Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch. sect. b2, 23 février 1996, n° 9503574

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lautrou ; Juge

Défendeur :

Cofica (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lefevre

Conseillers :

Mmes L'Henoret, Sabatier

Avoués :

Mes d'Aboville & de Moncuit St Hilaire, Mes Castres Colleu & Perrot

Avocats :

Mes Grall, Gosselin

TI Vannes, du 16 mars 1995

16 mars 1995

Expose du litige et de la procédure

Par acte sous seing privé en date du 17 juillet 1990 Monsieur Juge a contracté auprès de la SA Cofica un prêt d'un montant de 138 000 F pour l'acquisition d'un véhicule Jeep.

Madame l'Haridon Nicole s'est constituée par acte séparé, caution solidaire de Monsieur Juge.

Compte tenu de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement dudit prêt, la société Cofica a fait assigner Monsieur Juge et Madame l'Haridon en paiement du solde restant dû devant le Tribunal d'instance de Vannes et a obtenu de ce tribunal, le 16 mars 1995 un jugement condamnant "in solidum" l'emprunteur et la caution à lui payer la somme de 165 699,36 F augmentée des intérêts au taux contractuel de 14,50 % et la somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Madame Lautrou divorcée l'Haridon a relevé appel du jugement et Monsieur Juge a formé un appel incident.

Moyens et prétentions des parties

Madame l'Haridon demande à la cour de dire que l'action de la Cofica est forclose et son cautionnement éteint, subsidiairement que l'acte de cautionnement est nul et plus subsidiairement que son obligation ne peut excéder la somme de 138 800 F. Elle, prétend en outre à la condamnation de la SA Cofica à lui payer 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son recours, elle fait valoir que le premier incident de paiement, constitué par le prélèvement impayé du 6 décembre 1990 a entraîné selon les termes de l'article II 8 des conditions générales du contrat la déchéance du terme et partant a interdit toute régularisation ultérieure et que la forclusion était en conséquence largement acquise à la date de la délivrance de l'assignation le 5 avril 1993.

Elle relève par ailleurs qu'elle n'a pas reçu un exemplaire de l'offre de crédit et n'a pas été informée de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé et rappelle s'être portée caution dans la limite de 138 800 F. Monsieur Juge qui reprend à son compte le moyen soulevé par Madame l'Haridon tenant à l'extinction de l'action de la Cofica par l'effet de la forclusion, plaide subsidiairement que l'offre préalable n'est pas conforme aux dispositions de l'article 311-10 du Code de la consommation dès lors qu'il n'a pas reçu la notice d'assurance et n'a pas signé la partie de l'offre préalable mentionnant la garantie complémentaire Auto.

Il sollicite en conséquence, à titre principal, que l'action de la Cofica soit dite déchue, à titre subsidiaire que celle-ci soit déclarée réduite des intérêts et en toute hypothèse que l'intimée soit condamnée à lui payer 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Cofica conclut à la confirmation du jugement et demande en outre à la cour de dire que les intérêts sur la somme due courront à compter du 4 février 1993 en ce qui concerne Monsieur Juge et du 5 février 1993 pour Madame l'Haridon et de condamner in solidum ces derniers à lui payer 3 000 F pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et 3 000 F pour ceux de la procédure suivie devant la cour.

Elle conteste en premier lieu que le non paiement d'une seule échéance entraîne la résiliation du contrat et partant l'absence de toute régularisation ultérieure, et se réfère aux dispositions de l'article 1-5a des conditions légales et réglementaires rappelées à l'offre laissant au prêteur une alternative.

Elle soutient que Madame l'Haridon n'est plus recevable à invoquer la nullité de son engagement au regard de l'article L. 311-37 du Code de la consommation et qu'en toute hypothèse elle a reconnu être en possession d'un exemplaire de l'offre.

Enfin elle ajoute que la mention manuscrite apposée par l'appelante porte engagement à payer outre le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.

En réplique à Monsieur Juge elle fait observer que l'offre acceptée fait apparaître des mensualités avec assurance et le TEG.

Motifs de l'arrêt

Considérant que l'article 20 de la loi du 10 janvier 1978 (article L. 311-30 du Code de la consommation) en disposant qu' " en cas de défaillance de l'emprunteur le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû... " réglemente les conséquences de cette défaillance en permettant au créancier de mettre fin de façon anticipée au contrat en se prévalant de la résolution de plein droit et ne se borne pas à organiser les effets de la résolution ;

Que cette résolution est de plein droit en ce sens que par dérogation au droit commun elle n'a pas à être prononcée par le tribunal ;

Qu'elle est toutefois facultative pour le prêteur, ne se produisant que si celui-ci décide de s'en prévaloir, ainsi qu'il résulte de l'emploi du terme "pourra" ;

Considérant que la loi étant d'ordre public, les parties à une opération de crédit en relevant ne sauraient y déroger en stipulant une clause de résolution automatique ;

Que dès lors que se trouvent par suite dépourvues de toute valeur les dispositions de l'offre de crédit en cause aux termes desquels le contrat est résilié de plein droit et sans aucune formalité à son échéance, les règlements effectués par Monsieur Juge après l'échéance du 6 décembre 1990 ont permis sa régularisation ;

Que le premier incident de paiement non régularisé se situant selon l'historique produit aux débats, le 4 juin 1992, l'action engagée par la Cofica le 5 avril 1993 n'était pas forclose ;

Considérant que la forclusion de l'article L. 311-37 du Code de la consommation est d'ordre public et s'applique à toutes les actions ayant trait aux litiges nés de l'application des règles du crédit à la consommation ;

Que les contestations relatives à la régularité formelle de l'offre préalable de crédit, qu'elles soient formées par voie d'action ou d'exception, par l'emprunteur ou sa caution doivent donc être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à savoir l'acceptation de ladite offre ;

Que celle-ci étant en l'espèce intervenue plus de deux ans avant l'assignation ni Monsieur Juge ni Madame l'Haridon ne sont recevables à en contester la régularité et à prétendre, Monsieur Juge, à la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts et à solliciter Madame l'Haridon, la nullité du contrat de prêt et de l'acte de cautionnement ;

Considérant qu'en se portant caution de Monsieur Juge dans la limite de la somme de 138 800 F couvrant le paiement du principal des intérêts et le cas échéant des pénalités et intérêts de retard, Madame l'Haridon ne s'est pas obligée pour une somme déterminée en principal et son engagement s'étend également aux intérêts et accessoires inclus dans la dette du débiteur principal ;

Qu'elle n'est par ailleurs pas recevable à prétendre être déchargée du paiement des pénalités et intérêts de retard qui lui sont réclamés au motif qu'elle n'aurait pas été informée conformément à l'article L. 313-9 du Code de la consommation de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement caractérisé, dès lors qu'elle a formulé cette demande, pour la première fois devant la cour, dans ses conclusions signifiées le 21 juillet 1995, soit plus de deux ans après l'assignation en gaiement de la société Cofica ;

Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré et de le compléter en fixant le point de départ des intérêts alloués au 4 février 1993 pour Monsieur Juge et au 5 février 1993 pour Madame l'Haridon, dates des mises en demeure qui leur ont été adressées ;

Considérant que les appelants qui succombent en leur recours en supporteront les dépens et seront de ce fait déboutés de leurs demandes en remboursement de frais irrépétibles ;

Que l'équité commande en revanche leur condamnation à payer à la Cofica la somme de 2 000 F chacun au titre de ses frais non répétibles en cause d'appel, somme qui s'ajoutera à celle allouée par le tribunal ;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Y ajoutant, Dit que les intérêts au taux contractuel de la somme de 165 699,38 F courront à compter du 4 février 1993 à l'égard de Monsieur Juge et du 5 février 1993 à l'égard de Madame l'Haridon, Condamne Monsieur Juge et Madame l'Haridon aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Condamne chacun à payer à la société Cofica 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.