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Décisions

CA Amiens, ch. solennelle, 19 septembre 2005, n° 03-03560

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Martin (ès qual.) ; Autopole (SARL)

Défendeur :

Six ; Heim ; Cazier ; Domingos ; Fernandes ; Lachery-N'Guyen ; Dekens ; Duquesnoy (ès qual.) ; Dronckaert Automobiles (SARL) ; CGEA de Lille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darchy (faisant fonction)

Conseillers :

Mmes Besse, Seichel, Hauduin, Bouscant

Avocats :

Mes Borzakian, Legrand, Desurmont, Bouquet-Rohrmann.

CA Amiens n° 03-03560

19 septembre 2005

Décision:

La SARL Autopole, concessionnaire exclusif à Villeneuve d'Ascq de la marque automobile Seat (Groupe Volkswagen) depuis 1991 a embauché:

- Vincent Cazier le 1er avril 1999 en qualité d'assistant vendeur avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 1989,

- Michel Dekens le 26 avril 1999 en qualité de vendeur VN/VO,

- Antonio Domingos le 1er mai 1993 en qualité de chef d'atelier,

- Jorge Fernandes le 20 juillet 1993 en qualité d'employé magasin,

- Monique Heim le 1er février 1999 en qualité de directeur des ventes avec une ancienneté remontant au 1er mai 1978,

- Frédérique N'Guyen le 1er avril 1999 en qualité d'aide comptable avec une reprise d'ancienneté au 16 septembre 1991,

- Bernadette Six le 1er avril 1999 en qualité d'aide comptable avec une reprise d'ancienneté au 24 février 1992.

Le contrat de concession exclusive qui liait la SARL Autopole à la société Groupe Volkswagen France pour la vente des véhicules de marque Seat sur le territoire de Villeneuve d'Ascq prenant fin le 20 octobre 1999, la société Autopole a fait savoir à son personnel que les contrats de travail seraient poursuivis après cette date par celui qui serait titulaire des droits attachés à l'exploitation de la concession.

Les salariés ayant vainement demandé à la société Groupe Volkswagen France de continuer leurs contrats de travail, ils ont saisi la juridiction prud'homale de demandes indemnitaires contre les sociétés Autopole et Groupe Volkswagen France.

Faisant valoir que la société Dronckaert Automobiles avait repris à compter du 15 novembre 1999 l'exploitation de l'entité économique que constituait la concession exclusive de marque Seat sur le territoire de Villeneuve d'Ascq, la SARL Autopole a fait assigner en intervention forcée la société Dronckaert Automobiles devant la juridiction prud'homale.

Par jugements du 10 février 2000, le Conseil des prud'hommes de Lannoy a:

- dit que le contrat de travail des salariés demandeurs n'avait fait l'objet d'aucun transfert,

- dit que la SARL Autopole était toujours l'employeur des demandeurs et débouté chacun d'eux de ses demandes.

Par arrêts du 31 janvier 2002, la Cour d'appel de Douai a infirmé ces jugements et, statuant à nouveau, a:

- dit que les contrats de travail des salariés ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

- dit que le refus de poursuivre l'exécution de ces contrats opposé par la SA Groupe Volkswagen France s'analyse en un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA Groupe Volkswagen France à payer aux salariés des indemnités de rupture et des dommages et intérêts par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail.

Statuant sur les pourvois formés par la société Groupe Volkswagen France à l'encontre des arrêts rendus au profit des salariés, la Cour de cassation, par arrêt du 28 mai 2003, après avoir joint les pourvois, a:

- cassé et annulé en toutes leurs dispositions les arrêts rendus le 31 janvier 2002 par la Cour d'appel de Douai,

- dit n'y avoir lieu à renvoi au titre des demandes dirigées contre la société Groupe Volkswagen France,

- dit que la société Groupe Volkswagen France n'est pas devenue l'employeur des salariés de la société Autopole à la suite de la résiliation du contrat de concession,

- mis en conséquence la société Groupe Volkswagen France hors de cause,

- renvoyé pour le surplus la cause et les parties devant la présente cour pour qu'il soit statué sur les autres demandes des salariés.

La Cour de cassation a en effet considéré, qu'en statuant comme elle l'avait fait, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la société Volkswagen France a effectivement poursuivi ou repris l'activité antérieurement concédée à la société Autopole sur le territoire de Villeneuve d'Ascq, la Cour d'appel de Douai a violé les dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail.

Régulièrement convoqué par lettre simple et par lettre recommandée dont il a accusé réception, Maître Martin désigné liquidateur judiciaire de la SARL Autopole, par jugement du 13 mai 2004 du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, appelant, n'a pas comparu à l'audience du 13 juin 2005 et ne s'est pas fait représenter devant la présente cour régulièrement saisie par les salariés par courrier du 15 septembre 2003 reçu le 16 septembre 2003.

Par courrier du 6 juin 2005 Maître Martin a indiqué qu'il ne serait ni présent, ni représenté à l'audience. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire à son égard.

Appelants incidents, Vincent Cazier, Michel Dekens, Antonio Domingos, Jorge Fernandes, Monique Heim, Frédérique N'Guyen et Bernadette Six font valoir:

- que l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, d'ordre public, applicable même en l'absence d'un quelconque lien de droit entre les deux employeurs successifs, s'applique en cas de changement de concessionnaire exclusif d'une marque automobile sur un certain secteur, l'activité gardant son objet même si elle est exercée sous un autre nom dans des locaux différents avec d'autres équipements, peu important que le siège de l'exploitation se trouve dans une zone différente de la même agglomération dès lors que le territoire faisant l'objet de la concession reste le même,

- que le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d'une marque entraîne le transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, l'entité ayant conservé son identité dont l'activité est poursuivie,

- qu'il résulte de nombreux éléments : publicités dans le journal "Le Galibot" du 15 novembre 1999, constat d'huissier du 23 novembre 1999, témoignages concordants portant sur un projet d'acquisition par la société Dronckaert Automobiles d'un local à Villeneuve d'Ascq, recherche de la société Dronckaert Automobiles par voie de presse le 6 décembre 1999 d'un personnel qualifié, organisation d'une exposition en novembre 2000 à Villeneuve d'Ascq par la société Dronckaert Automobiles où elle était le seul concessionnaire Seat, constat d'huissier démontrant la reprise de clientèle, émission de factures entre le 21 octobre 1999 et le 31 octobre 2000 ..., que la société Dronckaert Automobiles a repris l'exploitation de la marque Seat auprès de 80 % de la clientèle située sur le territoire de l'ancienne concession de la société Autopole, qu'elle a donc de facto continué la distribution des produits et services Seat auprès de la clientèle attachée à cette marque sur le territoire de Villeneuve d'Ascq et qu'elle a bien repris l'entité économique constituée par cette concession, une cessation temporaire d'activité ne faisant pas obstacle à l'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

- que le refus de la société Dronckaert Automobiles de poursuivre leurs contrats de travail s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, si la cour écartait l'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, que la société Autopole qui a perdu l'intégralité de ses précédentes activités doit supporter la charge de la rupture des contrats de travail.

Les salariés demandent en conséquence à la cour:

- d'infirmer les jugements entrepris,

A titre principal:

- de dire que la concession exclusive Seat de Villeneuve d'Ascq constitue une entité économique autonome qui a son identité propre et dont le transfert emporte application des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

- de constater qu'à compter du 21 octobre 1999 l'exploitation de cette entité économique a été reprise par la société Dronckaert Automobiles,

- de dire que la société Dronckaert Automobiles est devenue de plein droit leur employeur et qu'elle a rompu abusivement leur contrat de travail en violation des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

A titre subsidiaire, si l'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail était écartée

- de dire que la société Autopole est demeurée leur employeur,

En tout état de cause:

- de fixer au passif de l'une ou l'autre des sociétés la créance de chacun d'eux au titre des indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction de leur ancienneté respective, de leur rémunération et de leur préjudice, et au titre de l'indemnisation due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, créance détaillée dans les dispositifs de leurs écritures déposées le 13 juin 2005 auxquelles il convient de se référer.

Maître Duquesnoy liquidateur judiciaire de la société Dronckaert Automobiles fait valoir pour sa part:

- que la société Dronckaert Automobiles exploitait à Roncq une concession automobile de la marque Seat en vertu d'un contrat de concession exclusive qui lui avait été accordé par acte sous seing privé à partir du 17 juin 1994 et dans le courant de l'année 1999 elle a reçu du Groupe Volkswagen France l'autorisation d'ouvrir une concession dans le secteur de Seclin, libre de toute concession, mais qu'à aucun moment elle n'a repris le secteur d'Autopole,

- qu'après résiliation du contrat de concession consenti à Autopole, le territoire d'Autopole n'a été concédé à personne et aucun exploitant ne l'a recueilli de fait,

- que les salariés ayant eu connaissance de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Dronckaert Automobiles, ils doivent être déclarés irrecevables en leurs demandes à l'encontre de celle-ci faute d'une déclaration de leur créance sur l'état tenu par le représentant des créanciers,

- que de même la société Autopole n'ayant ni déclaré de créance, ni sollicité le relèvement de la forclusion encourue, elle ne pourrait qu'être irrecevable à formuler une réclamation à l'encontre de la société Dronckaert Automobiles,

- que la société Dronckaert Automobiles ne peut se voir reprocher de ne pas avoir appliqué les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail alors qu'il n'y a jamais eu transfert à son profit de l'entité économique précédemment exploitée par Autopole,

- que la société Dronckaert Automobiles n'a pas succédé à Autopole dans le profit de l'exclusivité du territoire qui avait été confié à cette dernière, ce qui ressort d'ailleurs d'une correspondance datée du 1er août 2001 de la société Groupe Volkswagen France ainsi que de l'annexe définissant le territoire contractuel de la société Dronckaert France à la date du 26 avril 2001,

- que les éléments produits pour établir le prétendu transfert de l'entité économique précédemment exploitée par Autopole ne présentent aucun caractère déterminant,

- que la publicité parue et les annonces faites aux fins de recrutement concernaient des établissements de la concession de la société Dronckaert et ne s'inscrivaient nullement dans un projet de reprise de la concession d'Autopole,

- que les attestations relatives à la reprise alléguée du magasin Kioui ne reposent que sur une rumeur, aucun projet de reprise n'ayant existé,

- que les constats qui ont été effectués à la requête d'Autopole ne démontrent pas le transfert d'entité économique invoqué,

- qu'en effet, les factures de vente de pièces détachées et de prestations d'après-vente à des clients domiciliés sur le territoire de l'ancienne concession Autopole représentent moins de 10 % du total et cette proportion a toujours existé,

- qu'en ce qui concerne les factures de vente de véhicules neufs, le refus de vente à un client non domicilié dans le ressort de la concession était impossible et la société Dronckaert Automobiles a été nécessairement amenée à vendre des véhicules à des clients domiciliés dans le territoire d'Autopole,

- qu'il ressort de l'analyse des chiffres de vente de l'année antérieure que lorsque Autopole a cessé son exploitation, la société Dronckaert Automobiles n'a recueilli aucun nouveau client,

- que l'exploitation du territoire précédemment exploité par Autopole est dans un état d'abandon total et n'a pas été reprise de sorte que la société Dronckaert Automobiles doit être mise hors de cause.

Maître Duquesnoy, ès qualités, conclut donc, à supposer les demandes recevables, à la confirmation des jugements déférés et en tout état de cause à la condamnation solidaire des salariés à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le CGEA de Lille intervenant tant du fait de la mise en liquidation judiciaire de la société Autopole que de celle de la société Dronckaert Automobiles, fait valoir:

- que la société Groupe Volkswagen France a été mise hors de cause,

- que s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 122-12 entre la SARL Autopole et la SARL Dronckaert Automobiles, il s'en rapporte à l'appréciation de la cour,

- qu'il s'en rapporte également à l'appréciation de la cour sur la légitimité des licenciements et leur régularité, sollicitant en tout état de cause l'application des dispositions de l'article L. 122-14-5 du Code du travail,

- que sur les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et l'indemnité de licenciement, il parait nécessaire d'avoir des précisions sur le montant des sommes perçues à ce titre et sur la nature des procédures de recouvrement mises en place à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation,

- qu'il convient de tenir compte de ses limites de garantie.

Attendu qu'il a été définitivement jugé que la société Groupe Volkswagen France n'est pas devenue l'employeur des salariés de la société Autopole à la suite de la résiliation du contrat de concession;

Attendu qu'en cours de procédure les sociétés Autopole et Dronckaert Automobiles ont été mises en liquidation judiciaire par jugement du 13 mai 2004 pour la première et, successivement, pour la seconde en redressement judiciaire le 19 février 2004 puis en liquidation judiciaire le 22 mars 2005;

Attendu qu'il n'est pas établi que les salariés ont eu connaissance dans le délai légal prévu par l'article L. 621-126 du Code de commerce (ancien article 124 de la loi du 25 janvier 1985) de l'ouverture d'une procédure collective ; qu'il ne peut dès lors leur être reproché de n'avoir pas veillé à ce que leur créance figure sur l'état tenu par le représentant des créanciers ou le liquidateur;

Attendu en outre qu'il résulte des dispositions de l'article L. 621-43 du Code de commerce que les salariés n'ont pas l'obligation d'adresser une déclaration de leur créance;

Attendu que les anciens salariés d'Autopole sont donc recevables en leurs demandes dirigées contre l'une et l'autre des sociétés en liquidation judiciaire ; qu'à aucun moment ils ne se sont régulièrement et expressément désistés de leurs demandes à l'encontre de l'une ou l'autre des sociétés;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 631, 633, 565 du nouveau Code de procédure civile et R. 516-2 du Code du travail, que ces salariés sont recevables en l'ensemble de leurs demandes présentées devant la cour de renvoi;

Attendu que l'alinéa 2 de l'article L. 122-12 du Code du travail dispose : "s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise";

Attendu que ces dispositions peuvent s'appliquer à de simples transferts partiels d'éléments constituant une unité économique, même si l'exploitation ne se fait plus au même endroit ou si elle se fait dans des conditions différentes, de même que si elle a été interrompue un certain temps;

Attendu en l'espèce que Maître Duquesnoy liquidateur judiciaire de la société Dronckaert Automobiles conteste que ladite société ait repris en droit ou en fait le contrat de concession exclusive qui avait été confié à la société Autopole;

Attendu que non seulement il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats qu'un contrat ait été passé entre la société Dronckaert et la société Groupe Volkswagen France emportant la reprise de la concession précédemment exploitée par Autopole, mais il ressort d'un courrier en date du 1er août 2001 adressé à Autopole par la société Groupe Volkswagen France que celle-ci n'avait aucun projet en cours sur le secteur concerné;

Attendu que la société Dronckaert était quant à elle concessionnaire Seat sur d'autres secteurs que celui de la société Autopole en vertu de contrats de concession exclusive qui lui avaient été personnellement consentis en juin 1994 et dans le courant de l'année 1999 ; qu'il est justifié par les pièces produites du secteur relevant de sa concession;

Attendu qu'il ne ressort nullement du message publicitaire paru le 15 novembre 1999 que la société Dronckaert Automobiles qui exploitait plusieurs établissements, en vertu des contrats de concession qui lui avaient été régulièrement accordés, s'y présentait comme le repreneur de la concession précédemment exploitée par Autopole;

Attendu que de même les annonces qu'elle a fait paraître aux fins de recrutement de personnel n'ont aucun lien démontré avec une reprise en droit ou en fait de la concession Autopole, les besoins de son activité la conduisant nécessairement à rechercher du personnel;

Attendu que les attestations relatives à la reprise d'un magasin ne font que rapporter des propos non étayés, recueillis au cours d'une banale conversation auprès de personnes non identifiées ; qu'aucun crédit ne peut donc leur être accordé, étant ajouté qu'il n'est d'ailleurs pas justifié de l'acquisition effective de ce magasin par la société Dronckaert Automobiles;

Attendu que les constats d'huissiers réalisés à la requête d'Autopole ne permettent pas davantage d'établir qu'il y a eu reprise de la concession d'Autopole par la société Dronckaert Automobiles.

Attendu en effet qu'il n'a nullement été répondu le 23 novembre 1999 par le salarié de ladite société contacté téléphoniquement qu'il y avait reprise de la concession Autopole ; qu'avant la résiliation de cette concession, la société Dronckaert avait déjà des clients domiciliés sur le secteur d'Autopole; que les clients ont la liberté, quel que soit leur domicile ou leur lieu de travail, de s'adresser à la concession de leur choix sans que ce choix entraîne un quelconque effet sur l'attribution de la concession;

Attendu qu'aucun élément objectif ne vient établir la prospection de la société Dronckaert sur le secteur auparavant exploité par Autopole;

Attendu dans ces conditions qu'il ne résulte pas de l'examen des pièces fournies que la concession exploitée par Autopole a été reprise en droit ou en fait par la société Dronckaert, qui a toujours contesté fermement une telle reprise;

Attendu que la société Dronckaert Automobiles n'est donc pas l'employeur des anciens salariés d'Autopole;

Attendu que la SARL Autopole, leur employeur, a mis fin le 21 octobre 1999 à leur contrat de travail sans respect de la procédure de licenciement et sans motif, compte tenu de l'absence d'une lettre de licenciement régulière; que la rupture de ces contrats lui est donc imputable et s'analyse en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit aux indemnités de rupture et à dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du Code du travail compte tenu de l'effectif de la société Autopole inférieur à 11 salariés;

Attendu qu'eu égard à l'ancienneté et au montant de la rémunération de chacun des salariés concernés, au préjudice qu'ils ont incontestablement subi par suite de la perte de leur emploi, à leurs aptitudes à retrouver du travail, et aux dispositions légales et conventionnelles invoquées et non contestées et en l'état des pièces justificatives produites sur la situation des intéressés, les indemnités de rupture et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront fixés pour chacun au passif de la liquidation judiciaire de la société Autopole comme indiqué au dispositif du présent arrêt, étant observé qu'ayant une ancienneté inférieure à deux ans Michel Dekens ne peut prétendre à une indemnité de licenciement;

Attendu qu'en raison de l'imprécision entourant la perception et le remboursement des sommes dues au titre des indemnités de rupture, la fixation des sommes allouées de ce chef interviendra en deniers ou quittance;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Maître Duquesnoy ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dronckaert Automobiles la charge des frais hors dépens qu'il a exposés, chacun des salariés se voyant allouer de ce chef la somme de 450 euro;

Attendu que le CGEA de Lille sera tenu à paiement dans la limite de sa garantie prévue aux articles L. 143-11-1, L. 143-11-8, D. 143-2 et D. 143-3 du Code du travail ainsi que les dispositions de l'article L. 621-28 du Code de commerce.

Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Maître Martin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Autopole, contradictoirement à l'égard des autres parties et après cassation, Reçoit les appels principal et incidents réguliers en la forme, Au fond, Infirme les jugements déférés, Statuant à nouveau, Déclare les salariés recevables en leurs demandes, Les déboute de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Dronckaert Automobiles, mise en conséquence hors de cause, Dit que la rupture des contrats de travail de Vincent Cazier, Michel Dekens, Antonio Domingos, Jorge Fernandes, Monique Heim, Frédérique N'Guyen et Bernadette Six est imputable à la SARL Autopole et s'analyse en licenciements irréguliers et sans cause réelle et sérieuse, Fixe comme suit la créance de chacun des salariés à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Autopole, la créance au titre des indemnités de rupture étant fixée en deniers ou quittance : Antonio Domingos : - 6 860,21 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 686,02 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 2 934,64 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 9 200 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Jorge Fernandes : - 2 134,29 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 213,43 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 1 333,93 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 4 200 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Frédérique N'Guyen : - 2 134,29 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 213,43 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 1 782,13 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 4 200 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Bernadette Six : - 3 353,88 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 335,39 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 2 582,48 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 6 700 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Vincent Cazier : - 2 530,65 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 253,07 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 2 530,65 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 5 000 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Monique Heim : - 8 232,25 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 823,22 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 14 955,25 euro au titre de l'indemnité de licenciement, - 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Michel Dekens - 2 168,51 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 216,85 euro au titre des congés payés afférents au préavis, - 4 500 euro à titre de dommages et intérêts, - 450 euro au titre de l'article 700 nouveau Code de procédure civile ; Dit que le CGEA de Lille sera tenu à paiement dans la limite de sa garantie prévue aux articles L. 143-11-1, L. 143-11-8, D. 143-2 et 143-3 du Code du travail et les dispositions de l'article L. 621-48 du Code de commerce, Ordonne la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l'état des créances de la SARL Autopole déposé au greffe du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire.