le volant et les rotules et tient à ce qu'il n'y a pas sur l'Estafette Renault de système de rattrapage de jeu automatique ;

Que le contrôle de la couronne de volant moteur est, de son côté, une intervention exclusivement mécanique qui ne met pas en jeu la sécurité ;

Que le Neiman et le régulateur d'alternateur sont des pièces d'usure, dont le remplacement quant il est rendu, comme en l'espèce, nécessaire par le temps, est exclusif de toute anomalie ;

Considérant que l'argument tiré de ce que le prix de vent de 13 000 F était supérieur à la cote Argus (7 300 F) n'est pas plus convaincant, en l'état des explications fournies par l'appelant que le prix se trouvait, en l'occurrence, justifié par les aménagements intérieurs que l'Estafette comportait ;

Qu'à ce sujet, un simple examen des photographies jointes au constat d'huissier versé aux débats révèle l'adjonction sur le véhicule litigieux de vitres latérales de caisse qui sont soit une option à l'achat du véhicule et dont l'Argus ne tient pas compte, soit un aménagement ultérieur qui peut justifier la différence de prix ;

Qu'en toute état de cause, le procès-verbal de constat dressé le 23 février 1990, lors de la restitution du véhicule, lequel paraît avoir dans les derniers temps été laissé à l'abandon sur la voie publique, a mis en évidence un défaut d'entretien imputable à l'acquéreur ; qu'il n'est pas démontré notamment que les nombreuses traces d'impact et les graffiti relevés sur la carrosserie, existaient au moment de l'achat ;

Qu'en l'état de ces éléments réunis, il n'est pas établi que le véhicule considéré présentait au jour de la transaction un vice rédhibitoire quelconque, pouvant justifier la résolution de la vente sur le fondement invoqué de l'article 1644 du Code civil ;

Qu'il échet, dès lors, infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau sur le fond, de débouter Mme Pes Josiane de l'ensemble des prétentions par elle formées tant en première instance que devant la cour et de décharger, en conséquence, M. Scherier de toutes les condamnations pécuniaires par lui supportées à la suite de l'exécution forcée du jugement ;

Considérant que l'équité ne commande pas, en revanche, d'allouer à l'appelant une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant que Mme Pes, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance, d'appel ainsi qu'à ceux d'exécution provisoire.

Par ces motifs, Déclare recevable la demande de Mme Pes Josiane ; Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à résolution de la vente du véhicule Renault immatriculé 392 CWP 75, intervenue courant avril 1988 entre M. Scherier et Mme Pes ; Déboute, en conséquence, Mme Pes Josiane de l'ensemble des prétentions par elle formées tant en première instance que devant la cour Décharge M. Scherier des condamnations pécuniaires par lui supportées à la suite de l'exécution forcée du jugement entrepris ; Le déboute, en revanche, de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Mme Pes Josiane aux entiers dépens de première instance, d'appel et d'exécution provisoire Condamne Mme Pes Josiane aux entiers dépens de première instance, d'appel et d'exécution provisoire Admet Maître Lecharny, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.