CJCE, 22 février 1990, n° C-221/88
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Communauté européenne du charbon et de l'acier
Défendeur :
Faillite Acciaierie e Ferriere Busseni SpA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
MM. Kakouris, Schockweiler, Zuleeg
Avocat général :
M. Mischo
Juges :
MM. Koopmans, Mancini, Joliet, O'Higgins, Moitinho de Almeida, Rodriguez Iglesias, Grévisse
Avocat :
Me Conti
LA COUR,
1. Par ordonnance du 28 avril 1988, parvenue à la Cour le 4 août suivant, le Tribunale di Brescia a posé, en vertu de l'article 41 du traité CECA, différentes questions préjudicielles concernant l'interprétation de la recommandation n° 86-198-CECA de la Commission, du 13 mai 1986, relative à l'instauration d'un privilège pour les créances au titre des prélèvements sur la production du charbon et de l'acier (JO L 144, p. 40, ci-après "recommandation ").
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige qui oppose la CECA à la faillite Acciaierie e Ferriere Busseni SpA (ci-après "Busseni") à propos de l'admission au passif de cette faillite, à titre privilégié, de certaines créances de la CECA.
3. A la suite du prononcé de la faillite de Busseni, le 3 février 1987, la CECA a demandé son admission au passif pour deux créances, l'une à titre privilégié, de 246 652 086 lit, correspondant à des prélèvements et des majorations de retard non payés, l'autre à titre seulement chirographaire, de 4 480 192 938 lit, correspondant à des amendes et des majorations de retard.
4. La demande de la CECA tendant à ce qu'une partie de ses créances soit considérée comme privilégiée, sur le fondement de la recommandation, a été rejetée par le juge-commissaire. La CECA s'est alors pourvue devant le Tribunale di Brescia.
5. Le tribunal a constaté qu'en vertu de la recommandation les Etats membres devaient conférer, au plus tard le 1er janvier 1988, aux créances nées de l'application des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA, un privilège de même nature que celui dont bénéficient leurs créances fiscales et, en cas de privilèges différents selon les impôts, un privilège de même rang que celui conféré aux créances de l'Etat au titre de la taxe sur la valeur ajoutée. La République italienne n'ayant pris aucune mesure de transposition de la recommandation, le tribunal s'est interrogé sur le point de savoir si celle-ci pouvait avoir pour effet, en l'absence de mesures de transposition, de conférer directement, dans l'ordre juridique italien, un privilège aux créances de la CECA.
6. C'est dans ces conditions que le tribunal a posé à la Cour les questions suivantes :
"1) La recommandation n° 86-198-CECA, du 13 mai 1986, dans la mesure où elle impose [dans les cas de concours de créanciers (articles 1er et 2)] aux Etats membres, qui confèrent aux créances fiscales de l'Etat un privilège portant sur tout ou partie des biens du redevable, d'une part, l'obligation de conférer le même privilège aux créances nées de l'application des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité et, d'autre part, au cas où ces Etats auraient prévu pour les créances fiscales des privilèges, généraux ou spéciaux, de rang différent selon les différents impôts, l'obligation de conférer aux prélèvements CECA le même rang de privilège que celui conféré à la taxe sur la valeur ajoutée, a-t-elle dans l'Etat membre un effet direct et immédiat au point d'être applicable par les juridictions nationales indépendamment de toute mesure d'exécution prise par l'Etat destinataire ; ou ladite recommandation conserve-t-elle (article 15 du traité CECA) son caractère d'acte normatif comportant obligation dans les buts tout en laissant aux Etats destinataires le choix des moyens ?
2) A supposer que la recommandation précitée ait un effet direct et immédiat, son applicabilité doit-elle être considérée comme se limitant aux créances nées postérieurement à son adoption (le 13 mai 1986) de l'application de prélèvements ou couvre-t-elle également les créances nées à un titre antérieur ?
3) A supposer, en revanche, que ladite recommandation conserve son caractère d'acte normatif comportant obligation dans les buts tout en laissant aux Etats destinataires le choix des moyens, l'échéance du 1er janvier 1988 imposée par l'article 4 aux Etats membres pour se conformer aux dispositions de la recommandation est-elle impérative, sa violation emportant par conséquent, conformément au principe posé par la jurisprudence du juge constitutionnel, la présomption d'inconstitutionnalité (pour violation de l'article 11 de la constitution) de la réglementation relative aux privilèges dans la mesure où elle ne prévoit pas l'extension du privilège fiscal aux créances nées de l'application des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité ?"
7. Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
Sur la compétence de la Cour
8. Il convient immédiatement d'observer que, contrairement à ce que soutient Busseni, l'acte dont l'interprétation est demandée n'est pas un avis, mais une recommandation de la Commission prise sur le fondement de l'article 14 du traité CECA, c'est-à-dire un acte qui, selon cette disposition, comporte obligation dans le but qu'il assigne, mais laisse à celui qui en est l'objet le choix des moyens propres à atteindre ce but. Les allégations de Busseni sur ce point sont donc, en tout état de cause, dépourvues de pertinence.
9. Il y a lieu, cependant, de s'interroger sur la compétence de la Cour pour connaître d'un renvoi préjudiciel en interprétation du traité CECA ou des actes pris sur son fondement.
10. Les articles 31 du traité CECA, 164 du traité CEE et 146 du traité CEEA comportent des dispositions d'un contenu identique, en dépit de différences de rédaction purement formelles entre le premier et les deux autres traités, selon lesquelles la Cour assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application de ces traités.
11. Toutefois, si les traités CEE et CEEA définissent dans les mêmes termes, à l'article 177 pour le premier, à l'article 150 pour le second, les conditions dans lesquelles la Cour est appelée à exercer son pouvoir d'interprétation du droit communautaire par la voie de questions préjudicielles posées par les juridictions nationales, le traité CECA n'énonce aucune règle explicite portant sur l'exercice d'un pouvoir d'interprétation de la Cour.
12. En revanche, le traité CECA prévoit expressément à son article 41 que "la Cour est seule compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité des délibérations de la haute autorité et du Conseil, dans le cas où un litige porté devant un tribunal national mettrait en cause cette validité".
13. Pour différentes qu'elles soient dans leur lettre, les dispositions des articles 41 du traité CECA, 177 du traité CEE et 150 du traité CEEA, traités qui se sont succédé dans le temps, le traité CECA ayant été conclu en 1951, les traités CEE et CEEA en 1957, expriment, les unes et les autres, une double nécessité, celle d'assurer au mieux l'unité dans l'application du droit communautaire et celle d'établir à cette fin une coopération efficace entre la Cour de justice et les juridictions nationales.
14. A cet égard, il y a, d'ailleurs, lieu d'observer la connexité entre l'interprétation et l'appréciation de validité. D'une part, si l'article 41 du traité CECA ne porte que sur la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur la validité des délibérations de la Commission et du Conseil, l'appréciation de la validité d'un acte implique nécessairement son interprétation préalable. D'autre part, pour l'application de l'article 177 du traité CEE, qui ne comporte aucune précision formelle sur ce point, la Cour a été amenée à déclarer qu'il n'appartenait qu'à elle-même de déclarer invalide un acte des institutions communautaires (arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost, n° 314-85, Rec. p. 4199) et a ainsi rejoint, en substance, la disposition expresse de l'article 41 du traité CECA.
15. Si, du fait de la nature des pouvoirs dévolus aux autorités communautaires, et, en particulier, à la Commission par le traité CECA, les juridictions nationales ont moins souvent l'occasion d'appliquer ce traité, ainsi que les actes pris sur son fondement et, partant, de s'interroger sur leur interprétation, la collaboration dans ce domaine entre celles-ci et la Cour de justice est aussi nécessaire dans le cadre du traité CECA que dans celui des traités CEE et CEEA, puisque l'objectif d'assurer une application uniforme du droit communautaire s'impose avec la même force et la même évidence.
16. Il serait donc contraire à la finalité et à la cohérence des traités que, lorsque sont en cause des règles issues des traités CEE et CEEA, la fixation de leur sens et de leur portée relève en dernier ressort de la Cour de justice, comme le prévoient, en termes identiques, l'article 177 du traité CEE et l'article 150 du traité CEEA, ce qui permet d'assurer l'uniformité de leur application, alors que, lorsque les normes en cause se rattachent au traité CECA, cette compétence demeurerait du seul ressort des multiples juridictions nationales, dont les interprétations pourraient diverger, et que la Cour de justice serait sans qualité pour assurer une interprétation uniforme de ces normes.
17. De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que la Cour est compétente pour se prononcer sur les questions qui lui sont posées par le Tribunale di Brescia.
Sur la première question
18. Par sa première question préjudicielle, la juridiction nationale voudrait savoir si la CECA peut, en l'absence de toute mesure nationale de transposition, se prévaloir des dispositions des articles 1er et 2 de la recommandation afin que certaines de ses créances nées de l'application des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA puissent, dans les cas de concours de créanciers prévus par une législation nationale, bénéficier d'un privilège général ou spécial de même rang que celui attaché par la loi de l'Etat considéré aux créances de cet Etat au titre de la TVA.
19. Selon la Commission, les conditions posées par la jurisprudence de la Cour pour que les dispositions d'une directive, non transposée par un Etat membre dans son ordre juridique interne, puissent être invoquées devant une juridiction nationale seraient remplies.
20. Busseni estime, au contraire, qu'en l'absence de dispositions nationales de transposition la CECA ne pourrait se prévaloir, devant le tribunal, des dispositions de la recommandation.
21. Il convient d'observer, liminairement, que les règles dégagées par la Cour pour définir les effets qui s'attachent à une directive non transposée en droit national sont également applicables aux recommandations du traité CECA, qui sont des actes de même nature, comportant obligation dans le but assigné à leur destinataire et laissant à ce dernier le choix des moyens propres à atteindre ce but.
22. Selon la jurisprudence de la Cour, lorsque les autorités communautaires ont, par directive, obligé les Etats membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables et les juridictions nationales étaient empêchés de le prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire. En conséquence, l'Etat membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte. Ainsi, dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d'application prises dans les délais à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore si elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat (voir, notamment, arrêt du 19 janvier 1982, Ursula Becker, n° 8-81, Rec. p. 53).
23. En revanche, cette possibilité n'existe qu'à l'encontre de l'Etat membre intéressé et des autres autorités publiques. Il en résulte qu'une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et qu'une disposition d'une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne (arrêt du 26 février 1986, Marshall, n° 152-84, Rec. p. 723).
24. Or, dans le cas où, comme en l'espèce, la CECA peut se trouver en concours non seulement avec l'Etat membre concerné, mais également avec d'autres créanciers de l'entreprise, l'application de la recommandation, loin de se faire à l'encontre du seul Etat destinataire de celle-ci, pourrait réduire les chances de certains de ces autres créanciers d'être payés.
25. En effet, la prise en considération de la demande formée par la CECA devant les organes nationaux compétents pour obtenir que, sur le fondement de la recommandation, certaines de ses créances soient classées comme créances privilégiées n'affecterait pas seulement la situation de l'Etat intéressé, mais modifierait nécessairement la situation relative, dans la procédure de concours, des différents créanciers. C'est donc aux droits de l'ensemble de ceux des autres créanciers de l'entreprise, dont les créances ne bénéficient d'aucun privilège ou ne bénéficient que d'un privilège égal ou inférieur à celui des créances de l'Etat intéressé au titre de la TVA, que la reconnaissance de ce dernier privilège à certaines créances de la CECA porterait directement atteinte.
26. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la CECA peut, si la recommandation en cause présente les caractéristiques qui permettent d'invoquer devant les juridictions nationales une directive non transposée, se prévaloir de cette recommandation à l'encontre d'un Etat sous réserve que la reconnaissance du caractère privilégié des créances de la CECA n'ait d'effet que vis-à-vis de cet Etat, en mettant éventuellement cette Communauté en concours avec lui. Au contraire, le privilège accordé à la CECA ne peut pas réduire les droits des créanciers autres que l'Etat, tels qu'ils résulteraient de l'application des règles nationales régissant les concours de créanciers en l'absence de la recommandation.
27. Il reste ainsi à examiner si la recommandation présente les caractéristiques qui permettent de l'invoquer devant la juridiction nationale, c'est-à-dire à rechercher si ses dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises.
28. D'une part, l'obligation mise, par les articles 1er et 2 de la recommandation, à la charge des Etats membres d'attribuer aux créances de la CECA nées de l'application des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA un caractère privilégié est suffisamment précise.
29. D'autre part, si l'article 4, deuxième alinéa, de la recommandation, qui prévoit que ses dispositions sont applicables aux procédures de recouvrement en cours à la date de sa mise en application, exige des Etats qu'ils assurent, "au moyen des dispositions transitoires appropriées, une protection juridique des droits des autres créanciers de l'entreprise redevable" et met ainsi une condition à la mise en application de la recommandation, il résulte de ses termes mêmes que cette disposition ne vise que la protection des droits des créanciers autres que la CECA et l'Etat concerné.
30. Il y a donc lieu de répondre à la première question que la recommandation doit être interprétée en ce sens qu'en l'absence de toute mesure nationale de transposition, la CECA peut, à l'expiration du délai fixé pour la transposition de la recommandation, se prévaloir de celle-ci à l'encontre d'un Etat membre qui ne l'a pas transposée, sous réserve que la reconnaissance du caractère privilégié de ses créances n'ait d'effet que vis-à-vis de cet Etat en mettant éventuellement cette Communauté en concours avec lui, mais ne réduise pas les droits des créanciers autres que l'Etat tels qu'ils résulteraient de l'application des règles nationales régissant les concours de créanciers en l'absence de la recommandation.
Sur la deuxième question
31. Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction nationale voudrait savoir si, dans la mesure où la CECA pourrait en réclamer l'application dans l'ordre juridique d'un Etat membre, la recommandation confère à la Communauté un privilège sur l'ensemble des créances qu'elle détient sur les entreprises au titre des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA, quelle que soit la date de leur naissance, ou seulement sur celles nées postérieurement à son adoption.
32. En vertu du premier alinéa de l'article 4 de la recommandation, les Etats membres devaient prendre les mesures nécessaires pour la transposer dans leur ordre juridique "au plus tard le 1er janvier 1988". Il en résulte, comme il a été dit ci-dessus, que ses dispositions pouvaient être invoquées devant les juridictions nationales, à défaut de mesures de transposition, à compter du 2 janvier 1988.
33. Selon le deuxième alinéa du même article, "les Etats membres prescrivent que ces dispositions sont applicables aux procédures de recouvrement en cours à la date de la mise en application de la présente recommandation". Il résulte des termes mêmes de ce texte que la recommandation pouvait être invoquée devant les juridictions nationales dans toutes les procédures de faillite qui n'étaient pas achevées à la date du 2 janvier 1988.
34. Quant au point de savoir si la recommandation peut avoir pour effet de conférer un rang privilégié aux créances de la CECA nées avant son adoption, point qui est l'objet précis de la question posée, il y a lieu de relever que, ainsi qu'il ressort du septième considérant de ses motifs, la Commission a, par cette disposition, entendu que le privilège conféré par la recommandation puisse s'exercer "dans les procédures relatives au concours des créances encore en cours à la date" de sa mise en application effective, "afin d'assurer le recouvrement le plus étendu des créances nées de l'application des prélèvements dans les années précédant" son adoption.
35. Contrairement à ce que soutient Busseni, le principe de la confiance légitime ne saurait s'opposer à l'attribution d'un privilège à des créances nées antérieurement à l'entrée en vigueur du texte qui l'institue, dès lors que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, ce principe ne saurait être étendu au point d'empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s'appliquer aux effets futurs de situations nées sous l'empire de la réglementation antérieure (arrêt du 14 janvier 1987, République fédérale d'Allemagne/Commission, n° 278-84, Rec. p. 1).
36. Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que le deuxième alinéa de l'article 4 de la recommandation doit être interprété en ce sens que la CECA peut faire valoir son privilège, dans les conditions et sous les réserves précisées ci-dessus, pour l'ensemble des créances qu'elle détient sur les entreprises au titre des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA, quelle que soit la date de leur naissance, dès lors que, en vertu des dispositions du droit national régissant les concours de créanciers, elles peuvent encore faire l'objet d'une admission au passif de la faillite.
Sur la troisième question
37. Par sa troisième question, la juridiction nationale voudrait savoir, en substance, si la date du 1er janvier 1988 assignée par la recommandation aux Etats pour sa transposition a un caractère impératif.
38. Ainsi que l'a déjà jugé la Cour (arrêt du 19 janvier 1982, Ursula Becker, précité), il ressort des termes de l'article 189, troisième alinéa, du traité CEE, que les Etats destinataires sont tenus, en vertu de la directive, d'une obligation de résultat qui doit être exécutée à l'échéance du délai fixé par la directive même.
39. Il résulte de ce principe, applicable aux recommandations prises en vertu de l'article 14 du traité CECA, que le terme du 1er janvier 1988, assigné aux Etats pour la transposition de la recommandation par son article 4, premier alinéa, revêt un caractère impératif.
40. Par conséquent, le défaut de transposition de la recommandation par un Etat membre au terme ainsi fixé constitue une violation du droit communautaire.
41. Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l'article 4, premier alinéa, de la recommandation doit être interprété en ce sens que le terme du 1er janvier 1988 a un caractère impératif et que son dépassement constitue une violation du droit communautaire.
42. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions à elle posées par le Tribunale di Brescia par ordonnance en date du 28 avril 1988, dit pour droit :
1) La recommandation n° 86-198-CECA de la Commission, du 13 mai 1986, relative à l'instauration d'un privilège pour les créances au titre des prélèvements sur la production du charbon et de l'acier, doit être interprétée en ce sens qu'en l'absence de toute mesure nationale de transposition la CECA peut, à l'expiration du délai fixé pour la transposition de la recommandation, se prévaloir de celle-ci à l'encontre d'un Etat membre qui ne l'a pas transposée, sous réserve que la reconnaissance du caractère privilégié de ses créances n'ait d'effet que vis-à-vis de cet Etat en mettant éventuellement cette Communauté en concours avec lui, mais ne réduise pas les droits des créanciers autres que l'Etat tels qu'ils résulteraient de l'application des règles nationales régissant les concours de créanciers en l'absence de la recommandation.
2) Le deuxième alinéa de l'article 4 de la recommandation doit être interprété en ce sens que la CECA peut faire valoir son privilège, dans les conditions et sous les réserves précisées ci-dessus, pour l'ensemble des créances qu'elle détient sur les entreprises au titre des prélèvements visés aux articles 49 et 50 du traité CECA, quelle que soit la date de leur naissance, dès lors que, en vertu des dispositions du droit national régissant les concours de créanciers, elles peuvent encore faire l'objet d'une admission au passif de la faillite.
3) L'article 4, premier alinéa, de la recommandation doit être interprété en ce sens que le terme du 1er janvier 1988 a un caractère impératif et que son dépassement constitue une violation du droit communautaire.