CA Paris, 4e ch. A, 1 juin 2005, n° 04-21841
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Etam (SA) ; Directeur de l'INPI
Défendeur :
Manufacture française des chaussures Eram (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
SCP Fanet-Serra-Ghidini, SCP Arnaud & Baechlin
Avocats :
Mes Neri, Menage
Vu la décision rendue le 25 octobre 2004, par le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle qui, statuant sur l'opposition n° 04-1071, formée le 31 mars 2004, par la société Eram, titulaire de la marque verbale "Eram", n° 1652959, déposée le 3 juin 1981, renouvelée en dernier lieu le 26 janvier 2001, à l'encontre de la demande d'enregistrement n° 043268521, déposée le 20 janvier 2004, par la société Etam, portant sur le signe complexe "Remix Etam", pour désigner les produits et services des classes 3, 18 et 25 notamment les chaussures à l'exception des chaussures orthopédiques, a reconnu l'opposition justifiée et rejeté en conséquence la demande d'enregistrement;
Vu le recours formé le 25 novembre 2004, et les mémoires déposés les 24 décembre 2004, 29 mars, 4 et 19 avril 2005, par lesquels la société Etam sollicite l'annulation de cette décision, l'injonction faite au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle de rééditer un nouveau certificat d'identité portant la mention "chaussures" (à l'exception des chaussures orthopédiques) en classe 25, de procéder à toute correction sur tous documents officiels, sous astreinte de 250 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et la condamnation de la société Eram au paiement de la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles;
Vu les mémoires des 30 mars et 12 avril 2005, aux termes desquels la société Eram, réfutant l'argumentation de la société Etam, demande que soit confirmée la décision entreprise et que lui soit allouée la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les observations du Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle tendant au rejet du recours et à l'irrecevabilité de la société Etam en ses demandes d'injonction de rééditer un nouveau certificat d'identité, de procéder à toute correction sur tous documents officiels sous astreinte;
Vu les conclusions de procédure signifiées le 19 avril 2005, aux termes desquelles la société Eram sollicite, au visa des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, le rejet des écritures et des pièces signifiées par la société Etam le 19 avril 2005 jour de l'audience;
Vu la demande formée à l'audience par l'avoué de la société Etam, actée par le greffier, tendant au rejet des écritures et des pièces communiquées par la société Eram le 12 avril 2005 ;
Le Ministère public ayant été entendu en ses observations;
Sur quoi,
Sur la procédure:
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour pouvoir assurer la loyauté des débats, les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense;
Considérant en l'espèce, force est de constater que si la société Etam a signifié le jour de l'audience, le 19 avril 2005, un nouveau mémoire et une nouvelle pièce numérotée 31, (sondage CSA), mettant ainsi son contradicteur dans l'impossibilité d'y répliquer, il n'en demeure pas moins, que la société Eram a elle-même porté atteinte au principe de la contradiction, en communiquant le 12 avril 2005, de nouvelles pièces (n° 7 à 17) et en déposant un second mémoire développant de nouveaux moyens;
Que de sorte, seront rejetées tant les écritures et pièces signifiées par la société Etam le 19 avril 2005, que celles communiquées par la société Eram le 12 avril 2005 comme contraires a la loyauté des débats;
Sur la comparaison des signes:
Considérant que l'identité des produits en cause "chaussures" n'étant pas contestée, le recours ne porte que sur la comparaison des signes en présence;
Considérant que le signe critiqué "Remix Etam" n'étant pas identique à la marque "Eram" opposée faute de la reproduire sans modification ni ajout, il convient de rechercher s'il existe entre les deux dénominations un risque de confusion visuel, auditif, conceptuel, au terme d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants;
Considérant que visuellement, la dénomination Eram est déposée en lettres d'imprimeries droites et noires;
Que le signe contesté Remix Etam s'en distingue par sa police d'écritures de fantaisie qui lui confère un aspect particulier, accentué par la position, en forme de cartouche, de la dénomination Remix au-dessus du vocable Etam;
Qu'il en résulte une physionomie d'ensemble différente;
Considérant que phonétiquement, le signe Remix Etam, qui comporte quatre syllabes et se prononce selon les règles habituelles de la lecture diffère de la marque antérieure par sa longueur et son rythme;
Que le terme Etam se différencie du vocable Eram par la présence, en position centrale, de la consonne "T"dont la consonance n'est pas gutturale à l'inverse de la lettre "R" de la marque antérieure, de sorte que cette dissemblance modifie sensiblement la sonorité de ces deux dénominations;
Considérant que conceptuellement, en raison de la connaissance sur le marché et de la distinctivité non contestée, intrinsèque et acquise par l'usage auprès du public concerné, des marques et enseignes Eram et Etam, le consommateur n'associera pas les produits marqués Remix Etam à ceux vendus sous la marque Eram, mais percevra au contraire, le signe contesté comme une déclinaison de la dénomination Etam pour identifier une nouvelle gamme de produits distribuée par la société requérante;
Considérant par voie de conséquence, que tout risque de confusion entre les signes Eram et Remix Etam est exclu, le public moyennement attentif n'étant pas conduit à confondre voire à associer les deux signes et à leur attribuer une origine commune;
Qu'il s'ensuit que le recours formé par la société Etam est fondé;
Que la décision déférée doit être annulée;
Considérant que la cour statuant sur le recours d'une décision du Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle ne peut qu'annuler une telle décision et n'a pas le pouvoir de donner des injonctions à cet institut en ordonnant l'enregistrement de la marque, de sorte que les demandes de la société Etam tendant à la réédition d'un nouveau certificat d'identité et la correction sur tous documents officiels de la mention "chaussures à l'exception des chaussures orthopédiques" en classe 25, sous astreinte, seront rejetées;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Ecarte des débats le mémoire et les pièces n° 7 à 17 signifiés par la société Eram le 12 avril 2005, Ecarte des débats le mémoire et la pièce n° 31 communiqués par la société Etam le 19 avril 2005, Annule la décision rendue par le Directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 25 octobre 2004, Rejette toutes autres demandes, Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle.