CJCE, 2e ch., 22 mars 1961, n° 42-59
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société nouvelle des usines de Pontlieue - Aciéries du Temple (SA)
Défendeur :
Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ; Koninklijke Nederlandsche Hoogovens en Staalfabrieken NV (SA) ; Breda Siderurgica SPA (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes de Richemont, Coutard, Kalff, Grassetti, de Wilmars.
LA COUR,
Affaire 42-59
I - Quant à la recevabilité des conclusions principales de la requérante
Attendu que la partie défenderesse invoque l'irrecevabilité du recours, motif pris de ce que la lettre de la division du marché du 7 août 1959 ne constituerait pas une décision de la Haute Autorité et, subsidiairement, qu'il ne saurait y avoir recours pour excès de pouvoir en la matière ;
Attendu que ces deux exceptions d'irrecevabilité sont fondées ;
A) Attendu qu'en effet la lettre en question ne constitue une décision de la Haute Autorité ni par sa forme, ni par son contenu ;
Qu'en ce qui concerne la forme, cette lettre n'a été signée que par le directeur de la Division du marché, intervenant en son nom personnel et non pas au nom et par délégation de la Haute Autorité, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée de décision de la Haute Autorité ;
Qu'en ce qui concerne son contenu elle se borne à déclarer que les arrêts de la Cour de justice du 17 juillet 1959 seront examinés par les services de la Haute Autorité qui prendra les décisions nécessaires, et que la division du marché n'aperçoit aucun fondement à la demande d'indemnité pour faute de service ;
Qu'une telle déclaration n'établit aucune règle générale et n'affecte aucun intérêt individuel à titre définitif ;
B) Attendu que le présent recours a pour but véritable de faire constater la responsabilité de la Haute Autorité pour faute de service ;
Que pareille constatation ne relève pas du contentieux de l'excès de pouvoir, réglé à l'article 33 du traité CECA, visant l'annulation des décisions de la Haute Autorité et sur lequel le recours est basé, mais ne pourrait se fonder que sur l'article 40 ou éventuellement l'article 34 ;
Qu'on ne saurait tirer argument en sens contraire de la troisième phrase de l'article 40 du statut de la Cour de justice de la CECA ; qu'en effet, si cette disposition vise le cas où la personne qui s'estime lésée par une faute de service de la Communauté a adressé une demande préalable à l'institution compétente de la Communauté, elle n'est toutefois destinée qu'à fixer un délai de déchéance, sans pour autant modifier la nature du recours prévu en la matière ;
Attendu que, pour ces deux raisons, le recours est irrecevable.
II - Quant à la recevabilité des conclusions supplémentaires de la requérante
Attendu que la requérante demande en outre à la Cour de lui " donner acte... de ses réserves d'introduire devant la Cour un nouveau recours en dommages-intérêts contre la Haute Autorité, pour faute de service, en réparation du préjudice subi par elle à la suite des dérogations susvisées ", et de " lui donner acte également de ce qu'elle a l'intention de solliciter la jonction de ce nouveau recours " au présent litige ;
Attendu que la requérante n'a pas établi qu'elle a un intérêt légitime à présenter de telles conclusions et que la Cour ne voit pas davantage l'existence de pareil intérêt ;
Qu'en effet le droit d'agir de la requérante ne saurait en aucun cas dépendre du fait que la Cour lui ait préalablement donné acte de son intention d'en user ;
Que la jonction d'un litige futur et du litige actuel, qui est tranché par le présent arrêt, est inconcevable ;
Que, dès lors, faute d'intérêt, ces deux chefs du présent recours sont irrecevables.
Affaire 49-59
Quant à la recevabilité
I - Des moyens soulevés par la défenderesse
1. Attendu qu'en ce qui concerne la demande tendant à faire rapporter les exonérations la défenderesse s'en remet à la sagesse de la Cour sur la question de savoir s'il y a carence de la Haute Autorité nonobstant le fait que, dans le délai de deux mois prévu à l'article 35, alinéa 3, la division du marché a répondu à la requérante que les questions soulevées étaient mises à l'étude ;
Attendu, cependant, qu'une telle réponse ne s'oppose pas à la recevabilité d'un recours en carence, puisqu'elle ne constitue pas une décision au sens du traité ;
Qu'il y a donc, malgré cette lettre, décision implicite de refus, conformément à l'article 35 du traité CECA, de sorte que, sous cet aspect, le recours en carence est recevable.
2. Attendu qu'en ce qui concerne la demande tendant à faire fixer un nouveau taux de contribution et à le faire communiquer à la requérante avec tous les éléments lui permettant d'exercer un contrôle normal sur l'établissement de ce taux, la défenderesse allègue qu'il n'y a ni carence, ni matière à carence ;
Attendu que, pour démontrer qu'il n'y a pas carence, la défenderesse fait valoir que toute une procédure a été entamée dès le prononcé de l'arrêt 32 et 33-58, afin de tirer les conséquences de cet arrêt et de fixer le nouveau taux de contribution ;
Attendu que ces observations sont dénuées de pertinence ;
Qu'en effet la carence visée par l'article 35 du traité est caractérisée par l'absence de décision explicite ; que des travaux destinés à préparer une telle décision ne sauraient être assimilés à cette décision même ;
Attendu que, pour démontrer qu'il n'y a pas matière à carence, la défenderesse allègue que les services de la Haute Autorité devaient disposer d'une période suffisante pour fixer le nouveau taux de contribution à la suite de l'arrêt 32 et 33-58 ;
Que, selon la défenderesse, la Haute Autorité ne saurait être " contrainte de modifier dans un certain délai, et sur la demande d'une entreprise ", la réglementation en cause ;
Attendu que ce raisonnement confond la recevabilité du recours et son bien-fondé ;
Que, d'après l'article 35, alinéa 3, du traité CECA, le recours en carence peut être formé si, à l'expiration d'un délai de deux mois consécutif à une mise en demeure, la Haute Autorité n'a pris aucune décision ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la défenderesse doivent être rejetées.
II - Des moyens soulevés par les parties intervenantes
Attendu que les parties intervenantes soulèvent des exceptions d'irrecevabilité qui n'ont pas été présentées par la partie défenderesse ;
Que ce droit des parties intervenantes ne saurait être contesté en l'espèce, puisque ces exceptions ou arguments tendent au rejet des conclusions de la partie requérante ;
1. Attendu que les parties intervenantes soulèvent une exception d'irrecevabilité tirée du fait que la décision implicite de refus, pour autant qu'elle se rapporte au retrait des exonérations, n'aurait qu'une portée confirmative et que, dès lors, la requérante ne serait pas recevable à en demander l'annulation, le délai imparti par le traité pour l'introduction d'un recours contre les décisions conformes antérieures étant expiré ;
Que la partie intervenante Breda Siderurgica ajoute que les exonérations ne constitueraient pas une décision puisqu'en les accordant la Haute Autorité aurait simplement appliqué ses décisions de base n° 22-54, 14-55 et 2-57, de sorte que le refus de rapporter ces exonérations ne serait pas davantage une décision au sens du traité, car, " lorsqu'il n'existe pas de décision qui puisse être tacitement confirmée, il ne peut pas y avoir une décision confirmative " ;
Que, d'ailleurs, la partie défenderesse, dans ses observations relatives au mémoire ampliatif de l'intervenante Breda Siderurgica, fait valoir que l'acte attaqué constitue une simple interprétation d'une réglementation antérieure et ajoute qu'une interprétation, " si elle constitue incontestablement une prise de position, n'est pas pour autant une " décision " et " ne peut faire l'objet ni d'un recours direct en annulation, ni d'un recours en carence " ;
Attendu que la Cour ne saurait admettre ces arguments ;
Attendu qu'en ce qui concerne les arguments présentés par l'intervenante Breda Siderurgica et l'argumentation complémentaire de la défenderesse, ils méconnaissent le fait que l'application de la décision générale 2-57 à un cas concret constitue une décision et cela indépendamment du caractère juridique qu'il convient d'attribuer à la lettre du 18 décembre 1957 ;
Qu'ainsi le fait, pour la Haute Autorité, d'avoir levé les réserves formulées antérieurement par son représentant au sujet des exonérations litigieuses, valait décision ; que les exonérations accordées aux intervenantes constituent donc des décisions ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'argument selon lequel le refus de rapporter les exonérations accordées à Breda et Hoogovens ne constitue qu'un acte purement confirmatif, il est vrai qu'un acte qui se borne à confirmer un acte antérieur ne saurait accorder aux intéressés la possibilité de rouvrir les débats sur la légalité de l'acte confirmé ;
Que, cependant, cette règle générale ne s'applique pas s'il y a un fait nouveau de nature à changer les circonstances et conditions essentielles qui ont régi l'adoption de l'acte primitif ;
Qu'en intentant une action basée sur l'article 35 du traité la requérante a demandé à la Haute Autorité de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour 32 et 33-58, en soutenant que, considérées à la lumière des motifs de cet arrêt, les exonérations accordées aux entreprises intégrées localement n'étaient plus justifiées et devaient être retirées ;
Que, toutefois, la question de savoir si l'arrêt mentionné est de nature à invalider le refus implicite attaqué relève de l'examen au fond du litige ; que, dans ces circonstances, l'argument tiré du prétendu caractère confirmatif de la décision attaquée ne saurait être admis comme une exception d'irrecevabilité ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les exceptions d'irrecevabilité alléguées doivent être rejetées.
2. Attendu que la partie intervenante Hoogovens invoque une exception d'irrecevabilité tirée de ce que la requérante n'aurait pas fait valoir le moyen de détournement de pouvoir ;
Que cette allégation est en fait inexacte, puisque, dans sa requête, la requérante a invoqué le moyen de détournement de pouvoir, et exposé d'une façon pertinente les raisons dont découle, à son avis, le détournement de pouvoir ;
Que, dès lors, cette exception doit être rejetée, et ce indépendamment de la question de savoir si la recevabilité du recours dépend ou ne dépend pas du fait qu'un détournement de pouvoir ait été invoqué.
3. Attendu que les parties intervenantes soulèvent deux autres exceptions d'irrecevabilité ;
Qu'elles font valoir d'abord que la décision incriminée est générale et ne peut donc être attaquée que par le moyen de détournement de pouvoir, alors qu'un détournement de pouvoir est juridiquement impossible en l'espèce, la Haute Autorité n'ayant pas agi en vertu d'un pouvoir discrétionnaire ;
Qu'elles soutiennent ensuite que, même si la décision était individuelle, la requérante ne pourrait invoquer que le détournement de pouvoir pour autant que le recours soit basé sur l'alinéa 2 de l'article 35 ;
A) Attendu que le caractère de la décision attaquée doit être apprécié à la lumière du libellé de la demande préalable adressée par la requérante à la Haute Autorité ;
Que, par cette demande, la requérante sollicitait en particulier l'adoption d'une série de décisions individuelles de retrait ;
Que, de l'avis de la Cour, il s'agit bien là de l'élément essentiel de la demande, puisqu'au moment où elle a été formulée, aucun cas analogue à celui des deux parties intervenantes n'avait été révélé, de sorte qu'elle visait en substance le retrait des exonérations accordées à Hoogovens et Breda Siderurgica ;
Qu'ainsi, le refus d'accéder à la demande de la requérante revêt le caractère d'une décision individuelle ;
Que des considérations analogues valent pour les autres éléments de la décision sollicitée, c'est-à-dire la fixation du nouveau taux de péréquation et la communication de celui-ci à la requérante ;
Qu'en effet il ressort du contexte et des circonstances que la requérante, bien que se servant peut-être de termes impropres, tenait essentiellement à ce que la taxe dont elle serait tenue redevable fut fixée en fonction du retrait des exonérations susvisées et lui fut communiquée ;
Que, dès lors, sur ce point encore, la décision attaquée se présente comme un acte à caractère individuel ;
Attendu que la décision individuelle concerne la requérante, étant donné que, par suite de ces exonérations, celle-ci est redevable d'une contribution plus élevée et que ce fait influence certainement la situation concurrentielle existant entre la requérante et les parties intervenantes ;
B) Attendu que, la décision attaquée étant individuelle, la requérante est en principe habilitée à faire valoir tous les moyens prévus à l'article 33, alinéa 1, du traité, et non pas seulement le détournement de pouvoir ;
Que, dès lors, point n'est besoin de trancher le problème de savoir si un détournement de pouvoir est concevable en cas d'une compétence liée ;
Que, cependant, il convient de rechercher si, comme le soutient la partie intervenante Hoogovens, cette règle est inapplicable en l'espèce puisqu'un recours en carence base sur le deuxième alinéa de l'article 35, aux termes mêmes de cette disposition, ne peut être qu'un recours pour détournement de pouvoir ;
Que cette objection méconnaît que le recours est basé en fait sur le premier alinéa dudit article ;
Qu'en effet, la requérante a clairement exprimé l'opinion selon laquelle la Haute Autorité est tenue de statuer dans le sens de la demande préalable que la requérante lui avait adressée ;
Attendu qu'il résulte des considérations qui précèdent que les exceptions d'irrecevabilité soulevées ne sont pas fondées.
4. Attendu que la défenderesse et les parties intervenantes soulèvent enfin une exception d'irrecevabilité tirée du fait que le retrait rétroactif sollicite dépasserait les pouvoirs de la Haute Autorité, étant donné qu'un acte administratif conférant des droits subjectifs ne saurait être révoqué que dans un délai raisonnable, délai qui serait largement dépassé en l'espèce ; qu'en outre le principe de la balance des intérêts en cause s'opposerait au retrait sollicité ;
Que, comme il a été dit plus haut, la question de savoir si la Haute Autorité avait le droit de prendre la décision sollicitée relève de l'examen au fond, de sorte qu'elle ne pourra être abordée que lors de la discussion des questions de fond.
Attendu que, pour ces raisons, le recours est recevable.
Quant au fond
I - Le recours en carence dirigé contre le refus implicite de rapporter les exonérations litigieuses
Attendu que la légalité du refus de rapporter avec effet rétroactif les exonérations litigieuses dépend en premier lieu de la légalité des exonérations elles-mêmes ;
Qu'en effet, si celles-ci sont légales, il s'ensuivrait que c'est à bon droit que la Haute Autorité a refusé de les rapporter, le retrait à titre rétroactif d'un acte légal qui a conféré des droits subjectifs ou des avantages similaires étant contraire aux principes généraux du droit ;
Qu'il convient donc d'examiner d'abord si les exonérations litigieuses sont illégales.
A- Les exonérations litigieuses sont-elles illégales ?
1. Attendu que les ferrailles litigieuses, utilisées par Hoogovens et Breda Siderurgica et provenant de leurs entreprises soeurs, avaient été exonérées de la péréquation en 1956-1957 à raison de l'intégration locale des ateliers en cause, quoiqu'elles puissent éventuellement tomber sous la notion de ferrailles de groupe ;
Que la Cour, dans son arrêt rendu le 17 juillet 1959 dans les affaires 32 et 33-58 (SNUPAT contre Haute Autorité) a jugé qu'une exonération des ferrailles de groupe n'est pas justifiée ;
Que, dans ces circonstances, l'arrêt susvisé faisait apparaître les exonérations sous un aspect nouveau, ce qui impliquait, après un nouvel examen de leur base juridique, une décision touchant leur légalité ;
Que ledit arrêt devait donc amener la Haute Autorité à reconsidérer sa position antérieure et à examiner si les exonérations litigieuses pouvaient être maintenues compte tenu des principes établis par l'arrêt précité, étant donné qu'elle était désormais obligée de respecter ces principes sous peine de tolérer une discrimination faussant le jeu de la concurrence normale tel qu'il est prévu par les règles fondamentales du traité ;
Qu'en effet, à l'époque où les lettres des 18 décembre 1957 et 17 avril 1958 ont été rédigées et publiées au Journal Officiel, la Haute Autorité avait encore à résoudre entièrement le problème de dégager les principes contenus dans la décision de base 2-57, décision qui ne définit pas le sens des mots " ressources propres " et " ferrailles d'achat " ;
Qu'il n'en était plus de même au moment où la partie requérante, après le prononcé de l'arrêt précité de la Cour, a saisi la Haute Autorité ;
Qu'à ce moment, en effet, le problème délicat de l'interprétation de la décision 2-57 avait été abordé et sur plusieurs points résolu par la Cour de justice ;
Que cet arrêt a notamment exposé les motifs pour lesquels l'exonération des ressources propres doit être considérée comme légale alors que celle des ferrailles dites " de groupe " ne l'est pas ;
Que le refus de la Haute Autorité de rapporter les exonérations, loin de confirmer simplement son point de vue antérieur, contient donc la décision implicite que l'arrêt de la Cour n'imposait pas une autre attitude et que les considérations qui, de l'avis de la Cour, s'opposaient à l'exonération des ferrailles de groupe ne couvraient pas le cas de l'intégration locale ;
Que, dans ces conditions, le silence de la Haute Autorité sur la demande tendant à faire rapporter les exonérations litigieuses, loin de constituer une confirmation pure et simple de son attitude antérieure, implique une décision nouvelle, selon laquelle les principes établis par l'arrêt de la Cour 32 et 33-58 n'obligeaient pas la Haute Autorité à réviser cette position ;
Que le refus de rapporter les exonérations litigieuses constitue ainsi une nouvelle décision de la Haute Autorité, décision que la requérante pouvait attaquer et qu'elle a attaquée dans les délais par le présent recours.
2. Attendu qu'il convient de passer ensuite à l'examen du problème de la légalité des exonérations litigieuses sur la base des principes établis par la Cour dans son arrêt précédent (32 et 33-58) ;
Attendu qu'en accordant les exonérations à cause de l'intégration locale des ateliers la Haute Autorité a justifié sa décision par un lien essentiellement géographique, donc contingent, ce que la Cour a déclaré inadmissible dans son arrêt antérieur ;
Attendu en outre que la Cour, dans l'arrêt précité, a énoncé le principe que l'exonération des ferrailles de groupe, étant génératrice de discriminations interdites par l'article 4 du traité, est contraire au traité ;
Attendu que les ferrailles provenant des ateliers de Breedband et utilisées par Hoogovens, ainsi que les ferrailles utilisées par Breda Siderurgica et provenant de ses entreprises soeurs, constituent de la ferraille de groupe ;
Qu'en effet ni Hoogovens, ni Breda ne forment une entreprise unique avec les sociétés dont provient la ferraille en question ;
Que la notion d'entreprise au sens du traité s'identifie au concept de personne physique ou morale, étant donné que le traité fait essentiellement appel à cette notion pour designer les titulaires de droits et obligations découlant du droit communautaire ;
Que, pour admettre que plusieurs sociétés distinctes puissent constituer une entreprise unique au sens de l'article 80 du traité, il serait nécessaire que le traité contienne une disposition explicite dans ce sens ;
Qu'à défaut d'une telle disposition on ne saurait présumer que deux sociétés séparées et distinctes puissent constituer une entreprise unique au sens du traité, et ce d'autant moins qu'elles ont des personnalités juridiques distinctes au regard de leur droit national ; que, d'autre part, si la thèse contraire était acceptée, l'identification des entreprises visées à l'article 80 serait fréquemment impossible ;
Qu'au surplus, en ce qui concerne l'ensemble industriel Breda, seule la société Breda Siderurgica est productrice d'acier, tandis que les autres sociétés n'exercent qu'une activité de transformation de l'acier ;
Que, dans ces conditions, la société Breda Siderurgica et les autres sociétés groupées avec elle ne sauraient constituer une entreprise unique au sens de l'article 80 du traité, lequel vise seulement les entreprises " qui exercent une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier " ;
Que l'intégration locale, même poussée à l'extrême, et l'interdépendance économique des productions respectives des entreprises formant le groupe ne sauraient faire oublier le fait que les ateliers où la ferraille est récupérée appartiennent à des personnes morales distinctes des parties intervenantes ;
Que, si les intéressés choisissent expressément, pour se grouper, une forme légale déterminée dont ils escomptent certains avantages, ils sont mal fondés à exiger que cette forme juridique ne soit pas prise en considération chaque fois que son application est susceptible de leur causer des inconvénients ;
Qu'il serait du reste injuste d'appliquer à la ferraille circulant entre deux sociétés distinctes des règles différentes selon que ces sociétés occupent des emplacements voisins ou plus ou moins distants ;
Qu'un tel système aboutirait à aggraver la charge supplémentaire résultant de la nécessité d'assumer les frais de transport et risquerait ainsi d'augmenter artificiellement les différences des coûts de production, ce qui va à l'encontre aussi bien du traité que des principes de base du système de péréquation ;
Attendu, enfin, que la thèse de Hoogovens suivant laquelle l'utilisation par elle des ferrailles de chute provenant des ateliers de Breedband constitue une amélioration des rendements au sein d'une seule et même entreprise, et que les deux entreprises ne constituent pas un groupe susceptible de modifier artificiellement le jeu de la concurrence, se heurte au fait qu'en réalité il ne s'agit pas d'une seule entreprise, mais de deux sociétés juridiquement distinctes, jouissant chacune de la personnalité juridique ;
Que la mise en commun des gains et des pertes, découlant du contrat fixant les relations entre Hoogovens et Breedband, ne traduit que la coopération existant entre ces deux entreprises ;
Qu'en vertu de cette coopération, qu'elle constitue ou non une entente ou une concentration, les deux entreprises forment un groupe ;
Que, dès lors, l'exonération accordée à Hoogovens à cause de l'existence du groupe Hoogovens-Breedband est susceptible de fausser la concurrence, c'est à dire, en l'espèce, les rapports de concurrence existant entre Hoogovens et d'autres entreprises qui ne forment pas groupe avec des producteurs de ferraille ;
Attendu que, pour ces raisons, les règles énoncées dans l'arrêt 32 et 33-58 et suivant lesquelles la ferraille dite de groupe doit être soumise à la péréquation s'appliquent également aux parties intervenantes.
3. Attendu que Hoogovens fait valoir que les exonérations litigieuses devraient être maintenues pour éviter d'imposer deux fois les mêmes entreprises pour la même quantité de ferraille, ce que la Cour aurait condamné dans son arrêt précédent ;
Attendu que la Cour n'admet pas ce raisonnement ;
Que, dans son arrêt 32 et 33-58, la Cour n'a condamné la double imposition que pour autant que celle-ci frapperait une seule et même entreprise et non pas au cas où cette imposition se repartirait entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes ;
Que, dès lors, ce n'est pas l'identité technique du matériau qui constitue le critère décisif, mais l'identité de l'acheteur et du récupérateur ;
Qu'en effet, dans de très nombreux cas, il existe un rapport de filiation technique entre la ferraille récupérée lors de la fabrication de produits finis, d'une part, et la ferraille utilisée pour la production de l'acier destiné à cette fabrication, d'autre part ;
Que, sous peine de rendre inopérant le mécanisme financier de péréquation et compte tenu du circuit incessant de la ferraille brute ou transformée à travers les différents stades de la production, il est inévitable de soumettre " la même quantité de ferraille " deux fois et même davantage à l'imposition ;
Attendu qu'il est ainsi établi que les décisions par lesquelles des exonérations ont été accordées à Hoogovens et Breda Siderurgica sont illégales, l'exonération basée sur le critère de l'intégration locale étant en contradiction avec l'interprétation du traité donnée par la Cour dans son arrêt 32 et 33-58.
4. Attendu qu'il faut encore examiner si la constatation de l'illégalité des exonérations litigieuses n'est pas en contradiction avec la décision de base 2-57 ; Que la Cour estime que tel n'est pas le cas ;
A) Attendu qu'il ressort de l'article 2 de la décision 2-57 que le terme de " ressources propres ", employé à l'article 4 de la décision, se réfère aux " entreprises visées à l'article 80 du traité ", étant entendu qu'il s'agit de l'entreprise utilisatrice de la ferraille, donc en l'espèce de Hoogovens et de Breda Siderurgica ;
Qu'il y a lieu de constater tout d'abord que, par " ressources propres ", la décision 2-57 vise les ferrailles qui constituent, dès l'origine, la propriété d'une entreprise au sens du traité ;
Que cette interprétation, loin de trahir la pensée de l'auteur de la décision, a été adoptée par celui-ci dans sa lettre du 18 décembre 1957 (Journal Officiel du 1er février 1958, p. 45-58), puisqu'il y est précisé que la notion de " ressources propres " doit être interprétée " suivant la valeur sémantique du terme " ;
Que la notion "d'entreprise ", telle que la conçoit l'article 80 du traité, s'identifie au concept de personne physique ou morale, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus sous A2 ;
Que, dès lors, lorsqu'une décision de la Haute Autorité se réfère purement et simplement aux " entreprises visées à l'article 80 du traité ", il y a lieu de présumer qu'elle entend par là les personnes physiques ou morales au nom desquelles sont exercées les activités prévues à cet article ;
Qu'en l'espèce il est d'ailleurs établi que pareille interprétation correspond à la volonté de l'auteur de la décision 2-57, puisque, dans sa lettre du 18 décembre 1957, la Haute Autorité a précisé " qu'une entreprise... Se définit en tout état de cause par sa raison sociale " ;
Qu'en outre la référence aux ferrailles " propres " à une entreprise implique la notion de " propriétaire " qui a un caractère strictement juridique ;
Attendu qu'il résulte des considérations précédentes qu'aux termes de la décision 2-57 ne peuvent être considérées comme ressources propres, et donc comme exonérées de la péréquation, que les ferrailles qui, entre le moment de leur " production " et celui de leur utilisation, n'ont pas changé de propriétaire, ce dernier terme pris dans un sens strictement juridique ;
Que tel n'est pas le cas des ferrailles litigieuses ;
B) Attendu que la partie intervenante Hoogovens s'est efforcée de démontrer que les ferrailles qu'elle reçoit de la société Breedband n'ont jamais cessé d'être la propriété de Hoogovens ;
Qu'à cet égard elle allègue notamment :
- Qu'en vertu du contrat passé entre Breedband et elle-même, ces deux sociétés forment une " Maatschap " au sens des articles 1655 et suivants du code civil des Pays-Bas ;
- Que, d'après le droit civil des Pays-Bas, les associés d'une " Maatschap " sont copropriétaires des biens produits en société ;
Attendu que ces allégations se fondent essentiellement sur le contrat passé entre Hoogovens et Breedband, dont la partie intervenante n'a pas cru devoir verser le texte au dossier ;
Que la partie intervenante a souligné le caractère " extrêmement confidentiel " de ce contrat et a déclaré avoir des scrupules sérieux à en révéler le contenu à la requérante ainsi qu'à la partie intervenante Breda Siderurgica, qui sont ses concurrentes ;
Qu'elle s'est toutefois déclarée prête à soumettre le contrat à toute personne liée par le secret professionnel, en présence, au besoin, du juge rapporteur, ou encore à la Haute Autorité, aux fins des vérifications que la Cour estimerait nécessaires ;
Attendu que ce serait violer un principe élémentaire du droit que de baser une décision judiciaire sur des faits et documents dont les parties elles-mêmes, où l'une d'entre elles, n'ont pu prendre connaissance et sur lesquels elles n'ont donc pas été en mesure de prendre position ;
Attendu que, lors de la descente sur les lieux effectuée par la Cour à Ijmuiden, le représentant de la partie intervenante, interrogé à cet effet, a déclaré que ce contrat ne contient aucune allusion expresse au régime de propriété, mais que, de l'avis de l'intervenante, la preuve de la copropriété ressort de plusieurs de ses clauses ;
Que l'interprétation et l'appréciation de ces clauses sont subordonnées à l'examen du contrat tout entier ;
Que la partie intervenante ayant elle-même invoqué ce contrat à titre de preuve de son allégation selon laquelle les ferrailles provenant de Breedband sont assimilables à des ressources propres de Hoogovens, il lui incombait de faire la preuve de ses allégations ;
Qu'il n'est pas admissible de laisser à la Cour l'initiative de se procurer par mesures d'instruction les éléments destinés à prouver le bien-fondé de l'argument invoqué par la partie intervenante, qui détient elle-même ces éléments ;
Que, pour ces raisons, la Cour, prenant acte des réserves et hésitations de Hoogovens, n'a pas ordonné la production du contrat ;
Qu'en l'occurrence la partie intervenante n'ayant pas apporté la preuve de ses allégations, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la valeur de cet argument ;
Attendu que, dès lors, il n'est pas établi que les ferrailles que Hoogovens reçoit de la société Breedband constituent des " ressources propres " suivant la valeur sémantique du terme ;
C) Attendu que la même constatation s'impose au sujet de la partie intervenante Breda Siderurgica, qui n'a même pas allégué l'absence d'un transfert de propriété des ferrailles en cause.
5. Attendu que, dès lors, les exonérations accordées aux parties intervenantes constituent de véritables dérogations ;
Attendu que la décision 2-57 ne prévoit ni dérogations générales, ni dérogations spéciales à la notion de ressources propres ;
Que, cependant, en fait de mécanismes financiers comportant une péréquation des charges, la faculté d'accorder des dérogations ne peut se présumer, et ce d'autant moins que toute dérogation en faveur d'un contribuable augmente nécessairement les charges incombant aux autres ;
Attendu que les dérogations litigieuses ont donc été accordées à la suite d'une interprétation erronée de la décision 2-57.
6. Attendu, toutefois, qu'il convient d'examiner en outre si ces considérations ne sont pas infirmées par le fait que les ferrailles en question ne constitueraient pas davantage des " ferrailles d'achat ", ce terme étant pris au sens qui se dégage d'une interprétation raisonnable de la décision 2-57 ;
A) Attendu que la partie intervenante Breda Siderurgica a déclaré, lors de la descente sur les lieux, que les livraisons qu'elle reçoit de ses sociétés soeurs s'effectuent moyennant fixation d'un prix qui fait même souvent " l'objet d'une discussion sérieuse " ;
Que, dès lors, il ne peut y avoir de doute que ces livraisons constituent des achats puisqu'il y a accord sur un transfert de propriété moyennant le paiement d'un prix ;
B) Attendu que la partie intervenante Hoogovens a allégué, lors de la descente sur les lieux, que, " pour les réceptions de ferraille en provenance de Breedband, cette dernière reçoit une note de crédit de Hoogovens, note établie d'après le prix de la ferraille sur le marché intérieur " ; qu'elle a toutefois ajouté que " ce prix est indifférent, car il n'est établi que pour calculer avec précision le coût de production aux différentes phases de la fabrication " et qu'en tout état de cause ce " prix " est en définitive supporté par les deux sociétés en vertu d'un accord selon lequel elles sont tenues de mettre en commun leurs profits et pertes ;
Que les faits allégués n'ont pas été contestés par la partie requérante ;
Attendu, toutefois, que, de l'avis de la Cour, il ressort de l'économie et des buts de la décision 2-57 que la notion de " ferraille d'achat " englobe les livraisons dont s'agit ;
Qu'ainsi la Cour l'a déjà constaté dans son arrêt 32 et 33-58, il ressort des objectifs et des principes fondamentaux du mécanisme de péréquation que l'exonération des ressources propres constitue l'exception à la règle selon laquelle tous les consommateurs de ferraille sont astreints en cette qualité au versement de contributions de péréquation ;
Que, dès lors, ce n'est pas la notion de " ressources propres ", mais bien celle de " ferraille d'achat " qui, dans le doute, doit être interprétée de façon extensive ;
Qu'il y a donc lieu de considérer comme " ferraille d'achat " toutes les ferrailles dont il y a transfert de propriété contre fixation d'un prix, que ce transfert soit effectué en vertu d'un contrat de vente au sens propre du terme ou en vertu d'un contrat assimilable, et qu'il existe ou non, entre acheteur et vendeur, une Communauté des profits et pertes ;
Que tel est le cas des ferrailles litigieuses ;
Attendu qu'il résulte des considérations exposées ci-dessus que les exonérations accordées aux parties intervenantes sont contraires aussi bien au traité qu'aux dispositions de la décision 2-57.
B - Les exonérations litigieuses illégales sont-elles susceptibles d'être rapportées ?
Attendu que les intervenantes ont allégué que le refus de rapporter les exonérations se justifient par le manque d'intérêt qu'aurait un retrait éventuel de celles-ci ;
Qu'elles font valoir que le système de péréquation ne fonctionne plus et se trouve en état de liquidation, de sorte que l'annulation ex nunc de la décision attaquée ne saurait plus avoir d'effet pratique, alors qu'un retrait avec effet rétroactif et une révision des montants qu'elles ont payés dans le passé se heurterait au principe selon lequel le retrait d'avantages acquis est inadmissible ;
Que cette allégation méconnaît que le principe du respect de la sécurité juridique, tout important qu'il soit, ne saurait s'appliquer de façon absolue, mais que son application doit être combinée avec celle du principe de la légalité ; que la question de savoir lequel de ces principes doit l'emporter dans chaque cas d'espèce dépend de la confrontation de l'intérêt public avec les intérêts privés en cause, à savoir :
- D'une part l'intérêt des bénéficiaires et notamment le fait qu'ils pouvaient présumer de bonne foi qu'ils ne devaient pas payer de contributions sur les ferrailles en question, et gérer leurs affaires en se fiant à la stabilité de cette situation ;
- D'autre part l'intérêt de la Communauté qui est de faire fonctionner d'une manière régulière le mécanisme de péréquation, fondé sur la solidarité de toutes les entreprises consommatrices de ferraille, et qui commande d'éviter que les autres contribuables ne subissent à titre définitif les effets pécuniaires d'une exonération illégalement accordée à leurs concurrents ;
Qu'il faut tenir compte également du caractère toujours provisoire du décompte et de la possibilité d'échelonner dans le temps le paiement des contributions arriérées ;
Que d'ailleurs, selon le droit de tous les Etats membres, le retrait rétroactif est généralement admis dans les cas où l'acte administratif en cause a été adopté sur la base d'indications fausses ou incomplètes fournies par les intéressés ;
Que la Cour ne peut pas exclure que ce principe s'applique en l'espèce ;
Qu'en effet, il ressort d'une déclaration faite par le représentant de la partie intervenante Hoogovens, lors de la descente sur les lieux effectuée par la Cour à Ijmuiden, ainsi que du rapport annuel 1959 de la Breedba Hoogovens de la ferraille tombée lors du laminage de brames d'acier qui ne provenaient pas de Hoogovens ;
Qu'il résulte d'autre part des déclarations faites par le représentant de la société Breda Siderurgica, lors de la descente sur les lieux effectuée par la Cour à Sesto San Giovanni, que les sociétés soeurs de la partie intervenante Breda Siderurgica sont libres de choisir leurs fournisseurs d'acier, de sorte que les ferrailles qu'elles livrent à la société Breda Siderurgica ne proviennent pas uniquement de l'acier fourni par celle-ci ;
Attendu que l'appréciation de ce fait ainsi que l'appréciation de l'importance respective des intérêts en cause et, par voie de conséquence, la décision de rapporter ou de ne pas rapporter avec effet rétroactif les exonérations irrégulières, relèvent en premier lieu de la Haute Autorité ;
Que la Cour ne peut se substituer à la Haute Autorité et doit par conséquent se borner à lui renvoyer l'affaire pour qu'elle procède, en application de l'article 34 du traité, à cette appréciation ;
Attendu qu'il ressort des considérations ci-dessus développées que la décision attaquée est illégale, parce qu'elle est basée sur la conception, inexacte en droit, que les exonérations litigieuses étaient légales et que la Haute Autorité n'avait pas le pouvoir de procéder à leur retrait ;
Que, dès lors, cette décision doit être annulée, et l'affaire renvoyée devant la Haute Autorité.
II - Le recours en carence dirigé contre le refus implicite de fixer le nouveau taux de taxe et de le communiquer à la requérante avec toutes les explications nécessaires.
Attendu que le retrait éventuel des exonérations litigieuses entraînerait l'obligation, pour la partie défenderesse, de fixer le nouveau taux de base de la péréquation, de substituer aux décisions imposant une contribution à la requérante de nouvelles décisions basées sur un calcul correct et dûment motivées, et de communiquer ces décisions à la partie requérante ;
Que, toutefois, les services de la Haute Autorité doivent disposer, le cas échéant, d'un délai raisonnable pour procéder à ces opérations, de sorte qu'on ne saurait admettre que la partie défenderesse était tenue de prendre les décisions sollicitées au plus tard à la date où elle est réputée avoir pris la décision implicite attaquée ;
Que, cependant, l'annulation du refus de procéder au retrait s'étend nécessairement au refus de rectifier la cotisation ;
Que, partant, cette partie de la décision attaquée doit, elle aussi, être annulée ;
Attendu que, dans ces conditions, point n'est besoin d'examiner si la décision attaquée est en outre entachée des autres vices allégués par la requérante, à savoir de détournement de pouvoir, d'incompétence et de violation des formes substantielles.
Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Qu'en l'espèce la partie requérante a succombé sur le recours 42-59, alors que la partie défenderesse et les parties intervenantes ont succombé sur le recours 49-59 ;
Que, dès lors, en ce qui concerne le recours 42-59, la partie requérante doit supporter les dépens, y compris ceux de l'intervention ;
Qu'en ce qui concerne le recours 49-59 il convient de mettre à la charge de la partie défenderesse et des parties intervenantes leurs propres dépens, de condamner la partie défenderesse à supporter les dépens de la partie requérante, à l'exclusion des frais causés par les interventions, et les parties intervenantes à supporter les dépens causés à la partie requérante par leurs interventions respectives ;
LA COUR,
Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :
Dans l'affaire 42-59 :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable ;
2) La partie requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de l'intervention.
Dans l'affaire 49-59 :
1) La décision implicite de la Haute Autorité refusant de rapporter avec effet rétroactif les exonérations accordées aux parties intervenantes et de fixer, en fonction du retrait, la cotisation due par la partie requérante ainsi que de la communiquer à celle- ci avec tous les éléments lui permettant d'effectuer son contrôle normal sur l'établissement de cette cotisation est annulée ;
2) L'affaire est renvoyée devant la Haute Autorité ;
3) A) La partie défenderesse et les parties intervenantes supportent leurs propres dépens ;
B) La partie défenderesse est condamnée à supporter les frais de la partie requérante à l'exclusion des frais causés par les interventions ;
C) Les parties intervenantes sont condamnées aux dépens causés à la partie requérante par leurs interventions respectives.