CA Amiens, 1re ch. civ., 29 mai 1990, n° 756-88
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gosse (Epoux)
Défendeur :
Herbaut (ès qual.), Blocs & Matériaux du Beauvaisis (SA), La Providence (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chapuis de Montaunet
Conseillers :
Mmes Darchy, Merfeld
Avoués :
Me Caussain, SCP Million
Avocats :
Mes Laburthe, Soulama, Montigny
Jamy Gosse et son épouse Jacqueline Lepert sont appelants d'un jugement rendu le 14 décembre 1987 par le Tribunal de grande instance de Beauvais qui les a déclarés irrecevables en leur action dirigée contre la compagnie La Providence, assureur de la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis au motif que cette action n'a pas été engagée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil.
A l'appui de leur recours ils exposent :
- qu'en avril 1974, ils ont acquis de la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis des tuiles plates qu'ils ont posées eux-mêmes sur la toiture du pavillon qu'ils faisaient construire à Plouy Saint Lucien, 1 rue du Jardin Maître Jacques,
- que les premiers désordres affectant les tuiles apparurent en 1976,
- que le 22 août 1980 ils obtinrent de la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis la fourniture gratuite d'une palette de 1 000 tuiles,
- que néanmoins le phénomène de délitage s'est étendu à la quasi totalité de la toiture dans le courant de l'année 1982,
- que par ordonnance du 25 mai 1983 le Président du Tribunal de grande instance de Beauvais, statuant en référé, désigna en qualité d'expert M. Chanoine qui dans son rapport déposé le 24 mai 1985, conclut à la mauvaise qualité des tuiles et évalua le coût de la remise en état à la somme de 38 639 F.
En conséquence, par infirmation du jugement, ils sollicitent la condamnation de la compagnie La Providence à leur verser cette somme revalorisée sur la base de la variation de l'indice du coût de la construction depuis le 24 mai 1985, outre 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance et 6 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que les frais d'expertise.
Ils soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que leur action engagée par assignation du 9 septembre 1983 était tardive. Ils déclarent que les dernières tentatives de règlement amiable sont intervenues en avril 1983 et rappellent qu'ils ont introduit une demande en référé aux fins d'expertise dès le 20 mai 1983,
Ils ajoutent qu'en toute hypothèse l'action dirigée contre le fournisseur pour non conformité d'un matériau n'est pas soumise au bref délai de l'article 1648 du Code civil mais se prescrit par dix ans,
La compagnie La Providence conclut à la confirmation du jugement.
La société Blocs & Matériaux du Beauvaisis, en règlement judiciaire et son syndic, Me Herbaut, n'ont pas constitué avoué. Ils n'ont pas été assignés, malgré une injonction décernée par le Conseiller de la mise en état le 13 avril 1988. Il convient donc de statuer par défaut.
Sur ce
Attendu qu'aux termes de l'article 1648 du Code civil l'action résultant des vices cachés doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai suivant la nature des vices et l'usage du lieu ;
Attendu que les époux Gosse ont assigné la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis devant le Tribunal de grande instance de Beauvais le 9 septembre 1983 ;
Attendu que les premiers désordres affectant la toiture sont apparus en 1976 ;
Que malgré une tentative de réfection en 1980 le phénomène de délitage s'est étendu à la quasi totalité de la toiture en 1982 ainsi que cela résulte des écritures mêmes des appelants ; que les époux Gosse connaissaient donc l'étendue du dommage dès 1982 ;
;
Qu'ils en connaissaient la cause depuis août 1980, date à laquelle la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis, reconnaissant la mauvaise qualité des tuiles, a accepté d'en remplacer une partie gratuitement ; qu'il ne leur était donc pas nécessaire d'attendre les résultats des investigations de l'expert pour agir ;
Qu'ils ne justifient pas des pourparlers dont ils font état ; que les seules pièces qu'ils produisent sont d'une part une lettre de M. Vandenabeele qui, pour le compte de la société Blocs & Matériaux du Beauvaisis, a écrit le 7 mars 1983 à la société Tuilerie de Beauvais pour l'aviser que M. Gosse est venu se plaindre de l'état des tuiles et d'autre part la réponse de la société Tuilerie de Beauvais qui déclare être en règlement judiciaire et en conséquence ne pas pouvoir donner suite à la réclamation ;
Que rien dans ces courriers n'établit l'existence entre les parties de discussions en vue d'un accord amiable, susceptibles de retarder le point de départ du délai de l'article 1648 ;
Que dès lors l'action introduite par les époux Gosse par acte du 9 septembre 1983 alors qu'ils avaient connaissance de la cause du dommage depuis 1980 et de son étendue dès 1982 est trop tardive pour pouvoir être considérée comme engagée à bref délai ;
Attendu que les époux Gosse tentent d'échapper à cette condition de bref délai en soutenant que leur contestation qui a trait à la non conformité de la chose vendue met en jeu la responsabilité contractuelle de droit commun et se prescrit donc par dix ans ;
Que la cour ne saurait suivre cette thèse ;
Que l'action en non-conformité sanctionne la délivrance d'un produit de bonne qualité mais qui ne correspond pas aux spécificités contractuellement prévues entre les parties ;
Que le défaut de conformité se distingue donc de la malfaçon, de la défectuosité et de l'altération qui si elles ne sont pas apparentes et portent sur une chose vendue doivent faire l'objet de l'action en garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 et soumise au bref délai de l'article 1648 ;
Attendu que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré les époux Gosse irrecevables en leur demande.
Par ces motifs, Et ceux des premiers juges qu'elle adopte, LA COUR, statuant par défaut, Reçoit l'appel en la forme, Au fond, confirme le jugement, Condamne les époux Gosse aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct pour la SCP Millon, avoué.