CA Nancy, 2e ch. civ., 9 décembre 1992, n° 2525-91
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Calvisio
Défendeur :
Sevic (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Magnin (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Cunin, Bloch
Avoués :
Me Gretere, SCP Millot-Logier
Avocats :
Mes Bidault, Sarron, Gaucher
Faits et procédure
Suivant bon de commande du 6 octobre 1989, Monsieur Calvisio, entrepreneur en maçonnerie a passé commande auprès de la société Sevic, d'un camion d'occasion de marque Mercedes Benz, de type "L 508 DGA 35 APP. M0D", de l'année 1982 d'une puissance de 13 CV avec une benne neuve de 3,50 m pour le prix de 92 508 F TTC.
Exposant qu'ayant constaté sur la facture émise le 30 octobre 1989 par la société Sevic, qu'en réalité le type du véhicule était L 608 D au lieu de L 508 D, et qu'en outre ce véhicule était affecté de vices divers, Monsieur Calvisio a, par exploit du 16 novembre 1989, fait assigner la société Sevic devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Nancy, qui, par ordonnance du 6 décembre 1989, a désigné Monsieur Vivier en qualité d'expert.
Ce dernier a déposé son rapport le 20 février 1990.
Par exploit du 27 avril 1990, Monsieur Calvisio a fait assigner la société Sevic devant le Tribunal de commerce de Nancy qui, par jugement du 30 septembre 1991 a débouté Monsieur Calvisio de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Sevic la somme de 2 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Calvisio a relevé appel de ce jugement.
Il formule devant la cour les demandes suivantes :
"- Par ces motifs sous réserves de plus amplement conclure et sans que les présentes constituent en quoi que ce soit une limitation à l'appel,
"- déclarer l'appel interjeté par le concluant recevable et bien fondé,
"- y faisant droit et infirmant le jugement entrepris,
"- ordonner la résolution de la vente intervenue entre les parties suivant bon de commande en date du 6 octobre 1988 et ce aux torts de la Sevic,
"- condamner cette dernière à verser à Monsieur Calvisio la somme de 60 000 F à titre de dommages et intérêts,
"- donner acte au concluant de ce qu'il se réserve de réactualiser sa demande,
"- débouter la Sevic de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
"- la condamner à verser au concluant une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700,
"- la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel dans lesquels seront compris les frais d'expertise et les frais de constats d'huissier, tout en réservant à Maître Gretère, avoué à la cour, le droit de recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision, le tout conformément aux articles 696 et 699 du nouveau Code de procédure civile".
De son côté, la société Sevic conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur Calvisio à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts outre celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de l'arrêt
Attendu qu'à l'appui de son appel, Monsieur Calvisio fait valoir que le véhicule qui lui a été livré par la société Sevic est de type L 608 D alors qu'il a commandé un véhicule de type L 508 D, et que la charge utile du véhicule qui devait être de 1,1 tonne n'est en réalité que de 640 kg ;
Attendu qu'il est indiqué sur le bon de commande n 89149 signé par Monsieur Calvisio et par la société Sevic le 6 octobre 1989, que le véhicule commandé par Monsieur Calvisio à la société Sevic présente les spécifications suivantes :
- marque : Mercedes Benz
- n° chassis : 31030210520616
- moteur : diesel
- date mise en circulation : 15 juillet 1981
- type L 508 DCA 35 APP. MOD.
- année modèle : 1982
- puissance fiscale : 13 CV
- n° immatriculation : en cours
- carrosserie benne neuve de 3,50 m
- kilométrage : 56 950 kms
- prix TTC : 92 508 F
Que le procès-verbal de réception du véhicule établi le 25 avril 1989 par la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche indique que le véhicule Mercedes Benz n° 31030210520616 est de type L 608 D - L 508 DGA 35 APP MOD., avec un poids total autorisé en charge de 3 500 kg ;
Que ce certificat de carrossage établi le 9 octobre 1989 par la société Solora indique également que le véhicule Mercedes Benz n 31030210520616 est de type L 608 D - L 508 DCA 35 APP. MOD, avec un poids total autorisé de 3 500 kg et un poids à vide de 2 820 kg ;
Que la décharge de responsabilité établie et signée par Monsieur Calvisio le 12 octobre 1989 indique que le véhicule Mercedes Benz n° 31030210520616 est de type L 508 DCA 35 APP. MOD ;
Qu'enfin, le certificat d'immatriculation provisoire du véhicule indique que le véhicule Mercedes Benz n° 31030210520616 est de type L 508 DCA 35 APP. MOD ;
Attendu que dans son rapport, l'expert explique que le véhicule commandé par Monsieur Calvisio et livré à celui-ci par la société Sevic, est un véhicule Mercedes Benz de type L 608 mais devenu après importation L 508 DCA 35 apparents modifiés, ainsi qu'en atteste le procès-verbal établi le 25 avril 1989 par la DRIR ; qu'ainsi, antérieurement à la signature du bon de commande du 6 octobre 1989, le véhicule, objet de cette commande et livré à Monsieur Calvisio était bien un véhicule L 608 D devenu après réception par les services de la DRIR, L 508 DCA 35 APP. MOD ; que d'ailleurs, tous les documents précités mentionnent effectivement L 508 DCA 35 APP. MOD
Qu'il est dès lors établi que le véhicule Mercedes Benz n° 3103021052016 commandé par Monsieur Calvisio et dont il a pris livraison, est bien de type L 508 DCA 35 APP. MOD, et que le fait qu'il soit mentionné dans le procès-verbal de réception établi par la DRIR le 25 avril 1989 que ce véhicule était de type L 608 D - L 508 DCA 35 APP. MOD - ce qui signifie que ce véhicule importé de type L 608 D a été modifié en L 508 DCA 35 APP. MOD, après réception par la DRIR - ne change strictement rien au fait que le véhicule effectivement commandé par Monsieur Calvisio et celui qui lui a été effectivement livré, est bien le même véhicule de type L 508 DCA 35 APP. MOD et non un véhicule différent ;
Que le moyen tiré de ce que le véhicule livré ne correspond pas au véhicule commandé doit donc être écarté ;
Attendu, quant à l'insuffisance de la charge utile du véhicule, que l'expert a indiqué, après avoir procédé à un essai routier, que le poids à vide du véhicule était de 2 820 kg, que son poids total en charge était de 3 500 kg, ce qui détermine un poids en charge utile de 680 kg ;
Que Monsieur Calvisio soutient cependant qu'au moment de la livraison du véhicule, une plaque de tare était collée sur la partie arrière droite du bas de la cabine, et indiquait 2 400 kg à vide, ainsi qu'un poids total en charge de 3 500 kg, ce qui détermine un poids en charge utile, de 1 400 kg ;
Attendu que Monsieur Calvisio verse aux débats une attestation établie le 30 janvier 1990 par l'un de ses employés, Monsieur Colvin, selon lequel, avant la prise de possession du véhicule, celui-ci portait une plaque indiquant PV 2,4 T. et PTAC 3,5 T ; qu'il produit en outre une attestation établie le 31 janvier 1990 par son frère, Monsieur Louis Calvisio selon lequel, le 12 octobre au soir, il a vu sur le véhicule une plaque de tare indiquant un PV de 2,4 T et un PTAC de 3,5 T ;
Attendu, outre l'imprécision de ces attestations quant à la date à laquelle leurs auteurs auraient constaté les faits qu'ils rapportent, qu'il est constant que les mentions figurant sur une plaque de tare sont liées à l'établissement de la carte grise définitive du véhicule, laquelle n'est pas produite aux débats ;
Que par ailleurs, le certificat de carrossage établi le 9 octobre 1989 mentionne bien un poids à vide de 2 820 kg et un poids total en charge de 3 500 kg ; que Monsieur Calvisio prétend cependant que ce document serait un faux et produit aux débats un procès-verbal de constat dressé le 23 janvier 1991 par Maître Florentin, huissier de justice à Luneville, lequel a relevé, après avoir effectué une pesée du véhicule sur la bascule de la coopérative céréalière de Blamont, qu'il est facile d'obtenir des pesées datées d'une date différente quant au jour et à l'heure effectives de ces pesées ;
Or attendu, que d'une part, ce constat ne démontre nullement que des manipulations de date et d'heure de pesée ont eu lieu à l'occasion de la pesée du véhicule de Monsieur Calvisio, le 9 octobre 1989, et que d'autre part, ce constat n'établit pas davantage que le poids à vide du véhicule pesé le 9 octobre 1989, ne serait pas de 2 820 kg ;
Qu'en outre, si dans un constat dressé le 28 février 1990 par Maître Marchal, huissier de justice Baccarat, il est indiqué que le véhicule de marque Mercedes Benz type 508 D appartenant à la commune de Val-et-Chatillon présente une plaque de tare indiquant un PV de 2,4 tonnes, il n'est pas pour autant démontré qu'à la date de l'achat de son véhicule par Monsieur Calvisio, courant octobre 1989, ce véhicule était également porteur d'une plaque de tare ;
Attendu qu'il convient de relever que dans le bon de commande signé par les parties le 6 octobre 1989, aucune mention ne figure concernant le poids en charge ou à vide du véhicule acquis par Monsieur Calvisio ;
Que la mention de ce poids ne figure pas davantage dans la décharge de responsabilité établie et signée par Monsieur Calvisio le 12 octobre 1989, et dans le certificat d'immatriculation provisoire du véhicule, également signé par Monsieur Calvisio ;
Qu'ainsi, Monsieur Calvisio ne démontre nullement que la charge utile du véhicule ait été la cause impulsive et déterminante du contrat conclu avec la société Sevic le 6 octobre 1989, alors que dans son courrier du 26 octobre 1989 adressé à cette société, et où il fait état de diverses anomalies, Monsieur Calvisio ne formule aucune observation concernant le poids à vide et en charge du véhicule ;
Que vainement, Monsieur Calvisio fait-il état d'un courrier du 12 avril 1990 dans lequel la société Mercedes Benz indique n'avoir retrouvé aucune attestation d'importation du chassis numéroté 31030210520616, alors que ce numéro de série du véhicule acquis par Monsieur Calvisio, figure non seulement sur le bon de commande signé par lui le 6 octobre 1989 mais encore sur le procès-verbal de réception établi par la DRIR le 25 avril 1989 après importation de ce véhicule ; qu'enfin, la conformité du véhicule, objet du bon de commande du 6 octobre 1989 avec la réglementation française, est établie ainsi qu'il a déjà été exposé plus avant ;
Que sa demande en résolution de la vente dont s'agit n'est donc pas fondée ;
Attendu en conséquence de tout ce qui précède, que pour les motifs ci-dessus, et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte, il y a lieu de déclarer Monsieur Calvisio mal fondé en ses prétentions, de l'en débouter et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Que toutefois, la demande en dommages-intérêts formulée par la société Sevic n'étant pas justifiée, il y a lieu de l'en débouter ;
Qu'il serait néanmoins inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non incluses dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner Monsieur Calvisio à lui payer la somme de 5 000 F TTC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'enfin, Monsieur Calvisio succombant en son appel, en supportera les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Déclare Monsieur Calvisio recevable mais mal fondé en son appel ; L'en déboute ; Confirme en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Condamne Monsieur Calvisio à payer à la société Sevic la somme de cinq mille francs (5 000 F) TTC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires Condamne Monsieur Calvisio aux dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle Millot-Logier, avoués associés, à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.