CA Paris, 5e ch. B, 15 septembre 2005, n° 03-08747
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
DSFE (SA)
Défendeur :
Atys France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimoulle
Conseillers :
MM. Faucher, Remenieras
Avoués :
SCP Baskal Chalut-Natal, Me Bourdais Virenque
Avocats :
Mes Lemoie, Grignon Dumoulin, Benhamou, Ottaway.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société DSFE-Distribution Service France Europe ("DSFE") contre un jugement rendu le 4 mars 2003 par le Tribunal de commerce de Meaux:
- qui a condamné la société Sias, désormais dénommée Atys France, à lui payer la somme de 50 000 euro (TTC) à titre de dommages et intérêts pour non respect du préavis de 3 mois, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2002,
- qui a condamné la société DSFE à payer à cette société la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial,
- qui a dit que les parties pourront compenser les sommes respectivement dues,
- qui a débouté les parties de leurs autres demandes,
- qui a partagé les dépens par moitié entre les parties.
La cour se réfère au jugement déféré pour un plus ample exposé des faits et des circonstances de la cause ainsi que pour un plus ample exposé des demandes et des prétentions initiales des parties.
Il suffit de rappeler:
- que, par courrier du 28 septembre 2001, Atys France, informée de la disparition de conteneurs confiés à la société DSFE, entreprise de transport avec qui elle entretenait des relations commerciales depuis plusieurs années, lui a demandé de lui fournir toutes explications utiles, un de ses chauffeurs ayant été mis en cause,
- que, le 15 novembre 2001, le gérant de Atys France a annoncé téléphoniquement au dirigeant du DSFE qu'il ne lui confierait plus d'autres prestations;.
- que, dans un courrier du 23 novembre 2001 intitulé "rupture brutale de notre partenariat", celui-ci a alors sollicité un entretien en indiquant que tout en n'ignorant pas l'importance des conséquences du litige du vol et détournement des containers par leurs personnels respectifs, la responsabilité de son entreprise ne pouvait, toutefois, être totalement engagée;
- enfin, que dans un courrier du 4 décembre 2001, indiquant l'existence d'un préjudice engendré par la brusque rupture de leurs relations commerciales, DSFE, sollicitait le bénéfice d'un préavis de trois mois.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 18 mai 2005, dans lesquelles la société DSFE, appelante, demande à la cour, réformant le jugement déféré:
- de condamner la société Atys France à lui verser la somme de 229 285,83 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de préavis notifié par écrit,
- de la condamner à lui verser une somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice engendré par son comportement "dolosif et déloyal",
- de débouter la société Atys France de sa demande de dommages et intérêts,
- de la condamner à lui verser une somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux dépens;
Vu les ultimes écritures, signifiées le il mai 2005, par lesquelles la société Atys France, anciennement dénommée Sias France et incidemment appelante, prie la cour, réformant le jugement entrepris:
- de débouter la société DSFE de toutes ses demandes,
- subsidiairement, de "limiter son préjudice à la somme de 5 000 à 7 500 euro sur trois mois";
- de condamner la société DSFE à lui verser la somme de 125 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral ainsi qu'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de la condamner aux dépens;
Sur l'exigence d'un préavis
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I (5°) du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement ,même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure;
Considérant que, s'agissant des griefs formulés en l'espèce par Atys France à l'encontre de la DSFE pour lui refuser le bénéfice d'un préavis, il est constant qu'un employé de cette entreprise, Monsieur Bosqui, a été déclaré coupable par le Tribunal correctionnel de Meaux d'abus de confiance, délit constitué par le détournement de 140 conteneurs au préjudice d'Atys France; qu'un salarié de cette entreprise, Monsieur Coral, a, par ailleurs, été déclaré coupable de complicité, celle-ci étant caractérisée par la "saisie informatique" de ces conteneurs pour masquer leur détournement ; que, selon les déclarations concordantes des deux mis en cause, c'est Monsieur Bosqui, qui avait eu l'idée de revendre des cuves qu'il livrait à la Sias et qui, recherchant une "complicité"au sein de cette entreprise, avait parlé de son projet à Monsieur Coral à qui il avait proposé une rémunération;
Considérant que le détournement de matériel, commis par le préposé de DSFE sur le lieu du travail qui lui avait été confié et pendant le temps et à l'occasion de celui-ci, et qui comme tel engage la responsabilité de l'employeur en application de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil, constitue indiscutablement une inexécution particulièrement grave de ses obligations au sens de l'article L. 442-6-1(5°) du Code de Commerce; que la participation aux faits délictueux du salarié de l'intimée ne saurait conduire à une appréciation différente, dès lors que c'est Monsieur Bosqui lui-même, auteur de l'infraction, qui, recherchant une "complicité" au sein de Atys France, lui avait proposé d'y participer en le rémunérant;
Que, s'agissant enfin des circonstances elles-mêmes de la rupture, notifiée le 15 novembre 2001, il est acquis, que, plus d'un mois et demi auparavant, par courrier du 28 septembre 2001, l'intimée avait déjà alerté le transporteur sur la gravité du comportement de son employé, qui était de nature à remettre en cause leurs relations commerciales, en rappelant que "le lien de confiance [était] un élément essentiel des relations contractuelles" et qu'elle n'a pas ainsi laissé croire à sa partenaire qu'elle poursuivrait des relations commerciales avec elle;
Considérant, dans ces conditions, qu'en procédant à la résiliation sans préavis de leurs accords commerciaux, Atys France n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité, et que DSFE qui n'est pas fondée à lui réclamer des dommages et intérêts, doit être déboutée de toutes ses demandes;
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Atys France
Considérant que cette entreprise qui, lorsque elle s'est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel, n'avait cru devoir réclamer qu'une somme d'un euro symbolique en réparation du préjudice résultant du détournement des conteneurs, ne produit pas la moindre pièce à l'appui de sa demande de réparation de son préjudice commercial et moral;
Qu'elle doit en conséquence être déboutée de cette demande;
Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris, Déboute la société DSFE de toutes ses demandes, Déboute la société Atys France de sa demande de dommages et intérêts, Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Atys France de sa demande de ce chef, Condamne la société DSFE aux dépens de première instance et d'appel et admet, la SCP Bourdais-Virenque-Oudinot, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.