CJCE, 29 octobre 1980, n° 138-79
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Roquette Frères (SA); Parlement Européen
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes ; Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocat :
Me Rabe.
LA COUR,
1. Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 31 août 1979, la requérante, société de droit français, qui fabrique, entre autres produits, de l'isoglucose, a demandé à la Cour de déclarer non valide la fixation du quota de production résultant pour elle de l'annexe II du règlement n° 1293-79 du Conseil du 25 juin 1979 'modifiant le règlement n° 1111-77 établissant des dispositions communes pour l'isoglucose' (JO L 162, p. 10 avec rectificatif au JO L 176, p. 37). Il ressort d'un examen de la requête qu'il s'agit en fait d'une demande en annulation du règlement n° 1293-79 pour autant que celui-ci fixe un quota de production de l'isoglucose pour la requérante.
2. A l'appui de son recours, la requérante invoque, outre divers moyens de fond, un moyen de forme visant à l'annulation de son quota de production fixé par ledit règlement au motif que le Conseil aurait adopté ce règlement sans avoir reçu l'avis du Parlement européen prescrit par l'article 43, paragraphe 2, du traité CEE, ce qui constituerait une violation des formes substantielles au sens de l'article 173 dudit traité.
3. Par ordonnance du 16 janvier 1980, la Cour a admis l'intervention du Parlement à l'appui des conclusions de la requérante fondées sur une violation des formes substantielles. Elle a également, par ordonnance du 13 février 1980, admis la Commission à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil.
4. Pour sa part, le Conseil a soulevé l'irrecevabilité tant du recours que de cette intervention en faveur de la requérante. A titre subsidiaire, il a conclu au rejet du recours comme non fondé.
5. Avant d'examiner les questions de recevabilité soulevées par le Conseil et les moyens invoqués par la requérante, il y a lieu de rappeler de façon sommaire l'historique de l'adoption du règlement controversé ainsi que le contenu de celui-ci.
6. Par arrêt du 25 octobre 1978, rendu dans les affaires jointes 103 et 145-77 (Royal Scholten Honig (holdings) Ltd./Intervention Board for Agricultural Produce; Tunnel Refineries Ltd./Intervention Board for Agricultural Produce, Recueil 1978, p. 2037), la Cour a dit pour droit que le règlement n° 1111-77 du Conseil du 17 mai 1977 établissant des dispositions communes pour l'isoglucose (JO L 134, p. 4) n'était pas valide dans la mesure où ses articles 8 et 9 imposaient une cotisation à la production d'isoglucose de 5 unités de compte pour 100 kilogrammes de matière sèche pour la période correspondant à la campagne sucrière 1977-1978. La Cour a constaté, en effet, que le régime instauré par les articles susvisés portait atteinte au principe général d'égalité (en l'espèce entre producteurs de sucre et producteurs d'isoglucose), dont l'interdiction de discrimination énoncée à l'article 40, paragraphe 3, du traité constitue une expression spécifique. La Cour a ajouté, toutefois, que son arrêt laissait au Conseil la faculté de prendre toutes mesures utiles, compatibles avec le droit communautaire, en vue d'assurer le bon fonctionnement du marché des édulcorants.
7. A la suite de cet arrêt, la Commission a, le 7 mars 1979, présenté au Conseil une proposition de modification du règlement n° 1111-77. Le Conseil a demandé, par lettre du 19 mars 1979, parvenue au Parlement le 22 mars, l'avis de cette institution conformément à l'article 43, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité. Dans sa lettre de saisine, il a notamment écrit que 'cette proposition tient compte de la situation résultant de l'arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1978 en attendant le nouveau régime pour le marché des édulcorants qui doit être mis en vigueur à partir du 1 juillet 1980... le règlement devant être appliqué à partir de juillet 1979, le Conseil attacherait du prix à ce que le Parlement veuille bien rendre son avis sur cette proposition au cours de sa session d'avril.'
8. L'urgence de la consultation demandée dans la lettre du Conseil tenait au fait que le texte de la proposition de règlement avait essentiellement pour objet, en vue d'éviter l'inégalité de traitement entre producteurs de sucre et producteurs d'isoglucose, de soumettre la production d'isoglucose à des règles analogues à celles existant pour la production du sucre jusqu'au 30 juin 1980 dans le cadre de l'organisation commune du marché du sucre instaurée par le règlement n° 3330-74 du Conseil du 19 décembre 1974 (JO L 369, p. 1). En particulier, il s'agissait d'instaurer, à titre transitoire jusqu'à cette date, un régime de quotas de production pour l'isoglucose qui devait s'appliquer à partir du 1 juillet 1979, date du début de la nouvelle campagne sucrière.
9. Le président du Parlement a saisi immédiatement de cette consultation la Commission de l'agriculture, pour examen au fond, et, pour avis, la Commission des budgets. Celle-ci a transmis son avis à la Commission de l'agriculture le 10 avril 1979. La Commission de l'agriculture a adopté, le 9 mai 1979, la proposition de résolution de son rapporteur. Le rapport et le projet de résolution adoptés par la Commission de l'agriculture ont été discutés par le Parlement au cours de sa séance du 10 mai 1979. Dans sa séance du 11 mai, le Parlement a rejeté la proposition de résolution et l'a renvoyée, pour réexamen, à la Commission de l'agriculture.
10. La session parlementaire du 7 au 11 mai 1979 devait être la dernière avant la séance constitutive du Parlement élu au suffrage universel direct prévu par l'acte portant élection des représentants à l'assemblée au suffrage universel direct pour le 17 juillet 1979. Le bureau du Parlement avait en effet décidé, lors de sa réunion du 1 mars 1979, de ne pas prévoir de session supplémentaire entre celles de mai et de juillet. Il avait cependant précisé que
' Le bureau élargi...
- estime toutefois qu'au cas où le Conseil et la Commission jugeraient nécessaire de prévoir une période de session supplémentaire, ils pourront, conformément aux dispositions de l'article 1, paragraphe 4, du règlement, demander une convocation du Parlement ; il est entendu qu'une telle session serait uniquement consacrée à l'examen de rapports établis à la suite de consultations urgentes ; '
Lors de sa réunion du 10 mai 1979, le bureau devait confirmer sa position en ces termes :
" - confirme sa position prise lors de la réunion susmentionnée et au cours de laquelle il avait décidé de ne pas prévoir de période de session supplémentaire entre la dernière session du Parlement actuel et la séance constitutive du Parlement élu au suffrage universel direct, en estimant toutefois qu'au cas où la majorité des membres effectifs du Parlement, le Conseil ou la Commission souhaiteraient la tenue d'une période de session supplémentaire, ils pourraient
- conformément aux dispositions de l'article 1, paragraphe 4, du règlement - demander la convocation du Parlement ;
- décide, en outre, compte tenu des dispositions de l'article 139 du traité CEE, qu'au cas où le président serait saisi d'une telle demande, le bureau élargi se réunira pour examiner la suite à lui donner. "
11. Le 25 juin 1979, le Conseil a adopté, sans avoir obtenu l'avis demandé, la proposition de règlement élaborée par la Commission, qui est devenu ainsi le règlement n° 1293-79 modifiant le règlement n° 1111-77. Le troisième visa du règlement n° 1293-79 mentionne la consultation de l'assemblée. Le Conseil a, néanmoins, tenu compte de l'absence d'un avis du Parlement en faisant observer au troisième considérant du règlement que 'l'assemblée, consultée dès le 16 mars 1979, sur la proposition de la Commission, n'a pas rendu à sa session de mai son avis sur celle-ci et a renvoyé la question à l'avis de la nouvelle assemblée'.
12. C'est l'annulation de ce règlement n° 1293-79, dans la mesure où il modifie le règlement n° 1111-77, qui est demandée à la Cour.
Quant à la recevabilité du recours
13. Selon le Conseil, le recours est irrecevable car dirigé à l'encontre d'un règlement sans que les conditions prévues par l'article 173, alinéa 2, du traité soient remplies. L'acte attaqué ne constituerait pas une décision prise sous l'apparence d'un règlement et ne concernerait la requérante ni directement ni individuellement. La requérante soutient au contraire que le règlement attaqué constituerait un ensemble de décisions individuelles dont l'une est prise à son égard et la concernerait directement et individuellement.
14. Selon les termes de l'article 9, paragraphes 1, 2 et 3, du règlement n° 1111-77 tel que modifié par l'article 3 du règlement n° 1293-79 :
" 1. Un quota de base est attribué à chaque entreprise productrice d'isoglucose établie dans la communauté, pour la période visée à l'article 8, paragraphe 1.
Sans préjudice de l'application du paragraphe 3, le quota de base de chaque entreprise en cause est égal au double de sa production constatée, au titre du présent règlement, pendant la période allant du 1 novembre 1978 au 30 avril 1979.
2. A chaque entreprise ayant un quota de base est attribué également un quota maximum égal à son quota de base affecté d'un coefficient. Ce coefficient est celui fixé en vertu de l'article 25, paragraphe 2, du deuxième alinéa du règlement (CEE) n° 3330-74 pour la période allant du 1 juillet 1979 au 30 juin 1980.
3. Le quota de base vise au paragraphe 1 est, le cas échéant, corrigé en sorte que le quota maximal déterminé conformément au paragraphe 2 :
- ne soit pas supérieur à 85 %,
- ne soit pas inférieur à 65 %
de la capacité technique annuelle de production de l'entreprise en cause. "
15. Aux termes du paragraphe 4 de l'article 9, les quotas de base établis en application des paragraphes 1 et 3 sont individuellement attribués à chaque entreprise, comme indiqué à l'annexe II. Cette annexe, qui fait partie intégrante de l'article 9, dispose que le quota de base pour la requérante est fixé à 15 887 tonnes.
16. Il en résulte que l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1111-77 (tel que modifié par l'article 3 du règlement n° 1293-79), en liaison avec l'annexe II, applique lui-même les critères énoncés à l'article 9, paragraphes 1 à 3, à chacune des entreprises en cause qui en sont les destinataires et qui sont ainsi directement et individuellement concernées. Le règlement n° 1293-79 constitue dès lors un acte à l'encontre duquel les entreprises concernées productrices d'isoglucose peuvent introduire un recours en annulation en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité.
Quant à la recevabilité de l'intervention du Parlement
17. Le Conseil met en doute la possibilité pour le Parlement d'intervenir volontairement dans un litige pendant devant la Cour. Selon lui, un pouvoir d'intervention de ce type s'apparente à un droit d'action en justice qui ne serait pas reconnu au Parlement dans l'économie générale du traité. A cet égard, il fait notamment observer que l'article 173 du traité ne mentionne pas le Parlement parmi les institutions habilitées à agir en annulation et que l'article 20 du statut de la Cour ne le mentionne pas parmi les institutions appelées à déposer des observations dans le cadre de la procédure préjudicielle de l'article 177.
18. L'article 37 du statut de la Cour dispose que :
'Les Etats membres et les institutions de la communauté peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour.
Le même droit appartient à toute autre personne justifiant d'un intérêt à la solution d'un litige soumis à la Cour, à l'exclusion des litiges entre Etats membres, entre institutions de la communauté, ou entre Etats membres d'une part et institutions de la communauté d'autre part.
Les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties.'
19. L'alinéa 1 de cet article prévoit un même droit d'intervention pour toutes les institutions de la communauté. On ne saurait restreindre, pour l'une d'entre elles, l'exercice de ce droit sans porter atteinte à sa position institutionnelle, voulue par le traité et, en particulier, le paragraphe 1 de l'article 4.
20. A titre subsidiaire, le Conseil allègue que, même s'il fallait admettre un droit d'intervention dans le chef du Parlement, ce droit serait fonction de l'existence d'un intérêt à agir. Un tel intérêt serait sans doute présumé, mais cela n'empêcherait pas la Cour, le cas échéant, d'en contrôler l'existence. Dans le cas d'espèce, un tel contrôle devrait, selon le Conseil, amener la Cour à constater l'absence d'intérêt du Parlement à la solution du litige.
21. Ce moyen doit être rejeté comme incompatible avec l'économie de l'article 37 du statut de la Cour. En effet, si l'alinéa 2 de l'article 37 du statut de la Cour prévoit que les personnes autres que les états et les institutions ne peuvent intervenir dans un litige soumis à la Cour que si elles justifient d'un intérêt à la solution du litige, le droit d'intervenir reconnu aux institutions, et donc au Parlement, par l'article 37, alinéa premier, n'est pas soumis a cette condition.
Quant à la violation de l'égalité de traitement
22. Ainsi que rappelé ci-dessus, la Cour a, dans son arrêt précité, rendu dans les affaires n° 103 et 145-77, déclaré que le règlement n° 1111-77 portait atteinte au principe général d'égalité. La Cour a en effet constaté qu'alors que les producteurs de sucre et d'isoglucose se trouvaient dans des situations comparables, une charge manifestement inégale était imposée aux producteurs d'isoglucose. Suite à l'arrêt de la Cour, le Conseil a modifié, par son règlement n° 1293-79, le règlement n° 1111-77 en introduisant pour l'isoglucose un système de quotas directement inspiré par le système existant dans le domaine du sucre.
23. La requérante soutient que ce nouveau règlement viole, lui aussi, le principe d'égalité. Selon elle, il appliquerait à la fois des règles semblables à des situations différentes et maintiendrait entre les deux régimes des différences qui entraîneraient l'application de traitements inégaux à des situations identiques.
24. Le fait même que la requérante croie pouvoir présenter en même temps les deux arguments démontre la complexité d'une situation dans laquelle les marchés de l'isoglucose et du sucre sont comparables sans être vraiment identiques.
25. Lorsque la mise en œuvre par le Conseil de la politique agricole de la communauté implique la nécessité d'évaluer une situation économique complexe, le pouvoir discrétionnaire dont il jouit ne s'applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation de données de base en ce sens, notamment, qu'il est loisible au Conseil de se fonder, le cas échéant, sur des constatations globales. En contrôlant l'exercice d'une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l'autorité en question n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
26. Il appartenait au Conseil - compte tenu que la production d'isoglucose contribuait à accroître les excédents de sucre et qu'il lui était loisible de frapper cette production de mesures restrictives - de prendre, dans le cadre de la politique agricole, les mesures qu'il jugeait utiles en tenant compte de la similarité et de l'interdépendance des deux marchés ainsi que de la spécificité du marché de l'isoglucose.
27. Ceci est d'autant plus vrai qu'il s'agissait pour le Conseil, face au problème délicat posé par les conséquences de la production d'isoglucose sur la politique sucrière de la communauté, de mettre en place dans un bref délai une règlementation transitoire d'un marché nouveau et en pleine évolution. Dans ces circonstances, il n'est pas démontré qu'en arrêtant le règlement n° 1293-79 le Conseil ait dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation.
Quant à la violation du principe de proportionnalité
28. Selon la requérante, le quota qui lui est attribué à l'annexe II du règlement n° 1111-77 serait nettement insuffisant. La fixation du quota en fonction de la production réalisée entre le 1 novembre 1978 et le 30 avril 1979 ne tiendrait compte ni de variations saisonnières ni du fait que, durant la période considérée, la production fut limitée en fonction de l'incertitude dans laquelle la requérante se trouvait tant à propos du régime qui serait appliqué par la communauté après l'arrêt de la Cour dans les affaires précitées que de la position des autorités françaises qui ne devaient admettre l'usage de l'isoglucose que par arrêté du 9 août 1979. La possible correction des quotas en fonction de la capacité technique annuelle défavoriserait les entreprises qui, comme elle, avaient remis tout nouvel investissement dans l'attente d'une clarification de la situation. Ces quotas rendraient toute concurrence illusoire.
29. A ce propos, il faut relever que l'établissement de quotas fondés sur une période de référence est un procédé habituel en droit communautaire et approprié lorsqu'il s'agit de contrôler la production dans un secteur déterminé. D'autre part, la requérante n'a en rien étayé son affirmation selon laquelle elle aurait limité sa production. Il faut aussi remarquer qu'après que l'arrêt précité ait été rendu, la cotisation telle que primitivement prévue n'était en tout cas plus susceptible d'être appliquée.
30. De toute manière, l'on ne peut attendre du Conseil qu'il tienne compte des motifs, des options commerciales et de la politique interne de chaque entreprise individuelle lorsqu'il arrête des mesures d'intérêt général en vue d'éviter qu'une production non contrôlée d'isoglucose ne mette en péril la politique sucrière de la communauté.
31. Enfin, la requérante n'ayant pas utilisé la totalité du quota qui lui était accordé pour la période correspondant à la campagne sucrière, ne saurait se plaindre d'une limitation de ses possibilités concurrentielles par le quota qui lui était attribué.
Quant à la violation des formes substantielles
32. La requérante et le Parlement dans son intervention soutiennent que le règlement n° 1111-77 dans sa version modifiée ayant été arrêté par le Conseil sans que soit respectée la procédure de consultation prévue à l'article 43, 2 alinéa, du traité, doit être considéré comme nul pour violation de formes substantielles.
33. La consultation prévue par l'article 43, paragraphe 2, alinéa 3, comme par d'autres dispositions parallèles du traité, est le moyen qui permet au Parlement de participer effectivement au processus législatif de la communauté. Cette compétence représente un élément essentiel de l'équilibre institutionnel voulu par le traité. Elle est le reflet, bien que limité, au niveau de la communauté, d'un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent a l'exercice du pouvoir par l'intermédiaire d'une assemblée représentative. La consultation régulière du Parlement dans les cas prévus par le traité constitue dès lors une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de l'acte concerné.
34. Il y a lieu de préciser à cet égard que le respect de cette exigence implique l'expression, par le Parlement, de son opinion ; on ne saurait considérer qu'il y est satisfait par une simple demande d'avis de la part du Conseil. C'est donc à tort que le Conseil, dans le règlement n° 1293-79, fait figurer parmi les visas du préambule la consultation de l'assemblée.
35. Le Conseil n'a pas contesté le caractère de formalité substantielle de la consultation du Parlement. Il soutient cependant que, dans les circonstances de l'espèce, le Parlement aurait, par son propre comportement, rendu impossible l'accomplissement de cette formalité et qu'il ne serait dès lors pas fondé à en invoquer la méconnaissance.
36. Sans préjudice des questions de principe soulevées par cette argumentation du Conseil, il suffit de constater en l'occurrence que, le 25 juin 1979, date à laquelle il a arrêté, sans avis de l'assemblée, son règlement n° 1293-79 modifiant le règlement n° 1111-77, le Conseil n'avait pas épuisé toutes les possibilités d'obtenir l'avis préalable du Parlement. En premier lieu, le Conseil n'a pas demandé l'application de la procédure d'urgence prévue par le règlement intérieur du Parlement bien que, en d'autres domaines et à propos d'autres projets de règlements, il ait au même moment fait usage de cette faculté. En outre, le Conseil aurait pu user de la possibilité que lui offrait l'article 139 du traité de demander une session extraordinaire de l'assemblée, cela d'autant plus que le bureau du Parlement, en date des 1 mars et 10 mai 1979, avait attiré son attention sur cette possibilité.
37. Il s'ensuit qu'en l'absence de l'avis du Parlement, exigé par l'article 43 du traité, le règlement n° 1293-79 modifiant le règlement n° 1111-77 du Conseil doit être annulé, sans préjudice du pouvoir du Conseil de prendre, à la suite du présent arrêt, toute mesure appropriée conformément à l'article 176, alinéa 1, du traité.
Quant aux dépens
38. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens.
39. Or, ni la requérante ni les parties intervenantes n'ont conclu à la condamnation du Conseil aux dépens. Il en résulte que, bien que le Conseil ait succombé en son action, il y a lieu de faire supporter à chaque partie ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Le règlement n° 1293-79 (JO L 162, p. 10 avec rectificatif au JO L 176, p. 37), modifiant le règlement n° 1111-77 (JO L 134, p. 4) est annulé.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.