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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 3 octobre 1990, n° 87-3472

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Rossel

Défendeur :

Joffroy ; Frontil

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vielle

Conseillers :

M. Mus, Mme Schoendoerffer

Avoués :

SCP Capdevila, SCP Estival, Me Garrigue

Avocats :

Me Sabate, SCP Gouttes-Bousgaries.

TGI Carcassonne, du 3 juill. 1987

3 juillet 1987

Par jugement en date du 3 juillet 1987, le Tribunal de grande instance de Carcassonne a statué en ces termes :

"Déclare résolue la vente du car Van Hool ;

"Dit que Jean-Claude Soual pourra reprendre possession du véhicule ;

"Condamne Jean-Claude Soual assisté de son syndic à payer à Marcel Joffroy les sommes de vingt mille francs (20 000 F) et de mille cinq cents francs (1 500 F) ;

"Déclare irrecevable la demande de Marcel Joffroy formée contre Rossel ;

"Accueille l'appel en garantie de Jean-Claude Soual à l'encontre de Rossel ;

"Dit que Rossel devra garantie à Jean-Claude Soual à concurrence de moitié ;

"ordonne l'exécution provisoire ;

" Fait masse des dépens dont distraction au profit de Me Bourland, avocat qui déclare en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision et les partage par moitié entre Jean-Claude Soual assisté de son syndic d'une part, Rossel d'autre part. "

Henri Rossel a interjeté appel de cette décision.

Faits et procédure

Marcel Joffroy a, au vu d'une annonce parue dans la revue "Bus Car", acquis un car Van Hool de 30 places au garage Soual de Castelnaudary moyennant une somme de 50 000 F réglée par deux chèques de 10 000 F et 40 000 F établis à l'ordre d'Henri Rossel, le premier en date du 17 octobre 1985, le second en date du 13 novembre 1985.

Marcel Joffroy repartait ensuite au volant de son véhicule en direction de Vesoul. Il s'arrêtait dans le Doubs à Exincourt estimant qu'il avait été trompé sur l'état du véhicule qui lui avait été vendu.

Par acte en date du 3 mars 1986, il a fait assigner Jean-Claude Soual en référé et au fond devant le Tribunal de grande instance de Carcassonne puis a appelé dans la cause Me Frontil, syndic au règlement judiciaire de Soual.

Soual et Me Frontil ont à leur tour appelé dans la cause Henri Rossel.

Après expertise, l'instance a abouti au jugement dont appel.

Moyens des parties

Henri Rossel fait valoir qu'il n'est pas le vendeur du véhicule et qu'en toute hypothèse, il ne peut se voir condamner au paiement de dommages et intérêts.

Il expose que Soual avait en réalité vendu le bus à un certain Lincou, puis l'avait repris pour le revendre à Joffroy, que lui-même avait à la demande de Soual vendu un bus de remplacement à Lincou, ce qui explique que les chèques rédigés par Joffroy aient été libellés à son ordre.

Il expose encore que le second de ces chèques s'est révélé sans provision et ne lui a pas été réglé.

Il fait enfin valoir que Joffroy, professionnel du transport, ne pouvait pas ignorer l'état de délabrement du véhicule dont le prix était déjà révélateur ainsi que l'aspect général.

Il conclut au débouté des demandes et, reconventionnellement, demande que soit Joffroy, soit Soual, soit condamnés à lui payer une somme de 40 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1985, date de création du chèque.

Il demande en outre paiement d'une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et d'une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Jean-Claude Soual, assisté de Maître Frontil, soutient que Marcel Joffroy professionnel de la conduite puisque effectuant des ramassages scolaires était tout à fait à même de découvrir le mauvais état du véhicule qui n'était en rien caché mais au contraire particulièrement apparent.

Il soutient en outre qu'il n'est pas le vendeur du véhicule que Rossel avait mis en dépôt chez lui en vue de sa vente.

Il conclut au débouté de toutes les demandes de Joffroy et subsidiairement demande à être relevé et garanti par Henri Rossel de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Marcel Joffroy conclut à la confirmation pure et simple de la décision entreprise et demande en outre paiement d'une somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Attendu qu'aux termes des articles 1641 et 1642 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Attendu qu'en l'espèce Joffroy qui indique être un profane en matière de car, sans pour autant donner la moindre indication ni sur se profession, ni sur l'usage auquel il destinait le véhicule de transport en commun qu'il a acheté, a acquis un engin manifestement très vieux et très mal entretenu ; qu'en effet la carte grise mentionnait une première mise en circulation de 1970, ce qui en 1985 donnait plus de 15 ans d'usage au véhicule ; que les registres d'entretien mentionnaient des kilométrages incohérents qui impliquaient nécessairement au moins deux changements de compteur, que le véhicule lui-même présentait, ainsi que cela ressort du rapport de l'expert, un mauvais état général avec une oxydation de la carrosserie, une sellerie sale et déchirée, un siège conducteur cassé à la base, un plancher fendu, un essuie-glace disloqué et cassé à gauche, un ensemble mécanique fortement usé, une suspension affaissée, des ressorts détendus, un radiateur fuyant, des freins moyens, un groupe de batteries oxydé, un moteur produisant d'importantes fumées et démarrant mal à froid, une direction dure et craquante ; que l'expert précise que le véhicule présentait en outre un défaut de compression du moteur qui constituait un vice caché dans la mesure où il ne pouvait se révéler qu'à l'occasion d'un examen spécifique par un spécialiste ; qu'il indique encore que l'état du véhicule résulte de son vieillissement général et d'une usure consécutive à l'usage, que le véhicule est en état de marche mais sans offrir toute fiabilité et toute sécurité ;

Attendu enfin que le jour de l'expertise le car litigieux accusait 389 844 Km au compteur étant rappelé que le compteur avait été nécessairement changé ainsi que cela résulte du cahier d'entretien du véhicule ;

Attendu que même à supposer que Joffroy soit un profane en la matière, il pouvait se convaincre à la seule vue du véhicule qu'il achetait du très mauvais état de celui-ci et de son usure importante ; que dès lors le défaut de compression qui n'est dû qu'à l'usure et à un long usage était parfaitement prévisible pour tout acheteur normalement avisé et ne peut en conséquence constituer un vice caché ;

Attendu qu'il convient donc de débouter Joffroy de se demande principale ;

Attendu que, sans qu'il soit besoin de s'attarder sur la qualité contestée de vendeur de Rossel, il convient de constater qu'il est bénéficiaire du chèque remis en paiement par Joffroy, chèque qui s'est révélé sans provision; que la vente n'ayant pas été annulée, il peut en conséquence être fait droit à la demande reconventionnelle ; qu'il y a donc lieu de condamner Joffroy à payer à Rossel la somme de 40 000 F avec intérêts au taux légal à compter non pas du jour de la signature du chèque mais à compter du projet en date du 24 décembre 1985 qui vaut sommation de payer au mandataire de Joffroy ;

Attendu que Rossel ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire ; qu'il n'est contraire à aucun principe d'équité de laisser les frais irrépétibles de l'instance à chacune des parties ;

Par ces motifs, LA COUR, En la forme, Reçoit les parties en leurs appel et demande incidentes ; Au fond, Infirme la décision entreprise ; Déboute Marcel Joffroy de sa demande en annulation de la vente ; Le condamne à payer à Henri Rossel une somme de 40 000 F (quarante mille francs) avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1985 ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Marcel Joffroy aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de l'expertise ordonnée en référé ; Autorise les avoués de la cause à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.