Livv
Décisions

CA Rennes, 2e ch., 5 février 1997, n° 9506079

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mecamar (SARL)

Défendeur :

Le Bris (Epoux) ; Pilayrou (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Van Ruymbeke, Mme Letourneur-Baffert

Avoués :

Mes Leroyer, Gauvain & Demidoff, Chaudet & Brebion, Bourges

Avocats :

Mes Kermarrec-Moalic, Hoche-Delchet, Berthault.

T. com. Quimper, du 30 juin 1995

30 juin 1995

Exposé des faits procédure - objet du recours

M. Le Bris, patron pêcheur, est propriétaire d'un navire "Le Kurun". A la suite d'anomalies constatées en mer le 11 juillet 1993, il contactait la société Mecamar afin de procéder aux réparations. Elles furent effectuées du 12 au 18 juillet. Le moteur persistant à présenter des anomalies, un nouvel examen fut demandé à la société Mecamar qui remplaça alors la pompe à injection. Le navire reprit son exploitation le 31 juillet.

Reprochant à la société Mecamar et à son sous traitant la société Pilayrou de ne pas les avoir informés de l'insuffisance des réparations, M. et Mme Gilbert Le Bris les fit assigner les 21 et 22 décembre 1994, en paiement de 21 904,74 F (frais de reprise du moteur) et de 116 390 F (manque à gagner du 26 au 30 juillet 1993)

Par jugement rendu le 30 juin 1995, le Tribunal de commerce de Quimper a condamné la société Mecamar à payer à M. et Mme Gilbert Le Bris 21 904,74 et 116 39 F, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, et l'a condamnée à payer à M. et Mme Gilbert Le Bris 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le jugement a déclaré irrecevable l'action engagée l'encontre de la société Pilayrou et non fondé l'appel en garantie formé par la société Mecamar.

Par acte du 31 juillet 1995, la société Mecamar a formé appel de ce jugement.

Moyens proposés par les parties

A l'appui de son appel, la société Mecamar fait valoir que:

- l'action de M. et Mme Gilbert Le Bris est une action en garantie régie par les articles 8 et 9 de la loi du 3 janvier 1967,

- elle est prescrite faute d'avoir été introduite dans le délai d'un an, M. et Mme Gilbert Le Bris ayant eu connaissance des vices invoqués par le rapport de leur expert, M. Noblet, en date du 16 décembre 1993, l'expert ayant été saisi le 11 juillet,

- dès le 11 septembre, la pompe a été remise en place,

- le délai a commencé à courir le 11 septembre 1993, date des essais après remise en place de la pompe,

- aucun pourparler n'a interrompu le délai,

- elle a confié la réparation de la pompe à un sous traitant, la société Pilayrou, devant la garantir elle-même ne l'ayant que réinstallée,

- elle a par la suite confié la pompe aux établissements Baudoin qui ont relevé que le plateau de régulateur n'avait pas été remplacé,

- les travaux ont été conformes à la mission,

- la société Pilayrou a fini par proposer de prendre à sa charge les frais directs résultant de cette omission.

En conséquence, la société Mecamar demande à la cour de déclarer l'action de la société Mecamar irrecevable et subsidiairement de condamner la société Pilayrou à la garantir. Enfin elle réclame 14 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, soit 4 000 F en première instance et 10 000 F en instance d'appel.

M. et Mme Gilbert Le Bris font valoir que:

- dès le il juillet, l'expert qui les assistait, M. Noblet, a recommandé le remplacement des pistons et du plateau régulateur,

- les établissements Baudoin ont relevé que la persistance des disfonctionnements après la réparation provenaient de l'absence de remplacement du plateau régulateur,

- la société Pilayrou a reconnu le 12 octobre 1993 qu'elle n'avait pas remplacé le plateau, faute de pièces de rechange immédiatement disponibles,

- l'on n'est pas en présence de réparations mal effectuées, mais d'un défaut de conformité aux travaux commandés,

- des pourparlers ont en tout état de cause suspendu le délai,

- la société Mecamar était tenue d'une obligation de résultat,

- le réparateur, la société Mecamar, a failli à son obligation de procéder au changement du plateau régulateur et à celle d'aviser l'armateur du caractère incomplet de la réparation,

- le préjudice résulte des secondes réparations et à l'immobilisation du navire du 26 au 30 juillet.

Ils concluent à la confirmation de la décision déférée et sollicitent 12 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Pilayrou fait valoir que:

- elle a informé l'expert et la société Mecamar de l'indisponibilité du plateau dès l'origine,

- l'action est prescrite,

- elle ne peut être tenue à garantie, ayan informé la société Mecamar du caractère incomplet de la réparation.

Elle conclut à la confirmation de la décision déférée et au rejet des demandes à l'encontre. Elle sollicite de la société Mecamar 12 000 F par application de l'article 700 d nouveau Code de procédure civile.

Motifs de l'arrêt

Considérant que l'action est fondée sur l'insuffisance des réparations confiées par M. et Mme Gilbert Le Bris à la société Mecamar sur le moteur de leur bateau; qu'il s'agit d'un vice caché, le plateau régulateur de la pompe n'ayant pas été remplacé, alors qu'il aurait dû l'être dans le cadre de la réparation; que l'avarie est précisément liée à la défaillance du plateau régulateur de la pompe à injection;

Considérant qu'une telle action en garantie, dans le cadre d'un contrat de réparation, est soumise à la prescription annale édictée par les articles 8 et 9 de la loi du 3 janvier 1967;

Considérant que M. et Mme Gilbert Le Bris sont mal fondés à soutenir qu'il ne s'agit pas d'une action en garantie/mais d'une action pour défaut de délivrance et de conformité alors qu'elle vise à les garantir des défauts dans des réparations et notamment l'absence de remplacement du plateau, voire l'absence d'information de la part du réparateur; que l'article 9 de la loi susvisée mentionne expressément les vices cachés résultant du travail du réparateur;

Considérant que l'on n'est pas en présence d'un défaut de conformité, l'obligation souscrite étant celle de réparer les anomalies; qu'il existait un vice dans les réparations, celles ci n'ayant pas été complètes, ce que l'acheteur a su lors de la découverte du vice résultant du défaut de remplacement du plateau par le réparateur qui a imparfaitement exécuté son travail;

Considérant que le réparateur a en effet manifestement mal apprécié la défectuosité du plateau qui aurait dû être remplacé; que M. Noblet avait seulement conseillé le remplacement des pistons et du plateau dans le cadre des réparations confiées à la société Mecamar, ainsi qu'il le relève dans son rapport; qu'en effet l'atelier Mecamar les considérait comme acceptables, même s'ils présentaient un défaut d'usure; que le conseil de M. Noblet n'a pas été suivi; qu'à aucun moment les époux Le Bris n'ont commandé des pièces spécifiées qui n'auraient pas été fournies ou installées;

Considérant que la réparation a ainsi été ma faite au vu de ce défaut d'appréciation; qu'un vice caché résultait précisément de ce travaille au sens de l'article 9 de la loi susvisée;

Considérant qu'il a d'ailleurs fallu l'intervention des ateliers Baudouin pour que M. Noblet puisse se prononcer définitivement sur l'état de la pompe; que M. et Mme Gilbert Le Bris reprochent eux-mêmes à la société Pilayrou et M. et Mme Gilbert Le Bris de ne pas les avoir informés du caractère incomplet de la réparation;

Considérant qu'il ressort du rapport de M. Noblet et en particulier de la relation des faits, que le bateau n' a pu reprendre son exploitation le 31 juillet après le remplacement d'une pompe identique provenant du fileyeur Etoile du berger;

Considérant que les ateliers Baudouin ont suspecté le fonctionnement du régulateur, puis remplacé le plateau de régulation; qu'après cet échange, le fonctionnement était devenu satisfaisant;

Considérant que M. et Mme Gilbert Le Bris reconnaissent dans leur écritures avoir eu connaissance du vice lors d'une réunion contradictoire le 11 octobre 1993, lors de laquelle la société Pilayrou a reconnu qu'elle n'avait pas remplacé le plateau; que la cause des désordres et de leur persistance est alors apparue clairement;

Considérant que M. Noblet a exposé ces éléments dans un second rapport en date du 8 novembre 1993; qu'il a notamment confirmé que la société Pilayrou, le 11 octobre, avait admis la matérialité de l'avarie, indiquant alors que le plateau n'avait pas été remplacé faute de pièce de rechange immédiatement disponible, et même considéré qu'à son avis le marquage du plateau n'était pas suffisant pour motiver un remplacement impératif; que la société Pilayrou produit une facture de son propre fournisseur indiquant que le plateau, manifestement commandé, était effectivement indisponible.

Considérant que du reste, selon ce même rapport, la société Pilayrou acceptait de prendre en charge les frais directs imputables au défaut de remplacement du plateau, mais refusait une quelconque indemnisation de l'armateur pour l'immobilisation de son navire;

Considérant ainsi que plus d'un an s'est écoulé entre, d'une part l'apparition du vice, connu au plus tard le h octobre 1993 avec certitude, et d'autre part l'action en justice engagée les 21 et 22 décembre 1994; qu'elle se trouve prescrite;

Considérant que si M. et Mme Gilbert Le Bris soutiennent que des pourparlers auraient eu lieu, force est de constater qu'ils ne produisent que les pièces suivantes dénuées de portée probatoire:

- une lettre du 28 janvier 1994 demandant à la société Mecamar de procéder au règlement du préjudice,

- une lettre de rappel adressée à la société Mecamar,

- une nouvelle lettre de rappel du in 1994,

- une lettre manuscrite signée d'eux-mêmes souhaitant le règlement de l'affaire, les propositions de la société Mecamar, selon ce courrier, étant insuffisantes;

Considérant que ces courriers sont restés sans réponse et que la société Mecamar conteste l'existence de pourparlers transactionnels que M. et Mme Gilbert Le Bris ne justifient d'aucune proposition de règlement de la société Mecamar;

Considérant que les seules réclamations susvisées de M. et Mme Gilbert Le Bris ne peuvent avoir interrompu le délai d'un an;

Considérant ainsi que l'action de M. et Mme Gilbert Le Bris est irrecevable, comme prescrite;

Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée; que M. et Mme Gilbert Le Bris, qui échouent en leur action,ne sont pas fondés à réclamer le remboursement de leurs frais irrépétibles et supporteront la totalité des dépens;

Considérant qu'au vu de la discussion et des réelles défaillances dans la réparation, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Mecamar et de la société Pilayrou les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré, Rejette l'ensemble des demandes, Condamne M. et Mme Gilbert Le Bris à l'ensemble des dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés selon le dispositions de l'article 699 du nouveau Code d procédure civile.