CA Versailles, 14e ch. civ., 17 janvier 1997, n° 95-06708
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Schuster ; Morin
Défendeur :
Keller ; Pajot ; France Télécom de Pointe à Pitre (Sté) ; Trésorerie Chartres municipale ; CRCAM Beauce et Perche ; Crédipar (Sté) ; Finaref (Sté) ; Crédit Mutuel Centre (Sté) ; EDF de la Guadeloupe (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Campion (faisant fonction)
Conseillers :
Mmes Bourquard-Rousset, Lombard
Avocat :
Me Tremblay.
La procédure
Par jugement rendu le 12/04/94, le Tribunal d'instance de Chartres, statuant sur la requête en ouverture d'un redressement judiciaire civil présentée par Madame Isabelle Schuster et Monsieur Guy Morin, a donné acte aux créanciers de leurs déclarations de créances mais a dit que les débiteurs étaient irrecevables en leur demande.
Le 15/07/94, Madame Isabelle Schuster et Monsieur Guy Morin ont interjeté appel de cette décision qui leur avait été notifiée le 24/06/94.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 15/11/96 de la 14e Chambre de la cour d'appel de céans.
A cette date leur comparution et prétentions étaient les suivantes :
- les appelants, Madame Isabelle Schuster et Monsieur Guy Morin comparaissaient, en personne ; expliquaient que les différentes dettes contractées n'étaient pas solidaires et demandaient à la cour de les recevoir dans leurs demandes, de leur accorder le bénéfice de la loi du 31/12/89 et de leur établir un plan compatible avec leur capacité de remboursement;
- le trésorier Principal de Chartres Municipale, régulièrement représenté, précisait que la dette de Madame Isabelle Schuster était de 7 189,70 F, qu'elle avait été admise en non valeur le 29/12/95, qu'il demandait néanmoins de la prendre en considération
- la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France, comparant par son Conseil, demandait la confirmation du jugement entrepris, précisant que la déchéance du prêt immobilier consenti par elle le 14/03/91 à Madame Isabelle Schuster se trouvait acquise depuis le 07/02/96, que sa créance totale en arriéré, capital, intérêts, pénalités était de 299 226,38 F au 15/11/96 ;
- les autres créanciers intimés ne comparaissaient pas bien qu'également régulièrement convoqués; certains d'entre eux ayant adressé des courriers à la cour, à savoir :
* France Télécom, pour demander la confirmation de la fixation de sa créance à l'égard de Madame Isabelle Schuster à 10 337,89 F ;
* la Sovac, pour faire état d'une créance contre Madame Isabelle Schuster de 21 464,39 F (injonction de payer du 08/10/94 rendue exécutoire le 09/01/95)
* Madame Pajot, pour s'en rapporter à justice
* Le Crédit Mutuel Centre, pour faire état, à l'égard de Monsieur Guy Morin, d'une créance de 41 897,93 F au titre de deux prêts à la consommation et du découvert du compte courant, créances matérialisées par trois injonctions de payer devenues exécutoires.
Sur ce, LA COUR
1°) - Sur la régularité de l'appel de Madame Isabelle Schuster et de Monsieur Guy Morin et sur la recevabilité des demandes incidentes formées par courriers par des créanciers non comparants
Considérant que l'appel de Madame Isabelle Schuster et de Monsieur Guy Morin a été fait dans le mois de la notification du jugement entrepris ; qu'il est recevable en la forme;
Considérant que l'article 20 du décret n° 90-165 du 21/02/90, ainsi que l'article 32 du décret n° 95-660 du 09/05/95, disposent que l'appel est formé, instruit, jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire prévue aux articles 931 à 949 du nouveau Code de procédure civile; que la procédure d'appel est donc orale, que les demandes incidentes faites par écrit par des créanciers intimés, non comparants, sont irrecevables que, relativement à ces créanciers, la cour ne pourra aggraver la situation des débiteurs appelants et devra, soit retenir la créance telle que fixée en première instance, soit la réduire ou la supprimer sur une contestation fondée des appelants;
2°) - Sur le bénéfice de la loi du 31/12/89
Considérant que pour dire irrecevable la requête des intéressés, le premier Juge s'est fondé essentiellement sur l'existence d'un bien immobilier qui pouvait être vendu pour apurer les dettes ;
Considérant, cependant, que cette décision ne peut être confirmé alors que le bien fait l'objet d'un crédit impayé par suite de la mise au chômage de l'intéressée et constitue le logement principal de Madame Isabelle Schuster et de ses deux enfants;
Considérant que Madame Isabelle Schuster établit qu'elle a été licenciée de son emploi en mai 92, qu'elle bénéficie d'allocations ASSEDIC pour 2 290 F et d'allocations familiales pour 850 F ; que Monsieur Guy Morin, de son côté, a un revenu mensuel de l'ordre de 5 000 F et doit participer aux dépenses d'entretien de sa compagne qui l'héberge ;
Considérant ainsi qu'il apparaît ainsi que ces débiteurs sont de bonne foi et dans une situation de surendettement caractérisée ; qu'ils seront reçus dans leur demande ;
3°) Sur l'état des créances
Considérant que le donné acte de première instance ressortira son plein effet en ce qui concerne les créanciers non comparants mais ayant adressé des courriers à la cour, ainsi que dit précédemment ; que seront seules revues les dettes contractées envers les créanciers comparants qu'enfin, il ne sera pas tenu compte des créances dont les titulaires ne se sont pas manifestés ;
Que par application de ces principes et des pièces versées aux débats, le tableau de créances sera ainsi fixé :
a - Créances à l'égard de Madame Isabelle Schuster
- France Télécom : 10 337,89 F au 03/06/93;
- Docteur Pajot : 6 242 F ;
- TP Chartres Municipale, hors plan, 7 189,70 F ;
- Caisse régionale de crédit agricole mutuel Val de France, hors pénalités, toujours discutables, 278 845 F au 15/11/96 ;
- La Sovac, faute de comparution, dans la limite de la décision de première instance : 18 022,92 F;
b - Créances à l'égard de Monsieur Guy Morin
- Pour le Crédit Mutuel Centre, faute de comparution, la créance sera retenue dans la limite du jugement de première instance, soit pour 25 155,33 F ;
4°) - Sur les facultés de remboursement des débiteurs
Considérant que compte tenu des indications sur la situation de Madame Isabelle Schuster et de Monsieur Guy Morin, il sera retenu une faculté de remboursement de Madame Isabelle Schuster de 1 000 F, que cependant l'échéancier immobilier pourra tenir compte de l'APL, et de 500 F pour Monsieur Guy Morin qui doit participer au frais d'entretien de sa compagne qui l'héberge ;
5°) - Sur l'établissement d'un plan
Considérant qu'aucune disposition n'exige que la situation d'endettement des débiteurs bénéficiaires d'une procédure de redressement judiciaire civil soit apurée au terme des mesures de report ou d'échelonnement que le Juge prononce ; que dès lors, insuffisance des facultés de remboursement des débiteurs ne peut leur fermer le bénéfice des mesures de report et de réduction des intérêts prévues par l'article L. 331-7 du Code de la consommation ;
Considérant qu'en l'espèce, la seule solution en ce qui concerne Madame Isabelle Schuster est le report de l'ensemble des créances, sauf celle afférente au prêt immobilier, à 5 ans, sans intérêt pendant cette durée, afin de ne pas aggraver une situation des plus précaires, étant précisé que si sa situation s'améliorait notablement avant l'expiration de ce délai toutes modifications pourraient être demandées au Juge délégué au Surendettement ; et, en ce qui concerne le prêt immobilier, l'établissement d'un nouvel échéancier au taux de 3 % sur 20 ans qui permettra à cette famille de rester logée ;
Qu'en ce qui concerne Monsieur Guy Morin, sa dette sera échelonnée sur 60 mois ; compte tenu de sa faible capacité de remboursement, il ne pourra être parvenu à l'apurement, que par l'adoption d'un taux d'intérêt réduit à 0 % , mesure à ordonner;
Par ces motifs, La COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire à l'égard de tous, en dernier ressort, Reçoit Madame Isabelle Schuster et Monsieur Guy Morin en leur appel contre le jugement prononcé le 12/04/94 par le Tribunal d'instance de Chartres ; Dit irrecevables les demandes incidentes, tendant à l'aggravation de la situation des débiteurs, présentées selon des courriers envoyés par des créanciers non comparants en cause d'appel ; Reformant la décision entreprise et statuant à nouveau, Déclare Madame Isabelle Schuster et Monsieur Guy Morin en redressement judiciaire ; Fixe comme suit, en deniers ou quittances, l'état des créances et dit que les débiteurs bénéficieront des modalités ci-après définies : Pour Madame Isabelle Schuster : <emplacement tableau> Pour Monsieur Guy Morin : <emplacement tableau> Rappelle que le présent arrêt suspend toutes les procédures d'exécution ; Fait interdiction aux débiteurs d'utiliser des cartes d'achat ou de crédit ou de contracter un nouvel emprunt pendant la durée du report; Dit qu'en cas d'amélioration notable de la situation des débiteurs tout créancier pourra solliciter la révision du plan de redressement judiciaire civil Dit que les dépens de l'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 21 du décret du 21 février 1990.