CJCE, 26 octobre 1982, n° 104-81
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hauptzollamt Mainz
Défendeur :
CA Kupferberg & Cie KG a.A.
LA COUR,
1. Par ordonnance du 24 mars 1981, parvenue à la Cour le 29 avril suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 95 du traité et de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la Communauté économique européenne et la République portugaise, signé à Bruxelles le 22 juillet 1972, conclu et approuvé, au nom de la communauté, par le règlement n° 2844-72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (J.O L 301, p. 164).
2. Le litige au principal oppose un importateur allemand au Hauptzollamt Mainz au sujet du taux de l'impôt dénommé 'droit compensatoire de monopole' (monopolausgleich) qui a été appliqué lors de la mise en libre pratique, le 26 août 1976, d'un lot de vins de porto en provenance du Portugal.
3. Le droit compensatoire de monopole est perçu, aux termes de l'article 151, paragraphe 1, de la loi allemande sur le monopole des alcools (Branntweinmonopolgesetz), sur les alcools et sur les produits alcoolisés importés.
4. Selon le troisième paragraphe de l'article 151 (deuxième paragraphe à l'époque de la mise en libre pratique de la marchandise en question), sont considérés comme des produits alcoolisés, entre autres, les vins de liqueur ayant une teneur en alcool de plus de 14 % en volume. Pour ces vins, le droit compensatoire de monopole est calculé, selon l'article 152, n° 2 de la même loi, d'après la quantité d'alcool dépassant la teneur en alcool précitée.
5. Le montant du droit compensatoire de monopole correspond à celui de la surtaxe sur l'alcool (Branntweinaufschlag) qui est perçue, en vertu de l'article 78 de ladite loi, sur les alcools d'origine nationale exemptés de l'obligation de livraison au monopole. Toutefois, l'article 79, paragraphe 2 (dans la version en vigueur à l'époque), prévoit une réduction de 21 % de la surtaxe pour les alcools qui sont produits, dans des quantités limitées, par certaines distilleries. Parmi celles-ci figuraient, à l'époque, les distilleries de coopératives fruitières qui ne produisaient, pour chacun de leurs membres, que 3 hectolitres au maximum par année, obtenus à partir de fruits de la propre récolte de ceux-ci.
6. Conformément aux articles 151 et 152 précités, le Hauptzollamt Mainz a perçu, à l'occasion de l'importation en cause et au taux alors en vigueur de 1 650 DM par hectolitre d'esprit de vin, la somme de 18 103,80 DM au titre du droit compensatoire de monopole. L'importateur a introduit un recours contre cette décision devant le Finanzgericht Rheinland-Pfalz, qui l'a modifiée en réduisant le droit compensatoire de monopole, sur la base de l'article 79, paragraphe 2, de ladite loi et de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal aux termes duquel :
'Les parties contractantes s'abstiennent de toute mesure ou pratique de nature fiscale interne établissant directement ou indirectement une discrimination entre les produits d'une partie contractante et les produits similaires originaires de l'autre partie contractante.'
Ce faisant, le Finanzgericht a assimilé les vins de porto importés aux vins de liqueur indigènes, auxquels aurait été ajouté de l'alcool provenant des distilleries de coopératives fruitières et produit dans les limites indiquées ci-dessus.
7. Le Hauptzollamt Mainz s'est pourvu en révision devant le Bundesfinanzhof, qui a posé les questions suivantes à la Cour :
1) 'L'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la Communauté économique européenne et la République portugaise du 22 juillet 1972, approuvé et publié par le règlement (CEE) n° 2844-72 du Conseil du 19 décembre 1972, est-il directement applicable et confère-t-il des droits aux différents opérateurs économiques ? Dans l'affirmative, prévoit-il une interdiction de discrimination analogue à celle prévue à l'article 95, premier alinéa, du traité CEE et s'applique-t-il également à l'importation de vins de porto ?
2) En cas de réponse affirmative aux questions citées sous 1 :
a - Existe-t-il une discrimination tombant sous le coup de l'article 95, premier alinéa, du traité CEE ou de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la CEE et le Portugal du seul fait que les législations fiscales nationales permettent, d'un point de vue purement juridique et abstrait, d'accorder un traitement fiscal privilégié à des produits nationaux similaires (discrimination potentielle) ou bien faut-il, pour qu'il y ait discrimination au sens des dispositions précitées, qu'une comparaison concrète des impositions fasse apparaître pratiquement un traitement fiscal privilégié de produits nationaux similaires ?
b - L'article 95 du traité CEE ou l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la CEE et le Portugal font-ils obligation d'accorder à une marchandise en provenance d'un autre Etat membre ou du Portugal et qui est frappée à l'importation d'une imposition égale à celle qui s'applique à un produit national directement similaire, l'imposition inférieure à laquelle le droit national soumet un autre produit qu'il y a lieu de considérer également comme similaire, au sens de l'article 95, premier alinéa, du traité CEE, au produit importé ?'
Sur la première question
8. Cette question comporte trois branches, la première de celles-ci étant relative à l'applicabilité directe de l'article 21, premier alinéa, de l'accord. En cas de réponse affirmative, la deuxième branche soulève la question de savoir si cette disposition a une portée analogue à celle de l'article 95, premier alinéa, du traité CEE, alors que la troisième branche vise à savoir si la disposition s'applique également à l'importation de vins de porto.
Quant à la première branche de la question
9. En premier lieu, le Bundesfinanzhof cherche à savoir si l'importateur allemand peut invoquer ledit article 21 dans le recours qu'il a introduit contre la décision des autorités fiscales devant les juridictions allemandes.
10. Dans les observations qu'ils ont présentées à la Cour, les Gouvernements du Royaume de Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la République française et du Royaume-Uni ont surtout insisté sur le point de savoir si, d'une façon générale, une disposition faisant partie d'un des accords des libre-échanges conclus par la communauté avec les pays membres de l'association européenne de libre-échange peut être susceptible de produire un effet direct dans les Etats membres de la communauté.
11. Le traité instituant la communauté a conféré aux institutions le pouvoir non seulement de prendre des actes applicables dans la communauté, mais également de conclure des accords avec des pays tiers et des organisations internationales conformément aux dispositions du traité. Selon l'article 228, paragraphe 2, les Etats membres sont liés par ces accords au même titre que lesdites institutions. Il incombe par conséquent aussi bien aux institutions communautaires qu'aux Etats membres d'assurer le respect des obligations découlant de tels accords.
12. Les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions d'un accord conclu par la communauté dépendent tantôt des institutions communautaires tantôt des Etats membres, selon l'état actuel du droit communautaire dans les domaines touchés par les dispositions de l'accord. Cela est particulièrement vrai pour des accords tels que ceux de libre-échange dont les obligations contractées s'étendent à de nombreux domaines de caractère très différent.
13. En assurant le respect des engagements découlant d'un accord conclu par les institutions communautaires, les Etats membres remplissent une obligation non seulement par rapport au pays tiers concerné, mais également et surtout envers la communauté qui a assumé la responsabilité pour la bonne exécution de l'accord. C'est ainsi que les dispositions d'un tel accord, comme la Cour l'a déjà dit dans son arrêt du 30 avril 1974 (Haegeman, affaire n° 181-73, Recueil p. 449), forment partie intégrante de l'ordre juridique communautaire.
14. Il résulte du caractère communautaire de ces dispositions conventionnelles qu'on ne saurait admettre que leurs effets dans la communauté varient selon que leur application incombe, dans la pratique, aux institutions communautaires ou aux Etats membres et, dans ce dernier cas, selon l'attitude prise par le droit de chacun des Etats membres à l'égard des effets produits, dans leur ordre interne, par les accords internationaux conclus par eux. Ainsi, il incombe à la Cour, dans le cadre de sa compétence pour interpréter les dispositions des accords, d'assurer leur application uniforme dans toute la communauté.
15. Les gouvernements qui ont présenté des observations à la Cour ne contestent pas ce caractère communautaire des dispositions des accords conclus par la communauté. Ils affirment, cependant, que les critères généralement admis pour déterminer les effets des dispositions d'origine purement communautaire ne sauraient être appliqués aux dispositions d'un accord de libre-échange conclu par la communauté avec un pays tiers.
16. A cet égard, les gouvernements tirent notamment des arguments de la répartition des pouvoirs dans les relations extérieures de la communauté, du principe de réciprocité régissant l'application des accords de libre-échange, du cadre institutionnel instauré par ces accords en vue de régler les différends entre les parties contractantes et des clauses de sauvegarde qui permettent aux parties de déroger aux accords.
17. Il est vrai que les effets, dans la communauté, des dispositions d'un accord conclu par celle-ci avec un pays tiers ne sauraient être déterminés en faisant abstraction de l'origine internationale des dispositions en cause. Conformément aux principes du droit international, les institutions communautaires qui sont compétentes pour négocier et conclure un accord avec un pays tiers sont libres de convenir avec celui-ci des effets que les dispositions de l'accord doivent produire dans l'ordre interne des parties contractantes. Ce n'est que si cette question n'a pas été réglée par l'accord qu'il incombe aux juridictions compétentes et en particulier à la Cour, dans le cadre de sa compétence en vertu du traité, de la trancher au même titre que toute autre question d'interprétation relative à l'application de l'accord dans la communauté.
18. Selon les règles générales du droit international, tout accord doit être exécuté de bonne foi par les parties. Si chacune des parties contractantes est responsable de l'exécution complète des engagements qu'elle a souscrits, il lui appartient, en revanche, de déterminer les moyens de droit propres à atteindre cette fin dans son ordre juridique, à moins que l'accord, interprété à la lumière de son objet et de son but, ne détermine, lui-même, ces moyens. Sous cette dernière réserve, la circonstance que les juridictions de l'une des parties estimeraient que certaines des stipulations de l'accord sont d'applicabilité directe, alors que les juridictions de l'autre partie n'admettraient pas cette applicabilité directe, n'est pas, en elle-même et à elle seule, de nature à constituer une absence de réciprocité dans la mise en œuvre de l'accord.
19. Comme les gouvernements l'ont souligné, il est institué, dans le cadre des accords de libre-échange, des comités mixtes qui, aux termes des accords, sont chargés de la gestion de ceux-ci et qui veillent à leur bonne exécution. A cet effet, ils peuvent formuler des recommandations et, dans les cas expressément prévus par l'accord en cause, prendre des décisions.
20. Le seul fait que les parties contractantes ont crée un cadre institutionnel particulier pour les consultations et négociations entre elles relatives à l'exécution de l'accord ne suffit pas pour exclure toute application juridictionnelle de cet accord. La circonstance qu'une juridiction de l'une des parties applique à un litige concret pendant devant elle une disposition de l'accord comportant une obligation inconditionnelle et précise et, partant, ne nécessitant aucune intervention préalable de la part du comité mixte, ne porte pas atteinte à la compétence que l'accord confère à ce comité.
21. En ce qui concerne les clauses de sauvegarde, qui permettent aux parties de déroger à certaines dispositions de l'accord, il convient de remarquer qu'elles ne sont d'application que dans des circonstances déterminées et, en règle générale, après un examen contradictoire au sein du comité mixte. En dehors des situations spécifiques qui peuvent entraîner leur application, l'existence de ces clauses qui, d'ailleurs, n'ont pas d'incidence sur les dispositions interdisant les discriminations fiscales n'est pas, en elle-même, de nature à affecter l'applicabilité directe que peuvent comporter certaines stipulations de l'accord.
22. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que ce n'est ni la nature ni l'économie de l'accord conclu avec le Portugal qui pourraient faire obstacle à ce qu'un opérateur économique invoque une des stipulations dudit accord devant une juridiction dans la communauté.
23. Il n'en reste pas moins que la question de savoir si une telle stipulation est inconditionnelle et suffisamment précise pour produire un effet direct est à apprécier dans le cadre de l'accord dont elle fait partie. Pour répondre à la question préjudicielle relative à l'effet direct de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal, il faut donc analyser d'abord cette disposition à la lumière tant de l'objet et du but de cet accord que de son contexte.
24. Ledit accord vise à la création d'un régime de libre-échange dans le cadre duquel les règlementations commerciales restrictives sont éliminées pour l'essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires des parties, notamment par la suppression des droits de douane et des taxes d'effet équivalent ainsi que par l'élimination des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent.
25. Vu dans ce contexte, l'article 21, premier alinéa, de l'accord tend à éviter que la libéralisation des échanges de marchandises obtenue suite à la suppression des droits de douane et des taxes d'effet équivalent, ainsi que des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent ne soit rendue illusoire par des pratiques fiscales des parties contractantes. Tel serait en effet le cas si le produit importe d'une partie était taxe plus lourdement que les produits indigènes similaires qu'il rencontre sur le marche d'une autre partie.
26. Il apparaît de ce qui précède que l'article 21, premier alinéa, de l'accord impose aux parties contractantes une règle de non-discrimination inconditionnelle en matière fiscale qui est subordonnée à la seule constatation du caractère similaire des produits concernés par un régime d'imposition déterminé et dont les limites ressortent directement de l'objet de l'accord. Comme telle, cette disposition est susceptible d'être appliquée par une juridiction et donc de produire des effets directs dans l'ensemble de la communauté.
27. Il convient donc de répondre à la première branche de la première question préjudicielle que l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal est directement applicable et susceptible de conférer, aux différents opérateurs économiques, des droits que les juridictions doivent sauvegarder.
Quant à la deuxième branche de la question
28. Dans les cas d'une réponse affirmative à la partie de la question concernant l'effet direct de la disposition litigieuse, le Bundesfinanzhof demande en outre si cette disposition prévoit une interdiction de discrimination analogue à celle prévue à l'article 95, premier alinéa, du traité CEE.
29. A cet égard, il y a lieu de faire remarquer que si l'article 21 de l'accord et l'article 95 du traité CEE ont le même objet, en ce qu'ils visent à l'élimination des discriminations fiscales, chacune de ces deux dispositions, d'ailleurs rédigées en termes différents, doit cependant être envisagée et interprétée dans le cadre qui lui est propre.
30. Or, comme la Cour l'a déjà dit dans son arrêt du 9 février 1982 (Polydor, affaire n° 270-80, non encore publiée) le traité CEE et l'accord de libre-échange poursuivent des objectifs distincts. Il en résulte que les interprétations qui ont été données de l'article 95 du traité ne peuvent pas être transposées, en vertu d'une simple analogie, dans le cadre de l'accord de libre-échange.
31. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième branche de la question qu'il convient d'interpréter l'article 21, premier alinéa, en fonction de ses termes et compte tenu de l'objectif qu'il poursuit dans le cadre du régime de libre-échange institué par l'accord.
Quant à la troisième branche de la question
32. Le Bundesfinanzhof soulève enfin la question de savoir si la règle de non-discrimination fiscale de l'article 21 de l'accord s'applique également à l'importation de vins de porto.
33. Aux termes de son article 2, l'accord s'applique aux produits originaires de la communauté et du Portugal
'I) Relevant des chapitres 25 à 99 de la nomenclature de Bruxelles, à l'exclusion des produits énumérés à l'annexe I ;
II) Figurant aux protocoles n° 2 et 8, compte tenu des modalités particulières prévues dans ces derniers.'
34. Les vins de porto figurent à l'article 4 du protocole n° 8 concernant le régime applicable à certains produits agricoles. Cet article prévoit que, pour les produits y figurant, originaires du Portugal, les droits à l'importation dans la communauté sont réduits dans les proportions et dans les limites des contingents tarifaires indiqués pour chacun d'eux.
35. Il ressort de ces dispositions que l'accord s'applique aux vins de porto sous réserve de certaines limitations en ce qui concerne la suppression des droits de douane. En revanche, les modalités particulières prévues dans le protocole n'affectent en rien l'interdiction de discrimination fiscale contenue à l'article 21, premier alinéa, de l'accord.
36. Il y a donc lieu de répondre à la dernière branche de la première question préjudicielle que l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal s'applique également à l'importation de vins de porto.
Sur la deuxième question
37. Par cette question, le Bundesfinanzhof vise à obtenir les éléments d'interprétation nécessaires pour lui permettre de décider si le traitement fiscal auquel les autorités nationales ont soumis les vins de porto importés est contraire à l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal. Pour répondre à cette question, il convient de rapprocher cette disposition, telle qu'elle a été interprétée ci-dessus des données qui ressortent de l'ordonnance de renvoi.
38. La deuxième question préjudicielle sous a) vise en substance à savoir si l'article 21, premier alinéa, de l'accord permet à la République fédérale d'Allemagne d'appliquer, à l'alcool ajouté aux vins de porto, la taxe sur l'alcool au taux plein, ou si cette disposition oblige cet Etat membre à appliquer le taux d'imposition réduit que l'article 79, paragraphe 2, de la loi sur le monopole des alcools prévoyait pour l'alcool produit par les distilleries de coopératives fruitières dans les limites de leur droit de distillation.
39. Les données figurant dans l'ordonnance de renvoi ne permettent pas de savoir si l'alcool ajouté aux vins de porto importés a été produit ou non dans des conditions comparables à celles dont dépendait la réduction de la surtaxe sur l'alcool prévue pour les distilleries de coopératives fruitières. Par contre, il résulte de ces données que les distilleries de coopératives fruitières visées par la loi nationale ne produisent pas de l'alcool apte à être ajouté aux vins de liqueur.
40. Il apparaît donc qu'il n'existait pas, sur le marché de la République fédérale d'Allemagne, d'alcools susceptibles d'être ajoutés à du vin en vue de produire un vin de liqueur similaire au vin de porto et qui put bénéficier de la réduction d'impôt prévue pour les distilleries de coopératives fruitières.
41. Dans ces circonstances, la non-application aux vins de porto de ladite réduction n'est pas de nature à porter atteinte à la libéralisation des échanges commerciaux entre la communauté et le Portugal visée par l'accord. Compte tenu de l'objet de celui-ci, l'hypothèse purement théorique que le même produit, s'il avait été fabriqué en République fédérale d'Allemagne dans des conditions particulières, aurait pu avoir droit à une réduction d'impôt ne suffit pas pour faire naître l'obligation d'accorder cette réduction au produit importé.
42. Il convient par conséquent de répondre à la deuxième question préjudicielle sous a) que ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal, la non-application par un Etat membre, aux produits originaires du Portugal, d'une réduction d'impôt prévue pour certains groupes de producteurs ou types de produits s'il n'existe, sur le marché de l'Etat membre concerné, aucun produit similaire ayant effectivement bénéficié de cette réduction.
43. La deuxième question préjudicielle sous b) tend à savoir si l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal doit être interprété en ce sens qu'il oblige a comprendre la notion de produits similaires comme visant non seulement les produits 'directement' similaires, mais aussi d'autres produits qu'il y a lieu de considérer comme 'également similaires'.
44. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le Bundesfinanzhof a posé cette question en supposant qu'un rapport de similitude peut exister non seulement entre les vins de porto et d'autres vins de liqueur, mais également entre les premiers et les vins de type particulier à forte teneur en alcool résultant de la fermentation naturelle qui, en République fédérale d'Allemagne, ne sont frappés d'aucune imposition.
45. A cet égard, il y a lieu de souligner que la notion de similitude contenue à l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal, pour ce qui concerne son application dans la communauté, est une notion de droit communautaire qui doit faire l'objet d'une interprétation uniforme dont la Cour est la garante.
46. Compte tenu de l'objet de cette disposition, tel qu'il est décrit ci-dessus, ne sauraient être considérés comme similaires au sens de ladite disposition, des produits qui diffèrent entre eux tant par leur mode de fabrication que par leurs caractéristiques. Il en résulte que les vins de liqueur auxquels a été ajouté de l'alcool, d'une part, et les vins issus de la fermentation naturelle, d'autre part, ne peuvent pas être considérés comme similaires au sens de la disposition litigieuse.
47. Il convient dès lors de répondre à la deuxième question préjudicielle sous b) que des produits qui diffèrent entre eux tant par leur mode de fabrication que par leurs caractéristiques ne peuvent pas être considérés comme similaires au sens de l'article 21, premier alinéa, de l'accord.
48. Les frais exposés par les Gouvernements du Royaume de Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, de la République française et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof par ordonnance du 24 mars 1981, dit pour droit :
1) L'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal est directement applicable et susceptible de conférer, aux différents opérateurs économiques, des droits que les juridictions doivent sauvegarder.
2) Il convient de l'interpréter en fonction de ses termes et compte tenu de l'objectif qu'il poursuit dans le cadre du régime de libre-échange institue par l'accord.
3) La disposition s'applique également à l'importation de vins de porto.
4) Elle doit être interprétée en ce sens que
a) Ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 21, premier alinéa, de l'accord entre la communauté et le Portugal, la non-application par un Etat membre, aux produits originaires du Portugal, d'une réduction d'impôt prévue pour certains groupes de producteurs ou types de produits s'il n'existe, sur le marché de l'Etat membre concerné, aucun produit similaire ayant effectivement bénéficié de cette réduction ;
b) Ne sauraient être considérés comme similaires des produits qui diffèrent entre eux tant par leur mode de fabrication que par leurs caractéristiques.