CA Paris, 5e ch. B, 5 juillet 1996, n° 94-7530
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Man VW Camions et Bus (Sté)
Défendeur :
Bail Equipement (Sté), Laroppe (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Bouche, Mme Cabat
Avoués :
SCP Barrrier-Monin, SCP Duboscq-Pellerin, SCP Bernabe-Ricard
Avocats :
Mes Paetzold, Santana, Brunswich Schmidt
Considérant que la société Man VW Camions et Bus ci-après appelée Man VW a fait appel à l'encontre de la société Bail Equipement et de Maître Claude Laroppe en sa qualité de mandataire liquidateur de Guy Morin d'un jugement réputé contradictoire du 30 novembre 1996 du Tribunal de commerce de Paris rectifié par décision du 13 décembre 1994 qui a prononcé la résolution d'une vente de véhicule du 6 décembre 1989 et l'a condamné :
- à rembourser à la société Bail Equipement " la valeur de vente du véhicule " soit 221 782 F avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 1990 et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- à payer à Maître Laroppe es qualité de mandataire liquidateur de Guy Morin, locataire, la somme de 716 000 F à titre de dommages-intérêts et 10 000 F de frais irrépétibles,
- a rejeté toutes les autres demandes et l'a condamnée aux dépens.
Qu'elle expose qu'elle a vendu le 6 décembre 1989 à la société Bail Equipement au prix de 221 782 F toutes taxes comprises un véhicule d'occasion de marque Volvo que l'acquéreur a loué à l'entrepreneur de transport Guy Morin, que ce véhicule a été impliqué dans un accident le 21 février 1990, que la " roue droite a été retrouvée désolidarisée de son axe ", que Guy Morin a fait établir un constat d'huissier non contradictoire, a mandaté un expert privé Bernard Hache, et fait réparer entre le 13 et le 27 mars 1994 le véhicule sur avis conforme mais unilatéral de cet expert malgré les réserves de la société Man VW et n'a pas fait désigner qu'après ces réparations un expert judiciaire R. Heyberger qui a confirmé l'existence d'un vice caché mais dont il n'est pas certain qu'il ait examiné des pièces provenant réellement du véhicule vendu ;
Qu'elle soutient que la preuve du vice allégué incombe à la société Bail Equipement ; qu'elle lui est opposable et manque pour le second, de crédibilité, qu'elle prétend en outre que le vice rédhibitoire allégué ne rendait pas le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné, puisqu'il a pu être réparé et qu'elle ne pourrait tout au plus être condamné à payer que le coût des réparations ; qu'elle ajoute qu'elle ne peut lui être restitué ; qu'elle conteste enfin le préjudicie de Guy Morin et le lien qu'il aurait avec la faute qui lui serait reprochée, et soutient qu'en ne contractant pas les assurances qui s'imposaient, Guy Morin a commis une faite qui exonère l'appelante de toute responsabilité ;
Qu'elle demande à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter la société Bail Equipement et Guy Morin de leurs demandes et de les condamner à lui payer 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que la société Bail Equipement expose quant à elle que le véhicule a été commandé le 18 décembre 1989 payé le 9 janvier 1990, loué avec option d'achat à Guy Morin, gravement endommagé 21 février 1990, la roue avant droite s'étant désolidarisée du châssis, et soumis à expertise avant et après réparation hors la présence d'un représentant de la société Man VW qui avait refusé de déférer à l'invitation qui lui avait été faite d'y participer ;
Qu'elle confirme que l'accident est imputable à des vices cachés rendant le véhicule impropre à tout usage ainsi que l'ont conclu les deux experts et soutient qu'elle est en droit, par application des dispositions des articles 1641 et 1644 du Code civil, de demander la résolution de la vente ; qu'elle ajoute cependant que l'échec de la revendication du camion dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de Guy Morin ne lui laisse plus que l'article 1644 du Code civil comme fondement de son action si la Cour ne fait pas droit à son action à l'encontre de Maître Laroppe ;
Qu'elle précise en effet qu'elle n'a certes pas revendiqué le véhicule dans le délai imparti de trois mois mais soutient que Maître Laroppe ne peut justifier du moindre droit de propriété sur le véhicule n'est qu'un détenteur qui devra restituer le camion à la société Man VW du faut de la résolution de la vente ;
Qu'elle demande à la Cour de confirmer le jugement déféré mais d'y ajouter la condamnation de Maître Laroppe à restituer le véhicule de la société Man VW et de condamner solidairement la société Man VW et Maître Laroppe à lui verser 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la société Man VW seule 50 000 F de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Considérant que Maître Claude Laroppe, en sa qualité de mandataire liquidateur de Guy Morin, précise que Guy Morin avait dû restituer en janvier 1990 le véhicule à la société Man VW pour réparations et n'en a pris réellement possession qu'au début de février 1990 et que la société Man VW a refusé d'intervenir lorsqu'elle a été informée d'un accident provoqué par les vices cachés du véhicule ; qu'il soutient qu'il ne peut être fait grief à Guy Morin de n'avoir pu financer les réparations du véhicule d'un coût de 128 011,34 F ni d'avoir contracté une assurance couvrant la responsabilité du vendeur du véhicule ;
Qu'il soutient que la revendication de la société Bail Equipement a été définitivement rejetée parce que tardive par un arrêt qui a acquis l'autorité de la chose jugée ;
Qu'il demande à la Cour de débouter la société Man VW de ses prétentions, de confirmer la condamnation de l'appelante à payer 716 000 F de dommages intérêts, d'y ajouter les 128 011,34 F de réparation et les intérêts au taux légal eux-mêmes capitalisés, 30 000 F de dommages intérêts pour appel abusif et 50 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Considérant que Guy Morin a passé commande le 6 décembre 1989 à la société Man VW, professionnel de la vente de camions et d'autobus, d'un " véhicule d'occasion marque Volvo 876 RL 50 vendu avec garantie de trois mois pièces détachées " au prix de 221 782 F toutes taxes comprises dont " le hors taxes, 187 000 F ", devait faire l'objet d'un crédit accordé par la société Bail Equipement qui a confirmé la commande de tracteur routier le 20 décembre 1989 dans le cadre d'un accord de crédit bail et payé à la société Man VW les 221 782 F par chèque du 9 janvier 1990 ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le véhicule en marche a perdu le 21 février 1990 sa roue droite sans collision préalable ; que Maître Roger Lemoine, huissier à Falaise, a constaté le jour même l'immobilisation du véhicule accidenté et entre autres dégâts, la rupture du roulement de frein avant droit, le mauvais état des cinq galets coniques subsistants et la rupture de la fusée de roue ; que Guy Morin est parvenu à immobiliser l'ensemble routier dépourvu de frein autre que celui de la roue avant gauche et le frein de secours de la remorque ;
Que l'expert officiaux Guy Hache a constaté que le tracteur n'avait parcouru que 1 700 kilomètres depuis sa livraison, conclu de ses constatations opérées sur le tracteur dans l'atelier de la concession Volvo de Mondeville en présence de Guy Morin et du chef d'atelier de cette concession que " la vente et la livraison du véhicule ne pouvait rendre à Guy Morin, lorsqu'il lui a été livré, les services qu'il était en droit d'en attendre, et que l'accident était entièrement imputable à la négligence qui lui avaient été demandées et s'imposaient ;
Que l'expert judiciaire R. Heyberger a confirmé cet avis ; qu'il a précisé que les organes de train avant et de direction présentaient une usure importante, que l'inefficacité du système de freinage rendait la conduite dangereuse et que l'usure " à la limite du tolérable " s'expliquait aisément par les conditions très dures d'utilisation antérieures (plus de 400 000 kilométres-travail de carrières) et ne pouvait échapper à l'attention de professionnels tels que les salariés de la société Man VX qui auraient dû procéder avant la livraison à une remise en état complète de l'ensemble des organes du train avant, de la direction et du système de freinage, ce qu'ils n'ont pas fait ;
Que les réparations qui ne sont pas critiquées, ont coûté à elles seules plus de la moitié du prix de vente du véhicule ;
Considérant que l'expertise de R. Heyberger, commis par ordonnance du Tribunal de commerce de Rouen, a été conduite contradictoirement ; que le tracteur avait certes été réparé avant l'intervention de l'expert ; que celui-ci a disposé cependant des pièces remplacées que lui ont présenté le concessionnaires Volvo de Mondeville et son chef d'atelier ; que la société Man VW n'apporte aucune justification à l'appui de son hypothèse d'une substitution de pièces, insultante pour le concessionnaire et le personnel de la société Snavi de Mondeville qui étaient des tiers que ne concernaient ni la vente, ni l'accident et au surplus formellement écartée par l'expert entendu en première instance ;
Qu'il résulte en définitive de la concordance de l'ensemble des constations opérées, sans même qu'il y ait lieu de relever que la société Man VW avait été informée de l'accident et de ses causes et que l'expert hache a prétendu au cours de la seconde expertise qu'il avait en vain invité la société Man VW à assister à ses opérations, que la société Man VW, professionnel de la vente de tels véhicules, a sciemment livré à Guy Morin un tracteur routier présentant un degré d'usure d'organes essentiels de direction et de freinage et que son maintien en circulation présentait un risque grave pour son conducteur et pour les autres usagers de la route ; qu'il est sidérant que la société Man VW puisse prétendre que le véhicule n'était pas pour autant impropre à l'usage auquel il était destiné, dés lors que les organes défaillants pouvaient être réparés ; que l'impropriété à l'usage s'apprécie lors de la transaction à l'occasion de laquelle le vice a été caché ;
Qu'il appartenait au vendeur d'informer l'acquéreur de l'usure extrême des organes de conduite et de freinage et d'y remédier lui-même avant la livraison ;
Considérant qu'il convient de confirmer la résolution de la vente ;
Considérant que la résolution de la vente devrait avoir pour conséquence la restitution à la société Bail Equipement des 221 782 F payés avec intérêts au taux légal à compter de leur versement du 9 janvier 1990 au besoin à titre de dommages intérêts en échange de la remise à la société Man VW du tracteur défectueux, à charge pour elle de payer à la société Snavi le coût des réparations qu'elle a effectuées et tous frais accessoires ;
Que la société Bail Equipement justifie de ce que sa revendication du tracteur a été rejetée à la demande de Maître Laroppe es qualité par arrêt définitif de la Cour d'appel de Caen parce qu'elle avait été formulée après expiration du délai de trois mois alors imparti ;
Qu'il convient que les parties s'expliquent sur la qualité de la société Bail Equipement à demander une restitution au profit de la société Man VW, sur l'autorité de la chose jugée attachée à une décision à laquelle la société Man VW ne parait pas avoir été partie et sur l'incidence de la résolution de la vente tant sur le contrat de crédit-bail que sur la prétention de Maître Laroppe à exercer es qualité un droit quelconque sur un tracteur que Guy Morin est censé n'avoir jamais ni possédé ni détenu et qui n'apparaît même pas avoir été retrouvé en sa possession fut elle précaire puisqu'il devrai se trouver détenu par la société Snavi ; qu'il conviendrait que Maître Laroppe appelle en la cause s'il entend se faire payer le coût de réparations qui devrai lui revenir ;
Considérant que Guy Morin n'était pas partie à la vente résolue ; qu'il parait nécessaire que Maître Laroppe précise le fondement juridique de sa demande et qu'il en profite pour s'expliquer sur la situation présente du tracteur à la revendication duquel il s'est opposé tout en soutenant une action en résolution de vente qui pouvait en changer les données ;
Considérant que la Cour peut pas contre écarter d'ores et déjà le moyen tiré par la société Man VW de l'absence de souscription par Guy Morin d'une assurance adéquate ; que la société Man VW n'était pas partie au contrat de crédit-bail qui exigeait une couverture tous risque et non de la seule responsabilité envers les tiers ; qu'elle ne peut se prévaloir d'une des clause de ce contrat ; qu'au surplus la souscription d'une telle police aurait eu pour conséquence qu'une compagnie d'assurance aurait couvert le sinistre mais aurait eu qualité, en tant que subrogée dans les droits de son assurée, pour demander la même condamnation que celle sollicitée par Maître Laroppe ;
Par ces motifs ; Confirme la décision déférée en ce qu'elle a expressément dans ses motifs et implicitement dans son dispositif prononcé la résolution de la vente du tracteur aux torts de la société Man VW Camions et Bus et prononcé des condamnations au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens, Déclare la société Man VW Camions et Bus mal fondée à reprocher à Guy Morin une absence de couverture par une police d'assurance des dégâts subis par le véhicule assuré ; Ordonne au surplus la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur les effets de la résolution prononcée en tenant compte des observations de la cour, Fixe la nouvelle clôture au 17 janvier 1997 et les débats au 12 février 1997, Condamne la société Man VW Camions et Bus en tous les dépens de l'appel exposé à ce jour, Admet les sociétés civiles professionnelles Duboscq Pellerin et Bernabe Ricard, avoués au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.