CA Rouen, 1re ch. civ., 25 avril 1990, n° 1706-88
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Simon
Défendeur :
Gore
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Falcone
Conseillers :
M. Vandeville, Brocart
Avoués :
Mes Reybel, SCP Marin-Greff-Curat
Avocats :
Mes Sagon, Wierhle
Le 25 juin 1986, Michel Simon, garagiste à Froberville, vendait à Alain Gore une Renault 5 qu'il avait lui-même réparée après l'avoir achetée gravement accidentée;
Courant août, le véhicule tombait en panne après avoir circulé environ 3 000 kilomètres
Alain Gore reprochait alors au garagiste de lui avoir vendu un véhicule impropre à son usage ;
Par un jugement du 10 juin 1987, le Tribunal correctionnel du Havre - en l'absence de partie civile - relaxait Michel Simon du délit de tromperie aux motifs que :
- aucun élément de la cause ne permettait d'établir que lors de la vente le véhicule n'avait pas été réparé selon les règles de l'art,
- aucune intention frauduleuse ne pouvait être mise à sa charge,
Préalablement, Alain Gore avait assigné son vendeur en résolution de la vente pour vices cachés ;
Michel Simon est régulièrement appelant du jugement du Tribunal de grande instance du Havre, rendu le 25 février 1988, auquel il est renvoyé pour exposé qui a fait droit à la demande de résolution et l'a condamné à payer 39 615,72 F à Alain Gore ;
L'appelant conclut à l'infirmation au motif que la preuve n'est pas rapportée d'un vice antérieur à la vente ; il ajoute qu'il n'était pas tenu de préciser à l'acquéreur que le véhicule avait été accidenté puis réparé ;
L'intimé conclut à la confirmation en faisant valoir l'existence d'un vice caché au moment de la vente, même s'il s'est révélé ultérieurement ; il soutient encore que le garagiste a manqué à son devoir d'information ;
Alain Gore forme appel incident pour obtenir le remboursement de ses frais, 10 000 F de dommages et intérêts ainsi que 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;
Sur ce
Le jugement définitif du Tribunal correctionnel du Havre du 10 juin 1987 a relaxé Michel Simon du chef de tromperie (article 1er de la loi du 1er août 1905 modifié par la loi du 10 janvier 1978) pour avoir vendu une voiture qui avait été accidentée sans avoir effectué les réparations nécessaires ;
Le tribunal correctionnel a estimé que la preuve n'était pas rapportée de ce que le véhicule n'avait pas été réparé selon les règles de l'art et qu'aucune intention frauduleuse ne pouvait être mise à la charge du garagiste;
L'autorité de la chose jugée s'attache donc au défaut d'intention coupable et au mal fondé du grief de réparations non conformes aux règles de l'art ;
Cependant Michel Simon, garagiste professionnel, devait pour exécuter de bonne foi le contrat le liant à son acquéreur lui préciser que le véhicule présenté comme une "Belle R 5 GTL" - qu'il avait lui-même réparé - avait été gravement accidenté, ainsi qu'il ressort du coût des réparations 18 051,08 F et du temps passé pour les effectuer soit 116 heures ;
Des notes de l'inspecteur des fraudes, il ressort que Mademoiselle Donnet, compagne d'Alain Gore, a reconnu qu'il leur avait été indiqué que le véhicule avait subi un accrochage ; l'emploi de ce terme démontre que l'acquéreur n'a pas été exactement informé de l'une des caractéristiques essentielles de la R5 car un grave accident frontal, nécessitant en particulier un redressement des longerons avec passage au marbre, ne saurait être qualifié d'accrochage ;
Dans ces circonstances, Alain Gore qui n'aurait certainement pas acheté un véhicule gravement accidenté, même remis en état, pour le prix de 29 000 F justifié pour une "Belle R 5 GTL" est bien fondé à obtenir la résolution de la vente portant sur un véhicule ne correspondant pas à sa commande ;
Outre le remboursement du prix de vente, avec intérêts à compter de la vente à titre de dommages et intérêts, Michel Simon doit supporter la charge des expertises qui ont permis de déceler que le véhicule avait été gravement accidenté, soit un total de 652,30 F, de l'assurance inutilement contractée soit 2 534 F ;
Dès lors qu'il a été définitivement jugé que la preuve de réparations contraires aux règles de l'art n'était pas rapportée, Alain Gore n'est pas fondé à obtenir paiement des réparations de 2 109,42 F ;
La résolution de la vente et les tracas résultant de la procédure seront indemnisés par les dommages et intérêts de 5 000 F ;
Il serait inéquitable de laisser à l'intimé la charge de ses frais irrépétibles de procédure à concurrence d'un total de 5 000 F ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, Reçoit l'appel, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a résilié la vente aux torts de Michel Simon, Réformant partiellement et statuant à nouveau pour le surplus, Condamne Michel Simon à payer à Alain Gore - vingt-neuf mille trois cent vingt francs (29 320 F) en remboursement du prix de vente du véhicule avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 1986, - huit mille cent quatre-vingt six francs trente centimes (8 186,30 F) de dommages et intérêts évalués à ce jour, - cinq mille francs (5 000 F) en application de l'article 700 du NCPC, Condamne Michel Simon aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Marin-Grepf-Curat, avoués, à recouvrer directement contre lui ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision.