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Décisions

CA Toulouse, 1re ch., 10 avril 1989, n° 2562-86

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gary (Epoux)

Défendeur :

Clavel ; Michel Parot-Taudin (SCP) ; Andrieu (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedos (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Vergez, Darde

Avoués :

SCP Nidecker-Prieu, Me Cantaloube, SCP Boyer-Lescat-Boyer, SCP Rives

Avocats :

SCP Faugère-Larroque-Rey-Melliorat-Birkholz, SCP Boissière-Orliac, Mes Gourinchas, Plantie Decharme, Souquières

TGI Montauban, du 29 mai 1986

29 mai 1986

Le 4 novembre 1981, M. Maurice Clavel, d'une part, M. Michel Gary, chirurgien-dentiste, et Mme Joëlle Madaule, son épouse, d'autre part, ont passé un acte sous seing privé aux termes duquel le premier vendait aux seconds une grande et ancienne maison bourgeoise avec dépendances et parc située à Montech (Tarn-et-Garonne), pour le prix de 900 000 F. Il y était mentionné que l'immeuble vendu était alors loué à Mme Andrieu et Mlle Marie-Noëlle Andrieu en vertu d'un bail verbal, et partiellement occupé par celles-ci, l'autre partie servant à l'exercice de l'activité de notariat de la SCP Parot-Taudin, sous-locataire. Ces occupants ont lu, approuvé et signé la convention.

Les acquéreurs s'obligeaient à prendre l'immeuble dans son état actuel sans pouvoir prétendre à aucune diminution du prix pour vices cachés ou autres et, à ce sujet, les parties, et spécialement les acheteurs, déclaraient "que l'immeuble vendu est actuellement atteint par les termites". Nais ce mot a été rayé et un renvoi en marge y substitue celui de "capricornes". " En conséquence de quoi, ils s'interdisent d'attaquer le présent acte à ce sujet et de rechercher les vendeurs au motif que l'immeuble présentement vendu a subi ou subira une attaque de termites". Ce dernier mot a été également rayé, et le lecteur est renvoyé en marge au même mot de "capricornes" qui y a été substitué.

Par-devant Maître Louis Taudin, membre de la SCP Michel Parot et Louis Taudin, le 17 avril 1982, Mme et M. Gary et M. Clavel ont signé l'acte authentique constatant la vente. On y retrouve, dans les mêmes termes employés dans l'acte sous seing privé et avec le même mot rayé, mais suivi cette fois par les mots " et (rayé) les capricornes " la même déclaration relative à la connaissance d'une atteinte par les insectes xylophages, et la même renonciation à rechercher le vendeur pour le même motif, à savoir que l'édifice vendu "a subi ou subira une attaque de termites ou de capricornes", sans que le mot de "termites" soit cependant rayé.

Pendant la période qui s'est écoulée entre ces deux actes, les époux Gary ont fait procéder à l'aménagement d'une partie de l'immeuble en cabinet dentaire, puis en ont occupé le reste après le 17 avril 1982, et ont fait diligenter une expertise officieuse, de l'état de leur nouveau bien par M. Torossian de la Faculté des Sciences de Toulouse. Entre autres xylophages, celui-ci a relevé la présence de termites et décrit leurs dégâts et destructions.

C'est pourquoi, les 1er et 6 avril 1983, M. Michel Gary et Mme Joëlle Madaule ont assigné en référé-expertise et au fond M. Maurice Clavel et la SCP Michel Parot et Louis Taudin, puis le 4 août 1984, Mme Andrieu et Mlle Marie-Noëlle Andrieu.

Commis par ordonnance du 28 avril 1983 en qualité d'expert, M. le Professeur André Leroux, entomologiste, a déposé en 1983 un premier rapport selon lequel l'immeuble est attaqué par les termites depuis vingt ou trente ans et les propriétaires et occupants précédents ont fait des travaux de réfection à la suite des dégradations qu'ont faites ces insectes dans les menuiseries. Dans son second rapport, il constate la gravité de l'attaque et la mise on place ancienne de renforcements de poutres et solives et estime qu'un examen sérieux des zones centrales et méridionales aurait permis de remarquer les signes caractéristiques de la présence des termites.

Un second expert, M. Castaings, a estimé le coût des traitements et travaux de réparations des dégâts dont il s'agit.

Au vu des résultats de ces mesures d'instruction, Mme et M. Gary ont demandé au tribunal la condamnation solidaire du vendeur, du notaire et des dames Andrieu à leur payer la somme de 67 246,20 F représentant le coût du traitement, et une provision de 94 980 F à valoir sur le coût des réparations nécessaires, contestant sur ce point l'estimation de M. Castaings.

En soutenant essentiellement que les acheteurs connaissaient la présence des termites, M. Clavel a conclu au débouté des demandeurs et, reconventionnellement, a sollicité 50 000 F en réparation de son préjudice moral et 20 000 F au titre de l'article 700. Subsidiairement, il a demandé à être relevé et garantir par les notaires qui, estime-t-il, ont failli à leur obligation de conseil en l'informant pas de la présence des insectes qu'ils connaissaient et par Mmes Andrieu elles-mêmes informées de ce vice.

La SCP Parot et Taudin a soutenu que les acquéreurs avaient été dûment avertis de la présence des termites et qu'ils ont eux-mêmes demandé la suppression de la mention de ces parasites dans l'acte, ce qui les empêchent, selon ces défendeurs, d'obtenir gain de cause.

Les consorts Andrieu ont conclu au débouté de l'action dirigée contre eux et la condamnation des époux Gary à leur payer 5 000 F au titre de l'article 700.

Par jugement du 29 mai 1986, le Tribunal de grande instance de Montauban a débouté Mme et M. Gary de leurs demandes et M. Clavel de sa demande reconventionnelle, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 en faveur des consorts Andrieu, et a condamné les époux Gary à payer à M. Clavel 5 000 F en vertu de l'article 700.

Le 24 juillet 1986, M. Michel Gary et Mme Joëlle Madaule ont relevé appel de cette décision pour demander à la cour de dire M. Clavel tenu au titre de la garantie des vices cachés de réparer leur entier préjudice, de dire également engagée la responsabilité des notaires et celle de Mme et Mlle Andrieu, et de les condamner solidairement à leur payer, à titre provisionnel, les sommes de 67 247,20 F pour le traitement des termites, et de 94 980 F pour les réparations, avec actualisation au jour de l'arrêt. D'autre part, avant dire droit sur le montant desdites réparations, ils sollicitent une nouvelle expertise pour les évaluer, abstraction faite de celles déjà chiffrées par le précédent expert, ainsi que leur préjudice de jouissance.

M. Clavel conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des époux Gary à lui payer encore 5 000 F on vertu de l'article 700. Très subsidiairement, il demande la condamnation des notaires et des dames Andrieu à le garantir de toutes condamnations et à lui payer, 10 000 F (5 000 F + 5 000 F) en application de l'article 700.

En demandant la constatation de divers éléments sur lesquelles elles fondent leur défense, Mme Andrieu et Mlle Marie-Noëlle Andrieu demandent la confirmation du jugement et la condamnation des époux Gary à leur payer 5 000 F en vertu de l'article 700.

La SCP Parot-Taudin conclut aux mêmes fins en ce qui la concerne, et, subsidiairement, au débouté du recours de M. Clavel en garantie dirigé contre elle et, dans ce cas, à sa condamnation à leur payer 5 000 F sur le fondement de l'article 700.

Motifs de l'arrêt :

A l'action en garantie des vices cachés de la chose vendue, l'article 1644 du Code civil n'ouvre pas d'autre fin que la restitution de la totalité ou d'une partie du prix après arbitrage d'un expert, outre les frais occasionnés par la vente, sans préjudice, toutefois, de dommages-intérêts en cas de mauvaise foi du vendeur. Or, Mme et M. Gary ne prétendent ni au remboursement de tout ou partie de ce qu'ils ont payé à M. Clavel, ni aux frais de l'acquisition, mais à une prise on charge par leurs adversaires du coût du traitement anti-termites et des réparations des dégâts causés par ces insectes.

Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, c'est à bon droit que M. Clavel conclut à l'irrecevabilité de leur action en invoquant la connaissance qu'ils avaient des attaques desdits parasites. En effet, même si, pour une raison mal définie, il a été rayé des textes contractuels, le mot de "termites" n'apparaît pas moins de quatre fois dans les actes qu'ont signés les époux Gary, ce qui, non seulement démontre la loyauté du notaire rédacteur, mais encore n'a pu manquer au moins d'attirer l'attention des acquéreurs sur la probabilité de l'attaque de tels xylophages, et, par conséquent, aurait dû les inciter à examiner la maison avec ce minimum d'application qui leur aurait certainement permis de remarquer la quasi-destruction des huisseries de la porte donnant sur l'escalier de la cave et de celle de la souillarde, les dégâts très nets des plinthes et lambris, la destruction et le remplacement partiel du parquet de la salle de bains, et les reprises évidentes des boiseries endommagées plus gravement.

C'est en vain que, pour justifier leur thèse, ils font valoir que M. Groc, chargé par M. Clavel en 1981 d'évaluer le bien en question avant une donation alors envisagée, n'avait pas mentionné dans son rapport la présence de termites, car, d'une part, celui-ci est seulement expert en évaluations immobilières, et, d'autre part, a-t-il précisé lui-même à M. Castaings, il s'agissait pour lui d'émettre une appréciation économique relevant de sa seule spécialité, et non un avis technique.

Est donc à confirmer la disposition du jugement qui a repoussé la demande principale, si bien que l'appel on garantie dirigé par M. Clavel contre ses co-défendeurs s'avère dépourvu d'intérêt.

Quant aux sommes que le vendeur, les notaires et les consorts Andrieu ont déboursées pour se défendre et qui ne sont pas comprises dans les dépens, il serait inéquitable de les laisser à leur charge. Les époux Gary, qui ont provoqué ces frais, doivent donc être condamnés à les supporter.

En outre, échouant on leur action, ceux-ci doivent être condamnés aux entiers dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, Recevant M. Michel Gary et son épouse, Mme Joëlle Madaule, en leur appel principal, et M. Maurice Clavel, la SCP Michel Parot-Louis Taudin, Mme Andrieu et Mlle Marie-Noëlle Andrieu en leurs appels incidents du jugement rendu le 29 mai 1986 par le Tribunal de grande instance de Montauban dans l'affaire les opposant, Confirmant la décision déférée, Juge irrecevable l'action de M. Michel Gary et de Mme Joëlle Madaule ; Infirmant le surplus, Condamne M. Michel Gary et Mme Joëlle Madaule, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer à M. Maurice Clavel la somme de 5 000 F, à la SCP Michel Parot-Louis Taudin la somme de 5 000 F, et à Mme Andrieu et Mlle Marie-Noëlle Andrieu la somme de 5 000 F ; En outre, condamne les mêmes aux dépens de référé, de première instance et d'appel, y compris ceux d'expertises ; Autorise Maître Cantaloube-Ferrieu, la SCP Boyer-Lescat et la SCP Rives à recouvrer directement contre les condamnés ceux des dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.