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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 17 février 2000, n° 98-01555

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Confédération Syndicale du Cadre de Vie ; Union Fédérale des Consommateurs de Brest ; Ministère Public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gayet

Conseillers :

MM. Buckel, Segard

Avocats :

Mes Chevalier, Kernilis, Cadron

T. corr. Brest, du 16 oct. 1996

16 octobre 1996

Déroulement des débats

A l'audience publique du 25 novembre 1999, le Président a constaté l'identité du prévenu X Laurent, comparant assisté de Maître Chevalier Gérard. A cet instant, le conseil du prévenu et le conseil des parties civiles ont déposés des conclusions.

Ont été entendus :

Monsieur Buckel, en son rapport,

Monsieur X en son interrogatoire,

Maître Kernilis en sa plaidoirie,

Monsieur l'Avocat général en ses réquisitions,

Maître Chevalier en sa plaidoirie,

Le prévenu ayant eu la parole en dernier,

Puis, la cour a mis l'affaire en délibéré pour son arrêt rendu à l'audience publique du 27 janvier 2000.

Conformément aux prescriptions de l'article 462 alinéa du Code de procédure pénale, le Président a avisé les parties présentes de la date de l'audience à laquelle l'arrêt serait rendu.

Et, à l'audience du 27 janvier 2000, la cour a prorogé son délibéré pour son arrêt être rendu à l'audience publique du 17 février 2000.

Conformément aux prescriptions de l'article 462 alinéa 2 du Code de procédure pénale, le Président a avisé les parties présentes de la date de l'audience à laquelle l'arrêt serait rendu.

Rappel de la procédure

Le jugement

Le Tribunal correctionnel de Brest par jugement contradictoire en date du 16 octobre 1998, pour :

Remise de contrat non conforme au client - démarchage à domicile ou dans un lieu non commercial

Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin de délai de réflexion - Démarchage

Maniement de fonds par agent immobilier sans délivrance de reçu ou tenue du registre répertoire

Escroquerie

a renvoyé X Laurent des fins de poursuites des chefs d'escroquerie, de remise d'un contrat non conforme lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce d'un bien ou d'un service proposé ; de demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fon de délai de réflexion ;

l'a déclaré coupable de non respect des dispositions du décret du 20 juillet 1972 quant à l'absence de mandat écrit ; et l'a condamné à 1 500 F d'amende.

Et sur l'action civile a reçu l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest et ka Confédération Syndicale du Cadre de Vie en leur constitution de partie civile ;a condamné Laurent X à leur payer à chacune les sommes de 500 F à titres de dommages-intérêts et de 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure pénale ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Union fédérale des Consommateurs de Brest, le 20 octobre 1998 contre Monsieur X Laurent

Confédération Syndicale du Cadre de Vie, le 20 octobre 1998 contre Monsieur X Laurent

M. Le Procureur de la République, le 20 octobre 1998 contre Monsieur X Laurent ;

La prévention :

Considérant que Laurent X est prévenu :

- d'avoir à Brest, le 22 août 1995, après avoir démarché Morvan Philippe à son domicile, à sa résidence ou à son lieu de travail, remis à celui-ci un contrat, ne comportant pas la mention des articles du Code de la consommation, et ne comportant pas la formule détachable destinée à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ;

Fait prévus et réprimés par les articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24 et L.121-28 du Code de la consommation.

- d'avoir à Brest, le 22 août 1995, après avoir démarché Morvan Philippe à son domicile, sa résidence ou son lieu de travail exigé ou obtenu de lui, directement ou indirectement, une contrepartie ou un engagement, en l'espèce le versement d'un acompte sur frais de négociation de 10 000 F ;

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-28 et L. 121-26 du Code de la consommation.

- d'avoir à Brest, le 22 août 1995, à l'occasion d'une opération sur les biens d'autrui et relative à l'achat, la vente, l'échange, la location ou la sous-location en nu en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis, reçu, détenu ou disposé de sommes d'argent, de biens, d'effets ou de valeurs, en l'espèce en procédant à la vente d'un immeuble, sans tenue de documents réglementaires ou sans délivrer de reçu en l'espèce sans détenir de mandat écrit à cet effet ;

Faits prévus et réprimés par les articles 18, 18 1e de la loi 70-9 du 02-01-1970, 51, 52 et 55 du décret 72-678 du 20-07-1972.

- d'avoir à Brest, le 22 août 1995, trompé Morvan Philippe en employant des manœuvres frauduleuses, en l'espèce en procédant à une vente immobilière sans mandat écrit en indiquant un faux nom de propriétaire sur un compromis de vente, et de l'avoir ainsi déterminé à consentir un acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce en signant un compromis de vente d'un immeuble, au préjudice de Morvan Philippe ;

Fait prévus et réprimés par les articles L. 313-1 al. 1 et 2, 313-8, 131-26, 131-27, 131-31 et 131-35 du Code pénal.

En la forme :

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Au fond :

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants :

Le 27 mars 1996, M. Philippe Morvan, domicilié à Brest, saisissait la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Finistère, en exposant :

- que courant juin 1995, étant alors propriétaire d'un appartement situé 83 rue Matheiu Donnard à Brest, il décidait de vendre ce bien ; que plusieurs personnes de même que diverses agences immobilières, semblaient intéressées ; que tel était spécialement le cas de l'Agence Immobilière du Ponant (AIP), installé 130, rue Jean Jaurès à Brest, exploité par une Sarl du même nom, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés tenu par le Greffe du Tribunal de commerce de Brest, gérée par Laurent X, titulaire de la carte professionnelle " Transactions Immobilières " et d'une garantie financière à hauteur de 200 000 F ;

- qu'en définitive, il réalisait lui-même la transaction avec un particulier le 21 août 1995 ; que dés le lendemain le 22 août 1995, M. Le Queau, négociateur employé par l'AIP, le contactait pour lui faire visiter deux maisons, sans engagement de sa part ; que l'une d'entre elles, sise 4 rue Benjamin Franklin à Brest, lui semblant intéressante, M. Le Queau, avant de l'y faire pénéter, lui précisait que le couple qui l'occupait M. et Mme Nicolas, n'en était plus propriétaire, depuis le vante intervenue au profit des époux Barat ; que le négociateur ajoutait que M et Mme Barat étant en instance de divorce, ils souhaitaient revendre rapidement cet immeuble ; qu'il y avait, en conséquence, lieu de signer immédiatement une promesse de vente, afin de ne pas rater cette excellente affaire ;

- que c'est ainsi qu'il signait, le même jour à 18h30, en présence de M. Le Queau et à son domicile, une promesse de vente moyennant le paiement d'un prix de 330 000 F ; que vers 20h30, M. Laurent X venait le voir chez lui, en lui faisant comprendre qu'il fallait qu'il souscrive une nouvelle promesse de vente pour un prix de 340 000 F, ce qu'il acceptait de faire ;

- que l'acte authentique relatif à cette transaction était reçu le 17 octobre 1995, par Maître Le Gall, Notaire à Brest, Laurent X, que Mme Barat était absente, mais représentée par l'agent immobilier, Laurent X ; qu'il apparaissait que Mme Barat agissait en qualité de marchand de biens et n'avait elle-même acquis la maison concernée que ce même 17 octobre 1995, l'acter de vente étant établi par Maître Merour, également Notaire à Brest ;

- qu'il découvrait ensuite que cette maison était atteinte la mérule, l'obligeant à entreprendre de coûteux travaux de traitement curatif ;

- que les frais de négociation de l'AIP lui avaient été facturés, alors que le compromis stipulait qu'ils étaient à la charge du vendeur.

Le plaignant joignait à sa lettre une note établie par Mme Jeanne-Marie Nicolas, laquelle avait consenti, le 10 mai 1995, un mandat exclusif de vente à l'AIP portant sur l'immeuble sis 4 rue Benjamin Franklin à Brest, stipulant que le prix de vente souhaité s'élevait à 280 000 F et la rémunération du mandataire à 27 000 F. M. Barat s'étant présenté comme acheteur, un compromis de vente était signé le 15 mai 1995, au prix stipulé de 265 000 F, les frais d'agence s'établissant à 20 000 F. Mme Nicolas indiquait que postérieurement à la conclusion de cet acte, elle ne recevait plus aucune nouvelle de l'AIP. Ayant pris contact avec cette agence en septembre 1995, il lui était répondu que la vente allait se réaliser.

Le 16 octobre 1995, l'AIP l'informait téléphoniquement que la signature de l'acte authentique aurait lieu le lendemain, à l'étude de son Notaire, Maître Merour à Brest. S'y étant rendue, elle constatait l'absence de Mme Barat, représentée par son Notaire, Maître Le Gall. Elle décrivait l'ambiance particulière dans laquelle cette formalité se déroulait, Maître Merour, Maître Le Gall ainsi que le représentant d'AIP s'éclipsant rapidement, la laissant avec un clerc qui lui faisait signer le document.

Entendu que les agents du Service susvisé le 10 juillet 1996, Laurent X précisait :

- que le 10 mai 1995, Jeanne-Marie Nicolas consentait à son agence un mandat exclusif de vente relatif à la maison implantée 4, rue Benjamin Franklin à Brest ;

qu'à la même époque, Mme Barat se montrait intéressée par ce bien immobilier et qu'après transaction, elle signait , le 15 mai 1995, un compromis de vente portant sur cette maison, au prix de 265 000 F, outre les frais d'agence d'un montant de 20 000 F ;

- que sachant quel type de bien recherchait Philippe Morvan, il informait Mme Barat qu'il disposait d'un acheteur potentiel pour l'immeuble 4, rue Benjamin Franklin ; que ne sachant pas encore si elle allait réaliser des travaux dans la maison, la revendre ou la garder en l'état, Mme Barat acceptait que ce bien soit présenté à M. Morvan ;

- que Mme Barat ne lui ayant donné aucune instruction précise quant au prix qu'elle souhaitait retirer de la vente, son négociateur, M. Le Queau, faisait signer à M. Morvan un premier compromis, le 22 août 1995, pour 350 000 F, frais d'agence inclus ;qu'il était possible que cette vente ait eu lieu au domicile de M. Morvan ; que Mme Barat n'étant pas d'accord avec cette somme, lui laissant entendre qu'elle accepterait la transaction pour 10 000 F de plus, il se rendait chez M. Morvan et lui soumettait un nouveau compromis pour 360 000 F incluant les frais d'agence à hauteur de 20 000 F ;

- que M. Morvan lui avait bien remis un chèque de 10 000 F à valoir que ses honoraires ;

- qu'aucun mandat écrit ne semblait avoir été rédigé pour cette seconde transaction.

Les agents de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes n estimant qu'il s'agissait d'une opération commerciale souscrite par M. Morvan à son domicile, indiquaient qu'il convenait dés lors de faire application des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Ils retenaient en conséquence :

- que contrairement à l'article L. 121-23 du Code précité, les deux compromis de ventes successivement souscrites par M. Morvan le 22 août 1995 ne mentionnaient ni le nom du démarcheur, ni l'adresse du lieu de conclusion du contrat, ni la faculté de renonciation et les conditions de son exercice, ni le texte des articles L. 121-23 à 121-26 du Code de la consommation ;

- qu'en violation de l'article L. 121-25 du même code, les deux contrats de vente ne prévoyaient aucune faculté de renonciation au profit de la personne démarchée ;

- qu'en infraction à l'article L. 121-26 du Code de la consommation, Laurent X avait exigé et obtenu de M. Morvan une contrepartie immédiate avant la fin du délai de renonciation, en l'espèce une " avance sur commission d'un montant de 10 000 F.

Ils notaient, en outre, que contrairement aux dispositions de l'article 72 du décret 72-678 du 20 juillet 1972 modifié, interdisant à tout agent immobilier de négocier ou de s'engager sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties, le prévenu ne disposait ni d'un mandant de vente de la part de Mme Barat , ni d'un mandat de recherche consenti par M. Morvan.

Ils indiquaient, enfin, que les deux compromis de vente établis par le prévenu et soumis à la signature de M. Morvan le 22 août 1995, Mme Barat était présentée comme le vendeur de l'immeuble et indiquée comme seule propriétaire de celui-ci, s'engageant à fournir à première demande du mandataire tous les titres de propriété et pièces nécessaires à la vente.

Or, à la date précitée, Mme Barat ne disposait d'aucun titre de propriété concernant la maison en question.

Ils en déduisaient que ces fausses indications ont eu pour effet de créer un intermédiaire nouveau dans la vente de l'immeuble de Mme Nicolas, permettant à Mme Barat de retirer un bénéfice substantiel de l'opération et au prévenu de percevoir deux commissions d'agence pour le même bien, le préjudice subi par M. Morvan résidait dans le fait qu'il a payé cette maison 360 000 F, Mme Nicolas souhaitant en obtenir 307 000 F, frais d'agence inclus, et Mme Barat l'ayant acquise pour 285 000 F.

Ils en concluent que els délits de faux et usages de faux étaient également caractérisés à la charge de Laurent X.

Au cours de l'enquête préliminaire, diligentée par les fonctionnaires de l'Antenne de Brest du Service Régional de Police Judiciaire de Rennes, Philippe Morvan indiquait qu'après avoir visité les deux maisons le 22 août 1995 en compagnie de M. Queau, tous les deux s'étaient rendus dans les locaux de l'agence AIP, le négociateur y prenant des documents, puis à son domicile ou les deux compromis de vente ont été successivement présentés par Richard Le Queau, puis par Laurent X. Il confirmait que s'étant renseigné auprès d'eux sur la possibilité de bénéficier d'un délai de réflexion ou de rétractation, aucune réponse ne lui était donnée.

Il estimait que Mme Barat n'étant devenue propriétaire de la maison que le 17 octobre 1995, tant les compromis, dans lesquels elle apparaissait en cette qualité à la date du 22 août 1995, que le certificat d'urbanisme, faisait mention de cette même qualité à la date du 5 septembre 1995, constituaient des faux.

Il soutenait que Mme Barat ayant payé la maison 265 000 F avant qu'il ne l'achète, quelques heures plus tard, pour 360 000 F, il avait ainsi subi un préjudice important.

Richard Le Queau contestait la notion de démarchage à domicile, indiquait s'être rendue chez M.Morvan après la visite de la maison sise 4, rue Benjamin Franklin à la demande de ce dernier, pour y établir le compromis. Il ajoutait que M. Morvan voulait à tout prix cette maison ne désirant pas entendre parler de délai de réflexion ou de rétractation.

Le prévenu prétendait également n'avoir effectué aucun démarchage à domicile à l'endroit de M. Morvan, raison pour laquelle il n'avait pas fait aucune allusion à un quelconque délais de réflexion ou de rétractation, et accepté un chèque de 10 000 F à titre d'avance sur commission d'agence.

Il niait avoir trompé Philippe Morvan, admettant toutefois n'avoir été titulaire d'aucun mandat de vente ni de recherche pour conclure cette transaction.

Le prévenu maintenait sa position devant le Tribunal.

Par conclusions écrites, il faisait plaider sa relaxe, en soutenant :

- que Philippe Morvan avait conclu avec l'AIP, le 10 août 1995, un mandat exprès de vente portant sur son appartement situé 83, rue Mathieu Donnart à Brest ; que dés lors de sa visite à l'agence, il avait indiqué souhaiter acquérir une maison à un prix peu élevé afin d'y effectuer lui-même des travaux de rénovation ;

- que l'intéressé savait que la maison venait d'être récemment achetée par Mme Barat ;

- que le compromis était établi au domicile de Philippe Morvan à la demande de celui-ci ;

- que Mme Barat refusait l'offre et formulait une contre-proposition à hauteur de 360 000 F frais d'agence inclus ; que celle-ci était transmise le soir même à Philippe Morvan par le prévenu lors d'une visite à son domicile, un nouveau compromis de vente était établi ;

- que cette revente, non prévue à l'origine, conduisant Mme Barat à différer la signature de l'acte authentique avec Mme Nicolas jusqu'à la date de la conclusion de celui constatant la vente Barat / Nicolas, raison pour laquelle les deux actes notariés étaient signés le même jours, soit le 7 octobre 1995 ;

- qu'en conséquence :

- s'agissant de la réglementation relative au démarchage à domicile, celle-ci n'était applicable au cas d'espèce, qu'en effet, avant la visite de l'immeuble situé 4, rue Benjamin Franklin à Brest par Philippe Morvan le 22 août 1995, ce dernier et Laurent X étaient déjà en relation d'affaires depuis le 10 août 1995 ; que Philippe Morvan avait expressément fait connaître qu'il souhaitait acquérir une maison à rénover ; que lors de la visite du 22 août 1995, Philippe Morvan a immédiatement donné son accord pour acheter cette maison ; que la signature subséquente du compromis de vente au domicile de Philippe Morvan n'avait eu pour effet que de formaliser ledit accord antérieurement exprimé ; qu'au surplus, c'est à la demande de Philippe Morvan que le négociateur avait accepté de se rendre au domicile du susnommé afin d'y rédiger le compromis ; que subsidiairement, les imprimés utilisés par les agents immobiliers correspondent à un modèle de type ne comportant ni formulaire détachable, ni les mentions obligatoires exigées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation ; que Richard Le Queau n'ayant jamais eu conscience d'effectuer un démarchage à son domicile, celui-ci ne pouvait faire usage de documents autres que ceux mis à sa disposition par l'Agence qui l'employait ; que les mêmes remarques valaient pour la perception d'un acompte de 10 000 F ;

- que ce qui est de l'infraction au Décret du 20 juillet 1972, la citation reprochait à Laurent X d'avoir vendu un immeuble à Philippe Morvan sans détenir de mandat préalable de vente de la part de Mme Barat, alors que celle-ci n'avait pas, à l'origine, l'intention de revendre cette maison, qu'il résulte de l'enquête que Philippe Morvan ayant expressément informé l'agence AIP de son intention d'acquérir un immeuble postérieurement à la vente de son appartement, il avait implicitement donné mandat à cette agence de rechercher une maison correspondant à ses souhaits ; qu'il n'est pas nécessaire, pour un agent immobilier, d'être titulaire à la fois d'un mandat de vente de la part du cédant et d'un mandat de recherche émanant de l'acheteur ; que la citation visant le seul défaut de mandat de vente, l'infraction n'était pas caractérisée ;

- concernant le délit d'escroquerie, Laurent X n'avait nullement indiqué un faux nom de propriétaire sur les compromis du 22 août 1995, Mme Barat disposant bien de cette qualité à la date précitée, par l'effet du compromis signé avec Mme Nicolas le 15 mai 1995 ainsi que des dispositions de l'article 1589 du Code civil ; qu'au demeurant, la mention du nom de Mme Barat comme vendeur sur le compromis de vente souscrit le 22 août 1995, n'avait aucune incidence sur le consentement de Philippe Morvan ; que l'infraction n'était pas constituée.

L'Union Fédérale des Consommateurs de Brest et l'Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie du Finistère se constituaient partie civile, réclamant la condamnation du prévenu à leur payer à chacune 5 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 3 000 F par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Considérant qu'en cause d'appel, le prévenu soutient la même argumentation que celle développée en première instance pour solliciter la confirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a renvoyé des fins de la poursuite des chefs de remise d'un contrat non-conforme lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce de bien ou d'un service proposé, de demande ou obtention d'une contrepartie ou d'un engagement avant expiration du délai de négociation, ainsi que d'escroquerie ; qu'il demande à la cour de réformer cette décision et de prononcer sa relaxe du chef de maniement de fonds par agent immobilier sans détention de mandat écrit à cette effet ;

Considérant que L'Union Fédérale des Consommateurs de Brest et l'Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie du Finistère, parties civiles, estiment établis à la charge de Laurent X, l'ensemble des faits visés à la citation ; qu'elles demandent, en conséquence, à la Cour de réformer le jugement déféré et de l'en déclarer coupable ; qu'elles réclament la condamnation du prévenu à leur payer à chacune 5 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 8 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Sur ce,

Considérant que si Philippe Morvan a bien confié, le 10 août 1995, un mandat de vente à l'agence immobilière AIP relatif à l'appartement dont il était propriétaire à Brest, l'intéressé a ensuite réussi à céder seul son bien, sans l'intervention de l'agence, le 21 août 1995 ;

Considérant que la procédure établit que Laurent X, pas plus que l'agence immobilière qu'il dirige, n'était titulaire d'un quelconque mandat écrit de recherche de la part de Philippe Morvan ; que la vague indication donné par ce dernier lors de la rédaction d'un mandat de vente susvisé, concernant son intention d'acquérir une maison, ne aurait suffire à caractériser l'existence d'un mandat apparent de recherche qui aurait été conféré par Philippe Morvan à Laurent X ou l'agence AIP ;

Considérant qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le prévenu et Philippe Morvan n'étaient plus en relation d'affaires depuis le 21 août 1995 ;

Considérant que les déclarations tant de Richard Le Queau, préposé du prévenu, que de Philippe Morvan, concordantes sur ce point, démontrent que ce dernier a été contacté téléphoniquement à son domicile par le représentant de l'agence AIP qui l'invitait à visiter deux maisons ; que la démarche ainsi effectuée n'est intervenue dans aucun cadre formel, mais constituant une approche en vue de proposer les services de l'agence ; que Richard Le Queau, lors de sa visite de l'immeuble situé 4, rue Benjamin Franklin à Brest, le lui présentait comme céder rapidement ; qu'il conseillait à Philippe Morvan de signer sans délai une promesse de vente, afin de ne pas rater une si belle occasion ;

Considérant que Philippe Morvan a été placé dans le position d'un consommateur démarché à son domicile dans des circonstances dont il n'avait pas la maîtrise, par un vendeur utilisant des arguments nécessitant une analyse pour permettre l'émission d'un jugement éclairé, ce qui impliquait qu'il puisse bénéficier d'un délai de réflexion afin d'être mis en mesure d'exercer, le cas échéant, la faculté de renonciation ;

Considérant que le premier compromis de vente a ensuite été signé au domicile de Philippe Morvan, lieu auquel s'est opéré la rencontre des volontés des parties ; que, de surcroît, cette promesse de vente, consacrant un accord de Philippe Morvan sur la maison visitée et le prix d'un montant de 350 000 F, frais d'agence inclus, se trouvait ensuite être rompue par la fixation unilatérale d'un prix de vente différent, supérieur de 10 000 F, exigé par le cédant ; que des lors, la visite de Laurent X au domicile de Philippe Morvan le 22 août 1995 à 20h30 avait pour but de proposer de nouvelles conditions de vente, ignorées de la personne démarchée puisque modifiée à son insu, et, par conséquent, un nouveau contrat ; qu'ainsi la rencontre des volontés, préalable à l'établissement de seconde promesse de vente, s'est bien produite au domicile de l'acheteur ;

Considérant que les dispositions protectrices de la loi relatives au démarchage à domicile s'appliquent au cas d'espèce ; qu'en s'abstenant de faire figurer sur le contrat conclu avec Philippe Morvan les mentions exigées par l'article L. 121-3 du Code de la consommation ; en remettant à ce consommateur un contrat ne comportant pas de formulaire détachable à lui faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ; Laurent X s'est bien rendu coupable des infractions visées à la prévention ; qu'en qualité d'agent immobilier professionnel de la vente, il lui appartenait de prendre toutes les dispositions utiles pour faire respecter par ses préposés la législation sur le démarchage à domicile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 72 du décret 72-678 du 20 juillet 1972, le titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier ne peut négocier ou s'engager, à l'occasion de transactions immobilières, sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties ; que contrairement à ce qu'allègue le prévenu, la citation ne vise pas spécifiquement, pour une infraction, le défaut de mandat de vente ; qu'il est constant que Laurent X ne disposait ni d'un tel document émanant de Mme Barat, ni d'un mandat de recherche délivré par Philippe Morvan ; que ces faits sont ainsi établis ;

Considérant que par l'effet du compromis de vente qu'elle a conclu avec Mme Nicolas le 15 mai 1995 et des dispositions de l'article 1589 du Code civil, Mme Barat était devenue légalement propriétaire du bien, objet de la transaction conclue avec Philippe Morvan le 22 août 1995, qu'en la faisant figurer sur le compromis de vente en cette qualité, Laurent X n'y a pas indiqué un faux nom de propriétaire, que Philippe Morvan n'a donc pas été trompé de ce fait ; qu'aucune autre manœuvre frauduleuse employée dans ce même bit ne peut être relevée à la charge du prévenu ;

Considérant, en conséquence, que le jugement sera réformé sur la déclaration de culpabilité et Laurent X retenu dans les liens de la prévention s'agissant des délits de remise d'un contrat, à l'occasion d'un démarchage à domicile, ne comportant pas les mentions exigées par l'article L.121-23 du Code de la consommation, ni la formule détachable destinée à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation, ainsi que d'obtention d'une contrepartie avant l'expiration du délai de renonciation qui lui son reprochés ;

Considérant qu'il sera confirmé pour le surplus quant à la déclaration de culpabilité ;

Considérant que la décision sera également réformée quant à la peine, qu'il sera fait application au prévenu de la loi pénale ainsi qu'il suit au dispositif ;

Considérant que les dispositions civiles du jugement seront ainsi réformées ; que la Cour dispose d'éléments d'appréciation suffisantes pour fixer à 3 000 F le montant des dommages-intérêts que Laurent X devra verser à chacune des deux associations qui se sont constituées partie civile, en réparation de leur préjudice ; que l'indemnité due au tire de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel sera évaluée comme indiqué au dispositif ;

Par ces motifs ; Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Laurent, de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, et de l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest ; En la forme ; Reçoit les appels, Au fonds : 1°) Sur l'action publique : Réforme le jugement ; Déclare Laurent X coupable des délits visés à la prévention s'agissant de la remise d'un contrat non-conforme, lors de démarchage à domicile et d'obtention d'une contrepartie avant l'expiration du délai de renonciation ; Confirme, pour le surplus, le jugement déféré sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité ; Réforme sur l'application de la peine ; Condamne Laurent X à 20 000 F d'amende ; Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, 2°) Sur l'action Civile : Réforme le jugement ; Condamne Laurent X à payer à l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest et l'Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie du Finistère, à chacune la somme de 3 000 F à titres de dommages-intérêts ; Condamne Laurent X à payer aux parties civiles les sommes de 2 000 F au titre de l'article 475 - 1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ; Dit qu'il n'y a pas lieu de condamnation aux dépens en vertu de la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 et du décret d'application n° 93-867 du 28 juin 1993. Le tout par application des articles susvisés, des article 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.