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Décisions

CJCE, 16 décembre 1981, n° 244-80

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Foglia

Défendeur :

Novello

CJCE n° 244-80

16 décembre 1981

LA COUR,

1. Par ordonnance du 18 octobre 1980, parvenue à la Cour le 5 novembre 1980, le Pretore de Bra a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, cinq questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 177 et à celle de l'article 95 du traité.

2. Cette ordonnance a été rendue dans le cadre d'un litige pendant devant le Pretore qui avait déjà donné lieu à une première série de questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 92 et 95 du traité, qui ont fait l'objet d'un arrêt de la Cour en date du 11 mars 1980 (Foglia/Novello, 104-79, Rec. p. 745).

3. Il y a lieu de rappeler que le litige au principal concerne les frais d'expédition encourus par le requérant, M. Foglia, négociant en vins établi à Santa Vittoria d'Alba, dans la province de Cuneo, Piémont, Italie, pour l'envoi de quelques cartons de vins de liqueur italiens achetés par la défenderesse, M. Novello, et expédiés, sur son ordre, à un destinataire à Menton, en France.

4. Il ressort du dossier que le contrat de vente entre Foglia et Novello stipulait que d'éventuelles impositions exigées par les autorités italiennes ou françaises et contraires au régime de la libre circulation des marchandises entre les deux pays, ou du moins indues, ne seraient pas mises à la charge de Novello. Foglia a repris une clause similaire dans son contrat avec l'entreprise Danzas qu'il a chargée de transporter les cartons de vins de liqueur à Menton ; cette clause prévoyait que ces mêmes impositions illégales ou indues ne seraient pas mises à la charge de Foglia.

5. La première ordonnance de renvoi, qui a donné lieu à l'arrêt du 11 mars 1980 précité, constatait que l'objet du litige se limitait à la seule somme payée au titre des droits de consommation lors de l'introduction des vins de liqueur sur le territoire français. Il apparaissait du dossier que ces droits de consommation avaient été payés à l'Administration française par Danzas, sans protestation ni réclamation ; que la note de frais d'expédition que Danzas avait présentée à Foglia et qui englobait le montant de ces taxes avait été payée intégralement par ce dernier sans qu'il y oppose la clause expressément convenue en ce qui concerne "les impositions illégales ou indues" ; que Novello, par contre, avait refusé de rembourser ce même montant à Foglia en invoquant la clause identique insérée dans son contrat.

6. Les moyens de défense avancés par Novello ayant été compris par le Pretore dans ce sens qu'ils mettaient en jeu la validité de la législation française concernant les droits de consommation sur les vins de liqueur au regard du traité CEE, il avait posé à la Cour une série de questions relatives à l'interprétation de l'article 95 et, accessoirement, de l'article 92.

7. Dans son arrêt du 11 mars 1980 précité, la Cour a dit pour droit qu'elle n'était pas compétente pour statuer sur les questions posées par la juridiction nationale. A cette occasion, elle a observé que :

"La fonction confiée à la Cour de justice par l'article 177 du traité consiste à fournir à toute juridiction de la Communauté les éléments d'interprétation du droit communautaire qui lui sont nécessaires pour la solution de litiges réels qui lui sont soumis. Si, par le biais d'arrangements du genre de ceux ci-dessus décrits, la Cour était obligée à statuer, il serait porté atteinte au système de l'ensemble des voies de recours juridictionnelles dont disposent les particuliers pour se protéger contre l'application de lois fiscales qui seraient contraires aux dispositions du traité".

8. Il résulte de l'ordonnance de renvoi que cet arrêt de la Cour a été contesté par la défenderesse au principal qui a estimé que la Cour, en portant cette appréciation, était intervenue dans le pouvoir discrétionnaire réservé au juge italien. Elle a soutenu qu'une telle application de l'article 177 par la Cour soulevait, dans le cadre national, une question d'ordre constitutionnel. A titre subsidiaire, elle a soulevé une question relative à l'interprétation de l'article 177 du traité CEE et demandé, au surplus, d'appeler en cause la République française.

9. Saisi de ces demandes, le Pretore a estimé qu'il y avait lieu de saisir à nouveau la Cour de justice en lui posant certaines questions relatives à l'interprétation de l'article 177 du traité, en vue d'obtenir une appréciation plus exacte et certaine de la portée et de la signification de l'arrêt du 11 mars 1980.

10. Considérant qu'un malentendu avait pu naître de la formulation de sa première ordonnance, le Pretore a insisté particulièrement sur un élément qui, selon lui, n'apparaissait pas clairement dans cette ordonnance. La défenderesse aurait en effet, dès la première audience de comparution, refusé de limiter sa demande au rejet pur et simple de la requête du demandeur. Usant d'une procédure qui n'aurait rien d'inhabituel en droit italien, elle aurait présenté une "demande - autonome dans certaines limites - de jugement déclaratoire de la situation juridique subjective et objective".

11. Pour ces raisons, le Pretore de Bra a décidé de saisir à nouveau la Cour et lui a posé les questions suivantes :

"1. Comment doit être interprété l'article 177 du traité CEE en ce qui concerne le pouvoir d'appréciation de la Cour de justice à l'égard de la formulation des questions interprétatives qui lui sont soumises et surtout à leur fonction dans l'économie de l'affaire a quo : plus particulièrement, quelles sont les attributions respectives de la Cour et des juges auteurs des renvois préjudiciels - compte tenu surtout des pouvoirs qui sont accordés à ces derniers par leurs systèmes nationaux respectifs - en vue de l'appréciation de toutes les circonstances de fait et de droit qui caractérisent les controverses du fond, ainsi que des questions qui y sont évoquées, surtout lorsque ce sont des jugements déclaratifs qui sont demandés dans les procédures a quo ?

2. Dans l'hypothèse où la Cour de justice, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, se déclare incompétente, pour un motif quelconque, pour se prononcer sur les questions qui lui ont été soumises, le juge auteur du renvoi, qui est tenu par son propre droit national de rendre de toute façon justice aux parties, peut-il, et dans quelles limites et selon quels critères, également procéder à l'interprétation du droit communautaire ou doit-il au contraire décider exclusivement à la lumière du droit national ?

3. Dans le cadre des critères interprétatifs de l'article 177 du traité CEE, existe-t-il dans le système communautaire un principe d'ordre général qui impose ou permet aux juges nationaux - saisis de controverses au cours desquelles surgissent des questions d'interprétation du droit communautaire qui mettent en cause des règles nationales appartenant éventuellement à des systèmes différents de celui du juge saisi - de décider, avant le renvoi à titre préjudiciel à la Cour de justice, d'appeler en cause les autorités de l'Etat membre intéressé ?

4. En tout cas, chaque fois que, devant les juridictions nationales ou par les juridictions nationales, il est soulevé dans un procès entre personnes privées une question d'interprétation qui implique directement les situations subjectives de citoyens ou d'opérateurs économiques relevant de l'un des Etats membres, ces situations subjectives du droit matériel communautaire bénéficient-elles d'un degré de protection différent et en tout cas affaibli par rapport au degré de protection que peuvent obtenir les mêmes situations subjectives dans le cas où les administrations des Etats membres dont les dispositions de droit font l'objet de questions interprétatives concernant leur compatibilité avec le traité CEE sont présents et parties au procès, soit devant les juges nationaux soit devant la Cour de justice CEE ?

5. L'article 95 CEE doit-il être interprété en ce sens que l'interdiction d'imposition interne différenciée en fonction de l'origine et de la provenance d'un produit vise des cas analogues à celui du régime fiscal français sur les vins de liqueur, décrit en détail dans l'affaire 104-79 ? "

Sur les 1re, 3e et 4e questions

12. Par sa première question, le Pretore a demandé que soit précisée la délimitation du pouvoir d'appréciation réservé par le traité au juge national, d'une part, et à la Cour, d'autre part, en ce qui concerne la formulation des questions préjudicielles et l'appréciation des circonstances de fait et de droit qui caractérisent les controverses du fond, spécialement dans le cas où le juge national est appelé à rendre un "jugement déclaratoire".

13. Les troisième et quatrième questions visent plus particulièrement le cas où les questions d'interprétation sont posées en vue de permettre au juge de résoudre des contestations concernant la compatibilité, avec le droit communautaire, de dispositions législatives nationales, émanées soit de l'état du for, soit, comme c'est le cas en l'espèce, d'un autre Etat membre. Il est demandé à ce sujet

- si, dans l'hypothèse où, devant les juridictions d'un Etat membre, sont mises en cause des dispositions législatives d'un autre Etat membre, il existe dans le système du droit communautaire un principe général qui imposerait ou permettrait au juge saisi d'une telle contestation d'appeler en cause les autorités de l'Etat concerné avant de se prononcer sur le renvoi préjudiciel à la Cour ;

- si le degré de protection dérivant pour les particuliers de la procédure de l'article 177 est différent selon qu'une telle contestation est soulevée dans le cadre d'un procès entre personnes privées ou d'un procès auquel est partie l'Administration de l'Etat dont la législation est mise en cause.

14. Quant à la première question, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour a eu l'occasion de le souligner dans les contextes les plus divers, que l'article 177 est fondé sur une coopération qui comporte une répartition des fonctions entre le juge national et le juge communautaire, dans l'intérêt de la bonne application et de l'interprétation uniforme du droit communautaire dans l'ensemble des Etats membres.

15. A cet effet, il appartient au juge national - en raison du fait qu'il est saisi du fond du litige et qu'il devra assumer la responsabilité de la décision à intervenir - d'apprécier au regard des faits de l'affaire la nécessité, pour rendre son jugement, de voir trancher une question préjudicielle.

16. En faisant usage de ce pouvoir d'appréciation, le juge national remplit, en collaboration avec la Cour de justice, une fonction qui leur est attribuée en commun en vue d'assurer le respect du droit dans l'application et l'interprétation du traité. Dès lors, les problèmes que peut soulever l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge national et les rapports qu'il entretient dans le cadre de l'article 177 avec la Cour relèvent exclusivement des règles du droit communautaire.

17. Afin de permettre à la Cour de remplir sa mission conformément au traité, il est indispensable que les juridictions nationales expliquent, lorsque ces raisons ne découlent pas sans équivoque du dossier, les raisons pour lesquelles elles considèrent qu'une réponse à leurs questions est nécessaire à la solution du litige.

18. Il faut en effet souligner que l'article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l'administration de la justice dans les Etats membres. Elle ne serait donc pas compétente pour répondre à des questions d'interprétation qui lui seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d'amener la Cour à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne répondent pas à un besoin objectif inhérent à la solution d'un contentieux. Une déclaration d'incompétence dans une telle hypothèse ne porte en rien atteinte aux prérogatives du juge national mais permet d'éviter l'utilisation de la procédure de l'article 177 à des fins autres que celles qui lui sont propres.

19. Au surplus, il y a lieu de relever que, si la Cour doit pouvoir s'en remettre de la façon la plus large à l'appréciation du juge national en ce qui concerne la nécessité des questions qui lui sont adressées, elle doit être mise en mesure de porter toute appréciation inhérente à l'accomplissement de sa propre fonction, notamment en vue de vérifier, le cas échéant, comme toute juridiction en a l'obligation, sa propre compétence. C'est ainsi que, compte tenu des répercussions de ses décisions en la matière, la Cour doit tenir compte dans l'exercice du pouvoir juridictionnel que lui confère l'article 177 non seulement des intérêts des parties au litige, mais encore de ceux de la Communauté et de ceux des Etats membres. Elle ne peut donc, sans méconnaître les tâches qui lui incombent, rester indifférente à l'égard des appréciations portées par les juridictions des Etats membres dans les cas exceptionnels où celles-ci pourraient avoir une incidence sur le fonctionnement régulier de la procédure prévue par l'article 177.

20. Si l'esprit de collaboration qui doit présider à l'exercice des fonctions assignées par l'article 177, respectivement, au juge national et au juge communautaire impose à la Cour le devoir de respecter les responsabilités propres du juge national, il implique en même temps que le juge national, dans l'usage qu'il fait des possibilités ouvertes par l'article 177, ait égard à la fonction propre remplie en la matière par la Cour.

21. Il y a donc lieu de répondre à la première question que si, selon l'économie de l'article 177, l'appréciation de la nécessité d'obtenir une solution aux questions d'interprétation soulevées au regard des circonstances de fait et de droit qui caractérisent les controverses au fond relève du juge national, il n'en appartient pas moins à la Cour d'examiner, en cas de besoin, les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence.

22. Ainsi que le Pretore l'a fait ressortir avec raison par ses troisième et quatrième questions, des problèmes particuliers peuvent se poser en ce qui concerne l'application de l'article 177 lorsque les questions d'interprétation sont soulevées par le juge national en vue de le mettre en état d'apprécier la conformité avec le droit communautaire d'actes législatifs d'un Etat membre. A cet égard, le Pretore a soulevé deux ordres de problèmes distincts.

23. La troisième question concerne l'hypothèse où, dans une procédure engagée entre particuliers devant une juridiction d'un Etat membre, une contestation est soulevée au sujet de la compatibilité, avec le droit communautaire, de la législation d'un Etat membre autre que celui du for. Le Pretore a posé à ce sujet la question de savoir si, dans un tel cas, l'Etat membre dont la législation est concernée pouvait être mis en cause dans l'instance engagée devant le juge saisi.

24. Il y a lieu de répondre à ce sujet qu'à défaut de dispositions du droit communautaire à cet égard, les possibilités d'une mise en cause devant une juridiction nationale d'un Etat membre autre que celui du for dépendent du droit de ce dernier et des principes de droit international.

25. Par la quatrième question, le Pretore a demandé si la protection assurée aux particuliers par la procédure de l'article 177 est différente, voire affaiblie, dans le cas où une question de ce genre est soulevée dans un litige entre particuliers, en comparaison des litiges qui opposent un particulier à l'administration.

26. A la question ainsi posée, il y a lieu de répondre en soulignant que tout particulier dont les droits sont lésés par des mesures d'un Etat membre contraires au droit communautaire doit avoir la possibilité de rechercher la protection d'un juge compétent et que, pour sa part, ce juge doit avoir la liberté de se faire éclairer sur la portée des dispositions pertinentes du droit communautaire par l'intermédiaire de la procédure de l'article 177. En principe, le degré de protection juridictionnelle ne doit dès lors pas être différent selon qu'une telle question est soulevée dans un procès entre particuliers ou dans une action à laquelle est partie, sous une forme ou une autre, l'Etat dont la législation est mise en cause.

27. Cependant, ainsi que la Cour l'a précisé dans sa réponse à la première question ci-dessus, il appartient à la Cour, en vue de vérifier sa propre compétence, d'apprécier les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national. Dans ce contexte, la question de savoir si une action en justice est engagée entre particuliers ou si elle est dirigée à l'encontre de l'état dont la législation est mise en cause n'est pas en toutes circonstances indifférente.

28. D'une part, il faut attirer l'attention sur le fait que le juge saisi dans le cadre d'un litige entre particuliers d'une contestation portant sur la compatibilité avec le droit communautaire de la législation d'un autre Etat membre ne se trouve pas nécessairement en position de pouvoir donner aux particuliers une protection juridique efficace à l'égard de cette législation.

29. D'autre part, compte tenu de l'autonomie généralement reconnue aux parties par le droit des Etats membres en matière contractuelle, on ne saurait exclure de la part des parties des comportements destinés à mettre l'Etat intéressé dans l'impossibilité de pourvoir à une défense adéquate de ses intérêts en faisant décider la question de l'invalidité de sa législation par une juridiction d'un autre Etat membre. On ne peut donc, dans de telles situations procédurales, exclure le risque que la procédure de l'article 177 soit détournée par les parties des fins pour lesquelles elle a été prévue par le traité.

30. Il découle de l'ensemble des considérations qui précèdent que, pour sa part, la Cour doit user d'une vigilance particulière lorsqu'elle est saisie, dans le cadre d'un litige entre particuliers, d'une question destinée à permettre au juge de porter une appréciation sur la conformité, avec le droit communautaire, de la législation d'un autre Etat membre.

31. Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que, dans le cas de questions destinées à permettre au juge national d'apprécier la conformité au droit communautaire d'actes législatifs ou réglementaires d'un autre Etat membre, le degré de protection juridictionnelle ne saurait être différent selon que de telles questions sont soulevées dans un procès entre particuliers ou dans une action à laquelle est partie l'état dont la législation est mise en cause, mais que, dans le premier cas, la Cour doit tout spécialement veiller à ce que la procédure de l'article 177 ne soit pas utilisée à des fins non voulues par le traité.

Sur la cinquième question

32. Dans sa cinquième question, le Pretore de Bra reprend, sous une forme abrégée, la première question posée dans sa première ordonnance et relative à l'interprétation de l'article 95 du traité. Dans son arrêt du 11 mars 1980 précité, la Cour a constaté que les parties portaient une appréciation commune sur la légalité de la législation française en cause et qu'elles visaient en réalité à obtenir, par le biais d'une clause particulière insérée dans leur contrat, une condamnation de la législation française par une juridiction italienne, bien que le droit français comportât des voies de recours adéquates. La Cour a conclu que répondre aux questions posées dans un tel contexte allait au-delà de la fonction qui lui est confiée par l'article 177 du traité qui consiste à fournir à toute juridiction de la Communauté les éléments d'interprétation du droit communautaire qui lui sont nécessaires pour la solution de litiges réels qui lui sont soumis. Elle s'est donc déclarée incompétente pour statuer sur les questions posées.

33. Dans sa deuxième ordonnance de renvoi, le Pretore a spécialement relevé le fait que la partie défenderesse lui avait demandé de rendre un "jugement déclaratoire". A ce propos, il convient de préciser que les conditions dans lesquelles la Cour accomplit sa fonction en la matière sont indépendantes de la nature et de l'objectif des procédures contentieuses engagées devant les juridictions nationales. L'article 177 se réfère au "jugement" à rendre par le juge national sans prévoir un régime particulier en fonction de la nature de celui-ci.

34. La circonstance relevée par le juge dans sa seconde ordonnance de renvoi ne paraît donc pas constituer un fait nouveau qui justifierait une appréciation nouvelle par la Cour de sa compétence. Il appartient dès lors au Pretore, dans le cadre de la collaboration entre une juridiction nationale et la Cour, d'examiner à la lumière des considérations qui précèdent, s'il subsiste une nécessité d'obtenir une réponse de la Cour à la cinquième question et, dans ce cas, de fournir à la Cour tout élément nouveau qui puisse justifier une appréciation différente par celle-ci de sa compétence.

Sur la deuxième question

35. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de répondre à cette question.

36. Les frais exposés par le Gouvernement français, le Gouvernement danois et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Pretore de Bra par ordonnance du 18 octobre 1980, dit pour droit :

1. Selon l'économie de l'article 177, l'appréciation de la nécessité d'obtenir une solution aux questions d'interprétation soulevées au regard des circonstances de fait et de droit qui caractérisent les controverses au fond relève du juge national ; il n'en appartient pas moins à la Cour d'examiner, en cas de besoin, les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence.

2. A défaut de dispositions du droit communautaire, les possibilités d'une mise en cause devant une juridiction nationale d'un Etat membre autre que celui du for dépendent à la fois du droit procédural de ce dernier et des principes du droit international.

3. Dans le cas de questions destinées à permettre au juge national d'apprécier la conformité au droit communautaire d'actes législatifs ou réglementaires d'un autre Etat membre, le degré de protection juridictionnelle ne saurait pas être différent selon que de telles questions sont soulevées dans un procès entre particuliers ou dans une action à laquelle est partie l'état dont la législation est mise en cause, mais, dans le premier cas, la Cour doit tout spécialement veiller à ce que la procédure de l'article 177 ne soit pas utilisée à des fins non voulues par le traité.

4. La circonstance relevée par le Pretore de Bra dans sa seconde ordonnance de renvoi ne paraît pas constituer un fait nouveau qui justifierait une appréciation nouvelle par la Cour de sa compétence et il appartient dès lors au Pretore, dans le cadre de la collaboration entre une juridiction nationale et la Cour, d'examiner, à la lumière des considérations du présent arrêt s'il subsiste une nécessité d'obtenir une réponse de la Cour à la cinquième question et, dans ce cas, de fournir à la Cour tout élément nouveau qui puisse justifier une appréciation différente par celle-ci de sa compétence.