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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 13 avril 2005, n° 03-00152

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cefor Ingénierie (SARL)

Défendeur :

Datacon Technology AG (Sté), Datacon Semiconductor Equipement Gmbh (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

M. Roche, Mme Kermina

Avoués :

SCP Calarn-Delaunay, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Boetsch, Querenet-Hahn

T. com. Evry, du 23 oct. 2002

23 octobre 2002

A compter de 1996, un accord verbal de commercialisation est intervenu entre la SARL Cefor Ingénierie (ci-après la société Cefor) et la société Datacon Semiconductor Equipment Gmbh, aux droits de laquelle se trouve la société de droit autrichien Datacon Technology AG (ci-après la société Datacon), la société Cefor distribuant en France les machines fabriquées par la société Datacon après les lui avoir achetées à un prix égal à 84 % du prix de vente-client.

Courant juillet 1999, la société Cefor a été informée par la société Datacon de son intention de la remplacer à compter du 1er octobre 1999 par un nouveau distributeur.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2000, la société Datacon a mis en demeure, en vain, la société Cefor de lui payer le solde restant dû sur le prix de vente d'une machine et les factures annexes à cette vente.

Par acte d'huissier de justice du 9 janvier 2001, la société Datacon a assigné la société Cefor devant le Tribunal de commerce d'Evry en paiement de la somme visée dans la mise en demeure tandis que la société Cefor demandait reconventionnellement son indemnisation pour brusque rupture de leurs relations commerciales et paiement d'un commissionnement sur les ventes réalisées après la rupture.

Par jugement du 23 octobre 2002 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce saisi a :

- condamné la société Cefor à payer à la société Datacon 122 812,28 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2000,

- débouté la société Datacon de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouté la société Cefor de "l'ensemble de ses demandes reconventionnelles",

- condamné la société Cefor à payer à la société Datacon 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté la société Cefor de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Régulièrement appelante, la société Cefor, par conclusions signifiées le 22 février 2005, demande à la cour, réformant le jugement:

- de condamner la société Datacon à lui payer 267 542 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, 1, 4° du Code de commerce,

- d'ordonner la compensation des créances des parties sauf à prononcer des condamnations en deniers ou quittances,

- de débouter la société Datacon de toutes ses demandes,

- de condamner la société Datacon à lui payer 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Datacon demande, par conclusions signifiées le 31 janvier 2005, la confirmation du jugement et l'octroi de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la créance principale:

Considérant que c'est par des moyens pertinents que la cour, à défaut de moyens nouveaux et de pièces nouvelles, adopte, que le tribunal de commerce a condamné la société Cefor à payer à la société Datacon 122 812,28 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2000 ; que le jugement sera confirmé de ce chef;

Sur la rupture des relations commerciales:

Considérant qu'il résulte de l'article L. 442-6, 1, du Code de commerce, alors applicable, qu' "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou artisan:

4°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d 'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure";

Considérant que le caractère établi de la relation commerciale entre les parties est constant;

Considérant que la critique de la société Cefor porte sur l'absence de préavis suffisant au sens du texte précité;

Considérant que la relation commerciale entre les parties, qui consistait pour la société Cefor à prospecter le marché français afin de trouver des clients intéressés par les produits Datacon, alors inconnus sur ce marché, a duré trois ans;

Que la société Cefor fait valoir que les machines fabriquées par la société Datacon sont complexes et nécessitent le recours à un personnel spécifiquement formé ; que la circonstance que la société Cefor soit spécialisée dans le marché des machines destinées à l'industrie des semi-conducteurs, raison pour laquelle elle a été choisie par la société Datacon, n'implique pas que l'introduction des produits Datacon sur le marché français n'a pas justifié d'investissements particuliers;

Que, sans être sérieusement démentie, la société Cefor allègue qu'après deux années de formation et de prospection, elle a été en mesure de réaliser, en 1997, un chiffre d'affaires de 230 000 euro, représentant 20 % de ses ventes de marchandises, puis, en 1998, un chiffre d'affaires de 500 000 euro, représentant 50 % des marchandises vendues, enfin, en 1999, un chiffre d'affaires de 914 000 euro représentant 78,6 % de ses marchandises vendues ; que la marge sur les ventes s'élevait en dernier lieu à 959 908 F (146 349 euro);

Qu'il n'est nullement démontré par la société Datacon que le préavis, d'une durée de trois mois, ait été dans les faits prolongé de six mois;

Qu'en outre, la durée du préavis incluant pour les deux tiers la période estivale, la société Cefor n'avait pas le temps nécessaire pour réorganiser son activité;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces constatations que la société Cefor n'a pas bénéficié d'un délai de préavis suffisant au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du Code de commerce, délai qui, dans les circonstances de l'espèce, ne pouvait être inférieur à six mois ; qu'elle est bien-fondée à obtenir réparation du préjudice que lui cause le caractère brutal de la rupture à l'origine de laquelle se trouve la société Datacon étant toutefois observé que la société Cefor n'a pas donné suite aux propositions de son successeur de lui verser un dédommagement pour les ventes effectuées postérieurement à la rupture sur la base des commandes qu'elle avait elle-même réalisées;

Qu'au vu des éléments soumis à son appréciation, fondés sur une marge moyenne de 267 000 euro sur deux années, soit environ 130 000 euro par an, la cour fixera à 30 000 euro, correspondant à l'équivalent des trois mois de préavis manquants, le montant de l'indemnisation due à la société Cefor ; que la société Datacon sera condamnée au paiement de cette somme, le jugement étant réformé en ce sens;

Sur les dispositions non critiquées du jugement:

Considérant que les dispositions du jugement déboutant la société Datacon de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive et déboutant la société Cefor de sa demande en paiement de commissionnements, cette dernière n'étant pas reprise en cause d'appel, ne font l'objet d'aucune critique ; qu'elles seront en conséquence confirmées;

Sur la compensation:

Considérant qu'eu égard au lien de connexité existant entre les dettes réciproques de la société Cefor et de la société Datacon, il y a lieu d'ordonner la compensation;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant qu'il y a lieu d'allouer en cause d'appel la somme fixée au dispositif au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société Cefor;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Datacon ; qu'elle sera déboutée de sa demande;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions à l'exception de celles rejetant la demande de dommages et intérêts formée par la SARL Cefor Ingénierie, Statuant à nouveau sur le seul chef de dispositif réformé : Condamne la société de droit autrichien Datacon Technology AG à payer à la SARL Cefor Ingénierie 30 000 euro à titre de dommages et intérêts, Ordonne la compensation entre la créance de 122 812, 28 euro détenue par la société de droit autrichien Datacon Technology AG augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2000, et celle de 30 000 euro détenue par la SARL Cefor Ingénierie, à concurrence de la plus petite sous réserve des versements intervenus à la date de l'arrêt, Condamne la société de droit autrichien Datacon Technology AG à payer à la SARL Cefor Ingénierie 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Déboute la société de droit autrichien Datacon Technology AG de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société de droit autrichien Datacon Technology AG aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Calarn Delaunay, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.