CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 30 novembre 1988, n° 1168-87
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Gauthier
Défendeur :
Gauthier ; Sud Loire Automobiles (SA) ; Ford France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Serre
Conseillers :
Mlle Bodin, M. Gilard
Avoués :
SCP Alirol-Laurent, SCP Musereau-Drouineau-Rosaz, SCP Tapon-Landry-Tapon, SCP Paille-Thibault
Avocats :
Mes Siret, Frappier, Menegaire, Drouineau, Villard.
Statuant sur l'appel principal régulièrement interjeté par Jean-Paul Gauthier et l'appel incident de M.Eric Gauthier et de la société Sud Loire Automobiles, d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon à la date du 3 février 1987, lequel a statué en ces termes :
"Faisant application des dispositions des articles 474, 1641 et suivants du Code civil,
Adopte les conclusions du rapport d'expertise déposé le 6 juin 1985 par M. Peltan expert commis par ordonnance de référé en date du 22 octobre 1984,
Met hors de cause la SA Sud Loire Automobiles et la SA Ford France,
Prononce la résolution de la vente du véhicule de marque et de type Ford cabriolet ALD 4K immatriculé 1918 RM 85, intervenue le 7 août 1984 entre MM. Jean-Paul et Eric Gauthier,
Condamne M. Jean-Paul Gauthier
a) à restituer à M. Eric Gauthier la somme de 87 000 F au titre du prix de vente, augmentée des intérêts légaux à compter du jour de l'assignation le 3 septembre 1985,
b) à restituer à M. Eric Gauthier le montant des intérêts et primes d'assurances payés par ce dernier à la SA Crédit de l'Est à la date de la restitution du véhicule,
c) à restituer à M. Eric Gauthier les sommes éventuellement dues à la SA Crédit de l'Est du fait de la résiliation anticipée du contrat de prêt souscrit pour l'acquisition du véhicule,
d) à restituer à M. Eric Gauthier la somme de 528 F plus 299 F égale 627 F au titre du coût de la carte grise et de la prime d'assurance nécessaires pour la garantie du véhicule,
e) à payer à Eric Gauthier les sommes de 5 000 F à titre de dommages et intérêts et de 3 500 F en application de l'article 700.
Dit que M. Eric Gauthier devra restituer le véhicule à M. Jean-Paul Gauthier,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,
Condamne M. Jean-Paul Gauthier aux entiers dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise et alloue à Me Frappier, la SCP Groleau-Buet et la SCP Fraigneau-Fauvel le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile."
Vu l'exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties en première instance figurant dans le jugement entrepris ;
Vu les conclusions d'appel des parties, les prétentions et les moyens qu'elles contiennent.
Faits, procédure et moyens des parties.
Par actes d'huissier des 28 août et 3 septembre 1985, M. Eric Gauthier assignait la société Sud Loire Automobiles et M. Jean-Paul Gauthier par devant le Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon aux fins de voir prononcer la résolution de la vente d'une voiture automobile Ford Escort Cabriolet, intervenue le 7 août 1984 par application des articles 1641 et suivants du Code civil et de les entendre condamner à la restitution du prix, des divers frais faits notamment de crédit outre 5 000 F de dommages et intérêts et 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Cette action avait été précédée d'un (sic) Président du Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon qui avait rendu une ordonnance le 22 octobre 1984 désignant (sic) en qualité d'expert. Celui-ci devait déposer un (sic) 1985. Il en résulte que le véhicule souffrait d'un (sic) d'étanchéité le rendant impropre à un usage par temps de pluie.
Postérieurement et par acte d'huissier du 9 décembre 1985, la société Sud Loire Automobiles appelait en la cause la SA Ford France pour être garantie et relevée indemne de condamnations éventuelles en se basant sur le défaut de conception de la voiture.
Le jugement, dont le dispositif est ci-avant reproduit, ayant seulement fait droit à la demande de M. Eric Gauthier contre M. Jean-Paul Gauthier, ce dernier a interjeté appel et conclut en développant les moyens suivants :
- la société Sud Loire Automobiles n'a jamais nié avoir été propriétaire du véhicule litigieux et l'avoir vendu à M. Jean-Paul Gauthier l'un de ses sous-agents. Il est d'ailleurs produit la facture du 5.06.1984.
- ce véhicule souffrait d'un défaut d'étanchéité, mais les efforts du concessionnaire et du fabricant ayant été vains pour y remédier, la responsabilité d'un simple sous-agent ne peut être seule retenue.
Dans l'hypothèse ou il serait tenu de restituer le prix et les frais et de payer des dommages et intérêts, il est en droit d'être relevé indemne par son propre vendeur la société Sud Loire Automobiles qui lui a fourni ce véhicule atteint du vice le rendant impropre à l'usage pour lequel il était destiné ;
M. Jean-Paul Gauthier demande donc réformation du jugement déféré.
La société Sud Loire Automobiles, après avoir soutenu dans ses premières conclusions n'avoir pas été propriétaire du véhicule litigieux, a admis ensuite qu'elle en était bien le vendeur à M. Jean-Paul Gauthier mais qu'elle ne saurait être responsable de ce qu'il faut considérer comme un vice de fabrication.
Elle conclut donc à la réformation de la décision déférée en ce qu'elle a mis hors de cause la société Ford France qui avait commis des fautes de fabrication ou de conception de ce modèle, et sollicite une mesure d'expertise pour faire apparaître la responsabilité du constructeur.
M. Eric Gauthier fait également un appel incident en soutenant que l'action était dirigée tant contre M. Jean-Paul Gauthier que contre la société Sud Loire Automobiles et que la condamnation devant être prononcée doit être solidaire ; Il demande en outre que les dommages et intérêts alloués soient portés à la somme de 20 000 F
La société Ford France demande confirmation pure et simple du jugement déféré. Elle soutient que l'expertise ne lui est pas opposable et que par conséquent c'est bien trop tardivement qu'elle a été attraite en la cause. Cette société soutient que les tentatives de réparation faites en dehors de son réseau de spécialistes la dégage de toute responsabilité alors que si elle avait pu assister aux opérations d'expertise le problème d'étanchéité aurait été résolu comme sur tous les modèles produits par la firme.
Toutes les parties sollicitent en allocation application de l'article 700 du NCPC.
Motifs de l'arrêt.
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé, au vu du rapport d'expertise que le cabriolet Ford Escort vendu à M. Eric Gauthier présentait un défaut de liaison étanche entre l'encadrement du pare-brise et la capote amovible qui rendait ce véhicule quasi-inutilisable par temps de pluie et que les tentatives faites pour remédier à ce défaut ont été vaines,
Attendu que pour l'acheteur, qui n'avait pu faire d'essai qu'en période estivale, ce défaut constituait bien un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil qui diminuait tellement l'usage de la voiture qu'il ne l'aurait pas acquise s'il l'avait connu,
Attendu qu'il était donc fondé à solliciter la résolution de la vente et comme cette vente avait été faite par un professionnel de l'automobile, il pouvait demander outre la restitution du prix et les frais faits, de justes dommages et intérêts,
Attendu qu'au vu des justifications produites, les sommes retenues par les premiers juges doivent être maintenues, M. Jean-Paul Gauthier ne justifiant pas les 20 000 F qu'il sollicite à titré de dommages et intérêts,
Attendu qu'en revanche, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la société Sud Loire Automobiles comme devant garantir son sous-agent M. Jean-Paul Gauthier, car c'est cette société qui lui avait vendu le véhicule litigieux et qui a dû le reconnaître dans ses dernières conclusions devant la cour,
Attendu que le jugement déféré sera donc réformé de ce chef,
Attendu que la mise en cause de la société Ford France a été tardive puisque les opérations d'expertise se sont déroulées en dehors de sa présence en sorte que les conclusions du rapport ne lui sont pas opposables,
Attendu que cette société affirme que si elle avait été tenue informée et si elle avait été appelée en la cause, les problèmes d'étanchéité auraient été résolus,
Attendu qu'il est de toute évidence trop tard pour vérifier plus de 4 ans après la vente de la voiture, si cette affirmation est fondée et qu'on ne peut en faire grief à la société Ford France, mais à la société Sud Loire Automobiles qui ne pouvait qu'être déboutée de cette mise en cause tardive,
Attendu que l'indemnisation de M. Eric Gauthier ayant été largement appréciée par les premiers juges, il ne sera pas inéquitable de confirmer seulement l'appréciation déjà faite du montant des frais irrépétibles exposés,
Attendu qu'il ne sera pas inéquitable de laisser à la société Ford France la charge des frais irrépétibles qu(sic).
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit M. Jean-Paul Gauthier en son appel principal, M. Eric Gauthier et la société Sud Loire Automobiles en leur appel incident. Au fond, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt ; Réformant partiellement, Dit que la société Sud Loire Automobiles devra relever indemne M. Jean-Paul Gauthier de toutes les condamnations prononcées contre lui ; Déboute les parties de toutes autres demandes ou conclusions ; Condamne la société Sud Loire Automobiles aux dépens d'appel et autorise les SCP Alirol-Laurent et SCP Musereau-Drouineau-Rosaz et SCP Paille-Thibault à recouvrer directement ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.