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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 6 décembre 1990, n° 89-778

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SME (SARL)

Défendeur :

Denis Hayotte (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schoux

Conseillers :

M. Bourrelly, Mme Vigneron

Avoués :

Mes Kieffer Joly, Bodin Casalis

Avocats :

Mes Berthelot, Bocquillon

T. com. Paris, 8e ch., du 26 oct. 1988

26 octobre 1988

Ci-après SME la société à responsabilité limitée Société Moderne d'Electronique est appelante du jugement par lequel la 8e chambre du Tribunal de commerce de Paris a prononcé le 26 octobre 1988 à ses torts la résolution de la vente d'un système d'alarme conclue le 24 février 1987 entre la société Loveco et la société à responsabilité limitée Société Denis Hayotte, dénommée société Hayotte dans la suite de l'arrêt et l'a condamnée à payer à cette société une somme de 20 000 francs de dommages intérêts outre celle de 3 500 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ainsi saisie la cour se réfère pour l'exposé des faits et prétentions à la relation qu'en a donnée le tribunal. Sur les demandes et moyens elle se réfère aussi aux conclusions échangées devant elle ;

Il suffira de rappeler que la société Hayotte exploite à Metz un fonds de commerce de bijouterie et qu'elle a pris en crédit bail en 1987 de la société Loveco un système d'alarme et de protection contre le vol que fabrique et vend la société SME. Exposant que, faute de pouvoir ensuite se procurer auprès de la société SME le certificat d'homologation et de conformité exigé par les assureurs, ces derniers avaient refusé de la couvrir du risque de vol, elle a assigné la société SME le 9 décembre l987 aux fins de résolution de la vente conclue le 24 février 1987 avec la société Loveco, celle ci, contractuellement exonérée de sa garantie, lui ayant transféré aux termes du crédit bail ses droits et actions contre le fournisseur.

La société SME poursuit l'infirmation du jugement, le rejet des prétentions de la société Hayotte et la condamnation de celle-ci à lui payer une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle se défend d'avoir eu pour obligation, lors de la vente et au titre de son devoir de conseil, celle d'informer la société Hayotte de la non homologation " APSAIRD " du matériel d'alarme.

Elle fait valoir sur ce point :

- que l'exigence de l'homologation " APSAIRD " n'a pas été émise par le client au moment de l'achat qu'elle n'a quant à elle rien annoncé à cet égard, notamment dans sa documentation ;

- que la société Hayotte n'apporte pas la preuve que le défaut d'agrément " APSAIRD " l'a empêchée de s'assurer, et notamment qu'elle a sollicité plusieurs assureurs ;

- que l'exigence de l'homologation " APSAIRD " ne correspond à aucune norme de qualité ni à aucune obligation professionnelle qu'elle n'a rien d'officiel ; qu'elle est la manifestation d'une " politique défensive et clientèliste " de certaines compagnies d'assurances ; qu'elle marque les seuls rapports de la société Hayotte et de l'assureur de celle-ci ; qu'elle lui est par voie de conséquence inopposable et n'entre pas dans l'objet de son devoir de conseil ;

- que la société Hayotte est irrecevable à rechercher réparation du préjudice résultant pour elle du vol de onze bagues alors qu'elle s'est constitué partie civile pour les mêmes causes devant la juridiction pénale ; qu'elle est en outre mal fondée puisqu'il est avéré qu'elle avait à cette époque choisi de ne pas faire fonctionner le système d'alarme et, néanmoins, de poursuivre son exploitation ; qu'enfin la valeur des objets volés n'est pas établie ;

La société Hayotte prie la cour de confirmer le jugement et de lui accorder, en sus des sommes déjà allouées, celles de 100 000 F et de 20 000 F de dommages intérêts, et celle de 5 000 F pour ses frais irrépétibles. Soutenant qu'il y a eu en l'occurrence, de sa part, comme, dit-elle, les premiers juges l'ont retenu, erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, elle représente qu'aucun assureur n'a voulu la garantir contre le vol alors que la société SME lui avait dispensé tous apaisements à cet égard.

Elle entend justifier sa demande de 100 000 F de dommages intérêts par les suites du cambriolage dont elle a été victime. Elle reproche à la partie adverse d'avoir manqué à son devoir de conseil et de lui avoir fourni de fausses indications sur la garantie qu'elle pouvait attendre du matériel qu'elle allait acquérir ;

Sur ce, la cour

Considérant que la société Hayotte fait valoir que son consentement a été vicié du fait de l'ignorance, ou elle dit s'être trouvée du défaut d'agrément du système d'alarme par les assureurs, et de la circonstance qu'elle ne pourrait, dès lors, obtenir d'être garantie par ces derniers ;

Considérant qu'elle reproche aussi à la société SME d'avoir manqué au devoir de conseil qu'elle avait à son égard ; qu'elle prétend a l'indemnisation du préjudice que lui cause selon elle le vice caché concernant toujours le défaut d'agrément ;

Considérant, qu'elle demande enfin réparation des suites dommageables d'un cambriolage, qu'elle le fait cependant dans des termes tels qu'il en ressort qu'elle cherche en réalité à recevoir, non pas l'équivalent des choses soustraites, mais le dédommagement de la perte d'être remboursée par les assureurs ;

Considérant qu'à cet égard et en dépit de la réparation qu'elle a sollicitée de la juridiction pénale sa demande est recevable ;

Considérant, sur le fond, tout d'abord, que la possibilité qu'aura l'acquéreur de souscrire une police d'assurance pour les locaux qu'il souhaite équiper d'un système d'alarme n'est pas de la substance du contrat de vente d'un tel dispositif, fait pour donner une alerte efficace en cas d'intrusion ;

Considérant encore, qu'il n'est pas établi que les parties aient voulu l'une et l'autre faire de la question de l'assurance la condition ou le corollaire de l'achat du dispositif d'alarme ;

Que, pour sa part, la société SME n'avait aucune obligation de se soucier elle même du point de savoir si son client, de surcroît bijoutier et s'étant donc interrogé, comme vendeur d'objets précieux sur le point de savoir s'il devait s'assurer ou non avant de s'équiper avait ou n'avait pas la volonté de souscrire ou de modifier une police ;

Considérant, ensuite que le défaut d'agrément " APSAIRD " ne correspond ni au refus d'une homologation professionnelle, ni à celui d'un label officiel ; qu'il ne sanctionne pas un manquement à des normes techniques de fabrication ; qu'il n'entre donc pas de ce chef dans l'objet de l'obligation de conseil qui pesait sur le vendeur ;

Considérant, au même point de vue, qu'il ne peut être admis que la société SME aurait dû d'elle même renseigner la société Hayotte sur un défaut d'agrément provenant d'assureurs dû à leur seule initiative, sans qu'il soit démontré ou même prétendu dans le procès que les impératifs techniques de leurs décision soient portées à la connaissance des parties, et en particulier des fournisseurs ;

Considérant que la société Hayotte ne démontre pas qu'elle a essuyé le refus de tous les assureurs qu'elle aurait pu solliciter ou d'un nombre suffisant pour être significatif, mais seulement ceux du groupe Drouot Assurances, de la société Ascott International et du courtier Nichelatti ; que la référence faite, dans la lettre du 26 septembre 1988, à " l'ensemble du marché " des assurances n'est pas révélatrice à elle seule de la généralisation de l'exigence de l'agrément de l'organisme " APSAIRD " ;

Considérant que, pour avoir écrit le 15 mai 1987, après la vente et le montage du dispositif, dans sa réponse à l'acquéreur qui ne l'avait pas questionnée sur le nom d'un assureur possible mais sur la possibilité d'obtenir une " homologation officielle " qu'étaient nombreux les assureurs qui admettaient le bien fondé de l'adoption de ses systèmes, et qu'elle ne délivrait pas de " certificat de conformité ", la société SME n'a ni manqué à ses devoirs de vendeur professionnel, ni enfreint d'une autre manière les obligations qui pesaient sur elle ;

Considérant enfin qu'au bénéfice du rappel que l'intimée n'établit ni qu'elle avait, lors du cambriolage, épuisé ses chances de trouver un assureur qui voulait bien la garantir, en dépit du défaut d'agrément " APSAIRD ", ni que la société SME a commis une faute en lui vendant un appareil qui ne répondait pas aux normes exigées pour ledit agrément, la demande formée pour la première fois devant la cour aux fins de dédommagement de la perte de chance d'être indemnisée des suites du cambriolage ne peut être accueillie ;

Considérant que ces motifs conduisent à l'infirmation du jugement et au rejet des rétentions de l'intimée ;

Considérant qu'il ne sera pas contraire à l'équité de laisser à la Société Moderne d'Electronique l'entière charge de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs ; Dit recevable la demande additionnelle de la société Denis Hayotte ; Infirme le jugement déféré Déboute la société Denis Hayotte de l'ensemble de ses prétentions ; Rejette l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Denis Hayotte aux dépens de première instance et d'appel ; accorde à Maître Kieffer Joly le bénéfice du prélèvement direct sur la partie adverse, de ceux des dépens, dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.