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Décisions

CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 25 janvier 1991, n° 89.12886

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chabert (Epoux)

Défendeur :

Gan Capitalisation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pizzetta

Conseillers :

M. Coux, Mme Tremoureux

Avoués :

SCP Sider, Me Aube-Martin Bottai

Avocats :

Mes Roland-Lescudier, Notari.

Aix-en-Provence, 4e ch., du 14 oct. 1988

14 octobre 1988

Par arrêt du 14 octobre 1988 la cour de céans a confirmé des jugements du Tribunal de grande instance de Marseille en date des 8 mars 1983 et 15 janvier 1986 et a dit que les époux Chabert sont responsables du préjudice causé à la société Gan Capitalisation du fait du vice caché lors de la vente à la Caisse Fraternelle de Capitalisation aux droits de laquelle vient le Gan, le 5 juillet 1954 par les époux Chabert d'une maison des 375 millièmes d'un terrain sur lequel est édifié ladite maison, ledit vice ayant consisté en la présence dans le sous sol des semelles des fondations d'un immeuble voisin du terrain cédé et restant appartenir aux époux Chabert.

Les époux Chabert ont été en conséquence condamnés à payer au Gan une somme de 520 536 F.

Par exploits du 24 juillet 1989 enrôlé le 14 septembre 1989 les époux Chabert ont formé un recours en révision au motif que la décision aurait été surprise par la fraude du Gan, et en arguant de documents découverts par eux le 25 mai 1989 (courrier de Maître Mouren notaire leur adressant lesdits documents), Les époux Chabert demandent à la cour de déclarer recevable et fondé leur recours, de rétracter sa précédente décision, de débouter le Gan de toutes ses demandes et de le condamner à leur payer 100 000 F à titre de dommages intérêts 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles engagés en première instance et 50 000 F pour ceux d'appel.

Ils soutiennent en effet que les documents transmis par Maître Mouren notaire, démontrent que le Gan a eu connaissance, des empiètements des fondations de l'immeuble voisin, ce fait ayant été mentionné dans une lettre adressée par l'étude de Maître Mouren au notaire de l'acquéreur Maître Ducrocq lors de la vente, et que dès lors c'est de manière frauduleuse que cette société a pu obtenir indemnisation du soit disant préjudice de désorganisation du chantier qu'aurait entraîné cette découverte faite soit disant en 1977 lors du commencement du chantier.

Répliquant aux arguments en réponse du Gan les époux Chabert déclarent que les intervenants à l'opération de vente de 1954 étant décédés et Monsieur Chabert étant âgé et retiré des affaires "il n'était pas aisé de se contenter d'affirmer lors des précédentes procédures que le Gan connaissait ces empiètements".

Ils font valoir en second lieu qu'il apparaît d'une feuille de calcul des millièmes de copropriété que le Gan ne pouvait construire en sous sol, et que le Gan s'est bien gardé de produire ce document aux débats.

Enfin ils font valoir que le chiffre du préjudice retenu est certes celui énoncé par l'expert, mais que celui-ci s'est contenté de reprendre les prétentions du Gan sans les vérifier, et sans rechercher s'il n'eut pas été normal de faire procéder à des soudages.

La société Gan demande à la cour de déclarer irrecevable et infondé ce recours en révision et de condamner les époux Chabert à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle estime en effet qu'il est particulièrement spécieux de soutenir de la part des époux Chabert qu'ils ont découvert en 89 la nature de leurs dires à leurs acquéreurs de 1954... Elle soutient que les documents sont avant tout des brouillons ou des copies de lettres dont on ignore si elles ont été envoyées et dont la valeur probante reste donc limitée.

Enfin elle estime que pour divers arguments ce recours tend à faire à nouveau juger ce qui était déjà dans la cause.

Le Ministère public a conclu à l'irrecevabilité du recours en faisant notamment valoir :

- que celui-ci se fondait sur la fraude

- qu'il paraissait difficile d'estimer que les époux Chabert établissaient preuve de la fraude du Gan, dans la mesure où compte tenu des documents produits (lettres de 1954) si l'on estime que le Gan connaissait la présence de ces semelles, il est certain que les époux Chabert étaient eux mêmes parfaitement informés de cette réalité,

- qu'en toute hypothèse les époux Chabert pouvaient dès le début de l'action en garantie du Gan soutenir que celui-ci agissait en fraude sur la base d'un mensonge.

- qu'en s'abstenant de faire valoir l'existence de cette information donnée en 1954, en s'abstenant de produire le tableau des millièmes ou de réclamer la production de cette pièce au juge de la mise en état les époux Chabert ont commis les fautes qui par application de l'article 595 du nouveau Code de procédure civile rend irrecevable leur recours,

Motifs de la décision

Attendu qu'aux termes de l'article 595 du nouveau Code de procédure civile le recours en révision n'est ouvert que dans 4 cas limités ;

Attendu que le présent recours est fondé à la fois sur deux de ces cas (conclusions Chabert du 24 juillet 1990) :

- des pièces décisives ont été recouvrées après que la décision soit rendue,

- la décision a été surprise par la fraude de la partie au bénéfice de laquelle elle a été rendue,

- Sur la découverte de pièces :

Attendu que les époux Chabert exposent eux même que les pièces dont ils font état étaient conservées dans les archives et dossiers de leur notaire Maître Christiane Mouren ;

Attendu que Maître Mouren n'était pas partie au procès antérieur, que l'article 595 du nouveau Code de procédure civile n'ouvre la possibilité d'un recours en révision en cas de découverte de pièces que si celles-ci "avaient été retenues par le fait d'une autre partie";

Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, que les époux Chabert ne peuvent donc soutenir que leur recours est recevable par application de l'article 595-2 du nouveau Code de procédure civile.

Sur la fraude

Attendu que l'article 595 du nouveau Code de procédure civile dispose on son premièrement, que le recours on révision est ouvert :

- s'il se révèle après le jugement que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue."

que le recours (article 596 du nouveau Code de procédure civile) doit s'exercer dans les doux mois du jour où la partie a ou connaissance de la cause de révision qu'elle invoque.

Attendu qu'il appartient aux époux Chabert demandeur au recours de démontrer la fraude du Gan ;

Attendu que pour preuve de cette fraude les époux Chabert font état d'une feuille établissant le mode de calcul des millièmes des différents éléments de la copropriété horizontale qui correspondait à l'ancienne propriété Chabert, que selon les époux Chabert cette feuille démontrerait que la Fraternelle de Capitalisation et son ayant cause le Gan, ne pouvaient en l'état de ces millièmes précisément calculés construire qu'un immeuble de 9 étages sur rez-de-chaussée, sans niveau en sous sol ;

Mais attendu que cette feuille de calcul des millièmes, ni datée ni signée, ne comporte aucune mention permettant de dire que soit le Gan, soit la Fraternelle de Capitalisation aient en connaissance de ces éléments, que les autres éléments du litige ne démontrent pas non plus ce fait ;

Que dès lors il n'est pas démontré que le Gan ait fait en sorte de dissimuler ces éléments lors de la procédure antérieure.

Attendu que pour établir la fraude du [AN les époux Chabert font état des correspondances selon eux échangées lors de la vente de 1954 ;

Attendu qu'il s'agit de deux "pelures" ou doubles de correspondances, adressées par un clerc de Maître Mouren à Maître Ducrocq notaire de la Caisse Fraternelle de capitalisation ;

Attendu que la première lettre est datée du 6 juillet 1954, et fait état de l'existence de ces semelles en sous sol "débordant légèrement (0,50, 0,60, 0,65) à une profondeur d'environ trois mètres il est précisé : "Il s'agit là d'une simple mise au point que Monsieur Chabert a tenu à faire par correction et qui a trait à un fait existant avant la vente" ;

Attendu que la seconde lettre datée du 7 juillet 1954 rectifie seulement une erreur matérielle commise dans cette première lettre, dans laquelle il a été indiqué que la vente avait eu lieu le 6 juillet alors que l'acte a été formalisé le 5 juillet ;

Attendu qu'il n'est produit aux débats aucun récépissé duo envoi par courrier recommandé de ces correspondances, ni aucune lettre de Maître Ducrocq accusant réception de ces informations ;

Qu'il n'est donc pas démontré que cette information soit parvenue à l'acquéreur ;

Attendu qu'il est fort étrange que Monsieur Chabert alors que la procédure antérieure a durée plus de dix ans n'ait jamais opposé aux prétentions du Gan le fait que son auteur en 1954 avait été prévenu de l'existence de ces semelles ; que l'on s'étonne également de ce que les époux Chabert n'aient pas eux même informé le tribunal et la cour de cette circonstance lors de la procédure antérieure ;

Attendu que les époux Chabert ne démontrent pas que le Gan ait volontairement dissimulé au tribunal et à la cour dans la procédure antérieure, qu'il connaissait. avant l'ouverture du chantier l'existence de cet empiètement en sous sol de l'immeuble situé sur le fonds voisin ;

Attendu que la fraude du Gan n'est pas établie ;

Attendu que le recours des époux Chabert doit être déclaré irrecevable, les moyens développés quant au fond n'ayant pas lieu, dés lors d'être examinés ;

Attendu que l'équité justifie qu'il soit fait droit, à la demande formulée par le Gan pour indemnisation des frais irrépétibles qu'a entraîné pour lui ce recours, et ce à hauteur de la somme de 4 000 F ;

Attendu que les époux Chabert qui succombent supporteront la charge des dépens.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement contradictoirement, après communication du dossier au Ministère publique, Déclare irrecevable le recours en révision exercé par les époux Chabert à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour de céans le 14 octobre 1988, Condamne les époux Chabert à payer au Gan la somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne les époux Chabert aux entiers dépens accorde à Maître Aube-Martin Bottai avoué le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.