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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 28 mai 1998, n° 97-9001

AIX-EN-PROVENCE

arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association des ouvriers en instruments de précision (SA)

Défendeur :

François Perez (SARL) ; Française de prévention et de protection (Sté) ; Madonna (ès qual.) ;

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

Mme Coux, M. Semeriva

Avoués :

SCP Boissonnet-Rousseau, SCP de Saint Ferreol Touboul

Avocats :

Mes Win Bompard, Gastaldi.

T. com. Cannes, du 15 juin 1989

15 juin 1989

Exposé du litige:

A la suite d'un cambriolage perpétré à son domicile, Monsieur Benattar a poursuivi en justice la réparation de son préjudice par la société François Pérez, à laquelle il avait confié la charge d'équiper son habitation d'une installation de protection, et d'en assurer l'entretien.

En parallèle à cette procédure, la société Pérez a recherché la garantie de la société des Ouvriers en Instruments de Précision (la société AOIP), et de la société Française de Prévention et de Protection (la société SFPP), fournisseurs des éléments dont la défaillance aurait provoqué la panne du système de protection.

Statuant sur ce recours, le Tribunal de commerce de Cannes, par jugement rendu le 15 juin 1989, a :

- condamné les sociétés AOIP et SFPP, "conjointement et solidairement", à relever et garantir la société Pérez de toutes les condamnations prononcées dans l'instance principale par arrêt rendu le 26 juillet 1988 par la Cour d'appel d'Aix-en- Provence,

- condamné ces sociétés, sous la même solidarité, au paiement de la somme de 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société AOIP a relevé appel le 1er septembre 1989.

Par conclusions du 30 octobre 1990, elle faisait valoir:

- que l'action est irrecevable, faute d'avoir été engagée à bref délai,

- que les motifs de l'arrêt du 26 juillet 1988, sur lesquels se sont fondés les premiers juges, ne permettaient nullement de conclure que les matériels fournis par ses soins auraient été atteints de quelque vice antérieur à la vente et les rendant impropres à leur destination,

- que leur remplacement unilatéral par la société Pérez au lendemain du vol ne saurait caractériser une preuve de ce vice,

- qu'en omettant de faire procéder à un démontage et à un remplacement contradictoire, puis en assignant tardivement, cette société a fait obstacle à la conservation des preuves, et doit supporter les conséquences de leur dépérissement.

Soutenant encore que les motifs de la cour lui sont inopposables, dans la mesure où elle n'était pas partie à l'instance, la société AOIP demandait la réformation du jugement, le débouté des demandes formées par la société Pérez, et sa condamnation à lui payer une somme de 10 000 F, en réparation de préjudice moral, ainsi qu'une indemnité de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Pérez répliquait :

- qu'elle ne pouvait assigner en garantie tant que Monsieur Benattar ne l'avait pas elle-même assignée, ce qu'il n'a fait qu'en 1987,

- que sur cette action, elle a contesté sa responsabilité, qui n'a été reconnue que par l'arrêt du 26 juillet 1988,

- que son recours en garantie formé le 25 octobre suivant a donc été exercé dans le délai admis,

- que par ailleurs, cet arrêt a été notifié à la société AOIP, lors de la délivrance de l'assignation, en l'avisant du délai de tierce opposition, voie de recours qu'elle n'a pas cru devoir exercer,

- que les décisions de justice ayant retenu que la panne du système était due au non-fonctionnement de deux appareils fournis par ses soins, c'est à tort que la société AOIP discute d'une impossibilité de preuve, alors d'ailleurs qu'en première instance, elle sollicitait une expertise, preuve qu'elle tenait pour possible d'établir la cause de cette défaillance,

- que cette société est encore mal venue à soutenir que la société Pérez aurait supprimé les preuves, alors qu'elle a elle-même réparé le matériel, admettant ainsi expressément qu'il était défectueux, d'autant que ce type d'équipement avait déjà donné lieu à de nombreux problèmes.

La société Pérez concluait donc à la confirmation du jugement, la preuve étant rapportée que le transmetteur fabriqué par la société AOIP était défectueux et à l'origine du dommage.

Elle demandait une indemnité de 8 000 F au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

La SFPP, assignée en la personne de Maître Madonna, mandataire-liquidateur à sa liquidation judiciaire, par acte remis à personne présente, ne comparaissait pas. L'affaire, fixée en cet état à l'audience du 29 avril 1992, faisait l'objet d'un renvoi, la cour de cassation ayant cassé l'arrêt du 26 juillet 1988.

La Cour de Montpellier a statué sur renvoi le 18 avril 1994, puis l'instance a été ré-enrôlée après radiation.

La société AOIP a fait procéder au ré-enrôlement de l'instance.

Elle expose que la motivation de l'arrêt rendu par la Cour de Montpellier confirme que le recours intenté à son encontre par la société Pérez est abusif, puisqu'elle retient que cette société était contractuellement tenue d'assurer le bon fonctionnement de l'installation, et que seule sa défaillance se trouve à l'origine de sa responsabilité, surtout que le transmetteur d'alerte fourni par la société AOIP n'est pas le seul élément qui n'a pas fonctionné.

Elle fait également valoir :

- qu'elle n'a nullement fourni le système périphérique, ni le détecteur de choc dont les déficiences ont empêché le déclenchement de l'alerte,

- que Monsieur Benattar se trouvant à son domicile lors de la commission des faits, la survenance du cambriolage, puis la fuite des auteurs, sont sans lien de causalité avec ce défaut de fonctionnement,

- qu'elle s'est trouvée contrainte de régler, au titre de l'exécution provisoire, alors que sa responsabilité n'est pas engagée, et que la société Pérez n'a, dans ces conditions, supporté aucune indemnisation,

- que l'arrêt de la Cour de Montpellier n'a été porté que très tardivement à sa connaissance,

- qu'ainsi, outre le remboursement du paiement indu, elle est fondée à obtenir des dommages-intérêts.

La société AOIP demande en conséquence de lui allouer le bénéfice de ses conclusions antérieures, de faire droit de plus fort à son recours, de réformer le jugement entrepris, et de:

- condamner la société Pérez à lui rembourser la somme de 335 109,20 F, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 1991,

- la condamner au paiement d'une somme de 50 000 F, à titre de dommages-intérêts, ainsi que d'une indemnité de 30 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Pérez expose que l'arrêt rendu après cassation a ramené l'évaluation du préjudice de Monsieur Benattar à la somme de 100 000 F, outre une indemnité de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle demande le bénéfice de ses écritures précédentes.

Me Madonna, de nouveau cité à domicile le 10 juillet 1997, n'a pas comparu.

Il a adressé à la cour un courrier l'informant qu'il s'en remettait à sa sagesse.

Motifs de la décision:

La société Pérez a été assignée par Monsieur Benattar le 12 mars 1987. Elle a exercé son recours contre la société AOIP le 25 octobre 1998.

A cette date, le jugement faisant droit à la demande de Monsieur Benattar avait déjà été rendu, le 17 septembre 1987, de même que l'arrêt confirmatif du 26 juillet 1988.

Il ressort, par ailleurs, des propres conclusions de la société Pérez que son technicien aurait, dès le lendemain du vol perpétré le 31 décembre 1984, que le transmetteur fourni par la société AOIP était défectueux.

Le retour de ce matériel, réparé par la société AOIP date, enfin, du 13 février 1985.

S'il peut être admis que la société Pérez n'avait pas à agir à l'encontre de son fournisseur avant que sa propre responsabilité ne soit elle-même recherchée, il résulte de cette chronologie que la mise en cause par ses soins de la société AOIP n'est intervenue que plus de dix-huit mois après l'introduction effective d'une réclamation à son encontre.

Par ailleurs, la révélation du vice prétendu est intervenue plus de trois ans avant cette assignation, et il n'est justifié d'aucun empêchement susceptible de légitimer ce retard.

Dans ces conditions, la société AOIP objecte à juste raison que l'action de la société Pérez, qui tend à voir consacrer sa responsabilité au titre du vice caché d'un matériel vendu par ses soins, n'a pas été engagée dans le bref délai imposé par l'article 1648 du Code civil.

Les premiers juges ont retenu que ce texte n'interdisait pas qu'une telle action soit formée par voie principale ou reconventionnelle, mais peu important ce principe inopérant en l'espèce, la demande de la société Pérez est irrecevable, pour n'avoir pas été engagée avant expiration de ce délai.

Il convient de réformer le jugement entrepris, et de déclarer cette irrecevabilité.

Les intérêts légaux sur les sommes dont le remboursement résulte de cette réformation courront à compter de la signification du présent arrêt.

La société AOIP n'établit pas que le paiement au titre de l'exécution provisoire lui ait causé un préjudice susceptible de fonder sa demande de dommages-intérêts.

Aucune circonstance ne justifie que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile soient écartées.

Il est enfin à observer que le chef du dispositif concernant la société SFPP ne fait l'objet d'aucune critique.

Par ces motifs : - Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, - Réforme le jugement entrepris en toute condamnation prononcée à l'encontre de la société des Ouvriers en Instruments de Précision - Statuant à nouveau, déclare irrecevable l'action de la société François Pérez à l'encontre de cette société, et la condamne aux entiers dépens de première instance afférents à cette action, - Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts, - Dit que les intérêts sur les sommes à rembourser en application du présent arrêt porteront intérêt légal à compter de sa signification, - Condamne la société François Pérez à payer à la société des Ouvriers en Instruments de Précision une indemnité de 7 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Condamne la société François Pérez aux entiers dépens d'appel; autorise la SCP Boissonnet-Rousseau à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.