CJCE, 28 avril 1966, n° 51-65
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Industria Laminati Ferrosi Odolese Srl
Défendeur :
Haute Autorité de la CECA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Mes Gasparri, Tesauro
LA COUR,
De la recevabilité
Attendu que la recevabilité du recours n'a pas été contestée par la défenderesse et ne donne pas lieu à critique d'office ;
Que le présent recours est donc recevable.
Au fond
Quant à la modification des décisions attaquées
Attendu que les deux décisions individuelles du 19 mai 1965, attaquées par le présent recours, avaient fixé à 26 582 tonnes l'assiette de contribution de la société requérante pour les périodes de décompte du 1er avril 1954 au 30 novembre 1958 et à 176 080 828 lires le montant dû par la requérante au mécanisme financier de la péréquation ;
Que, compte tenu des factures annexées à la réplique, relatives à l'achat de 4 188 329 tonnes de matériaux de réutilisation, la Haute Autorité a modifié partiellement le dispositif de ces décisions en réduisant à 24 977 tonnes les quantités de ferrailles imposables et en ramenant à 171 765 956 lires le montant dû au titre de la péréquation ;
Attendu que ces modifications ne découlent pas de l'adoption de nouveaux modes de calcul par rapport à ceux utilisés dans les décisions attaquées, mais sont dues uniquement au fait que la Haute Autorité a procédé, sur la base d'une documentation tardivement présentée, à une nouvelle appréciation de certains éléments de l'assiette imposable ;
Qu'ainsi l'essentiel des motifs de fait et de droit qui se trouvent à la base des décisions attaquées n'ayant subi aucune modification à la suite de cette rectification du calcul, il en résulte que ces décisions sont maintenues, et qu'il convient de statuer sur le surplus des prétentions avancées par la requérante ;
Quant au premier moyen
Attendu que la requérante expose que la Haute Autorité aurait commis un détournement de pouvoir et violé le principe général d'interdiction des discriminations en utilisant à l'égard de la requérante une méthode d'évaluation basée sur la consommation d'énergie électrique, alors qu'elle aurait appliqué à d'autres entreprises, notamment à celles qui ne disposent pas de fours électriques, une méthode basée sur la consommation moyenne de ferraille pendant une journée de travail ;
Que la requérante fait grief à la Haute Autorité d'avoir choisi entre différentes méthodes inductives de calcul non pas celle qui serait susceptible de donner les résultats les plus exacts, mais celle qui permettrait d'aboutir aux résultats les plus favorables à la balance des comptes de la caisse de péréquation ;
Que la requérante demande des mesures d'instruction et se déclare disposée à produire toute documentation nécessaire, en vue de prouver notamment que l'application de la méthode basée sur la consommation moyenne par journée de travail aurait conduit à des chiffres de consommation de ferraille inférieurs à ceux calculés par la Haute Autorité, et très proches de ceux déclarés par la requérante ;
Que la requérante se limite à alléguer que la méthode de calcul adoptée par la Haute Autorité s'est révélée à l'expérience bien loin d'être parfaite, en raison même de la variété des situations des entreprises équipées de fours électriques, mais n'indique aucun élément permettant de constater le bien-fondé de son allégation ;
Que le recours à la méthode basée sur le nombre de journées de travail ne saurait, en l'espèce, se justifier que s'il apparaissait, sur la base de données certaines ou très vraisemblables, que son emploi aurait permis de déterminer avec plus d'exactitude l'assiette de contribution ;
Attendu que les déclarations de consommation de ferrailles fournies par la requérante sont incomplètes et imprécises et ne permettent pas de contester la vraisemblance des résultats obtenus par la méthode de calcul choisie par la haute autorité ;
Qu'à l'appui de sa prétention la requérante ne donne qu' un exemple chiffre des opérations de calcul que comporte la méthode basée sur le nombre des journées de travail, et se réserve, pour le surplus, de produire toute documentation nécessaire, sans pour autant préciser la nature de cette documentation ;
Qu'elle demande enfin des mesures d'instruction, notamment une expertise, mais n'offre pas un commencement de preuve suffisant pour qu'il y ait lieu d'ordonner de telles mesures ;
Que, dans ces conditions, la demande de mesures d'instruction formulée par la requérante ne peut être retenue ;
Qu'en ce qui concerne, en outre, le grief de discrimination, la requérante ne fournit aucun élément permettant d'établir en quoi sa situation aurait été comparable, aux fins de l'application du critère de calcul basé sur la consommation moyenne de ferraille par journée de travail, à celle des entreprises qui auraient bénéficié de cette application ;
Attendu que les griefs de détournement de pouvoir et de violation du principe de non-discrimination doivent donc être rejetés comme non fondés ;
Quant au deuxième moyen
Attendu que la requérante fait valoir que la défenderesse aurait commis un détournement de pouvoir en dénaturant les faits et aurait assorti ses décisions d'une motivation inexacte ;
Qu'elle critique en premier lieu le critère de 900 KWH à la tonne, retenu par la haute autorité, ainsi que celui de 1 000 KWH pour la période de rodage fixée à trois mois, en alléguant que ces chiffres et cette durée seraient invraisemblables pour un four de 4 à 5 tonnes ;
Qu'elle invoque le seul argument précis que la défenderesse avait adopté le critère de 950 KWH lors d' une évaluation faite en 1961 par l'intermédiaire de la société fiduciaire suisse, et s'est limitée au surplus à demander un certain nombre de vérifications sur place ;
Qu'un tel argument n'est pas suffisant pour mettre en cause le critère effectivement utilisé qui a été établi en 1962 par une commission d'experts, pour les fours ayant la même capacité que celui de la requérante ;
Que, de même, la critique faite au critère de 1 000 KWH et à la durée admise pour la période de rodage est fondée sur des allégations trop imprécises pour pouvoir être retenues ;
Attendu que la requérante fait encore valoir que les pourcentages admis par la haute autorité pour le calcul des chutes de laminoir et des récupérations de ferraille seraient invraisemblables ;
Qu'elle se prévaut à cet effet d'une publication de la société terni qui admet des pourcentages plus élevés ;
Qu'en l'absence d'éléments concrets propres à l'entreprise requérante, un tel argument n'est pas de nature à infirmer la validité des appréciations émanant des services techniques de la haute autorité ;
Attendu que les autres griefs soulevés par la requérante ne peuvent, en raison de leur imprécision, motiver l'ouverture d'une instruction ;
Attendu que, pour toutes ces raisons, le présent moyen doit être rejeté ;
Quant à la demande en indemnité
Attendu que la requérante conclut à ce que la haute autorité soit condamnée au paiement de dommages intérêts, dans la mesure que la Cour jugera équitable ;
Attendu que la requérante ne fournit aucune indication quant à l'existence ou au montant du préjudice allégué ;
Que ces conclusions sont donc à rejeter.
Des dépens
Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 3, alinéa 1, du règlement de procédure, la Cour peut compenser les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels ;
Que la défenderesse ayant, en cours de procédure, modifie les decisions attaquées sur un point qui aurait pu en justifier l'annulation, il convient de compenser les dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR,
Rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête :
1) le recours 51-65 est rejeté comme non fondé ;
2) chaque partie supporte ses propres dépens.