CA Agen, 1re ch., 7 décembre 1988, n° 366-88
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Life Soft (SARL)
Défendeur :
Marin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brousse
Conseillers :
MM. Parent, Cazes
Avoués :
SCP Narran, SCP Tandonnet
Avocats :
Mes Salmon, Gallissaires-Beyrie
La société Life Soft a interjeté appel le 17 mars 1988 d'un jugement du Tribunal d'instance d'Agen en date du 15 décembre 1987 qui a prononcé la nullité du contrat de vente à domicile d'un conditionneur d'eau conclu le 5 mars 1987 entre elle et le sieur Manuel Marin, l'a condamnée à réclamer à Marin le montant des mensualités déjà versées à la société Genecrédit ainsi que celles des mensualités à venir au fur et à mesure de l'échéance de chacune, a débouté Marin de sa demande en dommages-intérêts, et l'a condamné enfin à lui verser la somme de 700F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure.
Ladite société a en effet passé contrat à domicile avec Marin Manuel le 5 mars 1987 pour la livraison d'un conditionneur d'eau pour un prix total de 12 000 F payable en soixante mensualités de 314,80 F auprès de la société Genecrédit, organisme de financement.
L'appareil a été livré à M. Marin le 11 mars 1987 dans le délai légal de rétractation de 7 jours.
Postérieurement au délai de rétractation Manuel Marin a refusé l'appareil et a assigner le 26 octobre 1987 la société Life Soft en nullité du contrat pour non respect du délai légal de rétractation.
Prétentions et moyens des parties
Au soutien de son appel la société Life Soft fait plaider qu'il est nullement démontré que le fait de procéder à l'installation du matériel avant l'expiration du délai de rétractation empêche l'acheteur d'exercer son option dans les délais légaux.
D'autre part elle estime que si l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 indique que nul ne peut exiger du client directement ou indirectement à quelque titre ni pour quelque forme que ce soit une contre partie quelconque ou un engagement, dès l'instant qu'elle procédait à l'installation de l'appareil elle prenait à sa charge le risque de supporter les frais d'enlèvement du matériel si le consommateur usait de sa faculté de rétractation, mais que l'acheteur n'était tenu à aucun engagement ni contre partie quelconque.
Enfin par analogie avec la loi du 10 janvier 1978, elle observe que l'article 16 de ladite loi prévoit qu'en cas de vente ou démarchage à domicile le délai de rétractation est de 5 jours quelle que soit la date de livraison de fourniture et qu'aucun paiement comptant ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai.
L'appelante en déduit que seule la demande en paiement constitue une infraction aux dispositions de règle protectrice des intérêts du consommateur.
Subsidiairement la société Life Soft s'oppose à toute demande d'expertise portant sur l'appareil litigieux.
L'intimé soutient que le contrat ne peut être formé tant que le délai de renonciation n'est pas expiré et que contrairement à la thèse de la société Life Soft la livraison anticipée est susceptible d'entraîner une contre partie et un engagement moral du débiteur.
D'autre part, il indique qu'il a renoncé à utiliser l'appareil, l'eau étant toujours calcaire et imbuvable.
Il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de préciser que la société Life Soft sera condamnée à payer la somme de 12 000 F TTC outre les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir et un remboursement des échéances du crédit qu'il est contraint d'honorer. Subsidiairement il conclut à une expertise.
Sur quoi, la cour,
Attendu qu'il n'est pas contesté que le contrat a été conclu par démarchage à domicile le 5 mars 1987 et que l'appareil a été livré et installé chez Marin le 11 mars 1987 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 avant l'expiration du délai de rétractation nul ne peut exiger ou obtenir du client directement ou indirectement à quelque titre ni sous quelle forme que ce soit une contre partie quelconque ou un engagement ;
Attendu que l'appareil a été livré et installé pendant la période ou la rétractation du client était possible ;
Attendu que cette circonstance a créé chez le client une situation de fait non prévue dans le contrat, génératrice de problèmes de droit liés à l'acceptation ou au refus, qu'il devait résoudre immédiatement sans en connaître les conséquences, le délai de rétractation expirant le lendemain ;
Attendu que le premier juge a justement analysé la situation de Marin en précisant qu'elle était génératrice des obligations minimales d'un dépositaire ;
Attendu qu'en l'absence de stipulations précises prévoyant le cas de livraison avant l'expiration du délai de rétractation Marin s'est trouvé confronté à un problème extra contractuel imprévu susceptible d'engager sa responsabilité au regard de la garde effective qu'il assurait en contre partie de la livraison qu'il n'avait pas refusée ;
Attendu en conséquence que les agissements de la SA Life Soft tombent sur le coup de l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 ; que la nullité de la vente doit être prononcée ;
Attendu que Marin précise par ailleurs qu'il continue à payer les échéances à la société de crédit ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Life Soft à payer à Marin la somme de 12 000 F TTC outre les intérêts légaux à compter du prononcé du présent arrêt ;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit la société Life Soft en son appel régulier en forme ; Au fond l'en déboute ; Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat de vente ; Condamne la société Life Soft à payer à Marin le montant du prêt soit 12 000 F TTC (douze mille francs) outre les intérêts légaux ; La condamne en outre aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide judiciaire.