CJCE, 1re ch., 9 décembre 1982, n° 309-81
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Klughardt oHG
Défendeur :
Hauptzollamt Hamburg-St Annen
LA COUR,
1. Par ordonnance du 27 octobre 1981, parvenue à la Cour le 3 décembre suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives, respectivement, à l'interprétation et à la validité du règlement n° 425-77 du Conseil, du 14 février 1977, modifiant le règlement n° 805-68, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine et adaptant le règlement n° 827-68 ainsi que le règlement n° 950-68 relatif au tarif douanier commun (JO L 61, p. 1).
2. Les questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours intenté par une firme allemande contre l'application de prélèvements et de montants compensatoires monétaires, par les autorités douanières, lors de l'importation d'une quantité de viande de buffle congelée et désossée.
3. La firme importatrice a soutenu devant la juridiction nationale que l'application de prélèvements et de montants compensatoires monétaires serait seulement justifiée si la viande de buffle relevait de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, et que tel ne serait pas le cas en l'occurrence, car il s'agit de viande de buffle australien qui serait un buffle sauvage. Le règlement n° 425-77 n'aurait pas inclus la viande de buffle sauvage dans l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, et s'il devait être interprété autrement, le règlement serait invalidé pour défaut de motivation.
4. C'est pour être mis en mesure de résoudre ces deux problèmes que le Bundesfinanzhof a posé les questions préjudicielles suivantes :
"1) Le règlement n° 425-77 visait-il à inclure la viande de buffle sauvage dans l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question : le règlement n° 425-77 est-il invalide en tant qu'il enfreint sur ce point l'article 190 du traité instituant la Communauté économique européenne ? "
5. Au Cours de la procédure devant la Cour, le Conseil et la Commission ont fait valoir que ces questions sont basées sur une prémisse erronée, étant donné que le buffle d'Australie descendrait du buffle asiatique et que celui-ci devrait être considéré, conformément aux notes explicatives du tarif douanier commun, comme un animal de l'espèce domestique. Or, il n'y aurait pas de doute que les buffles sont des animaux de l'espèce bovine et que les viandes de l'espèce bovine domestique relevaient déjà de l'organisation commune des marché dans le secteur de la viande bovine avant la mise en vigueur du règlement n° 425-77, en vertu de l'article 1 du règlement n° 805-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24).
6. Il y a lieu d'observer, toutefois, que les questions posées par la juridiction nationale sont relatives à la viande de buffle sauvage et qu'il appartient à cette juridiction de vérifier si le litige au principal concerne effectivement un tel produit.
7. Le terme "buffle sauvage" ne figurant ni dans le tarif douanier commun ni dans les règlements agricoles, il est à supposer que la juridiction nationale vise, par ses questions, la viande provenant de buffles autres que ceux des espèces domestiques.
8. L'article 1 du règlement n° 425-77 définit le champ d'application de l'organisation commune dans le secteur de la viande bovine de telle façon que relèvent de cette organisation les "animaux vivants de l'espèce bovine des espèces domestiques, autres que reproducteurs de race pure" (sous-position 01.02 à II du tarif douanier commun), ainsi que les "viandes de l'espèce bovine, fraîches, réfrigérées ou congelées" (sous-position 02.01 à II du tarif douanier commun).
9. L'article 5 du même règlement modifie les dispositions du tarif douanier commun relatives aux animaux vivants de l'espèce bovine, y compris les animaux du genre buffle (position 01.02), ainsi qu'aux viandes et abats comestibles des animaux de l'espèce bovine repris à la position 01.02, frais, réfrigérés ou congelés (position 02.01, sous-positions a II, b II et c I). D'après le texte modifié, la position 01.02 fait une distinction entre les animaux "des espèces domestiques" et "autres", alors qu'une telle distinction ne figure pas à la position 02.01 relative aux viandes et aux abats.
10. Dès lors, il résulte des dispositions du règlement n° 425-77 que ni le tarif douanier commun ni les règles concernant l'organisation commune des marchés ne font une distinction entre la viande de buffle des espèces domestiques et celle de buffle des espèces non domestiques.
11. La demanderesse au principal a fait valoir qu'un régime où les buffles vivants des espèces non domestiques ne relèveraient pas de l'organisation commune des marchés, mais où leur viande y serait incluse, serait incohérent. Cet argument concerne cependant le bien-fondé des distinctions entre bovins opérées par le règlement n° 425-77, et non l'interprétation de celui-ci.
12. Il convient donc de répondre à la première question que le règlement n° 425-77 doit être interprété en ce sens que la viande de buffle des espèces non domestiques relève de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine.
13. La deuxième question vise à savoir si une telle interprétation ne conduit pas à l'invalidité du règlement n° 425-77, étant donné que les considérants de ce règlement n'évoquent pas l'extension du champ d'application de l'organisation commune des marchés à la viande des espèces bovines autres que domestiques.
14. Il y a lieu de rappeler que la Cour a considéré, dans son arrêt du 12 juillet 1979 (République italienne/Conseil, n° 166-78, Rec. 1979, p. 2575), que l'article 190 du traité exige, en ce qui concerne la motivation des règlements, que les considérants expliquent l'essentiel des mesures prises, sans qu'il soit besoin d'une motivation spécifique à l'appui de tous les détails que peuvent comporter de telles mesures.
15. L'essentiel du règlement n° 425-77 réside dans une refonte du régime des échanges avec les pays tiers, dont les considérants font état de façon circonstanciée. Le Conseil a fait usage de cette refonte pour régler certains autres problèmes dans le secteur de la viande bovine en modifiant, par exemple, les règles applicables aux animaux vivants reproducteurs de race pures. Le onzième considérant du règlement se réfère d'ailleurs au fait que la modification de la règlementation dans le secteur de la viande bovine a pour conséquence la modification des désignations de certaines marchandises.
16. Dans ces conditions, le défaut d'une motivation spécifique de l'inclusion de la viande bovine des espèces non domestiques dans l'organisation commune des marchés n'entraîne pas l'invalidité du règlement pour violation de l'article 190 du traité.
17. Il doit, dès lors, être répondu à la deuxième question que son examen n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité du règlement n° 425-77.
Sur les dépens
18. Les frais exposés par le Conseil des Communautés européennes et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 27 octobre 1981, dit pour droit :
1) Le règlement n° 425-77 du Conseil, du 14 février 1977, doit être interprété en ce sens que la viande de buffle des espèces non domestiques relève de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine.
2) L'examen de la deuxième question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité du règlement n° 425-77 du Conseil, du 14 février 1977.