Conseil Conc., 17 novembre 2005, n° 05-D-63
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par La Poste et certaines de ses filiales dans le secteur du traitement du courrier et d'autre part, à des pratiques reprochées à La Poste et certains syndicats de routeurs dans le secteur de la préparation des objets postaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Combaldieu, par Madame Perrot, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Béhar-Touchais, Renard-Payen, ainsi que MM. Flichy, Honorat, membres.
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu les lettres enregistrées les 25 février 1998 et 27 juin 2000 sous le numéro F 1021, par lesquelles le Syndicat national des entreprises de logistique de publicité directe (ci-après SNELPD) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par La Poste et ses filiales Médiapost, Datapost et Dynapost; Vu la décision du Conseil de la concurrence du 20 novembre 2002 relative à la saisine enregistrée sous le n° 02/0099 F, par laquelle il s'est saisi d'office des pratiques susceptibles d'être mises en œuvre par La Poste et certains syndicats de routeurs dans le secteur de la préparation d'objets postaux pour le compte de La Poste ; Vu la décision de jonction du rapporteur général du Conseil de la concurrence du 26 novembre 2002 ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu les décisions de secret des affaires n° 03-DSA-26 du 24 juillet 2003 pour le groupe La Poste et n° 03-DSA-27 du 25 juillet 2003 pour Speos ; Vu les observations présentées par le groupe La Poste, le SNELPD et le Syndicat National de la Communication Directe (ci-après SNCD) et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants du groupe La Poste, du SNELPD et du SNCD entendus lors de la séance du 20 septembre 2005 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE SECTEUR CONCERNÉ
1. Le routage a été défini par la Commission européenne comme " une activité de préparation de courrier en amont de la prise en charge de celui-ci par La Poste dans le cadre de ses prestations du domaine réservé " (décision n° 2002-344-CE du 23 octobre 2001). Dans cette activité, la relation qu'entretiennent les routeurs et La Poste est double, les routeurs étant à la fois des usagers de La Poste " dans la mesure où ils se substituent à des émetteurs de courrier qui leur confient le dépôt de leurs envois auprès de La Poste ", mais également des fournisseurs de La Poste " dans la mesure où ils exécutent certaines prestations en lieu et place de l'exploitant public, en amont des opérations situées dans le périmètre de son domaine réservé ". Ainsi, l'activité de routage donne lieu à l'établissement de relations entre d'une part, l'émetteur-annonceur et le routeur et d'autre part, entre le routeur et La Poste.
1. LE MARCHE AVAL : LE SERVICE POSTAL, DOMAINE RÉSERVÉ DE LA POSTE
2. Le groupe La Poste (ci-après La Poste), regroupe trois métiers : colis, courrier et services financiers. Entreprise publique, avec 17 000 points de contacts répartis sur 11 000 communes, La Poste emploie près de 280 000 personnes, et réalise un chiffre d'affaires consolidé de 15 Md'euro en 1999, 16 Md'euro en 2000, plus de 17 Md'euro en 2001 et 2002 et plus de 18 Meuro en 2003 et 2004. Le courrier en représente entre 75 et 80 % (10.8 Meuro en 2004) et le colis entre 7 et 8 %. Par ailleurs, 8 délégations régionales exerçaient en 1999 leur tutelle hiérarchique et fonctionnelle sur 95 directions départementales. A ce jour, les directions départementales sont au nombre de 100.
3. La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et des télécommunications a transformé le statut de La Poste à compter du 1er janvier 1991. Celle-ci a été érigée en exploitant autonome de droit public, dont les missions, exercées pour partie en monopole, pour partie en concurrence ont été à cette occasion redéfinies.
4. La directive 97-67-CE du 15 décembre 1997, concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux et l'amélioration de la qualité du service, a modifié le cadre juridique des activités postales : cette directive a été transposée en droit national par l'article 19 de la loi du 25 juin 1999, modifiant la loi n° 90-568 précitée.
5. Par cette loi, La Poste, désignée comme le prestataire du service universel, a pour mission, d'une part, d'assurer le service public des envois postaux et, d'autre part, dans le respect des règles de concurrence, d'assurer tout autre service de collecte, de transport et de distribution d'envois postaux. Les articles L. 1 et L. 2 du Code des postes et des télécommunications ont également été modifiés pour y intégrer le périmètre des services réservés exclusivement à La Poste, c'est-à-dire les envois de correspondances de moins de 350 grammes et les envois d'un tarif inférieur à cinq fois le tarif de base, le publipostage et le courrier transfrontalier sortant restant dans ce périmètre.
6. La directive 2002-39 du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002 a modifié la directive 97-67-CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté. En France, depuis le 1er janvier 2003, La Poste a perdu son monopole sur le courrier de plus de 100 grammes ou dont l'affranchissement dépasse trois fois celui d'une lettre standard. En 2009, il est prévu une libéralisation complète du marché postal.
7. Le cahier des charges, approuvé par décret n° 90-1214 du 29 décembre 1990, modifié par le décret n° 2001-122 du 8 février 2001, précise les conditions dans lesquelles l'exploitant public exerce ses missions. Ainsi, lorsque La Poste achète des prestations de service, le dispositif réglementaire postal et les dispositions du cahier des charges de La Poste, laissent à cette dernière une grande liberté pour établir les contrats adéquats. Quand les routeurs sont assimilables à des fournisseurs de La Poste, les tarifs concernés sont simplement communiqués au ministre pour information et non homologués, à la différence des tarifs relevant du secteur réservé.
2. LE ROUTAGE
a) Les composantes principales de l'activité de routage
8. Le routeur exerce plusieurs types d'opérations de pré-postage, situées en amont des activités de La Poste.
9. Historiquement, le coeur de métier du routage est constitué du traitement physique de la mise sous pli et des opérations de tri. Il comprend le conditionnement, le tri et l'affranchissement.
10. Le conditionnement est l'activité d'assemblage, de façonnage (coupage et pliage), d'adressage, de mise sous enveloppe ou sous film et de " colisage ". Les progrès techniques permettent de réduire l'utilisation de main d'œuvre à ce stade.
11. Le tri comprend le groupement en liasses et sacs postaux par destination (par département, ville importante) des objets postaux. L'objectif est de faciliter l'acheminement des plis et donc d'accélérer la distribution postale. Il peut être décomposé en deux catégories. Le premier type de tri permet simplement d'accéder aux tarifs préférentiels de La Poste (Postimpact, Catalogue, Coliéco), selon des critères de présentation, de volume par expédition, de poids et de tri. Le second type de tri est un tri complémentaire plus fin, sous forme de travaux préparatoires effectués par les routeurs ou directement par les clients (depuis 1999), et achetés par La Poste, sous la forme de contrats techniques.
12. L'affranchissement (si les objets sont distribués par voie postale, ce qui n'est pas obligatoire au-delà de certains seuils de tarifs ou de poids), consiste en l'apposition de la valeur du timbre par catégorie de produit et par tranche tarifaire (passage de l'objet postal dans une machine à affranchir).
13. Suivant les choix industriels des routeurs (spécialisation dans le traitement de tel ou tel produit ou à un stade donné de la chaîne de routage) et en fonction de l'état (croissant) d'informatisation actuel, l'offre de prestations est axée sur certaines parties de la chaîne de traitement des envois (toujours en amont de la distribution) c'est-à-dire le traitement informatique des fichiers transmis par les clients et l'adaptation aux normes postales, le traitement des documents qui constituent les envois (réception, vérification, façonnage, adressage), le conditionnement (assemblage, mise sous enveloppe ou sous film et affranchissement), les travaux de regroupement (massification et tri) et enfin les travaux postaux stricto sensu (mise en sac, liasse ou conteneur et étiquetage selon la norme postale).
b) Les activités complémentaires du routage : la diversification
14. L'activité des routeurs a évolué et certains offrent maintenant une palette de services, notamment grâce à l'informatisation. Les routeurs sont devenus des " intégrateurs de services " qui prennent en charge les trois grandes fonctions suivantes : le traitement informatique des données, le conditionnement des envois combiné au tri postal (le " coeur de métier ") et la préparation et expédition des commandes. La diversification des activités des routeurs représente 35 % du chiffre d'affaires de la profession. Huit grands domaines de diversification peuvent être distingués : le marketing direct, la logistique de VPC (fulfillment), les travaux d'impression, le stockage et le transport, l'archivage et la gestion électronique de documents, l'informatique, la gestion de la relation client et, enfin, quelques activités diverses comme l'info-gérance de documents, certains travaux manuels ou la vente de fournitures.
15. Pour les routeurs ayant développé des activités de diversification, ces dernières sont considérées comme apportant une valeur ajoutée bien supérieure à celle générée par le coeur de métier, qui a connu des baisses de prix au cours des dernières années.
16. Les axes de spécialisation sont différents selon les métiers. Ainsi, pour les routeurs de courrier publicitaire, la diversification consiste à proposer l'ensemble des prestations relevant de la chaîne du marketing direct et à devenir ainsi l'unique interlocuteur de l'émetteur, assurant même la gestion de la relation client. Pour les routeurs " laséristes ", la diversification concerne les traitements informatiques (en amont) de documents et la gestion électronique des documents (archivage) afin de proposer également des solutions complètes, " clef en main ". Quant aux " coliseurs ", la diversification passe par la maîtrise d'œuvre de la logistique de la VPC et de la distribution des colis, assurant, là encore, un ensemble étendu de prestations.
17. L'internalisation de ces activités concerne principalement les grands routeurs, les petits routeurs se contentant de les sous-traiter.
c) Les produits et services de La Poste concernés par l'activité de routage
18. Les faits examinés dans cette décision ne concernent ni le routage de presse ni les imprimés sans adresse. Ne seront donc considérés ci-après que les routages colis et du courrier, et, pour ce dernier, du courrier adressé.
19. Le courrier adressé comprend le courrier de marketing direct (gammes Postimpact, Catalogue et Coliéco) et le courrier de gestion. Quant au courrier non adressé, constitué par l'ISA (Imprimé Sans Adresse), il n'entre pas davantage dans le champ d'application de cette décision.
20. Les contrats relatifs aux tarifs généraux (TG) concernent les correspondances et ceux relatifs aux tarifs spéciaux (TS) la prospection commerciale et les colis en nombre. Ils permettent aux clients importants de bénéficier de remises tarifaires en contrepartie de leur prise en charge de certains aspects de la préparation du courrier. Les tarifs de ces services, offerts sous droits exclusifs, sont fixés par La Poste et soumis à homologation du ministre chargé des postes et télécommunications et du ministre chargé de l'économie et des finances. Les contrats-types leur sont soumis selon les mêmes modalités. Il convient de signaler que pour les services offerts en concurrence, l'exploitant a seulement l'obligation de transmettre ses tarifs pour information, au ministre chargé des postes et télécommunications et au ministre chargé de l'économie et des finances, un mois avant leur publication.
Les tarifs TS et TG
21. Les différents produits ou services concernés par l'activité de routage de courrier adressé sont les suivants :
- Postimpact : Il s'agit d'envois de prospection commerciale, de promotion ou de messages à caractère général dont le poids maximum est de 350 grammes. Ils ouvrent droit aux tarifs spéciaux TS1, TS2 et TS3, dont l'application dépend du nombre de plis à déposer et de la finesse du pré-tri. Trois types de prestations relevant de Postimpact appartiennent à la gamme : le " Postimpact mécanisable " c'est-à-dire adapté aux traitements automatiques, le " Postimpact standard-distri " qui laisse un plus grand choix dans la conception et la présentation du mailing, et le " Postimpact libre " qui offre une grande liberté de présentation dans les messages.
22. Avant 1999, l'existence de seuils d'accès en volume aux contrats TS2 et TS3 (le TS3 était le tarif le plus recherché) obligeait, d'une part les petits annonceurs à faire appel à des routeurs qui, en massifiant les flux de plusieurs émetteurs, avaient accès à ces tarifs plus avantageux et, d'autre part, certains petits routeurs à recourir à des routeurs-regroupeurs, pour les mêmes raisons. Dans ce cadre, ces derniers percevaient une rémunération du routeur pour l'accès au contrat mais aussi une rémunération de La Poste pour le tri supplémentaire effectué dans le cadre des contrats techniques. Depuis 1999, il n'y a plus de condition de volume annuel pour l'accès aux tarifs TS 2 et TS 3.
23. En 1999, la part de marché des routeurs pour le produit Postimpact, en volume, était de 78,7 %, répartie entre les routeurs de marketing direct (77,2 %) et les laséristes (1,5 %).
- Catalogue : ce sont des envois de communication générale, de prospection commerciale ou de promotion, qui peuvent comporter un ou plusieurs feuillets détachés ou encartés. Leur poids est compris entre 350 grammes et 3 kilos. Ils ouvrent droit à des tarifs particuliers (quatre seuils) selon des critères de volume, de poids, de pré-tri et de présentation. Ce service est offert en concurrence à des clients qui sont principalement des sociétés de VPC.
24. En 1999, la part de marché des routeurs pour le produit catalogue, en volume, était de 71,8 % répartie entre les routeurs de marketing direct (70,6 %) et les laséristes (1,2 %).
- Coliéco : Ce sont des marchandises auxquelles peuvent être joints des documents, des lettres, des factures, à caractère publicitaire ou informatif. Le poids maximum d'un Coliéco est de 25 kilos. Le Coliéco ouvre droit à des tarifs spéciaux TS1 et TS2 selon des critères similaires à ceux du Postimpact : volume, poids, pré-tri, présentation. Ce service est également offert en concurrence à des clients qui sont principalement des sociétés de VPC.
25. En 1999, la part de marché des routeurs pour le produit Coliéco, en volume, était inférieure à 63,4 % et quasi-intégralement traitée par les routeurs de marketing direct.
- Courrier de gestion : Cette catégorie comprend des lettres et des écoplis. Les lettres désignent les correspondances personnelles de service rapide dont le poids maximum est de 3 kilos. Les écoplis sont des correspondances personnelles à tarif réduit dont le poids ne dépasse pas 250 grammes. Ils n'ouvrent pas droit aux tarifs spéciaux (TS) et sont donc concernés par le tarif général (TG) avec un tarif préférentiel pour les grands émetteurs de courrier de gestion, l'"écopli en nombre".
26. En 1999, la part de marché des routeurs pour le courrier de gestion, en volume, était de 11,7 % répartie entre les routeurs de marketing direct (4,1 %) et les laséristes (7,6 %).
La sous-traitance d'activités pour La Poste : les contrats dits " contrats techniques " ou " contrats tarifaires "
27. L'objectif des contrats techniques est de faire réaliser par les routeurs ou les annonceurs, en sous-traitance, des prestations supplémentaires de préparation du courrier. Ces prestations sont différentes de celles qui permettent l'accès aux tarifs spéciaux.
28. Le décret du 23 décembre 1970 a autorisé La Poste à rémunérer ces prestations postales. La Poste étant la seule intéressée par ces prestations, elle est le seul acheteur et se trouve donc en situation de monopsone.
Les contrats techniques TS
29. Les premiers contrats réservés aux routeurs, dits " contrats tarifaires ", ont été mis en place à partir de 1971. Ces contrats prévoyaient une remise sur le tarif d'affranchissement (TS) en contrepartie de travaux de tri.
30. De 1995 à 1999, la rémunération des routeurs a évolué tant d'un point de vue financier que matériel. En effet, d'une part la rémunération n'est plus basée sur le tarif d'affranchissement mais est fonction des volumes (rémunération " au mille ", selon le degré de préparation des objets) et d'autre part, la rémunération se décompose en deux " pôles ", le " pôle technique " et le " pôle qualité ".
31. Le " pôle technique " vise à affiner le tri opéré dans un premier temps par les routeurs pour l'accès aux tarifs préférentiels. Le degré de préparation du courrier donne un certain nombre de points, lesquels combinés à un prix pour mille plis, déterminent la rémunération totale versée par La Poste au routeur.
32. Le "pôle qualité" rémunère plusieurs critères : l'exactitude et la transparence (les documents d'affranchissement sont sincères : le routeur révèle l'identité de ses clients à La Poste) ; le processus de production (la bonne date, la bonne présentation, la fiabilité des prévisions de dépôt à La Poste) ; l'adresse (fichiers adresses à jour) et la sécurité financière des routeurs.
33. En 1999, la rémunération a été modifiée : notamment, les seuils d'accès aux contrats ont été revus ; le principe de la rémunération " au mille " a été conservé.
34. Depuis cette date, trois contrats rémunèrent, désormais, les travaux préparatoires. Ces contrats sont accessibles à tous les opérateurs (émetteurs de courrier et routeurs), pourvu qu'ils déposent un certain nombre de plis par an et que les plis soient affranchis en TS. Ces contrats sont les suivants :
- contrat qualité ( critères de bonne date, bonne direction, bonne prévision, bonne présentation des plis, bon remplissage des contenants) pour un minimum de 3 millions de plis par an ;
- contrat de présentation, qui comprend les dispositions du contrat qualité et ajoute une rémunération du travail réalisé très en amont sur les fichiers informatiques, pour un minimum de 3 millions de plis par an avec un minimum de 20 000 plis par prospection ;
- contrat de préparation, qui comprend les dispositions des contrats de présentation et qualité et qui y ajoute des conditions de volume, pour un minimum de 30 millions de plis par an, avec 50 000 plis minimum par expédition (il s'adresse principalement aux regroupeurs).
Le contrat technique " TG " ou " lettres-écoplis "
35. Également appelé " avenant au contrat machine à affranchir ", ce contrat, qui s'applique aux lettres et écoplis, se matérialise par une remise sur affranchissement, variable selon certains critères (qualité, préparation et tri), qui rémunère les services rendus par le routeur à La Poste. Cette remise est indépendante de la remise de 1 % accordée dans le cadre de l'utilisation d'une machine à affranchir (contrat machine à affranchir). En outre, l'accès à ce contrat est subordonné à une condition de volume : 1,2 million de plis déposés l'année précédente. Ce contrat a fait l'objet de modifications concernant les exigences en terme de qualité, de niveau de préparation et de tri, mais il a conservé le principe de la rémunération basée sur le montant des affranchissements.
36. En 1998, le montant des versements de La Poste aux routeurs (83 Meuro), au titre des contrats techniques, se répartissait selon les différents objets traités. Pour le contrat Postimpact, La Poste a versé 49,32 Meuro, pour le contrat catalogue, 2,25 Meuro, pour le contrat Colieco, 19,7 Meuro et, pour les remises TG, 11,4 Meuro.
37. Les rémunérations versées par La Poste au titre des contrats techniques TS sont principalement perçues par quatre catégories d'opérateurs : les regroupeurs (27,9 %), les intégrateurs de services marketing (27,8 %), les routeurs VPCistes (15,1 %) et les routeurs nationaux (14,1 %). Il est à noter que deux catégories de routeurs en sont particulièrement dépendants : tout d'abord les regroupeurs, puisque la rémunération au titre des contrats TS représente 85,9 % de leur chiffre d'affaires, et dans une moindre mesure, les VPCistes, pour lesquels la rémunération représente 37,2 % de leur chiffre d'affaires.
38. Quant aux remises TG, elles sont majoritairement perçues par les laséristes (60 %) et dans une moindre mesure par les intégrateurs de services marketing (20 %).
d) Les opérateurs
39. Le terme de routage regroupe deux types d'activités différents : d'une part les prestations pour le compte d'émetteurs de courrier et, d'autre part, les travaux préparatoires effectués en lieu et place de La Poste.
40. Ces opérations génèrent plusieurs types de flux financiers : entre l'émetteur de courrier et le routeur (prestations de routage et diversification) ; entre l'émetteur de courrier et La Poste via un routeur (si le routeur agit comme sous-traitant) ; entre les routeurs (en cas de sous-traitance) ; enfin, entre les routeurs et La Poste (rémunération des travaux de préparation du courrier).
Les entreprises émettrices de courrier (appelées également annonceurs ou émetteurs de courrier)
41. Le large éventail des prestations offertes par les routeurs aux émetteurs de courrier répond à une volonté de ces derniers de traiter avec un guichet unique, ce qui a pour conséquence d'inciter les routeurs à ajouter à leur offre de nouvelles prestations, à forte marge, et à se différencier.
42. Les grands émetteurs de courrier de gestion (banques et assurances, grands comptes) confient principalement leurs envois aux laséristes, alors que la VPC fait généralement appel aux routeurs généralistes nationaux qui gèrent la majorité des flux de Postimpact et de colis (voir l'étude GBC). Les autres émetteurs isolés ne semblent pas avoir de préférences aussi marquées que les deux précédentes catégories, du fait qu'ils génèrent des flux de courrier de différents types (courrier de gestion, courrier publicitaire, colis).
43. La rémunération des routeurs par les émetteurs combine deux systèmes : une rémunération directe versée pour les prestations de fourniture de fichiers, de matériels (enveloppes, film) et de conditionnement ; une rémunération du rôle d'intermédiation joué par les routeurs pour l'accès aux tarifs spéciaux de La Poste (Coliéco, Catalogue, Postimpact).
La Poste
44. La Poste est à la fois cliente et concurrente des routeurs.
45. Cliente, elle fait exécuter par les routeurs des travaux préparatoires qu'elle rémunère. Il s'agit d'opérations de préparation du courrier et de conditionnement des envois respectant certaines normes de présentation, de tri par destination et de dépôt auprès de La Poste. Ces travaux, de nature différente de ceux demandés par les émetteurs de courrier (pré-tri plus fin allant jusqu'à la tournée des facteurs, conditionnement par conteneurs particuliers), permettent à La Poste de faciliter l'acheminement et la distribution et se matérialisent sous la forme de contrats de prestations.
46. La rémunération des routeurs varie en fonction de la nature et de la finesse du tri et comprend deux composantes, l'une relevant du niveau de tri réalisé et l'autre dépendant du respect des normes postales.
47. La compensation financière se traduit soit par l'accession des routeurs à une rémunération des travaux " au mille " pour les contrats techniques TS (marketing direct), soit par une remise sur affranchissement pour les contrats techniques " lettres-écoplis " TG (courrier de gestion), sous forme d'"avenant machine à affranchir".
48. Dans le domaine du marketing direct, la demande émanant de La Poste (contrats techniques) a représenté, en 1998, 8,6 % du chiffre d'affaires des routeurs de marketing direct (donc hors laséristes). En réalité il serait de 14 % si le périmètre d'activités retenu ne comprenait que le routage, hors activités de diversification et de personnalisation ou d'éditique. Pour certains segments de routeurs, la part du chiffre d'affaires que représentent les travaux effectués pour La Poste peut atteindre des montants bien plus élevés, jusqu'à 85,9 % pour la catégorie des regroupeurs. Dans le domaine du courrier de gestion, La Poste a représenté 2,7 % du chiffre d'affaires des routeurs spécialisés dans ce type de courrier (laséristes).
49. La Poste est également concurrente des routeurs, car elle effectue des opérations de routage en interne ou via ses filiales, elles-mêmes regroupées au sein de la holding Sofipost.
50. De 1984 à 1999, Sofipost SA (ci-après Sofipost 1), gérait l'ensemble des participations de La Poste dans ses filiales. Il s'agissait de la holding unique des filiales de La Poste, qui avait pour mission le développement du groupe et la structuration des filiales. Le 15 décembre 1998, La Poste a approuvé une réorganisation industrielle des activités express, monocolis et logistique au sein d'un même pôle. Sofipost est devenue " Co&Lo " (société holding des filiales colis et logistique de La Poste) puis Géopost. Une autre entité juridique, dénommée Sf Trio puis Sofipost (ci-après Sofipost 2) regroupe les autres filiales dont les filiales courrier visées par la notification des griefs relative à la présente décision. Elle a pour mission générale de contrôler, animer et coordonner le groupe des filiales. Elle contrôle la gestion et les projets de budget et gère la trésorerie et les financements des filiales. En revanche, elle ne prend aucune décision sur les stratégies à mettre en œuvre en leur sein. C'est La Poste qui, à travers les comités stratégiques des filiales ou les conseils d'administration de ces mêmes filiales, dispose de la capacité décisionnelle de déployer des stratégies opérationnelles. Les filiales courrier de La Poste concernées par la présente décision sont les sociétés Dynapost et Datapost (devenue " Aspheria ").
51. Concernant ces activités, la Commission européenne a indiqué, dans sa décision 2002-344- CE du 23 octobre 2001 : " (§ 9) La Poste et certaines de ses filiales proposent à leur clientèle professionnelle des prestations qui entrent directement en concurrence avec les services offerts par les entreprises de routage décrites.(§ 10) La Poste offre ainsi des services d'affranchissement, de conditionnement et de dépôt dans le circuit postal (tel par exemple le service Mailev@ lancé pendant l'année 2000, assurant une gamme de prestations depuis l'impression de documents et d'enveloppes jusqu'à leur mise dans le réseau postal) notamment par l'intermédiaire des unités "Carré Pro" déployées dans plus de 400 bureaux de poste. Le chiffre d'affaires des "Carrés Pro", bien que difficilement individualisable, est estimé par La Poste à quelque 227 millions de francs français en 1999. (§ 11) Les filiales de La Poste actives dans le domaine du routage concerné par la présente décision sont principalement Datapost, Mikros et Dynapost. L'activité de Datapost, entreprise créée en 1994 et spécialisée dans l'éditique recoupe celle des routeurs laséristes. Datapost propose notamment des prestations d'éditique pure (tri et préparation informatiques de la production, impression) mais aussi de mise sous enveloppe, de conditionnement et de dépôt des envois auprès de La Poste. Cette entreprise compte environ 165 salariés et plus de 250 clients. Son chiffre d'affaires a triplé entre 1996 et 1999, passant de 32 millions de francs français à 107 millions de francs français. Datapost a supporté des pertes d'exploitation élevées au moins jusqu'en 1999. En novembre 2000, La Poste s'est rendue acquéreur de la société Mikros, un autre acteur important de l'éditique et du routage. Cette acquisition a été suivie de la création d'un "pôle commun" unissant Mikros et Datapost. La filiale Dynapost intervient pour sa part dans la gestion du courrier interne des entreprises mais réalise également des prestations de collecte, d'affranchissement et de tri. Elle compte environ 500 salariés et a réalisé un chiffre d'affaires de 275 millions de francs français en 1999(§ 12). La Poste n'a pas contesté qu'elle-même ou les filiales fournissent des prestations de routage que ce soit en qualité de fournisseurs de La Poste ou en qualité d'usagers de son réseau sous monopole. Au total, La Poste, tant par ses produits propres que par l'intermédiaire de Datapost et Mikros d'une part, et de Dynapost d'autre part, représenterait au moins 10 % du marché du routage et de l'éditique. Le chiffre d'affaires des services de La Poste et des filiales concernées a au total avoisiné 800 millions de francs français en 1999. Ce montant est à comparer avec les évaluations du marché du routage comprises entre 4,8 et 6,4 milliards de francs français évoquées précédemment). (§ 13) Ainsi, les services proposés par les entreprises de routage sont fournis aux émetteurs du courrier en concurrence avec La Poste et ses filiales. Or, compte tenu du monopole postal dont jouit La Poste, les routeurs, en leur double qualité d'usagers du réseau postal et de fournisseurs de services à l'exploitant public, sont nécessairement obligés d'accepter les conditions financières et techniques fixées par La Poste pour la réception du courrier traité par leurs soins. La Poste est en effet un partenaire incontournable pour la bonne fin des prestations offertes par les routeurs à leur clientèle ".
Les routeurs
52. On peut distinguer les routeurs suivant deux critères : en premier lieu, selon les produits sur lesquels ils travaillent (marketing direct, courrier de gestion) et en deuxième lieu, selon l'étendue des prestations offertes (service rendu à l'émetteur, préparations pour La Poste). On peut ainsi dégager deux catégories principales d'entreprises de routage selon la nature et l'étendue de leur offre de service principale : les spécialistes du marketing direct et les spécialistes du courrier de gestion.
53. Les spécialistes du marketing direct comprennent :
- les routeurs conditionneurs et les routeurs conditionneurs-trieurs qui traitent le courrier dans des proportions différentes selon leur degré de spécialisation, proposant généralement le conditionnement et le tri d'envois, l'accès aux tarifs préférentiels de La Poste mais également les prestations à forte valeur ajoutée qui visent à maîtriser l'ensemble de la chaîne du marketing direct, dans le cadre de la diversification de leur activité. Leurs principaux clients sont donc des émetteurs de courrier, la rémunération que ces routeurs reçoivent de La Poste concernant principalement la qualité des préparations. La distinction entre routeurs conditionneurs et routeurs conditionneurs-trieurs est directement liée à leur capacité à atteindre les seuils de tarification préférentielle les plus avantageux, fixés par La Poste. Cette capacité dépend fortement de la taille des routeurs et de leur degré d'équipement. Lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions de volume pour atteindre les seuils, les routeurs, qui ne sont alors que des conditionneurs, font appel aux regroupeurs qui leur permettent ainsi d'avoir accès indirectement aux contrats préférentiels les plus intéressants de La Poste ;
- les intégrateurs de services marketing qui, s'ils ont une activité très centrée sur le Postimpact (89,3% du CA), proposent une forte activité de diversification ;
- les routeurs VPCistes, filiales de groupes de VPC ;
- les routeurs imprimeurs ou filiales d'imprimeurs ;
- les routeurs nationaux ;
- les généralistes locaux ;
- les " coliseurs " ;
- les logisticiens de distribution ;
- les regroupeurs : l'activité des regroupeurs est double. En effet, d'une part, ils offrent aux routeurs l'accès aux tarifs préférentiels les plus intéressants (TS3 pour le Postimpact, TS2 pour le Coliéco) et d'autre part, ils offrent à La Poste une massification et un tri supplémentaire des flux de courrier. Ils bénéficient de contrats techniques avec La Poste et axent leurs efforts sur le tri plutôt que la qualité. Le client quasi-exclusif de cette catégorie de routeurs est La Poste. En effet, 85,9 % de leur chiffre d'affaires provient des contrats techniques signés avec La Poste.
54. Les spécialistes du courrier de gestion (laséristes) dont le métier de base est " l'éditique " (impression laser de données variables, mise sous pli et remise en poste de " courrier de gestion de volume " pour le compte de " grands comptes " facturiers, administration, bancassurance), travaillent principalement sur la lettre et l'écopli qui sont généralement mécanisables, alors que beaucoup de mailings ne le sont pas. Pour augmenter leur valeur ajoutée, ils intègrent ces activités d'éditique dans une offre de service plus globale, reposant le plus souvent sur un savoir-faire informatique (imprimerie, édition de gestion non postée, services bancaires, marketing direct ou archivage). Enfin, ils traitent un peu de courrier de marketing direct (Postimpact), pour saturer leur appareil de production dont les coûts fixes (machines) sont très importants, alors que les coûts variables sont très faibles. Au sein de cette catégorie, on distingue les laséristes " de niche " des laséristes " multilocalisés ", c'est-à-dire dont les unités de production sont situées près des clients.
55. La distinction entre les spécialistes du courrier de gestion et ceux du courrier publicitaire tend à s'estomper. En effet, il y a de plus en plus d'ajouts de documents publicitaires de type " leaflet " au courrier de gestion, les techniques d'impression et l'évolution technologique permettant cette double activité. Cependant, pour l'accès au produit Postimpact, ce constat doit être relativisé, puisque l'accès à cette prestation et aux tarifs qui en découlent reste subordonné à l'assemblage, pour chaque expédition, d'un certain nombre de messages identiques ou comportant un fond de texte commun en cas de personnalisation, ce qui n'est pas compatible, en l'état, avec le format du courrier de gestion.
56. Le marché du routage a représenté environ 980 millions d'euro en 1998. Cette même année, la répartition entre spécialistes du marketing direct (regroupeurs, spécialistes du colisage, généralistes nationaux et généralistes locaux) et du courrier de gestion était la suivante :
<emplacement tableau>
58. Ainsi, en 1998-1999, 406 entreprises ont effectué des dépôts d'objets postaux pour le compte de tiers. Les parts de marché des différents routeurs sont difficiles à déterminer en raison des incertitudes qui entachent les chiffres d'affaires fournis par les entreprises.
59. Ceci étant posé, on peut constater que le secteur du routage est composé principalement d'entreprises de petite taille (près de 80 % des entreprises du secteur ont moins de 50 salariés), mais que ces dernières ne représentaient qu'un peu plus de 30 % du chiffre d'affaires du secteur. Les entreprises moyennes (50-100 salariés), peu nombreuses (9,2 %) génèreraient 12,7 % du chiffre d'affaires du marché. Enfin, les grandes entreprises (plus de 100 salariés) ne représentent que 11,6 % du secteur mais assurent 52,6 % du chiffre d'affaires et emploient près des 2/3 des salariés (65,9 %). Ainsi, les vingt premières entreprises du secteur détiendraient ensemble 55 % de parts de marché. Il semblerait que, depuis 1999, l'écart entre grosses et petites structures soit amené à s'accroître, notamment pour des raisons de supériorité industrielle des grosses structures (équipements et prestations). Cela laisse à penser que la concentration des routeurs (principalement par la disparition des routeurs de petite taille), constatée depuis 1999 (une vingtaine d'entre eux disparaissent par an), va se poursuivre. Par conséquent, on peut prévoir un accroissement des parts de marché des grands routeurs (mouvement de concentration de l'offre). A cet égard, et selon Xerfi (p. 41), les entreprises de routage ne seraient plus, en 2004, qu'au nombre de 200.
60. Selon La Poste, entre 1995 et 2000, le chiffre d'affaires des entreprises de routage a cru de 14,7 % en rythme annuel, tandis que celui de La Poste a progressé de 2,8 % (observations du 27 mai 2005). Selon l'étude Xerfi, entre 1998 et 2004, le taux annuel de croissance des routeurs s'établirait à 4,1 % avec une segmentation selon la taille des entreprises. L'étude indique : " sans position dominante ou présence de niche de marché, les suiveurs (entreprises ayant un chiffre d'affaires compris entre 5 et 15Meuro) s'avèrent les plus pénalisés par les évolutions du marché. Leur croissance annuelle moyenne sur 2001-2004 aura ainsi stagné à 1,4 % contre 3,6 % pour les leaders (entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 15 Meuro comme le groupe Diffusion Plus, Koba, Eurodirect Marketing ou Bertelsmann Arvato) et 4,5 % pour les PME (entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 5Meuro) ".
B. LES PRATIQUES RELEVÉES
1. LES PRESTATIONS EN CONCURRENCE OFFERTES PAR LES SERVICES DE LA POSTE.
61. La Poste effectue en interne, c'est-à-dire via ses bureaux et ses délégations, des prestations de mise sous pli, de tri et d'affranchissement.
62. Plusieurs expérimentations de mise sous pli ont été tentées, par le biais des " Carrés Pros ", par certaines directions départementales (de la Délégation Nord-Ouest pour 90 % d'entre elles). Une note de la direction du marketing et des ventes de La Poste en date du 6 novembre 1998 a enjoint aux délégations de geler ces expérimentations, dans l'attente des résultats d'une étude de marché globale. Cette note conseillait aussi la vigilance, compte tenu des plaintes du Syndicat national des entreprises de logistique de publicité directe (SNELPD) devant la Commission européenne et le Conseil de la concurrence.
63. L'activité de mise sous pli et de conditionnement a fait l'objet d'une étude par le cabinet GMV conseil en mars 1999 qui indique qu'une des deux raisons majeures qui ont motivé le développement de l'activité est d'"(...) éviter l'évasion du CA d'affranchissement chez les routeurs (...)".
64. Il ressort de cette étude et du rapport d'enquête administrative, que les offres ont été inégalement développées au sein des délégations et avec une grande disparité de tarifs. Une note de la direction du courrier du 6 novembre 1998 indique : " la mise sous pli est une prestation qui n'est pas au catalogue des offres de la direction du courrier. Pourtant, au niveau local, nous avons recensé 23 départements qui la proposent (...) d'un département à l'autre, l'offre varie et les tarifs diffèrent ".
65. Ne pouvant évaluer le temps du personnel passé à cette activité de mise sous pli, il est impossible d'en faire une analyse comptable. Cependant, il faut noter que tous les sites de production sont déficitaires alors même qu'un certain nombre de charges ne sont pas toujours affectées ou qu'elles le sont différemment d'un site à l'autre (frais directs comme la main d'œuvre ou l'énergie et frais de structure comme les frais commerciaux ou généraux). Ceci étant précisé, on peut retenir que le chiffre d'affaires total généré par l'activité de mise sous pli dans les délégations a atteint 590 587 euro en 1998, la délégation Nord-Ouest représentant 90 % du total. Par ailleurs, la mise sous pli mécanisée est proposée à des prix qui, si on les compare à ceux des routeurs, ne sont pas anormalement bas par rapport à ceux pratiqués sur le marché.
66. Les " Carré Pro ", développés quant à eux, à partir de 1994, sont des espaces dédiés aux professionnels mettant à leur disposition, au sein des bureaux de Poste, des boîtes à lettres, des guichets permettant l'achat de produits postaux et des structures permettant le dépôt du courrier. Ils reposent principalement sur l'affranchissement pour compte de tiers avec le paiement de l'affranchissement et d'une prestation complémentaire. Cependant, si la prestation de routage n'est normalement pas proposée dans le cadre des Carré pro, certains d'entre eux ont néanmoins proposé des offres de prestation de mise sous pli mais de manière très limitée. La création d'un Carré Pro relevant d'initiatives locales, La Poste indiquait en septembre 2002 : " il n'existe pas de recensement du nombre actuel de Carrés pro. Le chiffre d'affaires généré dans ce cadre ne fait pas, lui non plus, l'objet d'une identification particulière dans la mesure où ces prestations sont proposées dans l'ensemble des bureaux de poste. Il n'existe donc pas d'information centralisée et fiable sur le chiffre d'affaires généré par les Carrés Pro ". Une note de la Direction du Marketing et des Ventes en date du 26 mai 1999 avait arrêté un modèle de compte d'exploitation annuel prenant en considération les coûts fixes et variables devant permettre aux délégations d'évaluer le seuil de rentabilité d'une installation nouvelle, dans le cadre du déploiement des Carrés Pro. Ces calculs retenus par La Poste ne semblent pas pertinents dans la mesure où le montant moyen d'affranchissement pris en compte dans ces calculs est de 4,81 F pour les Lettres et les Postimpacts alors que la note de la Direction du Marketing et des Ventes précitée précise que l'affranchissement moyen pour le Postimpact est de 1,86 F. Par conséquent le seuil de 250 000 plis censé rentabiliser l'exploitation d'un Carré Pro est probablement insuffisant.
67. Concernant l'activité de tri et d'affranchissement mise en œuvre dans les délégations, une étude réalisée par La Poste fait apparaître que les tarifs de la prestation couvriraient les coûts opérationnels complets, comprenant les charges de guichet et les charges indirectes des bureaux. Cependant, et en l'absence de comptabilité analytique et de méthode de calcul de coûts suffisamment fiable, on ne peut connaître avec certitude le coût de la prestation de tri. Néanmoins, le système " fourmi " qui comptabilise le chiffre d'affaires des prestations n'entrant pas dans le domaine réservé de La Poste a permis d'établir le chiffre d'affaires généré par les prestations de tri et d'affranchissement qui s'élèverait, de 1996 à 1999, à environ 46 millions d'euro.
2 LES PRATIQUES DE LA POSTE RELATIVES À L'APPLICATION DE SES TARIFS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL
68. L'instruction a fait apparaître que La Poste n'a pas accordé ses tarifs TG (voir § 35 et ss) et TS (voir § 29 et ss) de manière homogène sur l'ensemble du territoire national. Des nombreuses discriminations dans l'obtention de ces tarifs ont en effet été observées et analysées dans le rapport administratif, puis visées dans la notification de griefs. Celles-ci ont consisté, de la part de La Poste, à accorder des remises sur affranchissement à certains émetteurs de courrier, sans que les conditions de tri préalable et de quantité minimale de plis à déposer (seuils d'accès), nécessaires à l'obtention de ces tarifs, soient respectées.
a) L'application discriminatoire des TG
69. Lors de la diffusion des cartes Vitale aux assurés sociaux (marché considérable de l'ordre de 42 millions de cartes à expédier), le GIE Sésame, qui agissait pour le compte de l'ensemble des régimes d'assurance maladie, a organisé un appel d'offre et retenu quatre entreprises dites " personnalisateurs " (Oberthur, Solaic, Bull et Gemplus), pour affranchir et déposer les plis des différentes caisses. Ces dépôts, affranchis au tarif général, pouvaient bénéficier de remises techniques dans le cadre de contrats " avenant à la machine à affranchir " conclus avec La Poste. Or, la société Oberthur qui s'est vu appliquer strictement, par le centre de tri de Dijon, les conditions relatives aux Ecoplis en nombre, a bénéficié d'un tarif de 3,50 F par pli, supérieur au tarif de 2,70 F par pli, consenti à tort et de manière discriminatoire à ses concurrents par les autres centres de tri concernés, à savoir les centres de Tours, Mulhouse, Lyon et Cergy. L'avantage dont ont bénéficié les concurrents d'Oberthur (bénéficier du tarif relatif aux Ecoplis en nombre sans en remplir les conditions de seuil) a conduit le GIE Sésame à ne pas retenir la société Oberthur pour le renouvellement du marché des cartes Vitale.
70. Le directeur de production de la société Oberthur, entendu par les enquêteurs le 27 janvier 2000, estimait que " ces différences de traitement par les centres de tri de La Poste nous ont causé un préjudice certain car nous n'avons finalement pas été retenus pour le marché de renouvellement des cartes Vitale. Or, nous avions des prix très compétitifs, une qualité de production qui nous a valu les félicitations du GIE. C'est pourquoi je pense que le niveau de remise postale proposée, plus importante en ce qui concerne nos concurrents qui n'ayant pas les mêmes contraintes que nous pouvaient s'engager sur des taux plus élevés, a influé sur la décision du GIE Sésame Vitale de ne pas nous retenir ".
71. Dans cette affaire, le directeur de La Poste des Hauts de Seine a transmis le 6 septembre 1999 au directeur du Centre de Traitement du Courrier (CTC) d'Issy les Moulineaux une note du directeur du courrier de La Poste datée du 27 août 1999. Selon les termes de cette note : " il s'avère que les règles d'admission des Ecoplis en nombre (...) n'ont pas été appliquées avec la même rigueur dans tous les lieux de dépôts. (...). A la veille de l'appel d'offre lancé par le GIE Sesame Vitale pour le déploiement des cartes à renouveler, il me semble indispensable de rappeler à l'ensemble du réseau que les règles évoquées ci-dessus s'appliquent à ce type de dépôts : (...). Pour lever toute ambiguïté, il me parait opportun de rappeler au personnalisateur qu'en aucun cas, La Poste ne s'engage sur une remise technique fixe valable sur plusieurs années. Cette dernière, liée à l'avenant MA (machine à affranchir) dépend de la qualité réelle des dépôts au regard des divers critères contenus dans ce contrat. Seule la remise de 1 % MA est fixe. Je vous remercie des mesures que vous prendrez pour effectuer les rappels nécessaires auprès de vos services ". La Poste, avertie de la pratique, a préféré dédommager la société Oberthur et lui accorder le bénéfice de la discrimination initiale, plutôt que d'appliquer strictement les dispositions des contrats et tarifs, et de rectifier en conséquence les affranchissements correspondant aux dépôts effectués par les entreprises ayant profité de ces différences de traitement. En effet, la direction commerciale de la Côte d'Or, estimant que les dispositions réglementaires en matière d'Ecopli en nombre et d'avenant machine à affranchir n'avaient pas été appliquées dans les autres sites, sièges de dépôt des cartes Sésame Vitale, a indiqué à la société Oberthur : " La Poste de Côte d'Or a décidé de vous rembourser la différence d'affranchissement (3,50 F - 2,70 F) sur tous les plis Sésame Vitale affranchis à 3,50 F déposés par vos soins, en 1998 et 1999, de janvier à août inclus. Je vous transmets donc un avoir d'un montant de 328 873,60 F et le chèque correspondant ".
72. Dans le même procès-verbal du 27 janvier 2000, le directeur de production de la société Oberthur a indiqué avoir également perdu un marché de cartes privatives pour le compte de la société Financo, à Dijon, marché récupéré par un routeur de Bordeaux qui a, quant à lui, bénéficié, par discrimination, d'un tarif TS3 auquel il ne pouvait prétendre.
73. La société Datapost a également bénéficié de dérogations dans le cadre de son contrat TG puisque, contrairement aux règles relatives à ces tarifs qui sont octroyés par site de dépôt, Datapost s'est vu attribuer une remise unique ne correspondant pas aux travaux préparatoires ou au nombre de plis nécessaires pour l'accès à cette remise. Par ailleurs, elle ne déposait pas de bordereaux permettant de contrôler le nombre de plis et les préparations effectuées (voir points 100 à 114 de la présente décision).
b) L'application discriminatoire des TS
74. Il ressort de l'enquête administrative qu'un certain nombre de centres de tri ou de bureaux de Poste ont fait bénéficier des émetteurs de courrier des tarifs TS2 et TS3, pour des Postimpact, sans que ces clients en remplissent les conditions. Ces discriminations se sont traduites, selon les cas, par l'application d'un tarif pour l'octroi duquel soit les prestations de tri requises n'ont pas été effectuées, soit les seuils quantitatifs minimaux pour y prétendre n'ont pas été atteints.
75. Certaines pratiques sont relatives à des opérations ponctuelles de clients particuliers ou de petites entreprises, d'autres s'inscrivent dans la durée et sont relatives à d'importants émetteurs de courriers.
76. S'agissant des opérations ponctuelles, certains dépôts de clients de Clermont, Courbevoie Principal et Neuilly/Seine Principal ont été acceptés à des tarifs Mécanisable TS2 et TS3 sans que les seuils d'accès soient atteints (voir tableau de la page 135 du rapport d'enquête). Certains envois effectués aux bureaux de Paris-Wagram et Paris-Sorbonne à des tarifs Postimpact ont été signalés, alors que ces envois n'en remplissaient pas les conditions (courrier du 8 juillet 1999, cote 6007 et courrier du 19 décembre 1997, cote 9011). Le bureau de Poste de Clermont-Gaillard a accepté des dépôts au tarif TS2 sans tri ni préparation préalable. S'agissant du bureau de Paris XV, la Direction des journaux officiels a bénéficié du tarif TS2 pour des Postimpact sans en avoir satisfait les conditions. D'autres bureaux ont, quant à eux, accepté de prendre des clients au seuil T2 du tarif " mécanisable ", alors même que le niveau des quantités acceptées (supérieur à 5 000 objets) aurait dû conduire le signataire des contrats à orienter son client sur la direction commerciale de son département. Enfin, d'autres bureaux ont pu, en certaines occasions, accepter des plis au tarif Postimpact alors que la nature de l'envoi ou les règles de présentation pour l'admission au tarif Postimpact n'étaient pas respectées. D'une manière générale, l'analyse des chiffres d'affaires de divers bureaux de Poste, réalisée à partir des données centralisées sur le système Infoservice de La Poste, a également permis de constater certaines anomalies dans l'adéquation des tarifs pratiqués au regard des quantités déposées. Toutes ces opérations sont de faible envergure. Elles concernent soit des particuliers, soit des PME, ne recourant que peu aux services des routeurs.
77. D'autres pratiques s'inscrivent dans la durée. C'est ainsi que les dépôts effectués sur le bureau Chatellerault Principal font apparaître l'octroi systématique du tarif TS3 Standard Distri au client Copie Flash, alors que pour certains dépôts, les seuils quantitatifs minimums n'ont pas été atteints.
78. Un certain nombre de routeurs ont pu également bénéficier des " tolérances " de certains bureaux de poste ou de centres de tri. C'est le cas des sociétés Intercom, Sagecom et Diprest pour lesquelles la direction de l'Essonne a accepté, de 1996 à 1999, des dépôts TS3 sans tri préalable et sans que le seuil de 50 000 objets ait été atteint. Entendu le 7 janvier 2000 par les enquêteurs, le responsable de la cellule S3C du centre de tri d'Evry a déclaré qu'ayant été avertie, la direction de l'Essonne avait envoyé des commerciaux pour convaincre les sociétés de remplir les conditions d'octroi du TS3. Mais ces démarches sont restées vaines, s'agissant d'Intercom : " Nous avons continué à accepter les dépôts effectués par Intercom, n'ayant pas de consignes strictes de la part de la Direction de La Poste de l'Essonne ".
79. C'est également le cas des sociétés APR, IMPROFI et SDI pour lesquelles la direction du Val de Marne accordait les mêmes dérogations, dès 1996. La directrice commerciale du Val de Marne, avertie des pratiques, exposait devant les enquêteurs, le 23 février 2000, que les conditions des contrats techniques concernant les routeurs étant à l'époque des faits en cours de renégociation, la direction du Val de Marne avait décidé d'attendre, avant d'intervenir, que les nouvelles normes soient arrêtées.
80. Des pratiques similaires ont également pu être observées à plus grande échelle dans le ressort de la délégation Nord-Ouest. En effet, sur ce territoire, plusieurs directions départementales ont proposé, par le biais de centres de services à valeur ajoutée, des prestations gratuites. Mais c'est surtout la direction départementale de l'Aisne qui a pratiqué ces discriminations, à l'égard de ses deux principaux clients notamment.
81. La direction départementale de l'Aisne, dépendante de la délégation Nord-Ouest, est à l'origine de la création d'un centre de service à valeur ajoutée à Château-Thierry, transféré en 1999 à Laon (dénommée également " plate-forme Castel courrier plus "). Elle a eu pour principaux clients la société d'imprimerie Maulde et Renou, ainsi que le groupe Volkswagen (VAG), avec lesquels elle a conclu des accords particuliers. Ces entreprises ont une importance particulière pour la direction de La Poste de l'Aisne, puisque le chiffre d'affaires des clients grands comptes représente approximativement entre 55 et 60 % de son chiffre d'affaires courrier et colis hors grand public. Le chiffre d'affaires du groupe VAG s'élevait de 1995 à 1998 à 12,8 millions d'euro et celui de la société Maulde et Renou, pour la même période, à 9,7 millions d'euro. Pour ces deux clients, le tri n'a presque jamais été facturé, un envoi sur neuf seulement ayant fait l'objet d'une facturation sur l'intégralité du centre.
82. Pour VAG, les prestations de tri n'ont jamais été facturées de 1995 à 1998, alors qu'elles auraient dû l'être puisque VAG avait obtenu le tarif TS 3, ainsi que le confirme le directeur commercial Courrier-colis de la Direction de La Poste de l'Aisne : " Les dépôts provenant d'Allemagne et concernant VAG ne faisaient a priori pas l'objet d'une facturation de tri. Nous avons pris ces dépôts sans facturation de tri, car il s'agissait de courrier provenant d'Allemagne. Cette situation était antérieure à mon arrivée à la direction de La Poste de l'Aisne, fin juin 1997. Je n'ai pas d'explication sur le fait que ce courrier soit accepté par le CTC sans tri ".
83. Or, le groupe VAG mettait systématiquement en concurrence les offres de La Poste avec celles d'autres routeurs auxquels il faisait également appel pour ce type de prestations (tels SDI, Inter Routage, Tri Plis, Adresse Mailing Promotion, Diffusion Plus). Le responsable des achats du groupe Volkswagen France a déclaré à ce sujet aux enquêteurs le 29 octobre 1999 : " Ils (les services de La Poste) ont ainsi investi sur une plate-forme à Château-Thierry pour effectuer du routage pour notre compte, notamment dans des machines de mise sous pli. L'offre dans ce domaine était auparavant seulement le fait des routeurs et des agences.(...) Nous avons aussi continué à considérer La Poste de l'Aisne comme un offreur de routage, et à comparer leurs offres à celles des autres routeurs avec lesquels nous travaillons ".
84. Il convient d'ajouter que les objets postaux de VAG étaient déposés au centre de tri de Laon sans bordereau de dépôt, ce qui est aussi dérogatoire aux conditions d'octroi des tarifs spéciaux.
85. Ces anomalies ont été systématiquement signalées par la cellule S3C du centre à la direction financière, à la direction commerciale et à la direction de la production de La Poste du département, sans qu'aucune mesure ne soit prise par La Poste pour rectifier la situation de ce client.
86. Il est possible, à l'appui des recommandations de redressement faites par la cellule S3C sur les dépôts réalisés par le client VAG France ou pour son compte, d'essayer de quantifier, sur les années 1998 et 1999, les avantages consentis par La Poste au Groupe VAG, du fait de l'absence de préparation du courrier déposé sur le centre de tri de Laon. Cette évaluation fait apparaître, pour les années 1998 et 1999, les chiffres suivants :
<emplacement tableau>
87. Si l'on rapproche les affranchissements payés des affranchissements qui auraient dû être facturés à VAG, l'avantage dont a bénéficié VAG équivaut, pour les années 1998 et 1999, à une remise moyenne sur affranchissement de 32,8 %.
88. Quant à la société Maulde et Renou, elle ne s'est vu facturer la prestation de tri que deux fois en quatre ans.
89. Les relations entre la délégation et ce client sont clairement expliquées par le directeur des achats de la société Maulde et Renou le 16 décembre 1999 : " (...) La direction de La Poste de l'Aisne nous a découverts en 1994. M. X, commercial de La Poste nous a rendu visite sur le site de Saint-Quentin où nous imprimons des journaux d'annonces légales (routés par nos soins)(...). C'est notamment sur ce site que nous produisons des bus-mailing, produit de marketing direct, sur lesquels nous avons une grosse partie du marché français. Ces bus-mailing étaient alors en 1994 déposés chez le routeur Setradis. Monsieur X nous a proposé de travailler avec nous sur ces produits moyennant la signature d'un contrat. Notre perception de La Poste à cette époque était plutôt mauvaise. Mais La Poste nous a proposé, si nous leur confions nos dépôts de bus-mailing en direct, des prestations gratuites, nous expliquant que n'étant pas routeurs nous ne pouvions pas prétendre à un contrat de routage avec remise. Ce qui nous intéressait effectivement était de pouvoir récupérer une partie de la rémunération concédée au routeur par La Poste sur le TS3. (...) Cet accord a vécu pendant environ un an, mais nous avons continué jusqu'à ce jour à travailler avec La Poste de l'Aisne sur la base des mêmes conditions qu'initialement contractées".
90. Les relations entre La Poste de l'Aisne et Maulde et Renou ont été formalisées par la rédaction d'une convention du 11 octobre 1996 et d'une note du 17 juin 1996 qui détaille les conditions de la signature de la convention précitée : " La proposition de La Poste pas de tri, pas de mise en sac, pas d'étiquette collier transport gratuit acheminement - 2 jours saisie des NPAI, pas de rémunération ".
91. Le montant total du chiffre d'affaires effectivement payé par la société Maulde et Renou à La Poste de l'Aisne pour 1998 et 1999, évalué sur la base des fiches d'anomalies établies par la cellule S3C du centre de tri de Laon, peut être évalué à 132 985,04 euro. L'évaluation des montants qui auraient normalement dû être facturés, si des redressements étaient intervenus, porte ce chiffre à 220 981,80 euro, soit une différence en faveur de la société Maulde et Renou de 87.996,77 euro, équivalent à une remise moyenne sur affranchissements de 39,8 %.
92. Le responsable " grands comptes " de la direction départementale de l'Aisne, a indiqué : " Je vous rappelle que le travail de traitement de vos bus-mailing fourni par le centre de tri de Laon vous a amené une économie très importante, en transport, en palette et en heures de routage ". Ainsi, lorsque la société Maulde et Renou a décidé de développer ses relations commerciales avec le routeur local basé dans le ressort de cette délégation, la société Ouest-Routage, en confiant certains dépôts pour son compte, La Poste de l'Aisne ne les a pas acceptés au prétexte qu'ils n'étaient pas conformes, et a donné des instructions en ce sens pour les refuser à l'avenir, alors même qu'elle continuait à accepter, aux mêmes conditions, les dépôts effectués en direct par Maulde et Renou. Le responsable du contrôle des dépôts et de la facturation du CTC de Laon, a déclaré à cet égard le 16 septembre 1999 : " Depuis 6 mois, nous recevons des dépôts de la société Ouest-Routage (3 ou 4), qui ont présenté des anomalies ayant donné lieu à une fiche d'anomalie. J'ai reçu instruction de la Direction Départementale Courrier de ne plus accepter les dépôts de cette société (Ouest Routage) qui ne seraient pas conformes. Je n'ai pas reçu la même instruction en ce qui concerne VAG ". Ainsi, en réaction à l'externalisation, par la société Maulde et Renou, d'une partie de sa production au bénéfice de la société Ouest-Routage dans le cadre du développement de la collaboration entre ces deux entreprises, La Poste de l'Aisne a empêché cette collaboration en refusant les dépôts effectués par ce routeur.
93. D'une manière générale, dans les directions départementales de l'Oise et du Pas de Calais, relevant de la délégation Nord Ouest, il a pu être constaté, dans les comptes produits par La Poste, que certaines prestations étaient facturées en dessous des coûts variables totaux. Il s'agit des " prestations diverses " de 1998 (c'est-à-dire activités hors mise sous pli, adressage et affranchissement) du centre de tri d'Arras (annexe du rapport d'enquête administratif 7185), d'activités de colisage et de tri de 1998 (annexes 7195 et 7196) et de colisage de 1999 (annexe 7199) au centre de Saint Maximin, et enfin de prestations de mise sous pli manuelle et d'affranchissement en port payé en 1998 du centre de tri de Château Thierry (annexes 7168 et 7169). Toutefois, le dossier ne permet pas de préciser la nature et l'ampleur de ces dysfonctionnements.
94. Enfin, diverses pièces attestent qu'à divers points du territoire national, les tarifs et conditions d'obtention de ces tarifs ne sont pas appliqués de manière homogène. Ainsi le 27 août 1999, la direction du courrier de La Poste indiquait, au sujet de la Carte Vitale, que " (...) après enquête auprès des centres de tri concernés (Dijon, Tours, Mulhouse, Lyon et Cergy) il s'avère que les règles d'admission des Ecoplis en nombre et d'accès à l'avenant MA n'ont pas été appliquées avec la même rigueur dans tous les lieux de dépôts ". Lors de l'envoi au directeur du CTC d'Issy les Moulineaux, de ce courrier, la direction des Hauts de Seine précisait : " ce rappel, effectué dans le cadre des dépôts de la carte Vitale, est à rapprocher d'autres dysfonctionnements relatifs aux conditions d'admission des envois en nombre ".
95. Pour pallier ces problèmes, La Poste a mis en place, dans un premier temps un plan dit " EXA/CP ", débuté en 1995, consistant à établir dans les établissements postaux des cellules de contrôle de dépôt (cellules S3C). Dans un second temps, il a été décidé d'instaurer au niveau départemental un contrôle de deuxième degré de ces cellules assuré par une autorité hiérarchiquement supérieure. Fin 1999, le responsable EXA/CP estimait que 85 % du total du chiffre d'affaires courrier de La Poste était contrôlé grâce à cette nouvelle organisation (PV de Monsieur G du 17 décembre 1999). Les redressements effectués par les cellules, au moyen de bordereaux de dépôt et de fiches d'anomalies ont permis à La Poste de récupérer 52 millions de francs en 1996, 74 millions de francs (soit 11,28 millions d'euro) en 1997 et 102 millions de francs (soit 15,5 millions d'euro) en 1998. Le 17 mars 1998, la Direction du courrier a adressé à tous les directeurs délégués, le directeur de La Poste Corse et de celle d'Outre Mer une note précisant : " L'objectif de l'ensemble du dispositif de contrôle mis en place depuis 1996 par la mission Exacp visait la réduction des risques d'évasion de chiffre d'affaires. En 1996, les redressements effectués par les structures en cours de mise en place ont permis à La Poste d'augmenter son CA de 52 MF. En 1997, La Poste aura récupéré, grâce à son dispositif de mise sous contrôle, 74 MF mesurés à travers le montant des redressements (...) ".
3. LES PRATIQUES DE LA POSTE AU PROFIT DE SES FILIALES
a) Datapost (devenue Mikros puis Aspheria)
96. La société Datapost a été créée en 1994 et appartenait à la holding Sofipost jusqu'au 2 janvier 2001, date à laquelle Sofipost a cédé la totalité des titres qu'elle détenait dans cette société à la société Mikros Finances dont elle détient le contrôle. Le rapprochement des sociétés Mikros et Datapost a donné naissance au groupe Aspheria détenue à 50,1 % par La Poste, le reste par Postel pour 35 % (poste italienne) et Steria pour 6 %. A ce jour, la fusion entre Datapost et Mikros n'est toujours pas effectuée et elles restent deux entités distinctes filiales de la holding Aspheria. Ainsi La Poste détient en 2003, 50,1 % de Aspheria qui, elle même, est propriétaire à 100 % de Datapost et à 96 % de Mikros.
97. En 1998, Mikros détenait sur le marché du courrier de gestion 10,94 % des parts de marché et Datapost 15,51 %, les concurrents les plus importants étant la société Spéos avec 19,67 % du marché et Koba avec 16,61 % (les huit autres concurrents ayant des parts de marché s'étalant de 1 à 11 %). A ce jour, le groupe Aspheria indique détenir 15 % des parts de marché sur le courrier de gestion, avec un chiffre d'affaires 2002 de 46 millions d'euro et se présente comme un " leader de l'éditique ". Sur son site Internet, il propose également des prestations de routage en marketing direct.
98. L'objet social de Datapost est le traitement de messages émis à partir de données informatiques et leur distribution principalement sous forme de courrier, accessoirement par tout autre moyen (ordinateur, progiciel ...). On désigne cette activité (qui transforme des données informatiques en courrier papier) sous le terme de courrier hybride. La création d'une activité de courrier hybride nécessite de lourds investissements informatiques (matériel et logiciel) dont la rentabilisation ne peut être obtenue que sur plusieurs années.
99. Cette filiale avait une grande importance pour La Poste puisque, dès sa création en 1994, Datapost obéissait à des considérations stratégiques de groupe, le président directeur général de La Poste de l'époque, Monsieur Y, soulignant qu'il s'agissait d'une conquête de prestations à valeur ajoutée par le groupe La Poste et de fidélisation des grands clients.
100. Le premier exercice de Datapost s'est clôturé le 31 décembre 1995 avec des pertes supérieures à 7,6 millions d'euro, soit supérieures à la moitié du capital social. Conformément à la loi n° 69-12 du 6 janvier 1969, l'assemblée générale extraordinaire de Sofipost du 24 juin 1996 a décidé la poursuite de l'activité de Datapost. La Poste a soutenu sa filiale de sa création à 1999. Un procès-verbal du conseil d'administration de Sofipost du 23 janvier 1996 indique : "(...) Monsieur Z, (président de La Poste), intervient (...) il considère que La Poste ne peut pas être absente de ce marché. Les résultats de Datapost ne sauraient donc remettre en cause le projet. En revanche, il convient de retrouver un nouveau souffle, de réduire les coûts fixes et de relancer cet outil de développement du groupe, qui doit permettre de fidéliser les clients de La Poste dans le cadre de réseaux de plus en plus ouverts. (...) Au-delà d'une légitime préoccupation des chiffres financiers, Monsieur A rappelle que Datapost est un outil essentiel de dévulnérabilisation pour La Poste. (...)". Le soutien de La Poste à sa filiale a pris fin avec l'arrêt des activités de courrier hybride.
101. Pourtant, le maintien de Datapost sur le marché a été l'objet de nombreuses interrogations. Ainsi, M. François B, chef de la mission de contrôle Poste et Télécommunication, indiquait : "(...) concernant Datapost, nous avons donné à plusieurs reprises notre avis à La Poste, la question de sa survie étant posée. La direction du Trésor a également été informée de cet état de fait. La Poste a insisté sur le caractère stratégique de cette filiale et a décidé de maintenir artificiellement une activité. Nous pensons, pour notre part, que l'activité courrier hybride ne constituait pas un marché très défini. Dans les faits, Datapost n'a pu poursuivre son activité que parce qu'elle est filiale de La Poste. Les frais de structure de Datapost sont trop importants". En 1999, le contrôle d'État indiquait dans son rapport annuel : " En conclusion, le devenir de Datapost reste incertain et il appartient à La Poste de décider le maintien ou non de cette filiale sur l'existence de laquelle le Contrôle d'Etat reste pour le moins dubitatif ".
102. Le chiffre d'affaires, de 1994 à 1998, de Datapost était le suivant :
<emplacement tableau>
103. Il ressort de ce tableau que, si le chiffre d'affaires est en constante augmentation (multiplié par 5,8 de 1995 à 1998), Datapost enregistre des pertes d'exploitation importantes. Les 97,7 MF de résultat net en 1998 s'expliquent par un abandon de créance de 115 MF consenti par Sofipost et comptabilisé comme produit exceptionnel. En 1999, le chiffre d'affaires s'est élevé à 107,6 MF soit 16,4 Meuro pour un résultat d'exploitation déficitaire de 12,29MF soit 1,87 Meuro. Le résultat de l'exercice s'est soldé par un bénéfice de 8 MF soit 1,2 Meuro. En 2001, nonobstant la restructuration, le résultat net comptable s'est traduit par une perte de 303 397 euro (676 036 euro en 2000), pour un chiffre d'affaires de 15,9 Meuro (16 Meuro en 2000). Par ailleurs, entre 1996 et 1998, Sofipost a été conduite, pour reconstituer les fonds propres de Datapost, à conclure des conventions d'abandon de créances pour un montant de 115 MF, soit 18 Meuro.
104. Il a été mis fin, en 1999, aux activités de Datapost dans le domaine du courrier hybride et à partir de cette date, Datapost s'est vue appliquer le régime commun aux autres acteurs de l'éditique.
105. La Poste et Datapost ont défini les modalités de leur collaboration dans le cadre d'une convention en date du 1er décembre 1994. Une partie de cette convention détaille les conditions de la collecte des affranchissements par Datapost pour le compte de La Poste, ainsi que les modalités de la facturation directe de ces affranchissements par La Poste aux clients de Datapost. Ce contrat dit " de mandataire transparent " faisait bénéficier Datapost d'un taux de remise unique, intégralement reversé aux clients en contrepartie. Selon La Poste, ce statut de mandataire transparent expliquerait pourquoi Datapost déposait ses envois sans bordereau, et pourquoi les dépôts n'étaient contrôlés qu'occasionnellement. Le directeur de la stratégie et du contrôle de gestion du courrier indiquait : " (...) Ce système n'a jamais convenablement fonctionné. On n'a jamais réussi à rendre le système transparent. En terme de contrôle, on ne pouvait suivre l'adéquation entre les index des machines à affranchir et les factures envoyées par Datapost. (...) La convention de mandataire transparent a pu conduire les clients de Datapost à bénéficier de délais de paiement par rapport aux autres sociétés prestataires concurrentes. Ceci était dû à la difficulté de suivre et contrôler la facturation de Datapost. (...) ". Il ajoute que La Poste ne disposait pas de documents démontrant qu'elle aurait proposé formellement le statut de mandataire transparent à d'autres prestataires d'éditique. Ce taux de remise unique, indépendant des volumes en particulier, avait été calculé de façon à tenir compte des économies de coût que Datapost permettait à La Poste de réaliser.
106. Dans le cadre d'un contrat TG, Datapost a bénéficié d'un taux de remise unique sur affranchissement de 4,73 %, y inclus le 1 % forfaitaire, machine à affranchir. Ce taux ne correspondait pas aux travaux préparatoires et au nombre de plis nécessaires pour l'accès à ces remises, mais Datapost, comme on l'a vu, n'offrait pas les mêmes prestations que les autres concurrents à qui ces contrats TG étaient destinés. Datapost a ainsi pu bénéficier de 1995 à janvier 1999, soit pendant 4 années, d'un taux de remise sur ses affranchissements de 5,56 % sur les 8 premiers mois de 1996 et d'au moins 4,73 % par la suite. Selon La Poste, dans la mesure où Datapost faisait de la recherche et du développement pour son compte en développant des prestations dans l'éditique hybride, et pour ne pas la pénaliser, il a été décidé de lui appliquer le taux de rémunération moyen du secteur. L'activité d'éditique hybride implique en effet une délocalisation de l'impression près du destinataire et économiserait donc des coûts de transport pour La Poste. Ces prestations, très différentes de l'éditique classique, n'ont donc aucune raison de se voir appliquer la même grille de remises.
107. Or, il apparaît que Datapost s'est également livrée à des activités d'éditique classique, dans des proportions que La Poste elle-même dit ne pas connaître. Dès lors, elle aurait dû se voir appliquer les barèmes de remise consentis aux autres acteurs du marché dans la même situation, pour une partie de son activité. Selon une note de la direction financière de La Poste du 2 décembre 1998 : " Datapost a été conduite à offrir à ses clients des prestations comparables à celles des laséristes routeurs ". Tel a été le cas pour le contrat, EDF-GDF (centres Nice-Côte d'Azur et Gard-Cévennes), où Datapost était en concurrence avec les sociétés Speos et Xbs. En décembre 1997, Datapost a remporté le marché pour deux centres d'EDF-GDF. Pour ce contrat, le responsable informatique du Centre EDF-GDF Services Gard-Cévennes indiquait : " un contrat régional a été signé au niveau régional avec Datapost, s'inscrivant dans le cadre défini par le contrat national. Datapost s'est engagé à obtenir une remise postale auprès de La Poste pour un montant déterminé (5,31 % par mois). Depuis octobre 1998, celle-ci est renégociée mensuellement avec La Poste en fonction de la qualité des préparations postales ".
108. Donc, même pour la partie de son activité exercée en concurrence (éditique classique), comme le montre cet exemple, Datapost a bénéficié d'un taux de remise unique, alors que ce dernier taux était précisément justifié, selon La Poste, par son activité d'éditique hybride. Datapost a communiqué le détail des remises pratiquées à ses clients de 1995 à 1999, dont il résulte que, pour toutes les opérations conclues avec ces derniers la remise a été invariablement de 4,73 % (cotes 1470 à 10587). Cependant il n'a pas été possible de savoir quels clients avaient précisément bénéficié de prestations dans l'éditique hybride ou de prestations en concurrence. La note de la direction financière précitée indique cependant : " "Pour une part de son activité, Datapost est une société commerciale intervenant dans le secteur de l'éditique avec une spécialisation sur le segment du Print and mail (édition postée). Sur ce segment, la société occupe d'ailleurs une place de premier rang puisqu'elle est le troisième acteur en terme de chiffre d'affaires et que son taux de croissance est significatif (plus de 20 % par an). Si on enlève la part de surcoût due à l'activité recherche et développement, Datapost atteint un niveau de rentabilité comparable à ses principaux concurrents ".
109. Au surplus, les dépôts de Datapost n'étaient accompagnés d'aucun bordereau qui aurait permis leur contrôle. Cette absence de contrôle est illustrée par les déclarations de la responsable de la cellule S3C du Centre de Traitement du Courrier d'Issy-Les-Moulineaux, où sont effectués une partie des dépôts de Datapost: " Avant 1999, Datapost ne déposait pas de bordereau de dépôt. Nous ne connaissions donc pas le volume des dépôts et n'avions donc aucun contrôle sur le calcul de la remise postale. Nous avions uniquement connaissance de la consommation de la machine à affranchir. (...) Concernant Datapost, il pouvait paraître étonnant qu'elle ne dépose pas de bordereau de dépôt avant février 1999 vu les volumes et le type de courrier (industriel).
Je me doutais que Datapost avait signé un "contrat avenant à la machine à affranchir" compte tenu des quantités déposées, mais comme celui-ci ne m'a pas été transmis, je n'en avais pas la confirmation. Je ne savais pas si ensuite, Datapost percevait une remise ou non. Depuis février 1999, je n'ai toujours pas d'exemplaire de l'avenant au contrat machine à affranchir de Datapost bien que je l'ai demandé à la Délégation. Toutefois, Datapost déposant depuis cette date spontanément des bordereaux de dépôt, je peux rentrer en informatique les volumes déposés et procéder aux contrôles relatifs aux critères nécessaires au calcul de la remise postale. Il est vrai qu'avant février 1999, l'absence de dépôt de bordereau par Datapost était plutôt surprenant et atypique, dans la mesure où cela signifiait qu'a priori, Datapost ne percevait pas de remise postale ".
110. Par la connaissance de la consommation de la machine à affranchir et pour l'année 1997, la direction du courrier de La Poste indiquait le 13 novembre 1997 : " Le taux de remise qui devrait lui être appliqué pourrait être inférieur à celui dont il bénéficie actuellement, à savoir 3,44 % au lieu de 4,73 % ". La direction de la production courrier de la délégation Ile de France a précisé le 12 janvier 1998 que " le taux de remise constaté est de 3,34 % (1 % MA inclus), pour information le taux était de 3,40 % fin mai, 3,44 % fin septembre et 3,36 % fin octobre. (...) Compte tenu du fait que le trafic déposé à Ozoir CTE correspond à un montant d'affranchissement d'environ 110 MF et que la différence entre le taux de remise constaté, 3,34 % et le taux de remise rétrocédé 4,71 % est de 1,37 %, l'excédent de rémunération versé par La Poste (à Datapost) s'élève à environ 1,5 MF ".
111. Le repositionnement de Datapost en 1999 dans le secteur de l'éditique classique aurait modifié ce système de taux unique. Selon La Poste en effet, depuis 1999, le taux de remise accordé à sa filiale se ferait par site de dépôt et s'élèverait à environ 2,80 %. Cependant, il semblerait que le taux soit resté fixé à 4,73 % pendant l'année 1999, la différence étant qu'une régularisation financière a été prévue en fin d'année, sous forme de factures ou d'avoirs.
b) Dynapost
112. Un rapport de juillet 1997 commandé par La Poste décrit le rôle qu'entend faire jouer La Poste à sa filiale Dynapost. Aux termes de ce rapport : " Dynapost a été créée en 1991, au sein de la branche courrier (...) L'objectif à sa création était de développer les activités à la périphérie du courrier, en amont et en aval de l'acheminement pour protéger le CA de La Poste. (...) Dynapost devait être l'interface entre La Poste et le client et permettre d'avoir en permanence un pied chez le client ".
113. De nombreuses conventions ont été passées entre La Poste et Dynapost. Celle régissant, d'une manière générale, les modalités de leur collaboration est datée du 25 octobre 1995 et prévoit que La Poste informe sa clientèle sur la gamme de services proposés par sa filiale et communique à Dynapost les coordonnées de ses clients intéressés par lesdits services.
114. En 1996, La Poste a attribué à Dynapost le marché du traitement de la presse à injection directe pour la Belgique, la Suisse et la Grande Bretagne pour un montant évalué, en fonction du volume à traiter, à environ 1,22 Meuro. En 1998, La Poste a fait bénéficier Dynapost, sans mise en concurrence, du marché de traitement du courrier et de la reprographie du siège social de La Poste, pour un chiffre d'affaires de 0,72 Meuro en 1998 et 0,79 Meuro en 1999.
115. En 1996, La Poste a signé avec Dynapost une convention nationale de facturation directe se substituant aux conventions départementales en cours.
116. L'intérêt de la convention réside, en premier lieu dans le transfert à La Poste de la responsabilité de la facturation en direct des affranchissements des objets déposés par Dynapost dans le réseau postal, protégeant ainsi Dynapost du risque d'impayés, en deuxième lieu, dans le fait que Dynapost peut garantir à ses clients la sincérité du nombre d'objets déposés en poste pour leur compte. Enfin, La Poste apparaît comme l'interlocuteur direct de ses clients pour les affranchissements collectés, ce qui lui confère l'avantage de pouvoir entretenir cette relation client/fournisseur, ce qui n'est jamais le cas pour les routeurs.
117. On peut également relever que Dynapost a pu bénéficier d'un régime préférentiel quant à l'acceptation de ses dépôts par les centres de traitement du courrier, en dehors des horaires de réception habituels.
4. LES PRATIQUES DE LA POSTE SUR LE MARCHÉ DE LA PRÉPARATION D'OBJETS POSTAUX POUR SON PROPRE COMPTE
a) De 1994 à 1999
118. Le 25 octobre 1994, La Poste d'une part, le SNELPD et le SNCD d'autre part, ont signé un contrat dit " contrat Partenariat Poste-Routeurs, création d'un label Qualité Routeur Premier " puis un " avenant au contrat de partenariat " le 7 juin 1995.
119. La création de ce système contractuel émane notamment d'une demande des routeurs qui depuis longtemps réclamaient un secteur réservé, des tarifs réservés et des seuils d'accès. La Poste a accédé à cette demande nonobstant les interrogations tant des parties que de leurs conseils. Ainsi, le directeur commercial presse et routage indiquait : " ces seuils constituaient une barrière à l'entrée sur le marché de nouveaux concurrents, cela privilégie les entreprises qui déposent de gros volumes plutôt que les petits ". De même, en 1994 lors d'une commission réunissant La Poste et les routeurs, à l'intention de Monsieur C, président du SNELPD, qui, pour les routeurs, souhaitait soit un tarif réservé, soit un secteur réservé, Madame D a précisé l'opinion du service juridique de La Poste, selon laquelle " il apparaît impossible de créer un tel secteur réservé ", au vu du droit de la concurrence.
120. Ces contrats instaurent d'une part un label de routeurs " Qualité Routeur Premier " (ou " QRP "), basé sur des critères de nature qualitative et apparemment objectifs, accordé par une commission composée de représentants des signataires de l'accord et d'autre part un seuil d'accès défini en terme de trafic d'objets postaux pour pouvoir bénéficier de contrats techniques qui donnent droit à une rémunération spécifique par produit. L'accès aux contrats techniques est subordonné à l'obtention du label.
121. De manière plus précise, pour obtenir le label " QRP ", le routeur devait (art. 5.1.2 du contrat de 1994) réunir des critères relatifs : à la qualité postale (exactitude, transparence, qualité,), à la sécurité financière (caution bancaire et solidaire), à l'équipement industriel (parc matériel et logistique, moyens de transport,) et à la déontologie (respect des règles fiscales et sociales en vigueur, bonne information de la clientèle,). Cet agrément, valable un an, était octroyé par une Commission paritaire composée de trois représentants des syndicats de routeurs parties au contrat (deux pour le SNELPD et un pour le SNCD), de trois représentants de La Poste et d'un président indépendant.
122. Le critère de sécurité financière qui impliquait l'obtention d'une caution, répondait à une demande de La Poste liée aux nombreuses faillites d'entreprises de routage, qui ont laissé d'importants impayés. Ainsi, tout demandeur devait présenter une caution bancaire et solidaire fixée à 25 % du montant des affranchissements de l'année précédente.
123. Le critère relatif à la qualité postale a été rappelé dans l'avenant en ces termes : " le demandeur doit satisfaire à des critères d'exactitude et de production " et comprend : la bonne date (minimum de 85 % du trafic global à J, J-1), la mauvaise présentation des envois (maximum 1 %) ; les prévisions utiles sur les dépôts (minimum 90 %) et l'adaptabilité dans le cas de dysfonctionnement du réseau postal (voir avenant).
124. Le critère relatif à l'équipement industriel impliquait que le demandeur s'engage à décrire de façon détaillée son parc matériel et logistique, ainsi que les moyens de transport dont il disposait. La description de l'ensemble des moyens comprenait également la description des moyens et de leur financement. Une annexe à l'avenant détaillait les éléments demandés à La Poste.
125. Pour satisfaire au critère relatif à la déontologie, le demandeur devait assurer l'information et le conseil clientèle, garantir la réalité des dépôts effectués, garantir le client de la bonne gestion des affranchissements effectués pour le compte de La Poste, fournir tout justificatif à la demande du ou des clients, respecter les règles fiscales en vigueur et enfin respecter la convention collective à laquelle il était rattaché ainsi que les règles sociales obligatoires.
126. Enfin, l'analyse des critères était réalisée sur une période de 12 mois précédant l'examen de la demande, ainsi que le précise l'avenant de 1995 : " tout nouveau routeur doit pouvoir présenter une période de référence de 12 mois d'activité au moins pour pouvoir établir valablement sa demande " (article 4.1.2 in fine).
127. Le 7 juin 1995, à la suite de nouvelles négociations, un avenant au contrat de partenariat a modifié en partie le contrat de 1994. En premier lieu, la " QRP " s'intitule désormais QRPPCM (QRP Publicité Correspondance Messagerie) (art. 2. 1er alinéa). En deuxième lieu, et pour la rémunération de l'agrément, La Poste, en échange de la plus-value apportée par le routeur dans son travail, lui accorde d'office une rémunération de 13 points par type de produits traités, la valeur du point étant différente selon le type de produit. La rémunération se fera donc en multipliant la valeur du point par 13 et par le trafic total du produit considéré. En dernier lieu, le volume de trafic est rémunéré par les contrats techniques dont seuls les routeurs labellisés " QRP " peuvent bénéficier, contrats euxmêmes soumis à des conditions de seuil de trafic d'objets postaux.
128. Pour chaque produit postal (" Postimpact ", " Coliéco " TS2, " Catalogue ", " Lettre " ou " Ecopli "), le contrat technique n'est accessible au routeur agréé que si ce dernier justifie un trafic postal d'au moins 6 millions d'objets pour le contrat " Postimpact ", 800 000 objets pour le contrat " Coliéco ", 1 million d'objets pour le contrat " Catalogue " et d'un chiffre d'affaires postal de 30 000 F par mois pour le contrat " Lettre " et " Ecopli ".
129. Les prestations postales relatives aux produits " Postimpact ", " Coliéco " et " Catalogue " donnent droit à un prix au mille hors taxes et celles relatives aux produits " lettre " et " Ecopli " à une remise sur affranchissement. Si, par son volume de trafic, le routeur, en plus du label QRPPCM, bénéficie d'un contrat technique, La Poste lui accorde 13 points supplémentaires distincts par produit.
130. Le routeur facture directement La Poste. S'il a conclu un contrat technique, il facture sa QRP en même temps que ses préparations techniques sur la même facture. S'il n'a pas conclu de contrat, il doit établir une facture spécifique. Les rémunérations accordées aux routeurs sont révisées annuellement par rapport à la valeur du point du salaire professionnel, à l'indice INSEE du coût de la construction et à l'indice du coût du transport du ministère de l'Equipement.
131. Le contrat de partenariat de 1995 venant à expiration en décembre 1998, La Poste a mis en place, dès 1997, des groupes de travail avec les professionnels concernés afin de trouver un nouveau cadre contractuel. En novembre 1997, lors de l'examen de l'attribution du label QRPPCM à Dynapost, label qui lui avait été refusé l'année précédente mais auquel Dynapost pouvait prétendre pour 1997, les représentants du SNELPD ont quitté la séance et ont refusé d'y siéger à nouveau, ce qui a gelé toutes les procédures d'agrément. Se réunissant à nouveau en janvier 1998, La Poste et le SNELPD ont décidé de mettre en place un dispositif d'exception pérennisant le mécanisme du QRPPCM jusqu'au mois de décembre 1998. Une période transitoire a également été acceptée jusqu'à juillet 1999, afin de permettre l'adaptation des sociétés de routage.
132. Lors de l'instruction, il a été demandé à La Poste de justifier le seuil de 6 millions de plis. MM. E et F, de la direction commerciale " Presse et Routage ", ont indiqué : " les seuils portés au contrat de partenariat, celui de 6 millions relatif à l'accès au contrat Postimpact est le double du TS3 parce qu'il y avait une idée de progressivité des volumes. Le syndicat s'est battu pour conserver ces seuils (alors que La Poste souhaitait supprimer ce seuil depuis 1995), estimant que cela avait un effet structurant sur la profession. Cela constituait également une barrière à l'entrée (...) Le SNELPD en décembre 1998 et janvier 1999 nous a demandé d'introduire un seuil dans les nouveaux contrats, le fait d'avoir ce seuil privilégie effectivement les entreprises qui déposent de gros volumes plus que les petits ". Enfin, la responsable de la direction de la régulation européenne et nationale de La Poste a déclaré que les seuils n'étaient pas justifiés " à 10 % près ".
b) Depuis 1999
133. Depuis 1999, les contrats tarifaires ne résultent plus d'une négociation entre La Poste et certains syndicats mais résultent d'un acte unilatéral de La Poste.
134. Pour les tarifs spéciaux, La Poste a supprimé le seuil annuel exigé pour l'accès aux TS2 et TS3 du Postimpact, qui était de 3 millions de plis. Parallèlement, elle a baissé considérablement le seuil en volume, qui est passé de 50 000 plis à 20 000, et augmenté le seuil minimal de plis à déposer par expédition en local (2 000 pour le TS2 et 8 000 pour le TS3 alors qu'il était auparavant fixé à 2 000). De plus, le regroupement des flux mécanisables et non mécanisables est interdit.
135. Pour les contrats techniques, La Poste a créé trois nouveaux contrats : deux instaurent un seuil annuel de 3 millions de plis (contrat de présentation et contrat qualité) et un de 30 millions de plis (contrat de préparation).
C. LES GRIEFS NOTIFIÉS
136. Au vu de l'ensemble des éléments recueillis, les griefs suivants ont été notifiés :
- " à La Poste, d'avoir, jusqu'en 1999 et sur l'ensemble du territoire national fait un usage abusif de son monopole en appliquant de manière discriminatoire ses tarifs (TG ou TS) ou les conditions d'obtention de ses tarifs, et par là-même d'avoir contrevenu aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité (grief n° 1) ;
- à La Poste d'avoir, de 1994 jusqu'à 1999 et sur le marché national de la préparation du courrier de gestion, traité les usagers de son réseau de façon discriminatoire en accordant à sa filiale Datapost, un taux de remise arbitraire et anormalement élevé et de manière exclusive un régime spécifique par la convention de mandataire transparent, ce qui contrevient des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité (grief n° 2) ;
- à La Poste d'avoir, de 1993 à 1997 et sur le marché national de la préparation du courrier publicitaire accordé à sa filiale Dynapost un régime préférentiel et exclusif quant à la facturation directe des affranchissements et l'acceptation de ses dépôts, lui donnant un avantage concurrentiel considérable et appliquant ainsi de manière discriminatoire ses conditions de vente, ce qui est contraire aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité (grief n° 3) ;
- à La Poste d'avoir, depuis 1994 et sur le marché national de la préparation du courrier de gestion, par le taux de remise arbitraire et anormalement élevé accordé à sa filiale Datapost, subventionné sa filiale afin de lui permettre de présenter des offres particulièrement basses et non rentables entraînant par là même une perturbation durable du marché, ce qui est sanctionnable au regard des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité (grief n° 4) ;
- à La Poste, d'avoir, de 1995 à 1999, dans le ressort de la direction départementale de l'Aisne dépendante de la délégation Nord-Ouest, utilisé ses activités tirées de son monopole afin d'offrir gratuitement, donc à des conditions prédatrices, aux sociétés Vag et Maulde & Renou, des prestations de tri ayant eu pour objet et pour effet de fausser et de restreindre le jeu de la concurrence et à tout le moins de perturber durablement les marchés de la préparation d'objets postaux pour le compte d'annonceurs, pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce (grief n° 5) ;
- à La Poste, d'avoir, dans le ressort de la délégation Nord-Ouest, subventionné par ses activités monopolistiques des activités en concurrence en pratiquant des prix prédateurs :
* en 1998, dans le ressort du CTC de Laon pour les prestations de mise sous pli manuelle et d'affranchissement en Port payé et en 1999, de mise sous pli manuelle ;
* en 1998, dans le ressort du CTC de Saint Maximin, pour les activités de colisage et de tri et, en 1999 pour les prestations de colisage ;
* en 1998, dans le ressort du CTC d'Arras, pour les prestations diverses (c'est-à-dire activités hors mise sous pli, adressage et affranchissement). ces pratiques, qui ont eu pour effet de perturber durablement les marchés de la préparation d'objets postaux pour le compte d'annonceurs et de fausser et restreindre le jeu de la concurrence, étant prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce (grief n° 6) ;
- à La Poste, au SNELPD et au SNCD, d'avoir, de 1995 à 1999, sur le marché national de la préparation d'objets postaux pour le compte de La Poste, empêché ou restreint la pénétration du marché par les entreprises nouvellement créées et cloisonné l'accès au marché au détriment de certains concurrents par la création du label QRP et de seuils d'accès sans justification économique objective, ce qui est contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité (grief n° 7) ;
- à La Poste, d'avoir, depuis 1999, sur le marché de la préparation d'objets postaux pour son compte, instauré des seuils d'accès aux contrats techniques et une autorisation de regroupement dans le contrat de préparation, qui sont arbitraires, constituant un indice de traitement discriminatoire et instaurant des barrières à l'entrée du marché de la préparation d'objets postaux pour son compte, ce qui est contraire aux articles L. 420-2 du Code de Commerce et 82 du traité (grief n° 8) ".
137. Au stade du rapport, le grief concernant Dynapost (grief n° 3) a été abandonné.
II. Discussion
A. LA PROCÉDURE
1. SUR LA PRESCRIPTION DE L'ENTENTE
138. Le SNELPD et le SNCD exposent en premier lieu que le grief n° 7 qui les concerne ne peut être retenu, car il se réfère à des pratiques qualifiées d'entente, ayant pris la forme de label professionnel et de " contrat de partenariat " , qui ont pris fin respectivement en décembre 1998 et en juillet 1999 et qui sont donc prescrites, aucun acte tendant " à leur recherche leur constatation ou leur sanction ", n'ayant été accompli entre ces dates et la date où le Conseil s'est saisi d'office de ces pratiques, le 20 novembre 2002. Le SNELPD expose en effet que sa saisine initiale du Conseil, le 25 février 1998, ne visait que des pratiques d'abus de position dominante de La Poste au préjudice des routeurs et que par conséquent, la demande d'enquête du 24 mars 1999, demandant aux enquêteurs de " vérifier dans quelles conditions (le contrat de partenariat de 1994 entre La Poste et le SNELPD) a été négocié et s'il ne constituerait pas une entente ", est irrégulière en ce qu'elle aurait dépassé le cadre de la saisine initiale et ne pourrait donc interrompre la prescription des pratiques. Le SNCD ajoute, en deuxième lieu, que quand bien même la demande d'enquête du 24 mars 1999 aurait interrompu la prescription à l'égard de La Poste et du SNELPD, elle ne l'aurait pas interrompue à son égard, car le SNCD n'était pas visé dans la demande d'enquête. Enfin en troisième lieu, une deuxième période de 3 ans aurait couru depuis la date de la demande d'enquête, sans qu'aucun acte n'ait été accompli tendant à la recherche ou à la constatation des faits.
139. Mais, sur le premier point, s'il est exact que le SNELPD a saisi le Conseil, le 25 février 1998, de pratiques d'abus de position dominante de La Poste sur le marché du routage, cette saisine contient, en pages 15 et 16, des mentions du contrat de partenariat Poste-Routeurs du 25 octobre 1994, ainsi que du label " Qualité Routeur Premier ". Dans sa saisine complémentaire du 27 juin 2000, le SNELPD a d'ailleurs saisi le Conseil du nouveau cadre contractuel du routage succédant au contrat de partenariat de 1994 (page 2 de la saisine). Les pratiques contractuelles et tarifaires du grief n° 7 étaient donc bien visées dans la saisine du 25 février. Le Conseil, étant saisi " in rem ", pouvait enquêter sur toutes pratiques visées par la saisine, sans être lié par les demandes ou les qualifications adoptées par la partie saisissante. C'est dès lors à bon escient que la demande d'enquête du 24 mars 1999 les a expressément visées. Cette demande a donc bien interrompu la prescription.
140. Sur le deuxième point, l'effet interruptif des actes d'enquête vaut à l'égard de toutes les parties à la procédure, en vertu de l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 juillet 2005 (CNPA) selon lequel : " un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant la période visée par la saisine, interrompt la prescription à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité (...) ". Le SNCD étant concerné par les mêmes pratiques que le SNELPD, la prescription s'est également trouvée interrompue à son égard.
141. Sur le troisième point, d'autres actes tendant à la recherche ou à la constatation de l'entente entre La Poste, le SNCD et le SNELPD, visée au grief n° 7, sont venus interrompre la prescription des faits postérieurement à la demande d'enquête de mars 1999. Tel est notamment le cas du procès verbal d'audition de MM. E et F daté du 6 janvier 2000, dans lequel ceux-ci exposent longuement l'effet global de la réforme de 1995. La demande de renseignements adressée le 5 janvier 2000 par la DGCCRF à La Poste, la convocation de La Poste par la DGCCRF le 3 février 2000 à une audition destinée à examiner les circonstances de la mise en place des différents contrats techniques depuis 1994, la saisine complémentaire du Conseil du 27 juin 2000 et enfin la saisine d'office du Conseil du 20 novembre 2002, qui selon une jurisprudence constante est un acte interruptif de prescription (décisions du Conseil n° 90-D-08, n° 96-D-44 et n° 96-D-57, Cour d'appel de Paris, 20 septembre 1990), ont également interrompu la prescription à l'égard de l'ensemble des entreprises impliquées dans la pratique.
2. SUR LE RAPPORT D'ENQUÊTE ET LES DOCUMENTS ANNEXES À CE RAPPORT
142. La Poste soutient que, conformément à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 février 1999 (Toffolutti), le rapport d'enquête et les documents transmis en annexe à ce rapport par la DGCCRF doivent être écartés des débats, car le rapport se réfère à une première demande d'enquête adressée par la présidente du Conseil au directeur de la DGCCRF le 5 janvier 1999, annulée par une seconde demande d'enquête du 24 mars 1999.
143. Mais il ressort des circonstances de la transmission du rapport d'enquête administrative que la mention du " 5 janvier 1999 " figurant en en-tête de ce document n'est qu'une erreur matérielle n'entraînant aucune conséquence juridique. En effet, le courrier de transmission du rapport, en date du 13 juin 2001, signé par le directeur de la DGCCRF, vise expressément la demande du 24 mars 1999.
144. La deuxième demande d'enquête du 24 mars 1999 est identique à celle du 5 janvier 1999, le nom du rapporteur ayant simplement été ajouté à cette deuxième demande afin de satisfaire aux prescriptions de la Cour d'appel de Paris, dans l'arrêt Toffolutti du 29 février 1999. Dans cet arrêt, annulé par la Cour de cassation le 16 mai 2000, la cour d'appel excipait de l'indétermination du rédacteur d'une demande de renseignements adressée à la DGCCRF préalablement à la séance d'examen de la demande de mesures conservatoires, l'obligation d'écarter des débats les pièces irrégulièrement obtenues en retour. La Cour de cassation s'est prononcée en ces termes : " attendu que pour infirmer la décision du Conseil de la concurrence imputant l'initiative de la demande d'enquête au rapporteur, qu'elle a tenu pour être l'auteur de la note annexée à la lettre requérant l'administration et pour avoir ainsi défini les orientations des diligences à accomplir, l'arrêt retient que cette note ne comporte aucune mention relative à son auteur. Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans prendre en considération le fait que la lettre de la Présidente du Conseil de la concurrence ne comportait, en elle-même, aucune demande d'enquête et se bornait à inviter l'administration à communiquer au rapporteur des informations (), et sans rechercher si la note jointe à cette lettre incluant des indications plus précises sur les diligences envisagées n'était pas imputable au rapporteur désigné, même en l'absence de mentions l'identifiant expressément comme son auteur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ".
145. Enfin, aucun acte d'instruction n'a été réalisé sur la base de la première demande d'enquête.
146. Dès lors, la mention erronée de la première demande, résultant d'une simple erreur matérielle, n'a pas pu porter atteinte aux droits de La Poste. Il convient d'écarter ce moyen.
3. SUR LE RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE
147. Le SNELPD et le SNCD soutiennent que les déclarations et les preuves recueillies auprès d'eux ont été collectées dans des conditions déloyales, car ils n'ont pas été clairement informés de l'objet de l'enquête, les pièces du dossier portant uniquement sur " les activités de la société La Poste et de ses filiales ". Ils auraient été amenés par là-même à faire des déclarations et à fournir des pièces qui ont été utilisées contre eux pour la caractérisation du grief n° 7. Selon les syndicats, l'ensemble des preuves collectées lors de cette enquête devrait être écarté des débats.
148. Mais " la mention pré-imprimée sur le procès-verbal selon laquelle l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la partie entendue suffit à justifier, jusqu'à preuve contraire, de l'indication de cet objet ", ainsi que la chambre commerciale de la Cour de cassation l'a jugé dans un arrêt du 20 novembre 2001 (Bec Frères).
149. Il résulte de l'ensemble des pièces du dossier que les enquêteurs ont satisfait, en l'espèce, à leur obligation de loyauté en faisant expressément référence au titre III de l'ordonnance de 1986 portant sur les diverses pratiques anticoncurrentielles (ententes incluses) et en précisant que les personnes entendues ont été interrogées sur la situation de concurrence dans les secteurs d'activité du groupe La Poste. De plus, les 6 mai et 14 décembre 1999, dans les deux autres auditions des 28 novembre 2002 pour le SNELPD et 29 avril 2003 pour le SNCD, les procès-verbaux contenaient la mention suivante : " Après avoir informé les parties que l'accord cadre du 25 octobre 1994 et l'avenant en date du 7 juin 1995 pouvaient tomber dans le champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce, ce qui a fait l'objet d'une saisine d'office du Conseil de la Concurrence en date du 20 novembre 2002 ".
150. Les deux syndicats ont donc été clairement informés de l'objet de l'enquête et de son cadre juridique, et n'ont pu se méprendre sur la portée de leurs déclarations et des documents qu'ils ont communiqués à cette occasion.
151. En conséquence, en l'absence de preuve démontrant que le principe de loyauté aurait été violé, il n'y a pas lieu d'écarter de pièces du dossier.
B. LES PRATIQUES
1. LE MARCHÉ
152. Conformément à la description du secteur faite aux paragraphes 1 à 60 de la présente décision, il existe trois marchés distincts reposant sur l'expression de demandes différentes et sur les particularités des prestations offertes : le marché de la sous-traitance de la préparation d'objets postaux pour le compte de La Poste ; le marché de la préparation du courrier publicitaire pour le compte d'émetteurs-annonceurs ; le marché de la préparation du courrier de gestion pour le compte d'émetteurs-annonceurs.
153. Sur les marchés du routage pour le compte d'émetteur, les contraintes imposées par La Poste et la capacité de traitement des routeurs permettent d'affirmer qu'il existe un sous-marché du routage local qui répond à une demande locale, servie par des routeurs locaux, peu mécanisés et travaillant de manière " artisanale " (laséristes de niches pour le courrier de gestion et routeurs locaux pour le courrier publicitaire) et un sous-marché du routage national, qui répond à une demande émanant de grands comptes, servi par des routeurs fortement mécanisés et à même de proposer toute une gamme de services.
154. En effet, les conditions objectives de concurrence du produit ne sont pas similaires pour tous les opérateurs économiques, et ces différences permettent d'identifier ces deux sous-marchés.
155. En premier lieu et s'agissant de la demande, les entreprises, en fonction de leur situation géographique et de leur taille ne font pas appel indistinctement aux routeurs nationaux ou locaux. Cela résulte des réponses des routeurs à la demande d'information de la DNEC de juillet 1999, confirmant la juxtaposition d'un marché national et de marchés locaux. L'examen de la clientèle de ces routeurs prouve que les émetteurs locaux s'adressent aux routeurs locaux. A titre d'exemple, Publidiffusion, Postage Service, Conditionnement Routage Publicité ou encore Promoroutage, Départ presse, RGF, PRI, SMR, tous routeurs locaux, et tous situés en région parisienne, ont pour principaux clients des entreprises situées le ressort de la délégation Ile-de-France de La Poste. Publiroutage Normand, quant à lui, a ses principaux clients à Caen et dans le Calvados. Routage 81 a ses clients dans le Tarn et le Gers et Sud Routage à Nîmes et à Montpellier, Inforoutage situé à Limoges regroupe ses clients dans la Haute-Vienne. Dans leurs réponses, les routeurs locaux se plaignent d'ailleurs de la concurrence des bureaux locaux de La Poste alors que les routeurs nationaux comme Inter Routage ou Cortexlaser s'estiment concurrents de Datapost ou de Dynapost et sont offreurs sur tout le territoire. Cette demande locale est motivée par les frais de transport, réduits lorsque des demandeurs locaux s'adressent à des routeurs situés à proximité.
156. En deuxième lieu, s'agissant de l'offre, les entreprises se distinguent selon leur capacité et leur taille. Les laséristes de niches interviennent sur des marchés locaux du routage de courrier de gestion, et les " routeurs locaux " interviennent sur des marchés locaux du routage de marketing direct. Concernant les routeurs spécialisés dans le marketing direct, il existe des entreprises de différentes tailles, allant de l'entreprise familiale à la structure industrielle. Selon l'étude de marché du SNELPD, " certains routeurs importants ont une clientèle opérant au niveau national, alors que d'autres de taille plus modeste et disposant d'infrastructures matérielles et humaines limitées ont une clientèle essentiellement locale ". Ce point de vue est partagé par l'étude GBC pour La Poste. Les routeurs locaux étaient, selon cette étude, au nombre de 127 en 1998, représentant 31,3 % du chiffre d'affaires de la profession. Ils ne bénéficient généralement pas des contrats techniques de La Poste puisque les travaux de préparation offrant l'accès aux tarifs TS ne représentent que 1,6 % de leur chiffre d'affaires. Dans la description générale des routeurs locaux, il est indiqué : " petites entreprises à caractère familial, développant leurs activités sur un département ou sur une grosse agglomération. Selon la richesse du tissu économique, il en existe une ou deux par département (hors région parisienne). Une douzaine de structures plus importantes ont conservé une clientèle locale. Prestataires de services locaux de proximité "on fait ce que les gros routeurs ne veulent pas ou ne peuvent pas faire : du sur mesure, parfois sur le champ, en faisant des heures supplémentaires s'il le faut (...) les activités gardent un côté artisanal qui répond à des besoins locaux ". L'étude prend comme exemple la société " Routage catalan " et précise que la clientèle est essentiellement composée d'émetteurs locaux situés dans les Pyrénées orientales. S'agissant des laséristes, l'étude GBC a distingué deux types de laséristes, les laséristes multi-localisés (disposant de moyens importants et de plusieurs implantations sur le territoire national) et les laséristes de niches (disposant de moyens très limités au regard des précédents) dont " le rayon d'action des laséristes de niche est souvent régional ". La multi-localisation se justifie par " la valeur logistique et commerciale de la proximité avec les clients ". En effet, comme le souligne l'étude Tempo International " pour l'édition de gestion postée, une remise en poste locale permet de bénéficier du tarif écopli tout en conservant des délais d'acheminement compétitifs (1 à 2 jours), entraînant ainsi une amélioration de la prestation globale. Pour l'édition non postée, la proximité du client est un atout important, en terme de délais et de coûts (le coût du transport est ici variable avec la distance et la charge du prestataire). Commercialement, une implantation locale semble indispensable pour capter une clientèle régionale ".
157. En troisième lieu, certaines contraintes imposées par La Poste elle-même justifient l'existence de marchés locaux. En effet, les routeurs, même ceux qui traitent de gros fichiers de dimension nationale, ne peuvent déposer leurs envois qu'au centre de tri correspondant à l'adresse de leur machine à affranchir. Par conséquent, ils doivent disposer d'unités de traitement suffisamment importantes, la délocalisation ou le fractionnement de fichiers entre différents établissements qui dépendraient d'autres bureaux distributeurs engendrant des coûts de transport importants. Il en est de même de la clientèle " grands comptes " qui choisit d'externaliser sa fonction courrier aux routeurs, et qui, en fonction de sa taille et de ses besoins, s'adresse à un routeur situé dans une zone géographique proche de son lieu de production. A défaut, les frais de transport trop élevés s'ajouteraient à la prestation de routage ce qui rendrait l'opération non rentable. Seules les entreprises ayant un flux de courrier important pourraient mettre en concurrence les différents routeurs (nationaux ou locaux afin d'évaluer le montant des coûts évités par la sous-traitance). Par conséquent, les contraintes contractuelles imposées aux routeurs ont un impact sur leur zone de chalandise. Les routeurs de taille importante sont avantagés dans le traitement de fichiers de dimension nationale.
158. L'offre et la demande se rencontrent donc sur des zones que l'on peut sous-diviser selon l'organisation territoriale de La Poste à savoir :
- région Ile-de-France ;
- région Bourgogne ;
- Rhône-Alpes ;
- région Centre-Massif central ;
- région Est, région Méditerranée ;
- région Midi-Atlantique ;
- région Nord-Ouest et région Ouest.
159. Sur ces marchés, en aval, La Poste détient le monopole sur la levée, le tri et la distribution des objets postaux (inférieurs à 350 grammes ou d'un tarif d'affranchissement inférieur à cinq fois le tarif de base jusqu'au 1er janvier 2003, et, depuis cette date, à 100 grammes ou inférieurs à trois fois le tarif de base), ce qui suffit à caractériser sa position dominante sur ce segment.
160. En amont, le groupe La Poste est concurrent des routeurs, soit lorsqu'il propose des prestations de routage en interne, soit lorsque ce sont ses filiales qui les proposent.
161. Cependant, en l'absence de comptabilité analytique, il est impossible de connaître la position de La Poste sur le marché de la préparation d'objets postaux pour le compte d'émetteurs-annonceurs, lorsqu'elle effectue des opérations de routage en interne, c'est-à-dire via ses bureaux et délégations. S'agissant des filiales courriers concernées, elles ne sont pas en position dominante sur les marchés tels que définis plus haut. Selon La Poste, Datapost Aspheria serait le 6ème acteur sur le marché du courrier de gestion et aucune filiale de La Poste ne ferait de routage de marketing direct.
2. LA DEMANDE DE NOTIFICATION DE GRIEFS COMPLÉMENTAIRES
162. Le SNELPD demande que l'instruction soit poursuivie, sur des pratiques de subventions croisées entre La Poste et ses services internes Carré Pro et Kiosque Courrier. Selon ce syndicat, les subventions croisées seraient des infractions en soi, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve qu'elles sont jumelées à des pratiques de prix prédateurs.
163. Mais, selon une jurisprudence constante, une entreprise publique disposant d'un monopole légal, qui utilise les ressources de son activité monopolistique pour subventionner une activité soumise à concurrence, ne méconnaît pas de ce seul fait, les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. En revanche, " est susceptible de constituer un abus le fait, pour une entreprise disposant d'un monopole légal, c'est-à-dire un monopole dont l'acquisition n'a supposé aucune dépense et est insusceptible d'être contesté, d'utiliser tout ou partie de l'excédent des ressources que lui procure son activité sous monopole pour subventionner une offre présentée sur un marché concurrentiel, lorsque la subvention est utilisée pour pratiquer des prix prédateurs ou lorsqu'elle a conditionné une pratique commerciale qui, sans être prédatrice, a entraîné une perturbation durable du marché qui n'aurait pas eu lieu sans elle " (décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 confirmée par la Cour d'appel de Paris le 20 novembre 2001 ; pourvoi rejeté par la Cour de cassation le 10 décembre 2003).
164. De même, au regard du droit communautaire, le fait de subventionner des activités concurrentielles en imputant leurs coûts à des activités réservées est susceptible de fausser la concurrence, mais, sans que ce comportement constitue, par lui-même, un abus de position dominante au sens de l'article 82 du traité. La Communication de la Commission n° 98-C sur l'application des règles de concurrence au secteur postal et sur l'évaluation de certaines mesures d'Etat relatives aux services postaux, précise ainsi que les subventions croisées ne sont pas interdites per se : " 3.3. (...) subventionner des activités concurrentielles en imputant leurs coûts sur des activités réservées est susceptible de fausser la concurrence en violation de l'article 86 [article 82]. Ce comportement pourrait constituer un abus d'une entreprise détenant une position dominante dans la Communauté. (...) Malgré cela, les entreprises dominantes sont également autorisées à concurrencer les autres entreprises par les prix ou à accroître leur situation de trésorerie et à ne pouvoir couvrir que partiellement leurs coûts fixes (indirects), sauf s'il s'agit de prix d'éviction ou allant à l'encontre des règles nationales ou communautaires concernées ". Dans l'affaire UPS Europe SA c/Commission et Deutsche Post du 20 mars 2002, le Tribunal de première instance a considéré que, le seul fait que Deutsche Post ait utilisé des fonds à sa disposition pour acquérir le contrôle conjoint d'une entreprise active sur un marché voisin ouvert à la concurrence, ne pouvait, en soi, même si ces fonds provenaient du marché réservé, constituer une violation de l'article 82 du traité. L'acquisition d'une participation de ce type ne pourrait susciter des problèmes au regard des règles de concurrence que dans le cas où les fonds utilisés par l'entreprise possédant le monopole résulteraient de prix excessifs ou discriminatoires ou d'autres pratiques abusives, imposés sur son marché réservé.
165. En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que les activités ouvertes à la concurrence de La Poste auraient bénéficié d'un réel appui logistique et financier de ses services réservés. Il est actuellement impossible d'évaluer avec précision les coûts des prestations fournies dans le domaine concurrentiel, lorsque la prestation est offerte par La Poste au sein de ses services (cas du routage). Par ailleurs, quand bien même La Poste aurait utilisé les ressources de son activité monopolistique pour subventionner une nouvelle activité, rien ne permet là encore de présumer que cette pratique, à la supposer établie, aurait présenté un caractère abusif. En effet, au vu des informations rassemblées malgré l'absence de comptabilité analytique de La Poste, aucune pratique susceptible d'entraîner une distorsion de concurrence n'a pu être mise en évidence, telle que des prix prédateurs ou des prix anormalement bas par rapport à ceux pratiqués sur le marché. Enfin, il n'existe aucune certitude que la subvention aurait permis de compenser de manière durable l'éventuel déficit structurel des activités de diversification par les résultats positifs tirés de l'activité de monopole, ce qui conduirait au maintien sur le marché d'une offre artificiellement compétitive, selon une stratégie d'éviction des concurrents du marché.
166. Pour l'ensemble de ces raisons, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer pour renvoi à l'instruction.
3. LES GRIEFS NOTIFIÉS
a)S'agissant des griefs de subventions croisées
Grief n° 4
167. Un grief a été notifié à La Poste pour avoir subventionné sa filiale Datapost, grâce à des remises consenties de manière discriminatoire, afin de lui permettre de présenter des offres particulièrement basses et non rentables, entraînant par là même, une perturbation durable du marché.
168. Il résulte de l'enquête administrative que Datapost a conclu plusieurs contrats avec les CCP, Edf, Ariel, Total, en pratiquant des prix ne couvrant pas ses coûts totaux, mais couvrant ses coûts variables (voir pages 236 à 240 du rapport d'enquête administratif).
169. Mais le lien de causalité entre la remise octroyée par La Poste à Datapost et le niveau des prix pratiqués par Datapost n'est établi que pour le contrat EDF-GDF des centres Nice-Côte d'Azur et Gard-Cévennes. Il résulte en effet des constatations opérées au paragraphe 107 que Datapost a pu, grâce à la remise exceptionnelle octroyée par La Poste, obtenir le marché EDF-GDF. Toutefois, le montant de ce marché représentant seulement 0,15 % du chiffre d'affaires annuel du routage, sa conclusion ne saurait, à elle seule, entraîner une perturbation durable du marché.
170. Le grief ne peut donc être retenu.
Griefs n° 5 et 6
171. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 82, 88 et 93 que le centre de service à valeur ajoutée de l'Aisne a offert des prestations de tri gratuites aux sociétés Volkswagen et Maulde et Renou et que les centres de tri de Château-Thierry, Saint Maximin et Arras ont facturé des prestations en dessous des coûts variables totaux.
172. Les éléments comptables confirment les pertes enregistrées par La Poste sur ces activités et notamment, les marges sur coûts variables négatives en 1998 (- 173 KF) et 1999 (- 193 KF sur 9 mois) constatées sur l'activité du Centre de services du département de l'Aisne. Il en est de même du centre de services de l'Oise, qui en 1998, a eu un résultat d'exploitation négatif. La Poste a donc toléré des activités déficitaires de ses centres sans contrepartie. Il est important de noter que la direction générale de La Poste était informée de la création et du fonctionnement des Centres de services et de leurs activités. Une note interne de La Poste du 6 novembre 1998 fait état de 23 départements qui proposeraient des offres de mise sous pli.
173. Cependant, les informations rassemblées malgré l'absence de comptabilité analytique et de tout élément de coûts, n'apportent pas la preuve que La Poste a utilisé les ressources issues de son monopole pour subventionner des activités en concurrence, les centres de tri traitant indistinctement le courrier en monopole et le courrier en concurrence. L'existence même de subventions croisées provenant des activités réservées de La Poste n'est donc qu'une hypothèse. Par ailleurs, quand bien même cette existence serait établie, la démonstration d'une pratique de prédation exige, ainsi que le Conseil l'a rappelé dans une décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005, que plusieurs conditions soient réunies, notamment que les prix soient " inférieur(s) au concept de coût(s) pertinent(s) " et qu'une " stratégie d'éviction (soit) rendue en particulier crédible par la possibilité de récupération des pertes une fois le concurrent sorti du marché ". Aucune de ces conditions n'est démontrée en l'espèce. En outre, il n'est pas établi non plus que ces pratiques aient pu entraîner une perturbation durable du marché.
174. Par conséquent, les griefs n°5 et 6 ne peuvent être retenus.
b) S'agissant de l'entente
Grief n° 7
175. L'accord de partenariat ainsi que les divers contrats techniques décrits aux paragraphes 118 à 120 constituent un accord de volonté entre La Poste, le SNELPD et le SNCD. L'accord entre entreprises a pris la forme du contrat dit " contrat Partenariat Poste-Routeurs, création d'un label Qualité Routeur Premier " du 25 octobre 1994 et d'un " avenant au contrat de partenariat " du 7 juin 1995. La création du système contractuel tel qu'il a été mis en œuvre de 1995 à 1999 répond à une demande des routeurs qui depuis longtemps, réclamaient une réorganisation des relations contractuelles. Le préambule de l'accord précise à cet égard : " Souhaitant renforcer leurs relations, La Poste et les partenaires se sont rapprochés afin de déterminer des objectifs communs (...) ". Dans l'avenant, il est ajouté : "
fruit de plusieurs mois de négociation
". Le contrat de partenariat, comme l'avenant, constituent donc un accord entre entreprises.
176. Cependant, ces accords n'ont ni objet, ni effet anticoncurrentiel.
177. En effet, les contrats en cause instaurent d'une part un système de label, et d'autre part un système de seuils donnant droit à une rémunération au point.
178. S'agissant du label, le Conseil a rappelé dans une décision n° 05-D-22 du 18 mai 2005, que " Une démarche collective de qualité comme, par exemple, la constitution d'un label de qualité ou encore la constitution d'un système d'identification professionnelle conduisant à sélectionner des entreprises en fonction de leur aptitude à réaliser certains travaux ou en fonction de certains critères de qualité, constitue une entente entre les entreprises qui adhèrent à cette démarche, mais elle ne peut, a priori, être considérée comme un comportement anticoncurrentiel lorsqu'elle tend à l'amélioration de la qualité des produits et des services vendus aux consommateurs finals.
Une telle entente serait en revanche anticoncurrentielle si les critères d'octroi d'un label dont la détention est indispensable pour exercer une activité, n'étaient pas suffisamment objectifs et clairs et se prêtaient à une application discriminatoire, permettant ainsi d'évincer des concurrents du marché concerné par le label, par des moyens autres que ceux fondés sur les mérites des entreprises ou encore si la charte régissant le label contenait des clauses de prix imposés ou des restrictions territoriales absolues ".
179. En l'espèce, La Poste a justifié la mise en place de ce label par sa volonté d'assurer une qualité minimale des prestations et de vérifier une certaine fiabilité matérielle et financière de ses interlocuteurs routeurs. En séance, La Poste a donné différentes illustrations des coûts engendrés par le non-respect de certains critères de qualité, et justifié ainsi la constitution d'un label QRP.
180. La détention du label ne constitue pas une condition indispensable à l'activité de routeur. Par ailleurs, les conditions d'accès à ce label, rappelées aux paragraphes 121 à 126 de la décision, sont fondées sur des critères objectifs. Toutefois, l'examen d'une période de référence de douze mois d'activité au jour de la demande de label réserve l'agrément aux entreprises déjà en place, ce qui peut sembler excessif au regard des autres critères exigés. Il convient cependant de constater qu'aucun refus d'agrément injustifié ou discriminatoire n'a été mis en évidence.
181. S'agissant du seuil d'accès de 6 millions d'objets pour le Postimpact, demandé et obtenu par les routeurs, son objet n'apparaît pas a priori anticoncurrentiel.
182. L'étude Tera Consultants précise en effet que : " L'augmentation des coûts fixes liée à l'automatisation impose un volume minimal de production pour que l'investissement s'avère efficace (coût unitaire plus faible) ". Les plis déposés ayant été traités en amont par un routeur permettent à La Poste de bénéficier des allègements du coût des préparations postales effectuées pour son compte, préparations exigées des routeurs pour accéder aux tarifs spéciaux et aux contrats techniques. Plus la quantité de plis déposés est importante, plus le niveau de préparation exigé est élevé, puisque le risque que des quantités de courrier importantes soient hétérogènes est plus grand. Plus les flux en sacs " bureau distributeur ", c'est-à-dire homogènes, sont substantiels, plus l'allégement de coût pour La Poste est important. Les économies d'échelle dont a bénéficié La Poste résultent du fait que les rémunérations accordées aux routeurs pour leurs préparations postales sont inférieures aux coûts qui seraient supportés par La Poste si elle devait réaliser elles-mêmes ces travaux.
183. En conclusion, si cette forme d'organisation (associant la détention d'un label de qualité à des seuils en terme de nombre de plis), proche de la distribution sélective, a pour conséquence de limiter nécessairement le nombre d'entreprises qui peuvent en bénéficier, elle présente néanmoins l'avantage de permettre une distribution plus efficace des objets postaux et d'en améliorer la qualité, notamment par l'amélioration des délais de distribution et la rationalisation du travail postal.
184. De plus, comme le montrent les données suivantes, ce mécanisme n'a pas créé de barrières à l'entrée sur le marché, puisque si, en 1995, 50 % des routeurs ne disposaient pas du label, 82 entreprises de routage sur 99 ont obtenu le label en 1996. La Poste indiquait, dans une note relative aux contrats techniques, qu'en 1995, 58 routeurs avaient signé le contrat technique pour le Postimpact, 48 en 1996, 51 en 1997, 45 en 1998 et 36 au premier semestre 1999. Par ailleurs, des routeurs ont accédé à la rémunération QRP, sans avoir signé un contrat technique. En 1997 et 1998, environ la moitié des routeurs qui avaient obtenu le label QRP n'ont pas signé de contrat technique, étant par conséquent rémunérés sur la base de la seule détention du label QRP (45 à 50 sur 90). Parmi ces entreprises QRP, plusieurs d'entre elles ont réalisé un chiffre d'affaires particulièrement faible : 25 entreprises titulaires du label en 1998 ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 15 millions (comme Agence Beudet et Europe Routage).
185. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le contrat de partenariat ait eu un objet ou un effet anticoncurrentiel.
b) S'agissant des contrats mis en œuvre depuis 1999
Grief n° 8
186. Concernant les seuils d'accès aux contrats techniques, la Commission européenne a indiqué, dans sa décision du 21 novembre 2001 : " (...), La Poste a la faculté d'imposer à ses partenaires du secteur du routage des conditions techniques et financières éloignées de la référence économique pertinente. La Poste pourrait fixer des conditions techniques et tarifaires qui, bien que formellement indistinctement applicables, défavoriseraient en fait les concurrents de La Poste et de ses filiales. Rien n'assure, par exemple, que les conditions de seuil en volume définies par La Poste pour l'accès à certains types de contrats techniques, ou bien la rémunération "au mille" consentie aux entreprises de routage pour les travaux de préparation et de tri, reposent sur des fondements reflétant des données économiques et techniques indiscutables (économies de traitement pour La Poste, économies d'échelle, valeur ajoutée réalisée, etc.) " (§ 89). Elle ajoute : " Certaines décisions techniques et tarifaires prises par La Poste en juillet 1999 illustrent la marge de manœuvre dont dispose l'exploitant public, et ses effets potentiels sur les conditions dans lesquelles opèrent les entreprises de routage. Sans qu'il lui soit nécessaire de se prononcer sur l'adéquation, l'équité et la justification des seuils établis par La Poste, la Commission se borne à observer, par exemple, que le relèvement soudain et significatif intervenu alors du seuil en volume de dépôt annuel de plis ouvrant aux routeurs l'accès au contrat de préparation a exclu de ce type de contrat environ la moitié des routeurs qui en bénéficiaient auparavant, bouleversant ainsi leurs conditions d'exploitation. Or, cette décision était sans effet sur les conditions d'exploitation des filiales de La Poste concernées qui, pour leur part, demeuraient de toute façon au delà du seuil critique, compte tenu de leur dimension et de leur volume d'activité" (§ 90) ".
187. En l'espèce la suppression du seuil qui était auparavant exigé pour l'accès aux tarifs TS2 et TS3 du Postimpact (qui était de 3 millions de plis), permet aux clients de La Poste d'accéder directement au TS3, ainsi que cela a été expressément admis par la direction du courrier de La Poste et noté par le ministère de l'Industrie en ces termes : " La Poste veut simplifier ses grilles tarifaires, mais aussi permettre aux petits et moyens clients de venir déposer directement à La Poste sans passer par les routeurs ". Par ailleurs, la création d'un seuil d'accès pour les prospections interdépartementales va dans le même sens, puisqu'elle favorise le développement du marketing direct à l'échelle locale. La note précitée du ministère de l'Industrie indique : " (...) La Poste espère favoriser le développement des prospections locales et augmenter le volume moyen des messages par expédition. La Poste cherche bien entendu également à se préparer à l'éventuelle libéralisation du publipostage, en offrant des seuils d'accès à ses tarifs plus avantageux pour les plis locaux que pour les plis nationaux ". Cette suppression des seuils, qui permet au client final de s'adresser directement à La Poste, induit la disparition d'un certain type de routeurs, mais ne va pas à l'encontre des règles de concurrence. En effet, du point de vue de l'économie globale de l'activité, la suppression d'un étage dans la chaîne verticale qui va de l'émetteur du courrier à La Poste doit être considérée comme un gain d'efficacité permettant une économie de coûts : d'une part, elle annule une étape technique, celle accomplie par les routeurs ; d'autre part, elle supprime " la double marginalisation " qui intervient lorsque plusieurs acteurs se succèdent dans une relation verticale. Lorsque deux entités indépendantes interviennent successivement dans un processus de production et fixent indépendamment leurs prix, le prix de la première étant un coût pour la seconde, le prix de la seconde est économiquement moins efficace que si les deux entités se coordonnent pour fixer leurs prix, coordination qui peut être obtenue par leur intégration verticale ou sous une autorité unique. Finalement, la suppression du seuil permet la mise en place d'un système tarifaire basé sur des critères objectifs et assurant à ses clients l'absence de discrimination.
188. Concernant la mise en place de nouveaux seuils dans les contrats techniques, La Poste a exposé en séance les motifs pour lesquels ces seuils très élevés sont justifiés, notamment au regard des coûts engendrés par le contrôle des dépôts.
189. Il existe ainsi deux modes d'affranchissement des plis : l'un par machine à affranchir, privilégié par les routeurs car il leur procure une remise de 1 %, l'autre en dispense de timbrage, surtout utilisé par les routeurs ayant des flux industriels et utilisant des machines de mise sous film, dont le coût d'acquisition est élevé, mais qui permettent de réaliser des économies d'échelle. Cette mise sous film rend impossible l'utilisation de la machine à affranchir et impose donc le dépôt des plis en dispense de timbrage. Ce deuxième système implique un contrôle des dépôts par La Poste, étant précisé, comme elle l'a exposé en séance, que " La Poste ne rémunère que ce qu'elle peut contrôler ".
190. Le mode de contrôle des plis en dispense de timbrage est différent selon que les plis sont déposés en mono-prospection (c'est-à-dire que toutes les prospections sont homogènes) ou qu'au contraire, le routeur " massifie " (ou regroupe) les prospections.
191. Le regroupement de prospections affranchies en dispense de timbrage, ou de prospections affranchies en dispense de timbrage avec d'autres prospections affranchies à la machine n'est possible que si La Poste peut contrôler par pesée chacune des prospections avant les travaux. Ceci implique qu'une équipe de contrôle postal soit en permanence implantée dans l'entreprise de routage. En pratique, seuls les grands routeurs, qui déposent en général tout ou partie des plis en dispense de timbrage, sont concernés par la mise en place d'une cellule de contrôle. Ainsi, en cas de regroupement de prospections (ou massification) par un routeur déposant des plis en dispense de timbrage, le contrôle nécessitera forcément l'intervention d'une cellule d'un type spécifique, appelée S3C T0. Or, les cellules S3C T0 impliquent un coût fixe important, que La Poste amortit au travers de dépôts d'un volume minimal.
192. L'inconvénient qui découle, pour La Poste, de l'affranchissement de plis en dispense de timbrage peut être surmonté à la condition que les plis soient homogènes (même poids, même émetteur), c'est-à-dire que les plis soient déposés en mono-prospection, c'est-à-dire provenant d'un seul et même client. Dans ce cas, la procédure de contrôle consiste à peser un échantillon des plis, puis le dépôt total, ce qui se fait au travers des cellules de contrôle S3CT1 qui sont en fait des cellules d'accueil des flux situés dans les centres de tri de La Poste, contrairement aux cellules S3CT0 situées chez les routeurs. La Poste effectue alors un contrôle par épreuve, consistant à vérifier la conformité d'un échantillon de sacs par rapport au descriptif. La valeur de la prestation du routeur qui dépose les plis en mono-prospection (dès lors qu'il accompagne le dépôt d'un bordereau informatique décrivant les contenants) est donc significative car il assure des économies de contrôle à La Poste, y compris lorsqu'il dépose des plis en dispense de timbrage. Les économies de contrôle que génère le dépôt en mono-prospection accompagné d'un bordereau informatique, motivent l'interdiction de regroupement dans le contrat de présentation.
193. La Poste a fourni en séance des exemples chiffrés des coûts fixes engendrés par la création de ces cellules de contrôle. Ils montrent que La Poste a intérêt à fixer un seuil minimal de dépôt annuel, afin que le pourcentage charges sur rémunération techniques ne dépasse pas un niveau raisonnable (soit environ 10 à 15 %). Ainsi le coût fixe, pour La Poste, d'une cellule de contrôle S3C T1 est de 15K euro par clients, soit un coût fixe de 5 euro le mille pour un dépôt de 3 millions d'objets. Le coût fixe d'une cellule S3CT0 est de 150K euro, amorti avec un dépôt de 30 millions d'objets. L'existence des seuils est donc justifiée par ces considérations techniques.
194. Il n'est donc pas établi qu'en modifiant les conditions de seuil pour accéder à ses contrats commerciaux, La Poste ait commis un abus de position dominante.
c) S'agissant des discriminations
A l'égard de Dynapost (grief n° 3)
195. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 115 à 117 que La Poste a réservé à sa filiale l'exclusivité d'une convention lui permettant la facturation directe des affranchissements de ses clients par La Poste. Cet avantage lui a permis de garantir la sincérité des dépôts réalisés pour le compte de ses clients, d'être protégée du risque d'impayés transféré à La Poste, en contrepartie de la non perception de la remise " 1 % machine à affranchir ".
196. Cependant, il résulte des observations présentées en défense par Dynapost que ce système de facturation directe ne présente pas que des avantages pour elle et inclut également des contraintes. En effet, Dynapost, à la différence des routeurs, ne peut bénéficier de la trésorerie résultant de différés de paiement. Par ailleurs, cet avantage est contrebalancé par la non perception du 1 % machine à affranchir. L'avantage concurrentiel de ce dispositif de facturation directe est fortement tempéré par le fait que le risque d'impayés que ce système viserait précisément à éviter serait en réalité limité également pour les routeurs, car ils encaissent dans ce système le montant des affranchissements avant de réaliser leurs prestations. On ne peut donc conclure que ce dispositif favorise Dynapost au détriment de ses concurrents, qui ne s'en plaignent d'ailleurs pas.
197. S'agissant du deuxième avantage dont bénéficie Dynapost, les éléments présentés par La Poste montrent que le dépôt tardif du courrier a été limité à un seul cas constaté sur l'ensemble du territoire, ce qui n'a pas pu constituer pour Dynapost, un avantage important, susceptible d'avoir faussé la concurrence.
198. Enfin, le système de facturation directe a été proposé aux syndicats de routeurs qui ne l'ont pas jugé utile. Enfin, la présence de Dynapost sur le marché du routage a été marginale et brève, prenant fin en 1999.
199. Il n'est donc pas établi que La Poste, en accordant à sa filiale Dynapost un régime préférentiel et exclusif quant à la facturation directe des affranchissements et l'acceptation de ses dépôts, ait commis un abus de position dominante.
A l'égard de certains émetteurs de courrier (grief n° 1)
200. L'article 82 du traité qualifie d'abusives les pratiques pouvant notamment consister à " appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ". De même, l'article L. 420-2 du Code de commerce, cite, au nombre des cas possibles d'abus de position dominante les " conditions de vente discriminatoires ".
201. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 68 à 95 que La Poste, via ses délégations, ses centres de tri ou ses bureaux de poste a, à diverses reprises, accepté des dépôts de certains émetteurs de courriers à des conditions dérogatoires, portant plus particulièrement sur les Postimpact, sans que ces dépôts répondent aux conditions de volume et de tri prévues par les tarifs de La Poste.
202. S'agissant du cadre général de ces tarifs, la directive postale n° 2002-39-CE indique que " Lorsque les États membres appliquent des tarifs spéciaux, par exemple pour les services aux entreprises, aux expéditeurs d'envois en nombre ou aux intermédiaires chargés de grouper les envois de plusieurs clients, les prestataires du service universel sont tenus de respecter les principes de transparence et de non-discrimination en ce qui concerne tant les tarifs proprement dits que les conditions qui s'y rapportent. Tous ces tarifs sont à la disposition des particuliers utilisant les services postaux dans des conditions similaires ".
203. Dans sa décision du 23 octobre 2001 citée plus haut (n° 2002-344-CE), la Commission européenne a relevé que l'activité de routage était tributaire de La Poste, le courrier devant obligatoirement être acheminé et distribué par elle, en vertu de son monopole sur le service postal de base. La Commission a souligné que La Poste, en position dominante sur ce service postal de base et détenant le pouvoir de fixer unilatéralement les règles d'accès à ce service par le biais des tarifs, était en position d'abuser de cette position dominante sur le marché connexe du routage, sur lequel elle est présente, soit elle-même, soit par l'intermédiaire de ses filiales. Dans cette même décision, la Commission citait, comme exemple d'abus, la pratique suivante (§ 92) : " (...) dans l'application des normes techniques auxquelles il est fait allusion précédemment, La Poste peut également être tentée de faire preuve à l'égard de ses propres filiales et des gros émetteurs de courrier avec lesquels elle traite directement, d'une moindre rigueur qu'à l'égard des entreprises de routage concurrentes. La Poste appliquerait en quelque sorte de manière discriminatoire des normes qui, en elles-mêmes, ne comportent pas d'élément de discrimination. Le plaignant a cité des exemples de cas où les filiales de La Poste n'avaient pas respecté des règles de qualités, de format, de présentation, d'horaires et de lieux de dépôt ou les règles concernant la nature du message, mais où elles ont tout de même bénéficié de ristournes contractuelles et de l'accès aux tarifs de faveur. Cette situation avait d'ailleurs été identifiée par la direction générale de La Poste ".
204. Les discriminations constatées au niveau de certains bureaux et centres de tri démontrent que La Poste n'a pas été en mesure de faire respecter sur l'ensemble du territoire le principe de non discrimination qui s'imposait à elle.
205. Il résulte de l'enquête et de l'instruction que La Poste était parfaitement informée des dysfonctionnements existant dans certaines délégations et des risques juridiques que ces discriminations lui faisaient courir. Dès 1995, la direction générale de La Poste a établi une note indiquant : " (...) INTERDICTION D'ETABLIR DES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES ET DES ENTENTES ILLICITES, OBLIGATION DE RESPECTER LES TERMES DES CONTRATS ; (...) La Poste doit veiller à avoir des conditions de vente, d'achat ou de prestations de services identiques à l'égard de l'ensemble de ses clients sur tout le territoire national. La Poste ne peut accorder l'accès à un client à un tarif dans le département et le refuser dans un autre. (...). C'est ainsi que La Poste doit appliquer les dispositions qui sont incluses dans les contrats techniques de la même façon à tous les routeurs quel que soit leur chiffre d'affaires avec le département ou leur situation géographique. Les séparations, les seuils, le contenu, les préparations des envois sont définis dans des contrats nationaux et l'ensemble de ces dispositions doivent être scrupuleusement appliquées sur tout le territoire par La Poste, sans qu'il puisse y avoir des interprétations différentes selon les diverses entités formant l'exploitant public. En conséquence, La Poste, dans l'hypothèse où elle oublierait de faire appliquer une disposition contractuelle où modèlerait l'application d'un contrat en fonction de la qualité des relations qu'elle entretient avec le cocontractant, encourt des sanctions pour pratiques discriminatoires. (...) ".
206. Aucun élément ne permet de savoir si cette note a été diffusée au moment des faits ; en revanche, elle a été annexée à une note du 26 août 1999 émanant de la délégation d'Ile-de-France à l'ensemble des responsables contrats techniques. Par ailleurs, plusieurs pièces montrent qu'à de nombreuses reprises, les délégations, les directions et même la Direction générale sont intervenues auprès des entités concernées pour que certaines pratiques cessent (voir paragraphes 71 et 95, par exemple). Dans certains cas, les instructions de la direction n'ont pas été exécutées, ce qui a nécessité des rappels (souvent sans effet), la direction de La Poste de l'Aisne ayant été la plus réfractaire à exécuter les ordres de la direction ou de sa délégation.
207. Il ressort des constatations opérées au paragraphe 95 que La Poste a tenté de redresser la situation et a mis en place un plan EXA/CP qui a permis de corriger certaines des anomalies de tarification constatées.
208. Il est cependant clair que ces contrôles n'ont pas réglé toutes les difficultés puisque les responsables des contrôles étaient sous la tutelle hiérarchique des directeurs départementaux de La Poste, lesquels avaient eux-mêmes pour intérêt et instruction d'augmenter le chiffre d'affaires postal sur leur département. En effet, avant 1999, de manière locale, les directions départementales rattachées aux délégations régionales avaient un objectif de développement du chiffre d'affaires sur la totalité du courrier déposé dans leur zone géographique, ce qui a eu pour conséquence d'entraîner une concurrence interne entre délégations sur la base de leur chiffre d'affaires. C'est la raison pour laquelle certains des directeurs ont continué à tolérer, dans leur ressort territorial, des conditions tarifaires discriminatoires. Depuis 1999, La Poste a instauré des objectifs commerciaux fondés sur le courrier émis par les clients de la zone concernée et non plus sur le courrier déposé dans la zone, ce qui devrait désormais éviter toute concurrence locale entre délégations. A plusieurs reprises, comme en attestent de nombreuses pièces au dossier, la direction du courrier est donc intervenue pour faire cesser les pratiques discriminatoires observées, sans grande logique d'ensemble, dans certains bureaux ou centres de tri ; mais La Poste a aussi encouragé ces derniers à accroître leurs chiffres d'affaires, ce qui a conduit certains bureaux à retenir des clients ou à les détourner des routeurs en leur accordant des tarifs auxquels ils ne pouvaient prétendre. La volonté de La Poste de contrôler l'activité et l'efficacité de ses bureaux et centres de tri est évidemment à mettre à son actif. Cependant, cette recherche d'efficacité ne peut justifier des comportements anticoncurrentiels.
209. Ainsi, si la preuve d'une stratégie globale d'éviction des routeurs de la part de la direction centrale de La Poste n'a pu être rapportée, une telle volonté étant contredite par le fait que des conditions discriminatoires ont également été accordées, mais cette fois à leur avantage, à des routeurs concurrents de La Poste sur ses activités de routage (sociétés Intercom, Sagecom et Diprest dans la direction de l'Essonne ; sociétés APR, Improsi et SDI dans la direction du Val de Marne), il résulte de ce qui précède que c'est bien l'entreprise La Poste, en tant qu'entité décisionnelle dont le monopole postal s'étend sur l'ensemble du territoire national et à qui il incombe de faire respecter les réglementations qu'elle émet, qui est responsable des diverses pratiques relevées, et non les bureaux ou centres de tri locaux qui ne disposent pas d'une autonomie juridique ou fonctionnelle au sein d'une entreprise fortement hiérarchisée.
210. Les différentes actions menées par elle pour mettre fin à ces pratiques se sont soldées par des échecs. Or, La Poste, en tant qu'entreprise en situation de monopole sur le service postal de base et en tant qu'opérateur réglementant unilatéralement l'accès à ce service, était soumise à une obligation particulière de prudence et de vigilance et au respect scrupuleux des tarifs, qui doivent être transparents. En ne prenant pas de dispositions suffisantes pour empêcher les discriminations disséminées sur tout le territoire national, elle a commis un abus de position dominante.
211. La Poste expose que les pratiques sont restées limitées à quelques bureaux de poste et n'ont pas eu d'effet sensible.
212. Mais si une enquête générale portant sur tous les centres de tri et bureaux de Poste n'a pu être effectuée, il résulte des pièces du dossier que des pratiques discriminatoires ont eu lieu sur tout le territoire national, ce qui explique que la direction générale de La Poste en ait été avertie très rapidement et qu'elle ait jugé utile d'envoyer à certaines directions des directives les alertant sur de possibles pratiques anticoncurrentielles. Les preuves rapportées sont relatives à Evry (Essonne), Créteil (Val de Marne), Dijon, Tours, Mulhouse, Lyon, Cergy, Clermont, Paris, Neuilly, Chatellerault et Laon. Il n'est toutefois pas possible au vu des pièces du dossier, d'estimer l'ampleur globale de ces discriminations. Celles-ci concernent dans certains cas des particuliers ou des PME qui ne sont pas clients des routeurs, pour l'envoi de courriers comme des faire-parts de mariage ou des relevés de notes scolaires. Dans d'autres cas, les discriminations ont bénéficié à de grands comptes comme VAG ou Maulde et Renou. Aucun autre grand compte ne figure au dossier comme ayant bénéficié ou pâti de tarifs discriminants. Par ailleurs, aucun routeur ne s'est plaint d'avoir été évincé de ces marchés.
213. Sur les marchés locaux, ces discriminations ont pu avoir pour effet une modification de la structure de la concurrence, sachant, au surplus, que selon les seuls éléments de coûts qui ont été tardivement fournis par La Poste, les routeurs seraient plus efficaces que La Poste pour effectuer les prestations de tri.
214. En effet, La Poste, en acceptant de certaines entreprises des dépôts sans préparation préalable ou en faible volume, tout en leur octroyant les tarifs prévus pour des préparations préalables ou de plus gros volumes, a affecté les conditions de concurrence sur les marchés locaux du routage. Tel a été le cas, notamment, pour les sociétés VAG, Maulde et Renou et Oberthur. Pour ces clients de La Poste, des routeurs ont été évincés, du fait de l'offre des centres de tri de La Poste concernés. Dans l'affaire VAG, il s'agissait de courrier venant pour partie d'Allemagne, ainsi que l'a indiqué le directeur commercial courrier-colis de la direction de La Poste de l'Aisne en ces termes : " Les dépôts provenant d'Allemagne et concernant VAG ne faisaient a priori pas l'objet d'une facturation de tri. Nous avons pris ces dépôts sans facturation de tri, car il s'agissait de courrier provenant d'Allemagne. Cette situation était antérieure à mon arrivée à la Direction de La Poste de l'Aisne, fin juin 1997. Je n'ai pas d'explication sur le fait que ce courrier soit accepté par le CTC sans tri ". Le directeur de La Poste de l'Aisne a précisé : " ce que je comprends c'est qu'avant mon arrivée, ce courrier produit par VAG en France était auparavant déposé en Allemagne. Je trouvais donc normal de récupérer ce courrier ".
215. Il résulte de ce qui précède, qu'en ne respectant pas le principe de non discrimination dans l'application de ses tarifs, La Poste a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
A l'égard de Datapost (grief n° 2)
216. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 106 à 109 que Datapost a bénéficié, de 1995 à 1999, d'un taux de remise unique, accordé indépendamment de toute garantie de volume des plis déposés, de la part de sa maison-mère, La Poste.
217. La Poste prétend que Datapost a bénéficié d'un traitement spécial justifié par son activité de traitement du courrier hybride. Un routeur en éditique classique dépose son courrier en amont sur un site de dépôt de La Poste, dont le centre de tri associé assure ensuite l'acheminement vers les différents destinataires sur l'ensemble du territoire. Le routeur reçoit alors une remise TG pour l'ensemble de son dépôt calculée selon le volume global déposé. Datapost, en revanche, était positionnée sur le marché du courrier hybride, c'est-à-dire le courrier qui, entre son émission et sa distribution au destinataire final, subit un certain nombre de traitements qui le font passer d'une forme électronique à une forme physique. Cette forme de production du courrier devait présenter l'avantage de la rapidité du transport (par voie électronique) et s'appuyait donc sur le développement de la communication par voie électronique. Ce dispositif d'impression permettait d'éviter une étape du tri et générait donc une économie évaluée, selon La Poste, à 0,67 franc par pli.
<emplacement tableau>
218. Datapost aurait donc bénéficié, en raison de ce positionnement spécifique sur l'activité de courrier hybride, de 1995 à 1999, d'un taux de remise sur affranchissement de 5,56 % pendant 8 mois, puis de 4,73 %. Il s'agirait du taux de rémunération moyen du secteur. Le président de Datapost, a confirmé ces éléments dans son audition du 14 janvier 2000 : " La Poste avait ainsi à l'époque l'idée de créer un nouveau produit postal et donc un tarif spécifique pour ce type de prestation. Dans ce dispositif, il était certain qu'il était impossible de donner au client final un prix d'affranchissement différent par la localisation de la production. Du coup, le dispositif de calcul de la remise technique par site de production et de dépôt n'était pas adapté. La Poste a décidé que pour l'activité courrier hybride qu'il y aurait une remise technique moyenne consentie à l'opérateur du courrier hybride à savoir Datapost. Cette spécificité répondait à une demande des clients qui ne comprenaient pas être traités différemment selon le site de production. La Poste a ainsi décidé de proposer un contrat de mandataire transparent dont Datapost était le fer de lance. Tout le monde pouvait a priori avoir accès à ce contrat ". Il ajoutait : " Le taux de remise moyen dont nous disposions correspondait à l'époque au taux moyen de la profession ".
219. Les explications et calculs d'économies de coûts avancés par La Poste permettent de justifier l'existence d'une remise unique sur le segment de l'éditique hybride. Pour ce segment, ils permettent également de justifier l'absence de dépôt de bordereau permettant un contrôle des plis.
220. En revanche, ce raisonnement n'est pas pertinent pour la part de l'activité de Datapost proposée en concurrence. Or, selon les pièces versées aux débats, ce taux unique lui a été appliqué pour la totalité de son activité (voir le récapitulatif des affranchissements du 22 mars 2000). D'ailleurs, La Poste a reconnu en séance que Datapost proposait des prestations en concurrence, mais a prétendu, sans en rapporter la preuve et contrairement aux éléments du dossier rappelés aux paragraphes 107 et 108, que ces prestations " classiques " n'avaient pas bénéficié du taux de remise incriminé.
221. Par ailleurs, les dépôts de Datapost dans les différents centres de tri l'ont été sans bordereaux de dépôts ce qui, d'une part, était dérogatoire aux conditions d'accès aux TG et aux prévisions des contrats machine à affranchir et, d'autre part, empêchait tout contrôle sur le volume global des plis servant au calcul de la remise et sur la qualité et l'effectivité des prestations effectuées.
222. La Poste, parfaitement au courant de cette situation, n'a manifesté sa volonté de faire rentrer sa filiale dans le droit commun qu'avec retard et sans succès avant 1999. Ainsi, dès 1997 la direction du courrier de La Poste, énonçait : " Les cotations effectuées sur le courrier de Datapost par les services opérationnels concernés montrent que le taux de remise qui devrait lui être appliqué pourrait être inférieur à celui dont il bénéficie actuellement, à savoir 3,44 % au lieu de 4, 73 % (...) de plus, Datapost étant aujourd'hui multi-implantée en France, le taux de remise ne peut plus être national, dans le respect des dispositions mises en place par La Poste envers le monde du routage, sauf à prouver techniquement que la qualité des dépôts est uniforme ".
223. Cette discrimination a donné un avantage concurrentiel certain à Datapost par rapport à ses concurrents. Elle lui a notamment permis d'emporter le marché EDF-GDF de Nice Côte d'Azur et de Gard-Cévennes (paragraphe 107).
224. Il résulte de ces éléments que La Poste, en octroyant à sa filiale Datapost un taux de remise unique pour son activité en concurrence ne correspondant pas aux conditions des contrats TG et en autorisant les dépôts sans bordereaux, a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
4. L'AFFECTATION DU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE
225. Les discriminations opérées par La Poste au profit des émetteurs de courrier (grief n° 1) et au profit de sa filiale Datapost (grief n° 2) sont constitutives d'un abus de sa position dominante sur le marché aval des services postaux de base, ayant eu un effet sur le marché amont du routage. Ces marchés sont nationaux, le marché du routage faisant quant à lui, coexister marchés locaux et marché national (voir paragraphes 153 à 162). Selon une jurisprudence constante, une entreprise détentrice d'un monopole légal sur une partie substantielle du Marché commun est considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 82 du traité (CJCE, 23 avril 1991, Höfner, C-41-90). Or, la France constitue une partie substantielle du Marché commun. Les pratiques de discrimination qui visent à avantager les prestations de routage accomplies en interne par La Poste par rapport aux routeurs en consentant des tarifs discriminatoires aux émetteurs de courrier clients directs ou encore à avantager les prestations accomplies par sa filiale Datapost, mises en œuvre sur le territoire national, peuvent également affecter les activités transfrontalières des sociétés de routage implantées dans d'autres Etats-membres ou les sociétés étrangères qui voudraient s'implanter en France pour y proposer leurs services.
226. De même, les envois confiés aux routeurs nationaux peuvent émaner de sociétés émettrices établies dans d'autres Etats-membres.
227. Le commerce intracommunautaire a donc été affecté par les pratiques rappelées plus haut.
228. Il résulte de ce qui précède, qu'en ne respectant pas le principe de non discrimination dans l'application de ses tarifs (grief n° 1) et en avantageant sa filiale Datapost (grief n° 2), La Poste a également enfreint les stipulations de l'article 82 du traité.
C. LES SANCTIONS
229. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
230. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490,17 euro ".
231. Concernant la gravité des pratiques, l'instruction n'a pas permis d'établir l'existence d'une stratégie délibérée et globale d'éviction des routeurs au profit de La Poste et de sa filiale Datapost. Plusieurs courriers accréditent le fait que La Poste ne souhaitait pas encourager ces pratiques et avait, à plusieurs reprises, manifesté son souhait qu'elles ne perdurent pas. Par ailleurs, les faits ne démontrent pas non plus qu'à la suite de ces pratiques, La Poste aurait pris pied sur des marchés de routage qu'elle ne contrôlait pas auparavant, en évinçant des entreprises qui opéraient sur ces marchés. Toutefois, La Poste s'est rendue coupable de négligence, réagissant avec retard et sans efficacité suffisante aux pratiques menées localement, qu'elle n'ignorait pas.
232. Concernant le dommage à l'économie, si un faisceau d'indices permet d'affirmer que l'application discriminatoire des tarifs TS et TG a eu lieu ou aurait pu avoir lieu de manière généralisée sur l'ensemble du territoire, compte tenu de la négligence de La Poste quant à l'application des tarifs, seules les discriminations constatées peuvent être sanctionnées, en l'absence de preuve d'une stratégie globale de La Poste. Sur certains marchés locaux, les discriminations ont eu des effets d'exclusion de certains routeurs. Sur le taux de remise unique accordé à Datapost pour son activité en éditique classique, l'instruction n'a pas permis de dégager la part du chiffre d'affaires de Datapost relevant de l'éditique classique, pendant la période considérée et La Poste n'a pu y répondre en séance. Si les informations communiquées par le directeur général adjoint de Datapost le 24 mars 2000 permettent de connaître le chiffre d'affaires de Datapost sur ses clients marketing direct comme Ariel et France Loisir, les clients éditiques ne sont pas traités séparément de ceux ayant opté pour le courrier hybride.
233. Une grande partie de ces incertitudes provient de la réticence constante de La Poste à élaborer un outil de comptabilité analytique permettant de retracer les coûts de ses différentes activités.
234. Par ailleurs, les dépôts de Datapost n'étaient accompagnés d'aucun bordereau qui aurait permis le contrôle du niveau des préparations effectuées (nombre de plis déposés, nombre de Contenants directs ou Contenants de liasses directes effectués, qualité du dépôt).
235. Enfin, Datapost ne captait pas de manière systématique des clients au détriment de ses concurrents. L'évolution du portefeuille de clients sur ces années n'a pas permis de mettre en évidence une corrélation entre le nombre de ces nouveaux clients et les pratiques susvisées.
<emplacement tableau>
236. Le chiffres d'affaires hors taxes réalisé par La Poste en France s'est élevé, sur le dernier exercice clos à 15 342 344 903 euro.
237. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire infligée à cette société est de 1 000 000 euro.
Décision
Article 1er : Il n'est pas établi que le groupe La Poste ait enfreint les dispositions des articles L. 420-1, L. 420-2 du Code de commerce, 81 et 82 du traité CE en commettant les pratiques décrites dans les griefs 3 à 8.
Article 2 : Il est établi que le groupe La Poste a enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, au titre des griefs 1 et 2.
Article 3 : Il lui est infligé une sanction pécuniaire de 1 000 000 euro.