Livv
Décisions

CA Toulouse, 3e ch. civ., 6 décembre 1993, n° 1645-92

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cambus

Défendeur :

Société Générale (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Chauvin, Conseillers : MM. Helip, Cousteaux

Avoués :

Me de Lamy, SCP Sorel-Dessart

Avocats :

Me Fontanie, SCP Mercie.

T. com. Toulouse, du 27 janv. 1992

27 janvier 1992

Faits - procédure - prétention des parties

M. André Cambus a relevé appel d'un jugement du Tribunal d'instance de Toulouse qui le 27 janvier 1992 l'a condamné à payer à la Société Générale en sa qualité de caution de M. et Mme Bertrand Cambus les sommes suivantes :

- 113 191 F avec intérêts au taux de 15,69 % à compter du 13 décembre 1990,

- 138 053 F avec intérêts au taux de 13 % à compter, 6 décembre 1990

L'appelant soutient que la procédure est nulle au motif qu'il a été assigné devant le Tribunal de Toulouse par exploit d'huissier déposé en mairie le 22 août 1991 alors qu'il avait définitivement quitté son domicile toulousain pour aller s'installer à Biarritz depuis le 1er juillet 1991,

Il demande au principal de prononcer la nullité du jugement et le renvoi devant le Tribunal d'instance de Biarritz.

Subsidiairement il conclut au rejet des demandes de la Société Générale et à la mainlevée de l'hypothèque conservatoire inscrite sur son immeuble à Saint-Lary ainsi qu'à la condamnation de la Société Générale à lui payer la somme de 10 000 F pour frais de procès.

Il soutient à cette fin que le 10 septembre 1991 la Société Générale a signé avec les débiteurs principaux, un plan d'apurement de leur dette en application de la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement des particuliers.

Selon les termes de ce plan, la Société Générale avait, aux dires de l'appelant, accepté de réduire sa dette à 198 312 F, de supprimer les intérêts, d'échelonner les remboursements par mensualités de 1 000 F jusqu'à la vente d'un studio dont les époux Cambus étaient propriétaires puis de 2 000 F après cette vente, et de faire bénéficier les cautions de ce plan de règlement.

Il en déduit que ce plan fait naître des obligations de la Société Générale à son égard et qu'indépendamment des engagements pris à son égard, il doit bénéficier de l'absence de déchéance du terme, de la remise de la dette et de la suppression des intérêts et que ce n'est que si le plan venait à être résilié faute d'exécution par le débiteur que le créancier retrouverait son droit de poursuite contre la caution.

Il souligne enfin que la Société Générale avait l'obligation depuis le 1er mars 1990 date d'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1989, d'informer la caution dès le premier incident de paiement caractérisé ; mais il n'en tire aucune conséquence immédiate se bornant à énoncer que si le plan se trouvait résilié pour inexécution par le débiteur, la Société Générale qui agirait alors contre lui serait atteinte par la déchéance prévue par ce texte.

La Société Générale conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. Cambus à lui payer 10 000 F pour frais de procès.

Elle soutient que la citation délivrée pour l'audience du 31 octobre 1991 était régulière, M. Cambus ayant bien son domicile à Toulouse lorsqu'elle a été délivrée et qu'il en avait d'ailleurs eu connaissance en temps utile dès le 7 octobre 1991 au plus tard, ce qui lui permettait de comparaître.

Sur le fond après avoir indiqué qu'elle n'a pas voulu faire profiter la caution des aménagements consentis aux débiteurs principaux, elle se prévaut des dispositions de l'article 2036 du Code civil selon lequel la caution ne peut opposer au créancier que les exceptions appartenant au débiteur et inhérentes à la dette à l'exclusion des exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

En l'espèce la Société Générale soutient que les aménagements consentis au débiteur principal lui sont personnels et non pas inhérents à la dette.

Elle en déduit qu'elle est bien fondée à agir contre la caution.

Motifs de la décision

Sur la nullité de la procédure et l'exception d'incompétence territoriale

Attendu en droit que le tribunal compétent est sauf disposition contraire, celui du lieu où demeure le défendeur, c'est-à-dire soit le lieu de son domicile soit à défaut celui de sa résidence,

Qu'en l'espèce M. Cambus a été cité devant le Tribunal d'instance de Toulouse au motif qu'il demeurait alors à Toulouse,

Que l'huissier indique dans son assignation délivrée le 21 août 1991 que le nom de Cambus figurait bien sur la boite aux lettres à l'adresse indiquée, à savoir 1,rue Aristide Pillai 31 000 Toulouse et qu'en l'absence de l'intéressé l'acte avait été déposé en Mairie,

Que suite à la signification dans les mêmes formes le 7 octobre 1991 d'une ordonnance autorisant la Société Générale à prendre une inscription d'hypothèque sur un immeuble lui appartenant, M. Cambus écrivait le 20 octobre suivant à l'huissier depuis Biarritz "Rentré hier de voyage j'ai trouvé, reçue "par mon épouse votre signification en date du 7 octobre adressée à " ma résidence de Toulouse où je ne suis pas retourné depuis début juillet ",

Qu'il s'en déduit que, même s'il avait déjà transféré son- domicile à Biarritz, M. Cambus n'en possédait pas moins encore lors de l'assignation, son domicile apparent à Toulouse ou du moins une résidence,

Qu'en conséquence le Tribunal d'instance de Toulouse a été valablement saisi et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de nullité ni à l'exception d'incompétence,

Sur l'engagement de la Société Générale à l'égard de la caution

Attendu que dans le cadre du plan conventionnel de règlement amiable des dettes des débiteurs principaux, il a été proposé, par la commission d'examen des situations de surendettement des particuliers, des aménagements pour l'apurement de leurs dettes, comprenant diverses clauses dont une (la clause II) disposait que les créanciers faisaient bénéficier les cautions des aménagements ainsi apportés,

Que M. Cambus se prévaut de ce plan au vu d'un exemplaire qui n'a été signé par la Société Générale qu'à la page deux où ne figure que la clause VI consistant on un tableau des créanciers, des sommes dues et des mensualités,

Que la Société Générale soutient et produit une copie de l'exemplaire qu'elle dit avoir retourné à la commission sur lequel à la première page elle a accepté le plan et signé celui-ci, sauf la clause II qui est barrée avec mention expresse qu'elle n'entend pas accepter cette clause,

Attendu que M. Cambus qui entend bénéficier d'une obligation doit on rapporter la preuve ce qu'il ne fait pas,

Qu'en conséquence, le premier moyen tiré de l'engagement de la Société Générale à l'égard de la caution ne peut prospérer,

Sur les effets du plan de règlement amiable à l'égard de la caution

Attendu que M. Cambus soutient aussi que par l'effet du plan de règlement amiable, la caution ne saurait être tenue plus sévèrement que le débiteur principal et qu'en conséquence la remise de dette, la suppression des intérêts et la non déchéance du terme doivent lui profiter du moins tant que le débiteur exécute le plan,

Mais attendu qu'aux termes de l'article 2036 du Code civil la caution ne peut opposer au créancier que les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette et non celles qui sont personnelles au débiteur,

Qu'en l'espèce la remise partielle de dette le réaménagement des délais de remboursement et la réduction voire la suppression des intérêts sont des mesures personnelles au débiteur puisqu'elles ont été consenties dans le cadre d'un plan d'apurement des dettes on application de la loi du 31 décembre 1989, et non des mesures inhérentes à la dette,

Attendu qu'en décider autrement reviendrait à faire perdre leurs effets aux engagements de caution alors que précisément leur but est de prémunir le créancier de la défaillance ou de l'insolvabilité du débiteur,

Attendu on conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré et de condamner M. Cambus au paiement d'une indemnité pour frais de procès qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile mais à hauteur seulement de 3 000 F,

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement, Confirme le jugement déféré, Condamne M. André Cambus aux dépens d'appel et autorise la SCP Sorel-Dessart avoué à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, Le condamne on outre, au paiement à la Société Générale d'un intérêt de 3 000 F (trois mille francs) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.