CA Paris, 4e ch. A, 20 avril 2005, n° 04-00876
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Endres/Merath (Sté), Merath, Mac Gmbh Import Export (Sté)
Défendeur :
Bayer Cropscience (SA), Quadrimex (SA), Bayer Cropscience France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Roblin-Chaix de la Varenne, Me Kieffer-Joly
Avocats :
Mes Mondrat, Bloch-Moreau, Synave, Desmazières de Sechelles
Vu l'appel interjeté par les sociétés de droit allemand Mac Gmbh et Endres-Merath et par Michael Merath du jugement rendu le 16 septembre 2003 par le Tribunal de grande instance de Créteil qui a:
- reçu Michael Merath en son intervention volontaire,
- dit les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex irrecevables à agir sur le fondement de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle,
- dit que la demande d'enregistrement de la marque française "Deltamex" déposée le 6 octobre 2000 par la société Aventis Cropscience, aujourd'hui dénommée Bayer Cropscience, n'a pas été effectuée en fraude des droits de Michael Merath,
- dit que les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex ont commis des actes de contrefaçon de la marque française "Deltamex" dont la société Bayer Cropscience est titulaire,
- retenu sa compétence pour connaître de la demande en réparation du préjudice subi par la société Bayer Cropscience France au titre de l'obtention frauduleuse par la société Endres-Merath d'une autorisation d'importation parallèle du produit Deltamex 2,5 EC,
- dit que la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh, la société Quadrimex ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Bayer Cropscience France,
- condamné in solidum la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh, la société Quadrimex à payer à la société Bayer Cropscience France les sommes de:
* 8 000 euro en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,
* 22 000 euro en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale, dans la limite de 10 000 euro pour la société Quadrimex,
- ordonné la publication du jugement, par extraits, dans trois journaux ou revues au choix des sociétés Bayer Cropscience, aux frais in solidum des sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex, sans que le coût de chaque publication puisse excéder la somme de 2 000 euro,
- fait interdiction aux sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex tout usage de la marque Deltamex de quelque façon et sous quelque forme que ce soit, à peine d'une astreinte de 350 euro par infraction constatée dès la signification du jugement,
- ordonné la confiscation et la remise à la société Bayer Cropscience, aux fins de destruction, aux frais in solidum des sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex tout usage de la marque Deltamex, en présence des parties ou elles dûment appelées et d'un huissier choisi par la société Bayer Cropscience, de tous produits, articles, documents, publicités et supports revêtus de la marque contrefaisante,
- condamné les sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh à garantir la société Quadrimex de toutes condamnations prononcées à son encontre et sommes mises à sa charge,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- condamné in solidum la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh, la société Quadrimex à payer à la société Bayer Cropscience France et à la société Bayer Cropscience une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières écritures signifiées le 28 février 2005 par lesquelles la société Mac Gmbh, la société Endres-Merath et Michael Merath demandent à la cour de:
* à titre principal
- surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la CJCE à la suite de la plainte qu'elles ont déposée,
* à titre subsidiaire
- réformant le jugement entrepris, dire que le dépôt en France de la marque "Deltamex" par les sociétés Bayer l'a été en fraude de leurs droits,
- dire qu'ils ont respecté les règles d'importation parallèle des produits phytosanitaires et qu'aucune faute ne peut leur être reprochée,
- dire que les sociétés ne rapportent pas la preuve de leur préjudice,
- ordonner le transfert de la marque française Deltamex au profit de Michael Merath,
- condamner solidairement les sociétés Bayer à payer aux sociétés Mac Gmbh et Endres-Merath la somme de 30 000 euro pour procédure abusive,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois magazines spécialisés, aux frais des sociétés Bayer, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 euro HT,
- condamner les sociétés Bayer à payer à chacune des sociétés la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 janvier 2005 aux termes desquelles la société Quadrimex, formant appel incident et poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour, à titre principal de déclarer irrecevables et mal fondées les sociétés Bayer Cropscience en leurs demandes, à titre subsidiaire, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh à la garantir de toutes condamnations et, en tout état de cause de :
- condamner les sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France à lui verser à titre de provision, en réparation du préjudice subi tant sur le plan financier que sur celui de son image de marque, la somme de 60 979,61 euro,
- lui donner acte de ce qu'elle se réserve en fonction des décisions qui seront prises au niveau européen et éventuellement par l'Etat français de solliciter ultérieurement la réparation intégrale de son préjudice,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues spécialisées aux frais des sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France,
- condamner les sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France à lui verser la somme de 12 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières écritures signifiées le 14 février 2005 par lesquelles la société Bayer Cropscience et la société Bayer Cropscience France demandent à la cour de:
* à titre principal, confirmant le jugement déféré sauf en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Quadrimex dans le non-respect de la réglementation afférente aux importations parallèles de produits phytosanitaires et sur le montant des dommages-intérêts,
- dire que la société Quadrimex s'est rendue coupable de non-respect de la réglementation afférente aux importations parallèles de produits phytosanitaires,
- condamner solidairement les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex à payer les sommes suivantes:
* 77 000 euro à la société Bayer Cropscience France en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale,
* 46 000 euro à la société Bayer Cropscience du fait des actes de contrefaçon de marque,
- condamner solidairement les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh, Quadrimex et Michael Merath à leur verser la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens,
* à titre subsidiaire
- surseoir à statuer et déférer à la CJCE les questions préjudicielles dont la teneur est précisée dans les conclusions;
Sur quoi, LA COUR
Considérant que la société Aventis Cropscience devenue Bayer Cropscience est titulaire de la marque dénominative "Deltamex", déposée à l'INPI le 6 octobre 2000, enregistrée sous le n° 00 3056000, pour désigner les préparations pour la destruction des animaux nuisibles, fongicides, insecticides, produits relevant de la classe 5;
Qu'elle est également titulaire de deux marques françaises et de deux marques internationales dénominatives et complexes "Decis" désignant les mêmes produits;
Que la société Bayer Cropscience France fabrique et distribue en France sous la dénomination "Decis" un insecticide qui bénéficie d'une homologation délivrée par le ministère de l'Agriculture sous le n° 7700204;
Qu'ayant appris que la société Quadrimex importait, offrait à la vente, distribuait et vendait, sans son autorisation, un produit insecticide sous la marque "Deltamex", la société Bayer Cropscience a, après y avoir été autorisée, fait pratiquer des saisies contrefaçon le 28 mars 2001 dans les locaux de cette société à Champigny-sur-Marne et à Saint-Benoît et de la société Parcour à Charentilly;
Qu'au vu des renseignements recueillis, la société Bayer Cropscience et la société Bayer Cropscience France ont assigné en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et commerce illicite la société Quadrimex, la société Parcour, la société Vernat Laboratoires ainsi que les sociétés de droit allemand Endres-Merath et Mac Gmbh ; que Michael Merath est intervenu volontairement dans l'instance;
- Sur la concurrence déloyale
Considérant que la procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en provenance de l'Espace économique européen est définie par le décret du 4 avril 2001, transposant en droit interne la directive du Conseil du 15 juillet 1991, qui reprend les conditions posées par la CJCE, dans un arrêt du 11 mars 1999, pour la licéité des importations dites parallèles;
Que selon l'article 1 de ce décret, le produit doit provenir d'un Etat de l'Espace économique européen et être identique à un produit dénommé "produit de référence", qui doit bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché délivrée ; que l'identité du produit introduit sur le territoire national avec le produit de référence est appréciée au regard des trois critères suivants :
- origine commune des deux produits en ce sens qu'ils ont été fabriqués, suivant la même formule, par la même société ou par des entreprises liées ou travaillant sous licence,
- fabrication en utilisant la ou les mêmes substances actives,
- effets similaires des deux produits compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, liées à l'utilisation des produits;
Qu'aux termes de l'article 2, l'introduction sur le territoire national de ce produit doit faire l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, adressée au ministre chargé de l'agriculture;
Considérant que la société Bayer Cropscience France qui fabrique et distribue sur le territoire français, sous la marque "Decis", un insecticide, dont le principe actif est la deltaméthrine, bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché sous la forme d'homologation du ministère de l'Agriculture délivrée sous le n° 7700204;
Que la société Endres-Merath a obtenu du ministère de l'Agriculture, le 17 avril 2000, une homologation, portant le n° 2000168, pour l'importation parallèle d'une spécialité insecticide dénommée "Deltamex 2.5 EC", ayant pour principe actif la deltaméthrine, dont la seule origine autorisée est l'Autriche; que le produit de référence visé dans la demande d'AMM est le "Decis" n° 7700204;
Qu'ensuite d'une réclamation de la société Bayer Cropscience France relative à l'identité des produits, le ministère de l'Agriculture a, par décision du 31 juillet 2001, retiré l'homologation du produit Deltamex 2.5 EC au motif que sa composition ne correspondait pas à celle du produit de référence Decis n° 7700204 ; qu'après que cette décision ait été annulée pour vice de forme par le Tribunal administratif de Paris par décision du 20 novembre 2002, le Comité d'homologation du ministère de l'Agriculture a confirmé le retrait de l'AMM, le 14 mars 2003, relevant que l'identité des sociétés produisant le Deltamex 2.5 EC et le produit de référence n'a pu être clairement établie ;
Que la société Endres-Merath et la société Mac Gmbh ont, le 30 avril suivant, déposé une plainte devant la Commission Européenne contre l'Etat français pour entrave à l'importation parallèle en France de produits phytosanitaires;
Qu'estimant qu'une infraction au droit communautaire était constituée, la Commission européenne a ouvert à l'encontre de l'Etat français une procédure de manquement au droit communautaire et a adressé une mise en demeure aux autorités françaises, les invitant à lui communiquer leurs observations sur le contenu de la plainte;
Considérant que la société Bayer Cropscience France soutient que les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex ont commis des actes de concurrence déloyale à son encontre en ne respectant pas la réglementation afférente aux importations parallèles de produits phytosanitaires et celles afférentes à l'étiquetage de ces produits en précisant que:
- la société Quadrimex importe, vend, détient, offre à la vente et commercialise en France les produits insecticides portant la marque "Deltamex",
- la société Mac Gmbh exporte à destination de la France ces produits,
- la société Endres-Merath a obtenu du ministère de l'Agriculture français une autorisation de mise sur le marché "importation parallèle" portant le n° 2000168 pour ce qui concerne le produit "Deltamex" "importation parallèle" dont la seule origine autorisée est l'Autriche;
Qu'elle fait valoir que ces sociétés ne justifient ni que l'origine réelle du produit mis sur le marché soit celle autorisée par le ministère de l'Agriculture, ni que ce produit a bien été fabriqué par la société Bayer ou l'une de ses filiales alors que le produit de référence dont elles se prévalent est le produit "Decis" qu'elle fabrique et commercialise, ce qui rend l'importation illicite;
Que les sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh concluent au sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la CJCE ; que, sur le fond, elles ajoutent que la notion d'identité entre le produit de référence et l'importation parallèle implique que le produit doit être identique chimiquement ce qui est confirmé par l'analyse produite aux débats mais peut être revêtu d'une marque différente;
Que la société Quadrimex fait valoir qu'elle n'avait d'autre obligation, avant de commercialiser le Deltamex en France, que de s'assurer qu'il disposait bien d'une AMM ce qui était le cas en l'espèce de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée;
* Sur la demande de sursis à statuer
Considérant qu'aux termes de l'article 226 du traité CE, si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice;
Considérant que la Commission jouit d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation pour engager la procédure de manquement à l'encontre d'un Etat en saisissant la Cour de justice ; que si les personnes privées peuvent s'adresser à la Commission pour invoquer un manquement commis par un Etat membre, l'abstention de la Commission à le poursuivre n'est pas susceptible de recours;
Considérant en l'espèce, qu'il n'est pas justifié de la saisine de la Cour de justice par la Commission, conformément à l'article 226 susvisé, de sorte que la demande de sursis à statuer formée par les sociétés appelantes doit être rejetée;
* Sur le fond
Considérant, sur le premier grief, que la société Endres-Merath qui avait obtenu l'homologation aux fins d'importation parallèle de la spécialité "Deltamex 2.5 EC" avec pour pays d'origine autorisée, l'Autriche, doit justifier que le produit importé provient de cet Etat, est identique au produit de référence, le Decis, cette identité devant être appréciée au regard de l'origine commune avec ce produit, en ce sens qu 'il a été fabriqué par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence suivant la même formule;
Considérant que sont produites aux débats trois factures, la première datée du 1er septembre 2000 relative à l'achat par la société Endres à la société autrichienne Agrotech de 10.560 litres de Decis, la deuxième datée du 20 novembre 2000 portant sur la même quantité de produit dénommé "Deltamex 2,5 EC" facturée par la société Endres auprès de la société Mac Gmbh, la troisième datée du 10 octobre 2000 entre la société Mac Gmbh et la société Quadrimex;
Mais considérant que ces documents sont impropres à démontrer que le produit importé en France sous le nom de Deltamex 2.5 EC a une origine commune avec le produit de référence "Decis", c'est-à-dire qu'il a bien été fabriqué par la société Bayer, une filiale de cette société ou une société bénéficiaire d'une licence de fabrication ; qu'en effet, il ne ressort d'aucun élément du dossier que le lot de produit détenu par la société de droit autrichien Agrotech a été mis en vente sur le marché autrichien par les sociétés Bayer ou avec leur consentement ; qu'ainsi, la seule facture qui fait référence au Decis ne comporte aucun numéro de lot de fabricant permettant d'assurer la traçabilité des produits; que, par ailleurs, les sociétés Bayer justifient par la production de relevés informatiques des ventes avoir commercialisé sur le marché autrichien au cours de l'année 2000 une quantité de produit Decis inférieure à celle livrée à la société Quadrimex; qu'en outre, la provenance autrichienne du produit importé, objet des saisies, n'est pas davantage démontrée, les seules mentions figurant sur les étiquettes étant celles de la société allemande Endres-Merath;
Que les analyses chimiques du produit versées aux débats par les appelants sont dépourvues de fiabilité dès lors que les circonstances de prélèvement des échantillons soumis au laboratoire sont imprécises ; qu'en tout état de cause, la seule identité du produit importé et du produit de référence, en l'absence d'origine commune des deux produits, est insuffisante au regard des critères exigés par l'article 1 du décret du 4 avril 2001, tels que fixés par la CJCE dans son arrêt du 11 mars 1999, pour bénéficier de la procédure simplifiée d'AMM;
Qu'il n'y a donc pas lieu à question préjudicielle;
Considérant qu'en important sur le marché français le produit dénommé Deltamex 2,5 EC, sous le bénéfice d'une identité avec le produit de référence Decis des sociétés Bayer, sans respecter les conditions exigées par la procédure simplifiée d'AMM, notamment l'origine commune des deux produits, la société Endres-Merath et la société Mac Gmbh ont commis une faute constitutive de concurrence déloyale à l'égard de la société Bayer Cropscience France qui distribue sur le territoire français le Decis;
Considérant que la société Quadrimex a acquis les produits litigieux auprès de la société Mac Gmbh, le 10 octobre 2000, date à laquelle le produit Deltamex 2,5 EC bénéficiait de l'autorisation d'importation parallèle délivrée le 17 avril 2000 ; que les premiers juges ont exactement relevé que la société Quadrimex, qui n'avait d'autre obligation, avant de commercialiser ces produits, que de s'assurer qu'ils étaient couverts par une AMM en vigueur, ne peut se voir reprocher aucune faute à ce titre;
Considérant, sur le second grief tiré du non-respect de la réglementation afférente à l'étiquetage des produits, qu'il n'est pas contesté que figuraient sur l'étiquette du produit Deltamex 2,5 EC des numéros téléphoniques d'appel d'urgence et de demande de données de sécurité ayant appartenu à la société Procida, ancienne filiale du Groupe Bayer, qui fabriquait et distribuait le produit Decis, coordonnés téléphoniques en cours de désactivation;
Considérant que s'il est justifié que les étiquettes des flacons de produits ont été modifiées, ces informations erronées étaient de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine du produit en lui laissant croire qu'il était mis sur le marché par une filiale de la société Bayer et en l'empêchant d'accéder rapidement aux données toxicologiques essentielles en cas d'accident;
Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont retenu à juste titre que ces agissements, qui ont permis aux sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh, en s'affranchissant des contraintes auxquelles leurs concurrents sont soumis, de pratiquer des prix inférieurs, sont constitutifs de concurrence déloyale; qu'ils ont estimé pertinemment que la responsabilité de la société Quadrimex était engagée dès lors qu'elle avait l'obligation avant de diffuser le produit sur le marché de s'assurer de la régularité de l'étiquetage, s'agissant de produits présentant des risques pour la santé de l'homme;
Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société Bayer Cropscience au titre de la concurrence déloyale;
- Sur la revendication de la marque "Deltamex" par Michael Merath
Considérant que, se fondant sur les dispositions de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle, Michael Merath prétend que le dépôt par la société Bayer Cropscience de la marque "Deltamex" le 6 octobre 2000 revêt un caractère frauduleux et demande le transfert à son profit de ce signe; qu'à cet effet, il fait valoir qu'il a déposé une marque identique, le 1er août 2000, en Allemagne, que la demande d'autorisation d'importation parallèle du Deltamex a été examinée par le ministère de l'Agriculture le 17 avril 2000 et que les produits phytosanitaires mis sur le marché français sont inscrits sur un registre accessible à l'ensemble des professionnels du secteur de sorte que les sociétés Bayer ne pouvaient ignorer l'existence du Deltamex au moment de sa mise sur le marché, six mois avant le dépôt de la marque française;
Que les sociétés Bayer répliquent qu'en l'absence d'intérêt légitime juridiquement protégé la société Endres-Merath et Michael Merath sont irrecevables à agir en revendication de la marque française Deltamex;
Mais considérant que devant la cour, seul Michael Merath revendique la propriété de la marque "Deltamex" de sorte que le moyen tiré de l'irrecevabilité à agir de la société Endres-Merath est sans objet;
Considérant que titulaire de la marque allemande "Deltamex" déposée le 1er août 2000, Michael Merath justifie d'un intérêt légitime à agir en revendication de la marque française identique;
Considérant, sur le fond, qu'il ne ressort pas des documents produits aux débats que l'AMM accordée au produit "Deltamex" le 17 avril 2000 était publiée sur le registre tenu au ministère de l'Agriculture et figurait sur le site Internet de ce ministère avant le 6 octobre 2000, date de dépôt par la société Bayer Cropscience de la marque incriminée ; que Michael Merath ne justifie pas davantage que la société Bayer a pu avoir connaissance de la commande de produits Deltamex passée le 3 octobre 2000 par la société Quadrimex à la société Mac Gmbh, en dehors de toute diffusion du produit sur le territoire français;
Que Michael Merath invoque vainement, pour stigmatiser la volonté de la société Bayer d'entraver l'importation parallèle du produit en France, le défaut d'usage de la marque par les sociétés Bayer, alors que le délai de cinq ans prévu à l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas expiré; que l'utilisation préalable du suffixe " MEX " par la société Endres-Merath dans la dénomination d'autres produits phytosanitaires ne saurait leur conférer de droits sur le néologisme "Deltamex";
Que la connaissance par la société Bayer Cropscience d'un usage antérieur par la société Endres-Merath de la dénomination Deltamex n'étant pas établi, son dépôt en France à titre de marque ne revêt pas un caractère frauduleux;
Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en revendication de marque formée par Michael Merath;
- Sur la contrefaçon de la marque "Deltamex"
Considérant qu'il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 28 mars 2001 dans les locaux de la société Quadrimex et de la société Parcour, qui a fait l'objet d'une opération d'absorption par la société Quadrimex, que ces sociétés ont importé en France, détenu et commercialisé des produits insecticides revêtus de la marque Deltamex, qui leur ont été fournis par la société Mac Gmbh et la société Endres- Merath, de sorte que les premiers juges ont retenu à juste titre que ces trois sociétés avaient commis des faits de contrefaçon;
- Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société Quadrimex déclare avoir cessé la commercialisation du produit litigieux dès le 14 avril 2001 et n'avoir écoulé que 6 841 litres de ce produit; qu'au vu de ces éléments, l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de la marque, en l'absence d'exploitation actuelle de celle-ci, par suite des faits de contrefaçon sera réparée par l'allocation d'une indemnité de 15 000 euro;
Considérant qu'en utilisant le produit Decis des sociétés Bayer comme produit de référence pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché d'un produit dont l'origine est indéterminée et qui, au surplus, est offert à la vente revêtu de mentions erronées propres à induire en erreur le consommateur sur cette origine, les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex ont causé à la société Bayer Cropscience France un trouble commercial certain, celle-ci n'étant pas en mesure de répondre à l'obligation générale de sécurité à laquelle elle est tenue en qualité de distributeur; qu'il importe peu que le Decis ne soit plus commercialisé dès lors que les informations mentionnées sur les étiquettes attribuaient faussement le produit aux sociétés du Groupe Bayer ; que le préjudice qui en résulte doit être évalué à la somme de 40 000 euro;
Que la société Quadrimex ne pouvant être tenue pour responsable des conditions d'obtention de l'AMM, elle sera condamnée in solidum avec les sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh dans la limite de 20 000 euro;
Considérant que les mesures d'interdiction et de confiscation prononcées par les premiers juges, justifiées pour mettre un terme à l'importation illicite, doivent être confirmées ; qu'il en sera de même de la mesure de publication ordonnée, sauf à préciser qu'elle fera mention du présent arrêt;
Considérant que les dispositions du jugement relatives à l'appel en garantie de la société Quadrimex à l'encontre des sociétés Endres-Merath et Mac Gmbh n'étant pas critiquées, le jugement sera confirmé sur ce point;
- Sur les autres demandes
Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes de dommages- intérêts formées par la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh et la société Quadrimex;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France, la somme complémentaire de 10 000 euro devant leur être allouée à ce titre;
Qu'il résulte du sens de l'arrêt que les sociétés Endres-Merath, Mac Gmbh et Quadrimex ainsi que Michael Merath doivent être déboutées de leur demande sur ce même fondement;
Par ces motifs, Rejette la demande de sursis à statuer formée par la société Endres-Merath et la société Mac Gmbh, Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle, Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués aux sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France, Le réformant sur ce point et statuant à nouveau, Condamne in solidum la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh et la société Quadrimex à verser à la société Bayer Cropscience France la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à sa marque "Deltamex" du fait des actes de contrefaçon, Condamne in solidum la société Endres-Merath, la société Mac Gmbh et la société Quadrimex à verser à la société Bayer Cropscience France la somme de 40 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale, dans la limite de 20 000 euro en ce qui concerne la société Quadrimex, Y ajoutant, Dit que la publication ordonnée fera mention du présent arrêt, Rejette le surplus des demandes, Condamne in solidum la société Endres-Merath, la société Mac gmbh, la société Quadrimex et Michael Merath à payer aux sociétés Bayer Cropscience et Bayer Cropscience France la somme complémentaire de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Endres-Merath, la société Mac gmbh, la société Quadrimex et Michael Merath aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699, au nouveau Code de procédure civile.