CJCE, 25 mai 1978, n° 83-76
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe GmbH & Co. KG ; Adleff ; Zollner KG ; Schwab ; Seidl ;
Défendeur :
Conseil et Commission des Communautés européennes
LA COUR,
1. Attendu que les requérants demandent que la Communauté économique européenne, représentée par le Conseil et la Commission, soit condamnée à les indemniser du préjudice qu'ils prétendent avoir subi du fait du règlement n° 563-76 du Conseil du 15 mars 1976 relatif à l'achat obligatoire de lait écrémé en poudre détenu par les organismes d'intervention et destiné à être utilisé dans les aliments pour animaux (JO L 67, p.18) ;
2. Que les affaires ayant été jointes aux fins de la procédure soit écrite, soit orale, il y a lieu de maintenir la jonction aux fins de l'arrêt ;
3. Attendu que la Cour par trois arrêts du 5 juillet 1977 dans les affaires préjudicielles n° 114-76, Bela-Muhle, n° 116-76, Granaria BV, et n° 119-76 et 120-76, Olmuhle et Kurt A. Becher (Rec. p. 1211 et suiv.), a déclaré que le règlement n° 563-76 n'était pas valide ;
Qu'à l'appui de cette conclusion, elle a retenu que l'achat de lait écrémé en poudre prescrit par le règlement avait été imposé à un prix si disproportionné qu'il équivalait à une répartition discriminatoire des charges entre les différents secteurs agricoles, sans être justifié comme étant une mesure nécessaire pour atteindre l'objectif visé, à savoir l'écoulement des stocks de lait écrémé en poudre ;
4. Attendu, cependant, que la constatation qu'un acte normatif tel que le règlement en cause, n'est pas validé, ne suffit pas en elle-même pour engager, en vertu de l'article 215, alinéa 2, du traité CEE, la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour le préjudice que les particuliers auraient subi ;
Qu'ainsi que la Cour a affirmé, par une jurisprudence constante, la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte normatif qui implique des choix de politique économique ne saurait être engagée qu'en présence d'une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers ;
5. Qu'en l'espèce il ne fait pas de doute que l'interdiction de discrimination énoncée à l'article 40, paragraphe 3, alinéa 2, du traité, violée par le règlement n° 563-76, a effectivement pour fonction de protéger les intérêts des particuliers et qu'on ne saurait méconnaître son importance dans le système du traité ;
Que pour déterminer les caractéristiques qu'une telle violation doit comporter en outre pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée conformément au critère retenu par la jurisprudence de la Cour, il faut tenir compte des principes qui, dans les systèmes juridiques des Etats membres, régissent la responsabilité des pouvoirs publics pour les préjudices causés aux particuliers par les actes normatifs ;
Que, si ces principes varient considérablement d'un Etat membre à l'autre, on peut cependant constater que les actes normatifs dans lesquels se traduisent des options de politique économique n'engagent qu'exceptionnellement et dans des circonstances singulières la responsabilité des pouvoirs publics ;
Que cette conception restrictive s'explique par la considération que le pouvoir législatif, même la où existe un contrôle juridictionnel sur la validité de ses actes, ne doit pas être entravé dans ses dispositions par la perspective d'actions en dommages-intérêts chaque fois qu'il est dans le cas de prendre, dans l'intérêt général, des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts de particuliers ;
6. Attendu qu'il résulte de ces considérations que, dans les domaines relevant de la politique de la Communauté en matière économique, il peut être exigé du particulier qu'il supporte, dans des limites raisonnables, sans pouvoir se faire indemniser par les fonds publics, certains effets préjudiciables à ses intérêts économiques, engendrés par un acte normatif, même si celui-ci est reconnu non valide ;
Que, dans un contexte normatif comme celui de l'espèce, caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir discrétionnaire, indispensable à la mise en œuvre de la politique agricole commune, la responsabilité de la Communauté ne pourrait, dès lors, être engagée que si l'institution concernée avait méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs ;
7. Que tel n'est pas le cas d'une mesure de politique économique comme la présente, compte tenu des éléments qui la caractérisaient ;
Qu'à cet égard il convient de relever, en premier lieu, qu'elle touchait des catégories très larges d'opérateurs économiques, à savoir l'ensemble des acheteurs de fourrages protéiques composés, de sorte que ses répercussions ont été fortement atténuées au niveau des entreprises individuelles ;
Qu'en outre l'incidence du règlement sur l'élément des coûts de production de ces acheteurs constitué par les prix des fourrages a été faible, l'augmentation de ces prix n'ayant guère dépassé deux pour cent ;
Que cette augmentation des prix a été particulièrement modérée comparée aux augmentations dues, pendant la période d'application du règlement, aux fluctuations des prix mondiaux des aliments protéiques, atteignant un niveau trois ou quatre fois plus élevé que l'augmentation due à l'achat obligatoire de lait écrémé en poudre institué par le règlement ;
Que l'incidence du règlement sur la rentabilité des exploitations n'a en fin de compte pas dépassé l'amplitude des risques économiques inhérents aux activités dans les secteurs agricoles concernés ;
8. Que dans ces conditions la non-validité du règlement en cause ne suffit pas à engager la responsabilité de la Communauté en vertu de l'article 215, alinéa 2, du traité ;
Qu'il y a donc lieu de rejeter les recours comme non fondés ;
Sur les dépens
9. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Que la requérante ayant succombé en son action, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Les requérants sont condamnés aux dépens.