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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 24 février 1993, n° 842-91

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Delaby

Défendeur :

Allain, Central de l'immobilier (SARL), Calvez et Cie (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lerner (faisant fonction)

Conseillers :

Mme Albert, M. Andrault

Avoués :

SCP Landry-Tapon, SCP Paille-Thibault, SCP Musereau-Drouineau-Rosaz

Avocats :

Mes Ménegaire, Descubes, Digout, Chalvet

TGI La Rochelle, du 5 févr. 1991

5 février 1991

I - Exposé sommaire du litige en procédure d'appel

1°) Le Tribunal de grande instance de La Rochelle, par jugement rendu le 5 février 1991 et dont la teneur sera ici réputée connue, a notamment :

- débouté Monsieur Pascal Delaby de ses demandes ;

- condamné Monsieur Pascal Delaby à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civil 2 000 F tant à Monsieur Jean Allain qu'à la SARL La Centrale de l'Immobilier Agence Sautel.

2°) Monsieur Pascal Delaby a le 8 mars 1991 interjeté appel de cette décision.

Il soutient ce qui suit :

Il n'a eu la jouissance de l'immeuble que le 25 juillet 1989, date à laquelle celui-ci a été libéré de toute occupation ou location, comme il a été précisé à l'acte authentique du même jour, faisant suite au compromis de vente du 15 avril 1989 ;

Il ne pouvait pas avant le 25 juillet 1989 procéder ou faire procéder à l'arrachage des papier peints et des moquettes ;

La modicité du prix pouvait s'expliquer par l'absence de terrain, une installation électrique à refaire, la vétusté de la plomberie, des papiers muraux et des peintures, la difficulté de trouver un acquéreur ;

Il avait fait confiance à l'agence immobilier pour vérifier la pertinence du certificat anti-parasitaire ;

L'expertise a démontré que presque toutes les pièces de l'immeuble étaient infestées de termites en activité, le rendant impropre à sa destination ;

S'il avait eu connaissance de ce vice caché, il n'aurait pas acheté cet immeuble, même à un moindre prix ;

Les attaques des insectes avaient été délibérément maquillées et dissimulées et le certificat anti-parasitaire a été établi sur un examen manifestement insuffisant pour un professionnel, de sorte qu'il a été victime de manœuvres dolosives devant entraîner la nullité de la vente conformément à l'article 1116 du Code civil ,

Au cas où le dol ne serait pas retenu, il est fondé à agir sur le fondement du vice caché, ayant assigné en référé dès le 4 août 1989 ;

- L'agence immobilière et la SNC Calvez et Cie l'ont trompé par la production d'attestations fallacieuses datées de septembre 1987 et du 21 juin 1989, cette dernière non présentée avant la vente, et toutes deux ne respectant par l'article 10 de l'arrêté préfectoral du 18 février 1985 ;

Ces deux personnes ont ainsi engagé leur responsabilité à son égard ;

Il justifie du montant de son préjudice.

En définitive il demande :

Que soit prononcée la nullité et subsidiairement la résolution de la vente ;

La condamnation in solidum de Monsieur Allain, de la SARL Centrale de l'Immobilier Agence Sautel 83 et de la SNC Calvez et Compagnie, d'une part, à lui payer 299 129,68 F outre 8 928 F au titre des taxes foncières pour les années 1990 et 1991, 4 823 F au titre de la taxe foncière pour l'année 1992 et 42 119, 79 F en remboursement des intérêts payés à la Banque de LA Hénin, 1 920,38 F au titre des primes d'assurances également payées à cette banque, d'autre part, à lui rembourser les impositions, intérêts d'emprunt et primes d'assurances qu'il devra payer au titre de l'immeuble litigieux jusqu'au règlement intégral des indemnités fixées par la cour.

3°) Monsieur Jean Allain soutient ce qui suit :

La vente a été consentie 200 000 F pour un immeuble estimé 300 000 F ;

Au compromis de vente du 15 avril 1989 était annexé un certificat anti-parasitaire établi par la SNC Calvez et daté du 14 septembre 1987 ;

Quittant à 77 ans sa maison pour aller en maison de retraite il avait chargé de la vente sa fille qui a contacté l'Agence Sautel, mais n'a jamais cherché à tromper personne ;

Monsieur Delaby n'a du reste nullement été brusqué, ayant bénéficié d'un délai de réflexion de plus de trois mois entre le compromis de vente du 15 avril 1989 et la réitération par acte authentique le 25 juillet 1989, délai pendant lequel il avait eu toute latitude pour visiter à nouveau l'immeuble, ce qu'il a reconnu devant l'expert avoir fait plusieurs fois accompagné du représentant de l'agence ;

Il a demandé l'établissement d'un second certificat anti-parasitaire qui a été délivré par la SNC Calvez le 21 juin 1989 et qui indiquait l'absence de traces de larves ou d'insectes xylophages, tout en rappelant qu'un traitement avait été effectué les 22 et 23 septembre 1987 ;

La présence des termites, qu'il n'a pas cherché à dissimuler, ne constituait pas un vice caché, mais était apparente dans plusieurs endroits de l'immeuble, de sorte que Monsieur Delaby ne pouvait le manquer de la déceler lors de ses nombreuses visites.

Il n'a jamais interdit à la SNC Calvez d'effectuer toutes les investigations nécessaires dans les endroits non apparents et cette société ne l'a pas prétendu au cours de l'expertise, offrant au contraire sa garantie qu'elle affirmait n'avoir jamais refusée ;

La résolution de la vente lui causerait un préjudice résultant de l'indisponibilité de l'immeuble depuis juillet 1989 et des nécessaires travaux de remise en état.

En définitive il demande :

La confirmation du jugement attaqué ;

Subsidiairement, en cas de résolution de la vente pour vice caché, la condamnation de la SNC Calvez à lui payer 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;

5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

4°) La SARL Centrale de l'Immobilier " Agence Sautel 83 " soutient ce qui suit :

Elle n'avait pas de raisons de douter des certificats de la SNC Calvez et n'a rien cherché à dissimuler, laissant Monsieur Delaby visiter la maison plusieurs fois et aussi souvent qu'il le souhaitait ;

Elle a pris l'initiative de réclamer le second état parasitaire de juin 1989 alors même que celui de 1987 garantissait une protection pendant 10 ans ;

Monsieur Delaby ne peut à la fois prétendre que les termites lui étaient cachées et qu'elles étaient apparentes pour l'Agence Sautel ;

Elle n'a pas commis de faute, en particulier de dol, lequel ne saurait se présumer, et la question du vice caché ne la concerne pas ;

En demandant le certificat du 21 juin 1989 elle a cherché à faire respecter l'arrêté préfectoral et ce n'est pas de son fait si l'acte authentique avait déjà été établi quand ce certificat est parvenu chez le notaire ;

En définitive elle demande :

Qu'il soit dit qu'aucune faute ne lui est imputable et qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée contre elle :

La condamnation de Monsieur Delaby à lui payer 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

5°) La Société en Nom Collectif Calvez et Cie soutient ce qui suit :

En septembre 1987 elle a effectué des opérations de détermitages de l'immeuble litigieux mais, comme cela résulte du devis Monsieur Allain s'était opposé au démontage des moquettes et des revêtements de sols dans la chambre côté rue et dans la salle de bains, ainsi que des doublages effectués sur les murs de la cuisine ;

Elle avait donc effectué des réserves à cet égard ;

Non intéressée par la vente litigieuse elle a cependant, lors de la découverte des termites, compte tenu de sa garantie décennale, proposé de les détruire à Monsieur Allain et à Monsieur Delaby qui ont tous deux rejeté cette offre ;

Le 21 juin 1989 les termites n'étaient pas visibles ;

Seule la démolition d'éléments par Monsieur Delaby a révélé la présence de ces parasites ;

L'expert n'a pas critiqué son travail de septembre 1987 ;

Elle n'a commis aucune faute.

En définitive elle demande :

La confirmation du jugement attaqué ;

La condamnation de Monsieur Delaby à lui payer 8 000 F pour procédure abusive et 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II - Motifs

Par acte sous seing privé du 15 avril 1989 Monsieur Allain a convenu, avec le concours de la SARL La Centrale de l'Immobilier Agence Sautel 83, de la vente de sa maison sise 44 rue des Frères Jousseaume à La Rochelle. L'acheteur, Monsieur Delaby, s'engageait à payer le prix de 200 000 F et il était stipulé qu'il serait propriétaire à compter du jour de la signature de l'acte authentique, mais qu'il aurait la jouissance de l'immeuble dès le 17 juillet 1989.

L'acte précisait qu'un traitement anti-parasitaire avait été effectué.

Le notaire Sacre a établi l'acte authentique le 25 juillet 1989. A celui-ci étaient annexés deux documents qui y étaient expressément mentionnés et qui provenaient de la SNC Calvez et Cie :

Un " contrat de traitement et de désinfection et de protection des bois et des sols sous garantie décennale " en date du 14 septembre 1987 mentionnant pour l'immeuble en cause un traitement curatif complet contre les termites, vrillettes et capricornes ;

Un certificat du 7 mars 1988 affirmant qu'à ce jour dans ledit immeuble " il n'y a pas de traces indiquant l'existence de larves ou d'insectes xylophages dans les parties visibles et accessibles ".

En outre, à l'initiative de l'Agence Sautel 83, la SNC Calvez et Cie a délivré le 21 juin 1989 un autre certificat, non pris en compte dans l'acte notarié déjà rédigé lorsque ce dernier certificat est arrivé chez le notaire, mais qui a été retrouvé et qui précise : " A ce jour, je soussigné certifie qu'il n'y a pas de traces indiquant l'existence de larves ou d'insectes xylophages dans les parties visibles et accessibles de ce bâtiment. Un traitement de bois a été effectué les 22 et 23 septembre 1987 selon le contrat signé le 14 septembre 1987 ".

Monsieur Delaby a visité l'immeuble plusieurs fois et aussi souvent qu'il le souhaitait avant de signer l'acte authentique et il affirme de ne pas s'être rendu compte de la présence des termites avant de commencer les travaux d'aménagement qui l'ont amené à décoller les tapisseries et les moquettes.

Aucun élément ne permet d'affirmer que le responsable de l'Agence Sautel, la SNC Calvez et Cie ou Monsieur Allain s'étaient mieux rendus compte du retour des termites après les travaux de 1987, l'expert ne le déduisant pas de ses constations bénéficiant d'une meilleure visibilité due aux premières interventions de Monsieur Delaby et aux investigations possibles dans une expertise mais non dans le cadre d'un examen limité aux parties visibles et accessibles.

La dissimulation des traces des termites peut s'expliquer par un but purement esthétique après les travaux de 1987 garantis pour au moins 10 ans et ne semble pas relever de manœuvres dolosives, alors de surcroît que la mise en vente de la maison n'a pas été précipitée et se trouve justifiée par le départ de Monsieur Allain en maison de retraite.

Force est en tout cas de constater que Monsieur Delaby n'apporte pas la preuve du dol qu'il invoque, preuve dont il a la charge, conformément à l'article 1116 du Code civil.

Par ailleurs, alors que l'immeuble pouvait raisonnablement être estimé 300 000 F en l'absence de termites, il a été vendu 200 000 F, l'attention de Monsieur Delaby ne pouvant normalement qu'être attirée sur le risque d'un retour des termites, puisqu'il avait été prévenu qu'un traitement curatif avait été nécessaire, qu'il s'est contenté d'attestations " décrivant sommairement l'état sanitaire et parasitaire de l'immeuble ", comme l'exige l'article 10 du décret pris le 18 février 1985 par le préfet de la Charente-Maritime, mais qu'il n'a rien demandé de plus à cet égard.

Cette absence d'exigence supplémentaire peut du reste s'expliquer par la garantie décennale accordée par la SNC Calvez et Cie et que cette société a proposée de faire jouer lors de la découverte du retour des termites.

Mais Monsieur Delaby, en ne donnant pas suite à cette proposition et en entendant exiger des sommes considérables, alors que l'expert a évalué à 55 975 F l'ensemble des travaux de réfection faisable en 60 jours ouvrables et nécessaires (environ la moitié de la réduction de prix consentie), et alors que l'absence d'attaque de l'immeuble par des termites n'était pas déterminante pour cet acheteur mis au courant de précédents travaux curatifs, cherche à revenir indûment avec le maximum d'avantages sur une vente qui n'a finalement pas son agrément, mais ne trouve pas plus le vice caché au sens de l'article 164 du Code civil qu'il n'a prouvé le dol.

Il s'ensuit que les demandes de Monsieur Delaby ne sont pas fondées et que la demande subsidiare de Monsieur Allain contre la SNC Calvez et Cie devient sans objet.

Il n'est toutefois pas établi que Monsieur Delaby ait agi par Malice, mauvaise foi, ni légèreté blâmable, de sorte que la demande de dommages-intérêts de la SNC Calvez et Cie n'est pas fondée.

Il est équitable d'allouer au seul Monsieur Allain la somme supplémentaire de 4 000 F pour ses frais hors dépens.

III- Dispositif

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement attaqué : Y ajoutant, Condamne Monsieur Pascal Delaby à payer à Monsieur Jean Allain la somme supplémentaire de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne Monsieur Delaby aux dépens d'appel et autorise les SCP Paille-Thibault et Musereau-Drouineau-Rosaz à recouvrer directement les frais dont elles auront fait l'avance sans avoir reçu provision.