CJCE, 12 juillet 1988, n° 383-87
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
Conseil des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mackenzie Stuart
Présidents de chambre :
MM. Bosco, Due, Moitinho de Almeida, Iglesias
Avocat général :
Me Mischo
Juges :
MM. Koopmans, Everling, Bahlmann, Galmot, Kakouris, Joliet, O'Higgins, Schockweiler
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 23 décembre 1987, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 175, alinéa 1, du traité CEE, un recours visant à faire constater que le Conseil, en s'abstenant d'établir un projet de budget couvrant les besoins financiers prévisibles des communautés pour l'exercice 1988, et de saisir dudit projet de budget le Parlement européen au plus tard le 5 octobre 1987, a violé les articles 199, alinéa 1, et 203, paragraphes 3, alinéa 3, et 4, alinéa 1, du traité CEE ainsi que les articles 171, premier paragraphe, alinéa 1, et 177, paragraphes 3, alinéa 3, et 4, alinéa 1, du traité Euratom.
2. Au Cours de la procédure devant la Cour, la Commission a précisé que la carence qu'elle reproche au Conseil ne porte pas sur le non-respect de l'article 199 du traité CEE, mais sur la violation de l'article 203, consistant dans l'omission d'établir le projet de budget 1988 et d'en saisir le Parlement européen au plus tard le 5 octobre 1987.
3. Pour un exposé du cadre juridique et des antécédents du litige ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
4. Le Conseil conteste la recevabilité du recours au motif que le projet de budget n'est pas un acte définitif dont l'absence serait susceptible de justifier un recours en carence. En effet, dans le cadre de la procédure budgétaire, tous les actes précédant l'arrêt définitif du budget seraient des actes préparatoires.
5. Avant de considérer cette fin de non-recevoir, il convient d'examiner d'office si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a encore lieu à statuer.
6. A cet égard, il convient de constater que les faits suivants sont constants :
- Le 6 octobre 1987, le Parlement européen n'était pas encore saisi du projet de budget 1988 ;
- Le même jour, le Président du Conseil a informé le Président du Parlement européen du fait que le Conseil n'était pas parvenu à respecter la date limite du 5 octobre 1987 pour saisir le Parlement du projet de budget 1988 ;
- Par lettre du 7 octobre 1987, le Président du Parlement européen a invité le Conseil, conformément à l'article 175 du traité CEE, "à établir sans délai un projet de budget pour l'exercice 1988" ;
- Par lettre du même jour, le Président de la Commission a invité le Conseil, conformément à l'article 175 du traité CEE, "à établir dans les meilleurs délais un projet (de budget) qui couvre les besoins financiers de la communauté pour 1988" ;
- Le Conseil n'a pas pris position, au sens de l'article 175 précité, à l'égard de ces deux invitations à agir;
- le Parlement européen n'a été saisi du projet de budget 1988 établis par le Conseil que le 7 mars 1988.
7. Au moment où le Président du Parlement européen et le Président de la Commission ont adressé l'invitation à agir au Conseil, celui-ci n'était plus en mesure de respecter la date imposée par l'article 203, paragraphe 4, du traité, cette date étant entre-temps écoulée. Les deux présidents en étaient conscients, puisqu'ils ont invité le Conseil non à respecter l'échéance, ce qui n'était plus possible, mais à établir "sans délai", respectivement "dans les meilleurs délais", le projet de budget. Ce projet a été effectivement établi et soumis au Parlement, mais à une date postérieure à l'expiration du délai de deux mois à compter de l'invitation à agir tel que prévu par l'article 175, alinéa 2, du traité. En effet, cette date se situait après l'introduction des deux recours.
8. Il faut d'abord rappeler que, selon l'article 175 du traité, le recours en carence n'est recevable que si l'institution en cause a été préalablement invitée à agir et n'a pas pris position dans le délai précité de deux mois. Il en résulte que le recours en carence ne peut être intenté lorsque l'acte dont l'omission fait l'objet de l'invitation à agir a été adopté dans le délai de deux mois, la carence alléguée se trouvant de ce fait éliminée.
9. La voie de recours prévue à l'article 175 est ainsi fondée sur l'idée que l'inaction illégale du Conseil ou de la Commission permet aux autres institutions et aux Etats membres ainsi que, dans certains cas, aux particuliers de saisir la Cour, afin que celle-ci déclare que l'abstention d'agir est contraire au traité, dans la mesure où l'institution concernée n'a pas remédié à cette abstention. Cette déclaration a pour effet, aux termes de l'article 176, que l'institution défenderesse est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour, sans préjudice des actions en responsabilité extra-contractuelle pouvant découler de la même déclaration.
10. Dans un cas comme celui de l'espèce, où l'acte dont l'omission fait l'objet du litige a été adopté après l'introduction du recours, mais avant le prononcé de l'arrêt, une déclaration de la Cour constatant l'illégalité de l'abstention initiale ne peut plus conduire aux conséquences prévues par l'article 176. Il en résulte que dans un tel cas, tout comme dans celui où l'institution défenderesse a réagi à l'invitation à agir dans le délai de deux mois, l'objet du recours a disparu.
11. Il faut donc constater qu'il n'y a plus lieu de statuer.
Sur les dépens
12. Aux termes de l'article 69, paragraphe 5, du règlement de procédure, la Cour règle librement les dépens en cas de non-lieu à statuer. Dans les circonstances de l'espèce, il convient de condamner le Conseil aux dépens, étant donné que cette institution n'a ni soumis le projet de budget 1988 au Parlement européen avant la date limite prévue par le traité ni, pris contact avec cette institution à l'approche de cette échéance en vue de lui donner des assurances en ce qui concerne le calendrier prévu ou d'ouvrir un dialogue avec elle au sujet de la procédure à suivre dans un tel cas.
Par ces motifs,
LA COUR,
Déclare et arrête :
1) Il n'y a pas lieu de statuer.
2) Le Conseil est condamné aux dépens.