DĂ©cisions

CJCE, 2 fĂ©vrier 1988, n° 24-86

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

ArrĂȘt

PARTIES

Demandeur :

Blaizot

DĂ©fendeur :

Université de LiÚge ; Université Catholique de Louvain ; Université Libre de Bruxelles ; Facultés universitaires Notre-Dame de la paix à Namur ; Etat Belge

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Mackenzie Stuart

PrĂ©sidents de chambre :

MM. Bosco, Due, Moitinho de Almeida, Rodriguez Iglesias

Juges :

Koopmans, Everling, Bahlmann, Galmot, Kakouris, Joliet, O'Higgins, Schockweiler

Avocat gĂ©nĂ©ral :

Sir Slynn

Avocats :

Mes Misson, Henry, Van Lint, Waelbroeck, Van Der Heyden, Mummery, Beauthier.

LA COUR,

1. Par ordonnance du 27 janvier 1986, parvenue à la Cour le 30 janvier suivant, le président du Tribunal de premiÚre instance de LiÚge a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle portant, notamment, sur l'interprétation de l'article 7 dudit traité, en vue de trancher un problÚme touchant les conditions financiÚres mises à l'accÚs aux universités.

2. Cette question a Ă©tĂ© soulevĂ©e dans le cadre d'une citation en rĂ©fĂ©rĂ© introduite par M. Blaizot et seize autres demandeurs au principal (ci-aprĂšs "demandeurs") contre le refus de l'UniversitĂ© de LiĂšge, de l'UniversitĂ© Catholique de Louvain, de l'UniversitĂ© Libre de Bruxelles et des FacultĂ©s universitaires Notre-Dame de la paix Ă  Namur, dĂ©fenderesses au principal (ci-aprĂšs "dĂ©fenderesses"), de leur rembourser les droits d'inscription complĂ©mentaires (ci-aprĂšs "minerval") qu'ils ont payĂ©s avant le 13 fĂ©vrier 1985, date du prononcĂ© de l'arrĂȘt Gravier (n° 293-83, Rec. p. 606). Au cours de cette procĂ©dure, les dĂ©fenderesses ont appelĂ© l'Etat belge en la cause, par le moyen de citations en intervention.

3. Il ressort du dossier que les demandeurs sont tous des ressortissants français ayant obtenu un permis de sĂ©jour comme Ă©tudiants pour rĂ©sider en Belgique dans le seul but d'y faire des Ă©tudes universitaires de mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire. Ces Ă©tudes comprennent trois annĂ©es de "candidature" et trois annĂ©es de "doctorat". Ils ont dĂ» payer, pour chaque annĂ©e acadĂ©mique, outre le droit d'inscription que tous les Ă©tudiants doivent acquitter, un minerval, Ă  titre de contribution personnelle aux frais de fonctionnement, qui n'Ă©tait pas exigĂ© des Ă©tudiants de nationalitĂ© belge. En vertu des divers arrĂȘtĂ©s royaux portant application dudit minerval, son montant, par annĂ©e acadĂ©mique, varie entre 80 000 et 265 000 BFR.

4. La Cour a dit pour droit dans l'arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, que l'imposition d'une redevance, d'un droit d'inscription ou d'un minerval comme condition pour l'accĂšs au cours d'enseignement professionnel aux Ă©tudiants ressortissants des autres Etats membres, alors qu'une mĂȘme charge n'est pas imposĂ©e aux Ă©tudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalitĂ©, prohibĂ©e par l'article 7 du traitĂ©.

5. AprĂšs le prononcĂ© dudit arrĂȘt, les demandeurs ont rĂ©clamĂ© le remboursement des sommes payĂ©es Ă  titre du minerval par citation en rĂ©fĂ©rĂ©. A l'audience de rĂ©fĂ©rĂ©, la cause a Ă©tĂ© renvoyĂ©e au rĂŽle en attendant la modification en cours de la lĂ©gislation belge pertinente. Cette modification est intervenue par la loi belge du 21 juin 1985 concernant l'enseignement (Moniteur belge du 6.7.1985).

6. Selon cette loi, les minervals perçus entre le 1er septembre 1976 et le 31 dĂ©cembre 1984 ne seront en aucune façon remboursĂ©s, Ă  l'exception de ceux perçus des Ă©lĂšves et Ă©tudiants ressortissants d'un Etat membre de la communautĂ© ayant suivi une formation professionnelle, qui seront remboursĂ©s sur la base des dĂ©cisions de justice rendues Ă  la suite d'une action en remboursement introduite devant les cours et tribunaux avant le 13 fĂ©vrier 1985, date du prononcĂ© de l'arrĂȘt Gravier, prĂ©citĂ©.

7. La juridiction nationale a sursis à statuer et a posé à la Cour la question suivante :

"les conditions financiÚres d'accÚs à l'enseignement universitaire donné en candidature et en doctorat en médecine vétérinaire relÚvent-elles du domaine d'application du traité de Rome, au sens de son article 7, aussi bien pour ce qui concerne l'année académique 1985-1986 que pour les années académiques 1979 à 1985 ?"

8. Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits de l'affaire au principal ainsi que des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

9. Il faut relever tout d'abord que la juridiction nationale, par une question unique, soulĂšve en substance deux problĂšmes distincts :

- le premier problÚme est de savoir si les études universitaires de médecine vétérinaire relÚvent de la notion de la formation professionnelle, de telle sorte qu'un droit d'inscription complémentaire perçu à charge des étudiants ressortissants d'autres Etats membres qui veulent s'inscrire à ce cycle d'études constitue une discrimination en raison de la nationalité, interdite par l'article 7 du traité CEE;

- le deuxiĂšme problĂšme est de savoir si, en cas de rĂ©ponse positive, l'interprĂ©tation ainsi donnĂ©e ne vaut que pour la pĂ©riode postĂ©rieure au prononcĂ© de l'arrĂȘt ou vaut aussi pour le passĂ©.

Sur la notion de formation professionnelle

10. En ce qui concerne le premier problÚme posé par la juridiction nationale, il y a lieu d'observer qu'il résulte de la législation belge en matiÚre d'imposition du minerval que celui-ci n'est supporté que par des étudiants étrangers, y inclus les étudiants communautaires. Ce traitement inégal par rapport aux étudiants belges est ainsi fondé sur la nationalité.

11. Un traitement inĂ©gal tel que celui relevĂ© en l'espĂšce doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une discrimination prohibĂ©e par l'article 7 du traitĂ© CEE, lorsqu'il se situe dans le domaine d'application de ce traitĂ©. A cet Ă©gard, il faut constater, comme la Cour l'a dĂ©jĂ  jugĂ© dans son arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, que les conditions d'accĂšs Ă  la formation professionnelle relĂšvent de ce domaine.

12. DÚs lors, il convient d'examiner si l'enseignement universitaire en médecine vétérinaire relÚve de la formation professionnelle.

13. A cet Ă©gard, les dĂ©fenderesses et le Royaume de Belgique soutiennent que la notion de formation professionnelle au sens de l'article 128 du traitĂ© CEE ne concerne pas l'enseignement universitaire, dont le caractĂšre est essentiellement acadĂ©mique, mais l'apprentissage. En ce qui concerne les Ă©tudes universitaires en Belgique, ne saurait en tout cas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme formation professionnelle l'enseignement dispensĂ© au cours des annĂ©es de "candidature", parce que, pour exercer une profession, l'Ă©tudiant doit obtenir le diplĂŽme terminal, qui n'est accordĂ© qu'aprĂšs l'achĂšvement du "doctorat".

14. La Commission fait valoir que les études dispensées dans les institutions universitaires belges font partie de l'enseignement de formation professionnelle, au sens de l'article 128 du traité CEE. Elle considÚre, avec les demandeurs, qu'il n'y a pas un "enseignement académique", d'une part, et une "formation professionnelle", d'autre part, mais une formation professionnelle acquise dans le cadre de l'enseignement académique dispensé par les universités.

15. Eu Ă©gard Ă  cette diffĂ©rence d'opinions, il convient d'abord de rappeler, comme la Cour l'a jugĂ© dans son arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, que toute forme d'enseignement qui prĂ©pare Ă  une qualification pour une profession, un mĂ©tier ou un emploi spĂ©cifique, ou qui confĂšre l'aptitude particuliĂšre Ă  exercer une telle profession, mĂ©tier ou emploi, relĂšve de l'enseignement professionnel, quels que soient l'Ăąge et le niveau de formation des Ă©lĂšves ou des Ă©tudiants, et mĂȘme si le programme d'enseignement inclut une partie d'Ă©ducation gĂ©nĂ©rale.

16. Pour examiner si des études universitaires remplissent ces exigences, il faut distinguer entre le point de savoir si, de par leur nature, les études universitaires ne peuvent relever de la formation professionnelle au sens du droit communautaire et le point de savoir dans quelles conditions de telles études préparent à une qualification pour une profession, un métier ou un emploi spécifique, ou confÚrent l'aptitude particuliÚre à exercer une telle profession, métier ou emploi.

17. En ce qui concerne le premier point, il y a lieu d'observer que ni les dispositions du traité, en particulier celles de l'article 128, ni les objectifs poursuivis par ces dispositions, en particulier en matiÚre de libre circulation de personnes, ne fournissent d'indications tendant à limiter la notion de formation professionnelle de façon à en exclure tout enseignement universitaire. Il est accepté dans tous les Etats membres que certaines études universitaires ont précisément pour objet de préparer les étudiants, en leur fournissant certaines connaissances et aptitudes de niveau académique, à des activités professionnelles ultérieures déterminées. A cela s'ajoute que la charte sociale européenne, à laquelle la plupart des Etats membres sont parties, comprend, dans son article 10, l'éducation universitaire parmi les différentes formes d'enseignement professionnel.

18. Il faut également tenir compte de ce que des divergences importantes existent, à cet égard, entre les Etats membres et de ce que des études qui font partie de l'enseignement universitaire dans certains Etats membres n'ont pas ce caractÚre dans d'autres Etats membres. DÚs lors, la limitation de la notion de formation professionnelle à l'enseignement non universitaire aurait pour effet de créer des inégalités dans l'application du traité entre les Etats membres.

19. En ce qui concerne le point de savoir si des Ă©tudes universitaires prĂ©parent Ă  une qualification pour une profession, un mĂ©tier ou un emploi spĂ©cifique, ou confĂšrent l'aptitude particuliĂšre Ă  exercer une telle profession, mĂ©tier ou emploi, il faut souligner que tel est le cas non seulement si l'examen de fin d'Ă©tudes confĂšre la qualification immĂ©diate pour l'exercice d'une profession, d'un mĂ©tier ou d'un emploi dĂ©terminĂ© prĂ©supposant cette qualification, mais Ă©galement dans la mesure oĂč ces Ă©tudes confĂšrent une aptitude particuliĂšre, Ă  savoir dans les cas oĂč l'Ă©tudiant a besoin de connaissances acquises pour l'exercice d'une profession, d'un mĂ©tier ou d'un emploi, mĂȘme si l'acquisition de ces connaissances n'est pas prescrite, pour cet exercice, par des dispositions lĂ©gislatives, rĂ©glementaires ou administratives.

20. Il convient de constater que les études universitaires répondent, dans leur généralité, à ces conditions. Il n'en va autrement que pour certains cycles d'études particuliers qui, du fait de leurs caractéristiques propres, s'adressent à des personnes désireuses d'approfondir leurs connaissances générales plutÎt que d'accéder à la vie professionnelle.

21. Quant Ă  la circonstance qu'un enseignement universitaire est divisĂ© en deux cycles, comme c'est le cas en Belgique pour la "candidature" et le "doctorat", elle ne saurait ĂȘtre prise en considĂ©ration. En effet, le second cycle, sanctionnĂ© par le diplĂŽme de fin d'Ă©tudes, prĂ©suppose la conclusion du premier cycle, si bien que leur ensemble doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une unitĂ© et qu'il n'est pas possible de distinguer entre un cycle ne relevant pas de la formation professionnelle et un autre cycle relevant de cette notion.

22. Les défenderesses font valoir que l'imposition d'un minerval est justifiée par des exigences impératives supérieures, au rang desquelles il faudrait placer la survie des institutions universitaires belges. Celles-ci seraient mises en danger par une suppression du minerval, qui accroßtrait considérablement l'afflux d'étudiants étrangers en Belgique et augmenterait ainsi d'une façon intolérable leurs charges financiÚres. La résolution du Conseil du 25 juin 1980, approuvant le rapport général du comité de l'éducation, établie par la résolution du Conseil et des ministres de l'Education, réunis au sein du Conseil, du 9 février 1976, comportant un programme d'action en matiÚre d'éducation (JO C 38, p. 1), donnerait des indications sur ce qui serait une interprétation raisonnable des dispositions pertinentes du traité CEE.

23. Il est vrai que le Conseil a, dans la résolution précitée, accepté d'une maniÚre générale que les Etats membres prennent des mesures appropriées pour que les effets d'une limitation numérique, prévue dans d'autres Etats membres, sur l'afflux d'étudiants restent dans des limites raisonnables. Une telle déclaration de principe n'a toutefois pas pour objet, et ne pourrait avoir pour effet, de permettre à un Etat membre d'édicter des mesures créant des discriminations interdites par l'article 7 du traité CEE.

24. Il s'ensuit qu'il convient de répondre à la question de la juridiction nationale, en ce qui concerne le premier problÚme posé, que les études universitaires de médecine vétérinaire relÚvent de la notion de formation professionnelle, de telle sorte qu'un droit d'inscription complémentaire perçu à charge des étudiants ressortissants d'autres Etats membres qui veulent s'inscrire à ce cycle d'études constitue une discrimination en raison de la nationalité, interdite par l'article 7 du traité CEE.

Sur les effets dans le temps de l'interprétation de la notion de formation professionnelle

25. A cet Ă©gard, les demandeurs et la Commission soulignent que les arrĂȘts interprĂ©tatifs rendus dans le cadre d'une procĂ©dure prĂ©judicielle ont en principe un effet rĂ©troactif. DĂšs lors, l'interprĂ©tation de l'article 7 du traitĂ© CEE donnĂ©e dans l'arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, devrait ĂȘtre respectĂ©e par les juridictions nationales aussi en ce qui concerne des demandes d'accĂšs aux cours d'enseignement professionnel pour la pĂ©riode comprise entre le 1er septembre 1976 et le 31 dĂ©cembre 1984. Un Etat membre ne saurait adopter une loi qui aboutisse Ă  limiter les effets dans le temps d'un tel arrĂȘt alors que la Cour n'en avait pas dĂ©cidĂ© ainsi dans cet arrĂȘt.

26. Par contre, les dĂ©fenderesses soulignent que l'arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, constitue une Ă©volution nouvelle du droit communautaire et que les rĂ©percussions du prĂ©sent arrĂȘt seraient considĂ©rables s'il devait produire ses effets Ă  partir du 1er septembre 1976. La situation serait donc comparable Ă  celle dans l'affaire n° 43-75 (Defrenne, arrĂȘt du 8 avril 1976, Rec. p. 455).

27. Dans ce contexte, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, l'arrĂȘt du 27 mars 1980, n° 61-79, Amministrazione delle Finanze dello Stato/Denkavit italiana, Rec. p. 1205), selon laquelle l'interprĂ©tation qu'elle donne d'une rĂšgle du droit communautaire, dans l'exercice de la compĂ©tence que lui confĂšre l'article 177, Ă©claire et prĂ©cise, lorsque besoin en est, la signification et la portĂ©e de cette rĂšgle, telle qu'elle doit ou aurait dĂ» ĂȘtre comprise et appliquĂ©e depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en rĂ©sulte que la rĂšgle ainsi interprĂ©tĂ©e peut et doit ĂȘtre appliquĂ©e par le juge mĂȘme Ă  des rapports juridiques nĂ©s et constituĂ©s avant l'arrĂȘt statuant sur la demande d'interprĂ©tation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compĂ©tentes un litige relatif Ă  l'application de ladite rĂšgle se trouvent rĂ©unies.

28. Ce n'est qu'Ă  titre exceptionnel que la Cour peut, ainsi qu'elle l'a reconnu dans son arrĂȘt du 8 avril 1976, prĂ©citĂ©, par application d'un principe gĂ©nĂ©ral de sĂ©curitĂ© juridique inhĂ©rent Ă  l'ordre juridique communautaire, ĂȘtre amenĂ©e Ă  limiter la possibilitĂ© pour tout intĂ©ressĂ© d'invoquer la disposition ainsi interprĂ©tĂ©e, en vue de mettre en cause des relations juridiques Ă©tablies de bonne foi. Pareille limitation ne peut ĂȘtre admise, selon la jurisprudence constante de la Cour, que dans l'arrĂȘt mĂȘme qui statue sur l'interprĂ©tation sollicitĂ©e.

29. A cet Ă©gard, il faut relever que le prĂ©sent arrĂȘt tranche pour la premiĂšre fois la question de savoir si l'enseignement universitaire peut ĂȘtre regardĂ© comme relevant de la formation professionnelle, au sens de l'article 128 du traitĂ© CEE.

30. Pour dĂ©cider s'il y a lieu ou non de limiter la portĂ©e d'un arrĂȘt dans le temps, il faut, selon la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, l'arrĂȘt du 8 avril 1976, prĂ©citĂ©), prendre en considĂ©ration que, si les consĂ©quences pratiques de toute dĂ©cision juridictionnelle doivent ĂȘtre pesĂ©es avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu'Ă  inflĂ©chir l'objectivitĂ© du droit et compromettre son application future en raison des rĂ©percussions qu'une dĂ©cision de justice peut entraĂźner pour le passĂ©.

31. Le prĂ©sent arrĂȘt consacre une Ă©volution qu'Ă  l'inclusion des Ă©tudes universitaires dans la notion de formation professionnelle au sens du droit communautaire. Comme la Cour l'a dĂ©jĂ  constatĂ© dans son arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, la politique commune de formation professionnelle Ă©voquĂ©e par l'article 128 du traitĂ© CEE est en train de s'Ă©tablir progressivement. Ce n'est que sur la base de cette Ă©volution qu'il devenait possible de considĂ©rer comme Ă©galement couvertes par la notion de formation professionnelle au sens du droit communautaire des Ă©tudes universitaires prĂ©parant Ă  l'exercice d'un mĂ©tier ou d'une profession.

32. En ce qui concerne l'enseignement universitaire, cette Ă©volution se trouve d'ailleurs reflĂ©tĂ©e dans le comportement de la Commission. En effet, des lettres adressĂ©es Ă  la Belgique par la Commission en 1984 font apparaĂźtre que cette derniĂšre ne considĂ©rait pas, Ă  l'Ă©poque, l'imposition du minerval comme contraire au droit communautaire. Ce n'est que le 25 juin 1985 que la Commission a indiquĂ©, au cours d'une rĂ©union informelle avec les responsables des ministĂšres belges de l'Education nationale, qu'elle avait modifiĂ© sa position. Deux jours encore aprĂšs cette date, soit plus de quatre mois aprĂšs le prononcĂ© de l'arrĂȘt du 13 fĂ©vrier 1985, prĂ©citĂ©, elle a dĂ©clarĂ©, Ă  l'occasion d'une rĂ©union du comitĂ© de l'Ă©ducation Ă©tabli auprĂšs du Conseil, qu'elle n'avait pas terminĂ© ses rĂ©flexions en la matiĂšre, c'est-Ă -dire qu'elle ne s'Ă©tait pas encore faite une opinion prĂ©cise sur les consĂ©quences qu'il fallait tirer de cet arrĂȘt, qui, d'ailleurs, ainsi qu'il a Ă©tĂ© relevĂ© ci-dessus, a statuĂ© Ă  propos d'un enseignement technique.

33. Cette attitude adoptée par la Commission a notamment pu amener les milieux intéressés en Belgique à raisonnablement estimer que la législation nationale en la matiÚre était conforme au droit communautaire.

34. Dans ces conditions, des considérations impérieuses de sécurité juridique s'opposent à la remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le systÚme de financement de l'enseignement universitaire et serait susceptible d'entraßner des conséquences imprévisibles pour le bon fonctionnement des institutions universitaires.

35. Il y a donc lieu de rĂ©pondre Ă  la question posĂ©e par la juridiction nationale, en ce qui concerne le deuxiĂšme problĂšme posĂ©, que l'effet direct de l'article 7 du traitĂ© CEE ne peut ĂȘtre invoquĂ©, en ce qui concerne l'accĂšs aux Ă©tudes universitaires, Ă  l'appui de revendications relatives Ă  des droits d'inscription complĂ©mentaires indĂ»ment payĂ©s pendant des pĂ©riodes antĂ©rieures Ă  la date du prĂ©sent arrĂȘt, sauf en ce qui concerne les Ă©tudiants qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevĂ© une rĂ©clamation Ă©quivalente.

36. Les frais exposĂ©s par le Royaume de Belgique, par le Royaume-Uni et par la Commission des CommunautĂ©s europĂ©ennes, qui ont soumis des observations Ă  la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procĂ©dure revĂȘtant Ă  l'Ă©gard des parties au principal le caractĂšre d'un incident soulevĂ© devant la juridiction nationale, il appartient Ă  celle-ci de statuer sur les dĂ©pens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur la question à elle soumise par le président du Tribunal de premiÚre instance de LiÚge, par ordonnance du 27 janvier 1986, dit pour droit :

1) Les études universitaires de médecine vétérinaire relÚvent de la notion de formation professionnelle, de telle sorte qu'un droit d'inscription complémentaire perçu à charge des étudiants ressortissants d'autres Etats membres qui veulent s'inscrire à ce cycle d'études constitue une discrimination en raison de la nationalité, interdite par l'article 7 du traité CEE.

2) L'effet direct de l'article 7 du traitĂ© CEE ne peut ĂȘtre invoquĂ©, en ce qui concerne l'accĂšs aux Ă©tudes universitaires, Ă  l'appui de revendications relatives Ă  des droits d'inscription complĂ©mentaires indĂ»ment payĂ©s pendant des pĂ©riodes antĂ©rieures Ă  la date du prĂ©sent arrĂȘt, sauf en ce qui concerne les Ă©tudiants qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevĂ© une rĂ©clamation Ă©quivalente.