CA Bordeaux, 1re ch. B, 30 mai 2005, n° 02-06083
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Grandes Murailles (GFA), Les Grandes Murailles (SA)
Défendeur :
Avantgreen-Balades Gourmandes (SARL), Rosenthal, Crédit Commercial du Sud-Ouest (SA), Publicis Atlantique (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Montamat
Conseillers :
MM. Prevost, Crabol
Avoués :
SCP Fournier, SCP Casteja-Clermontel, Jaubert, SCP Taillard, Janoueix
Avocats :
Mes Tonnet, Vital-Mareille, Olhagaray, Ryterband
Propriétaire du mur de l'ancien couvent dominicain, communément appelé "Les Grandes Murailles" à Saint-Emilion (Gironde), la société civile du Groupement Foncier Agricole Les Grandes Murailles, titulaire de la marque "Château les Grandes Murailles" enregistrée à l'Institut National de la Propriété Industrielle le 26 août 1994, a donné à bail à métayage, selon acte notarié des 30 et 31 décembre 1998 mentionnant le droit à la marque au profit du preneur, à la société Reiffer, devenue la SA Les Grandes Murailles, la propriété viticole sur laquelle se trouve les vestiges du Couvent de Dominicains.
Or, sur commande de la commune de Saint-Emilion, la SARL Avantgreen-Balades Gourmandes a édité un magazine touristique "Saint-Emilion", dont la page de couverture reproduit une photographie des Grandes Murailles réalisée par la photographe professionnelle Régine Gance épouse Rosenthal.
Une photographie des Grandes Murailles a également servi de support pour une publicité de la SA Crédit Commercial de France en page 19 de ce même magazine "Saint-Emilion".
Par ailleurs la SARL Avantgreen-Balades Gourmandes a fait paraître un encart publicitaire dans les journaux Sud-Ouest Dimanche et Télé Hebdo du 23 au 29 mai 1999 en présentant la page de couverture du magazine comme "un nouveau grand cru pour 35 F seulement".
Saisi, selon assignations du 29 juillet 1999 par la société civile du GFA Les Grandes Murailles, et par la SA Les Grandes Murailles contre la SARL Avantgreen-Balades Gourmandes, Régine Rosenthal, le Crédit Commercial du Sud-Ouest, qui a appelé à son tour en cause la SA Publicis Atlantique, concepteur de la photogravure, d'une action en responsabilité délictuelle pour violation de son droit de propriété sur l'image de son bien, en déclaration de concurrence déloyale par actes de parasitisme et en réparation des préjudices, le Tribunal de grande instance de Bordeaux, par jugement en date du 22 octobre 2002, a débouté les demanderesses.
Dans leurs dernières écritures déposées le 27 novembre 2002 au soutien de leur appel, le GFA Les Grandes Murailles et la SA Les Grandes Murailles, après avoir développé la recevabilité de leurs demandes, allèguent d'une part le caractère anormal du trouble causé par l'exploitation commerciale d'un bien par des tiers dans un but lucratif, génératrice d'un enrichissement sans cause, et d'autre part l'avilissement de l'image des Grandes Murailles (trivialité de l'image présentée par la SA Crédit Commercial du Sud-Ouest et formule d'accroche "un nouveau grand cru pour 35 F seulement") pour conclure à la réparation de l'atteinte à l'image, à la sanction du parasitisme fautif résultant de la reproduction de l'image sans autorisation et à la réparation du trouble spécifique que subit le preneur par le fait de tiers ; elles demandent finalement sur le fondement de la réparation d'un trouble anormal, la somme de 7 622 euro au photographe, celle de 133.392 euro à la SARL Avantgreen - Balades Gourmandes, celle de 22 867 euro à la SA Crédit Commercial du Sud-Ouest; en outre la SA Les Grandes Murailles demande condamnation de la SARL Avantgreen-Balades Gourmandes et de la SA Crédit Commercial du Sud-Ouest à payer chacun 15 245 euro pour actes de parasitisme ; elles réclament enfin l'arrêt de l'exploitation des images sous astreinte, la publication de l'arrêt et une indemnité de procédure (9 000 euro).
La SARL Avantgreen-Balades Gourmandes, éditeur, et Régine Rosenthal, photographe, ont conclu le 14 avril 2003 à la confirmation du jugement, en développant l'absence de trouble certain et de préjudice ; reconventionnellement, elles demandent chacune 6 000 euro à titre de dommages et intérêts pour abus de droit ; elles réclament une indemnité de procédure (2 500 euro chacune).
La SA Crédit Commercial du Sud-Ouest a conclu le 24 juillet 2003 à la confirmation du jugement, avec indemnité de procédure (3 000 euro) et demande subsidiairement à être relevé indemne par la SA Publicis Atlantique.
La SA Publicis Atlantique a conclu le 4 février 2005 à l'irrecevabilité des prétentions autres que celles fondées sur les actes parasitaires ou les troubles par voie de fait et à la confirmation du jugement; elle réclame une indemnité de procédure (9 000 euro).
Sur ce
Attendu, en droit, que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci;
Qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal;
Attendu, en fait :
- qu'aucun trouble anormal n'est caractérisé par la publication dans le magazine litigieux d'une image largement répandue dans le public, sous forme de carte postale, de décoration de brochures touristiques et même de timbre poste;
- que la reproduction de l'image de la façade des vestiges du monument, sans aucune mention de la marque du "Château Les Grandes Murailles", ne permet pas davantage de caractériser un acte de parasitisme au préjudice des sociétés propriétaires et fermières
Attendu que le jugement sera en conséquence confirmé par substitution de motifs;
Attendu que l'exercice d'une action ou celui d'une voie de recours est insuffisant à caractériser une intention de nuire constitutive d'un abus de droit;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Rejette la demande en dommages et intérêts pour abus de droit formée par la SARL Avantgreen-Balades Gourmandes et par Régine Rosenthal, Rejette toutes les demandes en indemnité de procédure, Condamne in solidum le GFA Les Grandes Murailles et la SA Les Grandes Murailles aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Annie Taillard et Valérie Janoueix, et de la SCP Solange Casteja-Clermontel et Hélène Jaubert, avoués associés à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.