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Décisions

CJCE, 15 septembre 1982, n° 106-81

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Julius Kind KG

Défendeur :

Conseil des Communautés européennes ; Commission des Communautés européennes ; Gouvernement de la République Française

CJCE n° 106-81

15 septembre 1982

LA COUR,

1. Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 4 mai 1981, la société Julius Kind, entreprise d'expédition de produits de boucherie, établie à Grevenbroich (République fédérale d'Allemagne), demande, à la Communauté économique européenne, réparation, en vertu des articles 178 et 215, alinéa 2, du traité, du préjudice qu'auraient causé à son exploitation commerciale, pour ses importations d'agneaux en provenance du Royaume-Uni, les dispositions de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1837-80 du Conseil, du 27 juin 1980, portant organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine (JO L 183, p. 1), et, pour ses exportations ou ses possibilités d'exportations vers les pays tiers, les dispositions de l'article 1 du règlement n° 3191-80 de la Commission, du 9 décembre 1980, relatif à des mesures transitoires en ce qui concerne la non-récupération de la prime variable à l'abattage pour les produits du secteur des viandes ovine et caprine, exportés hors de la communauté (JO L 332, p. 14).

2. La requérante demande une indemnité de 375 000 DM, montant du préjudice qu'elle estime avoir subi du 20 octobre 1980, date de l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine, jusqu'au 31 mars 1981, avec intérêts à 10 % à compter de la date d'introduction de son recours. Elle demande, enfin, que la Cour constate qu'elle a également droit à réparation du préjudice qu'elle aurait subi postérieurement au 31 mars 1981.

3. A l'appui de son action en responsabilité, la société Julius Kind invoque les illégalités dont seraient entachés l'article 9 du règlement n° 1837-80 du Conseil et le règlement n° 3191-80 de la Commission.

4. Avant l'entrée en vigueur du règlement n° 1837-80, les marchés de la viande ovine dans la communauté présentaient des caractéristiques très différentes selon les Etats membres. Selon la requérante, cette situation lui permettait d'importer du Royaume-Uni des viandes ovines à des prix commercialement intéressants en raison de la politique agricole suivie par cet Etat membre et, en particulier, de la subvention (ci-après "deficiency payment") qu'il versait à ses producteurs.

5. L'organisation commune des marchés instituée en 1980 se propose de rapprocher progressivement les marchés des diverses régions de la communauté pour aboutir à un marché unique et à un système de prix uniques. Le règlement n° 1837-80 répartit les états de la communauté en cinq régions, devenues six après l'adhésion de la Grèce, en vertu du règlement n° 3446-80, pour chacune desquelles est fixé un prix de référence distinct. Ce prix de référence sert au calcul d'une prime à la brebis, prévue à l'article 5 du règlement, et destinée à "compenser la perte de revenus pouvant résulter de la mise en place de l'organisation commune de marché". L'article 3, paragraphe 4, lettre b), prévoit, toutefois, l'institution, au terme d'une période transitoire de quatre ans, d'un prix de référence communautaire unique.

6. Le règlement n° 1837-80 fixe un prix de base saisonnalisé unique pour toute la communauté. C'est en fonction de ce prix de base que des mesures d'intervention, prévues aux articles 6 à 9, peuvent être prises. En dehors d'aides au stockage privé, les Etats membres ont le choix entre deux régimes d'intervention : l'achat de viandes ovines fraîches par des organismes d'intervention et le versement d'une prime variable à l'abattage.

7. Enfin, sous certaines conditions, l'article 17 du règlement ouvre la possibilité au Conseil d'arrêter les règles générales de restitutions à l'exportation qui sont les mêmes pour toute la communauté.

8. Dans ce cadre règlementaire général, les dispositions mises en cause par la société Julius Kind se présentent comme suit.

9. L'article 9 du règlement n° 1837-80 prévoit, dans son paragraphe 1, que dans les régions où il n'y a pas d'achats par des organismes d'intervention, "l'Etat membre ou les Etats membres concernés peuvent octroyer une prime variable à l'abattage des ovins lorsque les prix constatés sur le ou les marchés représentatifs du ou des Etats membres concernés se situent au-dessous d'un "niveau directeur" correspondant à 85 % du prix de base. Ce niveau directeur est saisonnalisé de la même manière que les prix de base". Selon le paragraphe 2, le montant de cette prime est égal à la différence entre le niveau directeur et le prix de marché constaté dans le ou les Etats membres concernés. Le paragraphe 3, particulièrement incriminé par la société Julius Kind, du même article dispose que les mesures nécessaires sont prises pour permettre que, en cas de paiement de la prime visée au paragraphe 1, un montant équivalent à celui de cette prime soit perçu sur les produits ovins et caprins visés à l'article 1, sous a), à la sortie du territoire de l'Etat membre concerné. Ce montant équivalant à celui de la prime à l'abattage, perçu à l'exportation, est communément appelé "claw-back". Enfin, en vertu du paragraphe 5, les dépenses faites dans le cadre de ce régime sont considérées comme des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles.

10. Quant au règlement n° 3191-80 de la Commission, il prévoit pour l'essentiel que, du 10 décembre 1980 au 31 mars 1981, par dérogation à l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1837-80, le "claw-back" n'est pas perçu lors de l'exportation des produits en cause hors de la communauté.

11. Ce sont ces textes qui, selon la requérante, ont modifié sa position économique. L'institution du "claw-back", ainsi que sont montant, ont augmenté les prix à l'exportation de la viande en provenance du Royaume-Uni. Selon la requérante, son chiffre d'affaires s'en est trouvé réduit, ses frais ont dû être répartis sur un nombre de transactions diminué, une partie de sa clientèle n'étant plus disposée à maintenir ses achats, compte tenu de l'évolution des prix. La requérante reproche, en outre, à la Commission de ne pas avoir suspendu la perception du "claw-back" sur les exportations à destination des Etats membres de la communauté et de lui avoir pratiquement fermé le marché des pays tiers qui, par l'effet du règlement n° 3191-80, ont avantage à se fournir directement au Royaume-Uni en viande de mouton.

12. S'agissant de la mise en cause d'un choix de politique économique exprimé par des actes normatifs pris par les institutions de la communauté, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la responsabilité de la communauté du fait de tels actes ne saurait être engagée qu'en présence d'une violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. Tenant compte des principes qui, dans les systèmes juridiques des Etats membres, régissent la responsabilité des pouvoirs publics pour les préjudices causés aux particuliers par les actes normatifs, la Cour a dit que, dans un contexte de normes communautaires caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir discrétionnaire indispensable à la mise en œuvre de la politique agricole commune, la responsabilité de la communauté ne pourrait être engagée que de manière exceptionnelle dans les cas où l'institution aurait méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs.

En ce qui concerne les conclusions de la requête fondées sur les illégalités dont serait entaché le règlement du Conseil

Sur la motivation

13. La société Julius Kind reproche au Conseil d'avoir insuffisamment motivé sa décision d'instaurer le régime d'intervention défini à l'article 9 du règlement n° 1837-80 et, en particulier, le régime du "claw-back".

14. Ce moyen doit être écarté. En effet, dans la perspective du système des voies de recours, la motivation des actes institutionnels a pour but de permettre à la Cour d'exercer son contrôle de légalité dans le cadre de l'article 173 en faveur des justiciables auxquels ce recours est ouvert par le traité. Par contre, une éventuelle insuffisance de motivation d'un acte règlementaire n'est pas de nature à engager la responsabilité de la communauté.

15. En l'espèce, au surplus, la motivation du règlement n° 1837-80 satisfait aux prescriptions de l'article 190 du traité. Le second considérant de ce règlement indique clairement, avec les raisons qui les justifient, les différentes formes que peuvent prendre les mesures d'intervention en faveur des producteurs de viande ovine. Ce même considérant indique, en termes exprès, que c'est pour éviter "une distorsion de concurrence" qu'en cas d'exportation des viandes et des animaux hors du territoire d'un Etat membre dont les producteurs bénéficient d'une prime variable à l'abattage, il convient de récupérer un montant équivalant à celui de cette prime.

Sur les autres moyens

16. Par ses trois autres moyens, la société Julius Kind soutient que les dispositions de l'article 9 du règlement n° 1837-80 et, en particulier, celles de son paragraphe 3, qui instituent le régime du "claw-back" :

- Contreviennent à l'interdiction, énoncée aux articles 9, 12, 13 et 16 du traité, d'introduire, dans les échanges intracommunautaires des taxes d'effet équivalant à des droits de douane,

- Méconnaissent l'obligation faite à l'organisation commune des marchés agricoles par l'article 40, paragraphe 3, alinéa 2, du traité d'exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la communauté,

- Enfreignent, enfin, la règle énoncée à l'article 43, paragraphe 3, lettre b), du traité, selon laquelle l'organisation commune doit assurer aux échanges à l'intérieur de la communauté des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national.

17. Bien qu'elles diffèrent dans leur formulation et qu'elles s'appuient sur des dispositions distinctes du traité, ces critiques mettent également en cause, pour des raisons voisines, les mécanismes de l'organisation commune des marchés dans le secteur des viandes ovine et caprine telle qu'elle résulte du règlement n° 1837-80 du Conseil. Quelques constatations générales permettent d'éclairer la portée des prétendues illégalités invoquées par la requérante et, en conséquence, les réponses à lui donner.

18. La volonté du Conseil "d'atteindre les objectifs de l'article 39 du traité et, notamment, de stabiliser les marchés et d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole intéressée", de réaliser "un marché unique reposant sur un système de prix communs", affirmée dans les considérants du règlement n° 1837-80, s'exprime par la fixation d'un prix de base unique pour les carcasses d'ovins fraîches ou réfrigérées. Le prix d'intervention, retenu pour les achats par les organismes d'intervention, le "niveau directeur" qui sert au calcul de la prime variable à l'abattage correspondent l'un et l'autre à 85% du prix de base. Il en résulte que, si, pour tenir compte des divergences entre les situations de marché dans les Etats membres avant l'entrée en vigueur du règlement, les modes d'intervention peuvent être différents, le niveau de prix qui déclenche leur mise en œuvre est le même.

19. Il est vrai qu'en raison des disparités de prix sur les marchés ovins des Etats membres avant son entrée en vigueur, le règlement n° 1837-80 prévoit des prix de référence qui diffèrent pour les cinq, puis six régions entre lesquelles se repartissent les Etats membres et que ces prix de référence sont utilisés pour le calcul de la prime à la brebis. Mais, d'une part, cette situation est transitoire puisque l'article 3, paragraphe 4, lettre b), du règlement prévoit l'institution d'un prix de référence communautaire unique par la convergence des prix de référence nationaux selon des étapes annuelles égales pendant une période de quatre ans et que l'article 34, paragraphe 1, précise que, sur rapport et sur proposition de la Commission, le Conseil prendra, avant le 1er avril 1984, les mesures appropriées qu'appelleraient le fonctionnement de l'organisation commune de marché et, notamment, les régimes d'intervention et de primes. D'autre part, loin d'exclure toute progressivité dans la constitution de l'organisation commune des marchés agricoles, l'article 39, paragraphe 2, du traité dispose, notamment, que "dans l'élaboration de la politique agricole commune et des méthodes spéciales qu'elle peut impliquer", il sera tenu compte "des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles", "de la nécessité d'opérer graduellement les ajustements opportuns".

20. C'est à la lumière de ces observations d'ensemble qu'il convient d'examiner chacun des trois moyens, analysés ci-dessus, de la société Julius Kind.

21. En premier lieu, dans le cadre d'un règlement dont l'article 34 précise que les dispositions seront réexaminées avant le 1er avril 1984, la perception à l'exportation prévue par l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1837-80 est, dans son principe, indissociable du régime d'intervention constitué par le versement de la prime variable à l'abattage dans les régions de la communauté où les mesures d'achats par les organismes d'intervention ne sont pas appliquées. Cette perception ne constitue donc pas, comme le soutient la requérante, une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, mais a, en réalité, pour objet de compenser exactement les incidences de la prime à l'abattage et de permettre ainsi aux produits en provenance des états ou des régions où cette prime est allouée d'être exportés dans les autres Etats membres sans perturber leurs marchés. Si, en effet, le "claw-black" n'était pas perçu, les offres en provenance d'un état qui pratique la prime à l'abattage pourraient être faites sur les marchés des autres Etats membres à des prix d'un niveau sensiblement inférieur à ceux pratiqués sur ces derniers et pourraient entraîner, avec une baisse des cours, l'application des mesures d'intervention dont la communauté serait ainsi appelée, sous une forme peut-être différente, à supporter, en réalité, une seconde fois, la charge.

22. Pour ce qui concerne, en second lieu, le moyen tiré d'une prétendue discrimination, il y a lieu de rappeler qu'une différenciation de traitement ne saurait, comme le relève l'arrêt de la Cour du 13 juin 1978 (Denkavit, affaire n° 139-77, Rec. p. 1317), être considérée comme constituant une discrimination interdite par l'article 40, paragraphe 3, du traité, que si elle apparaît arbitraire, c'est-à-dire, selon la formule d'autres arrêts, dépourvue de justification suffisante et non fondée sur des critères de nature objective.

23. Il résulte de l'analyse qui a été faite de l'organisation commune de marchés des ovins que les modes d'intervention prévus par le règlement n° 1837-80, l'institution par l'article 9 de ce règlement d'une prime variable à l'abattage et du "claw-back", les modalités de détermination du montant de cette prime sont fondés sur des critères objectifs. Le prix d'intervention, en cas d'achat par un organisme désigné à cette fin, le niveau directeur, en cas d'allocation d'une prime à l'abattage, sont identiques. Chaque Etat membre choisit, ainsi qu'il a déjà été dit, celui des modes d'intervention prévus par le règlement qui lui paraît le plus approprié.

24. Dans ces conditions, compte tenu du pouvoir d'appréciation dont le Conseil dispose pour la mise en œuvre d'une organisation commune de marchés en voie d'évolution et compte tenu des responsabilités qui lui sont dévolues par les articles 39 et 40 du traité pour définir ceux des moyens qui lui paraîtraient les plus appropriés pour assurer la réalisation progressive d'un marché unique, la diversification des modes d'intervention selon les régions de la communauté et ses conséquences ne constituent pas une discrimination.

25. De surcroît, s'agissant de la discrimination dont la requérante soutient avoir été l'objet, il convient de rappeler que son activité bénéficiait, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'organisation commune, des divergences existant entre les situations des divers marchés de la communauté, ce qui lui permettait, grâce au régime du "deficiency payment", lequel ne comportait pas de compensations à l'exportation, d'importer, du moins lorsque la conjoncture s'y prêtait, des viandes d'agneaux en provenance du Royaume-Uni à un prix relativement bas. Or, si l'article 39 du traité assigne, en particulier, la stabilisation des marchés comme objectif à la politique agricole commune, cette notion de stabilisation ne saurait, ainsi que la Cour l'a déjà constaté par son arrêt du 13 novembre 1973 (Wilhelm Werhahn Hansamuhle e.a., affaires n° 63 à 69-72, Rec. p. 1229), couvrir le maintien des situations acquises dans les conditions de marché antérieures.

26. Par son dernier moyen, la société Julius Kind fait grief à l'article 9 du règlement n° 1837-80 de méconnaître l'obligation, pour l'organisation commune des marchés agricoles, obligation énoncée à l'article 43, paragraphe 3, lettre b), du traité, d'assurer aux échanges à l'intérieur de la communauté des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national.

27. Comme il a été déjà observé, le règlement n° 1837-80 tend à la réalisation progressive d'un marché unique pour la communauté sans que cette progressivité puisse être reprochée au Conseil en raison tant des différences qui caractérisaient les marchés nationaux avant la mise en place d'une organisation commune, que des modalités retenus par l'institution communautaire pour atteindre son objectif. Plus précisément, la création du "claw-back" a pour objet d'assurer une harmonisation des prix dans les échanges intracommunautaires et d'éviter que des écarts artificiels entre les prix des produits de l'Etat membre d'exportation et ceux de l'Etat membre d'importation ne déséquilibrent ces échanges et n'enrayent les mécanismes de régulation et d'unification des marchés définis par le règlement. Ainsi, ce règlement, et, en particulier, son article 9, tendent à assurer aux échanges à l'intérieur de la communauté des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national.

28. Ainsi, le moyen n'est pas davantage fondé que les précédents.

En ce qui concerne les conclusions de la requête fondées sur l'illégalité dont serait entaché le règlement de la Commission

29. La requérante fait grief à la Commission d'avoir violé les principes de la préférence communautaire et de non-discrimination en suspendant, lors des exportations vers les pays tiers, par le règlement n° 3191-80 du 9 décembre 1980 (JO L 332, p. 14), la perception du montant prévu à l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1837-80, sans avoir, parallèlement, suspendu cette perception dans les échanges intracommunautaires.

30. Le règlement n° 3191-80 de la Commission constate, dans ses considérants, qu'à l'expérience, la perception, à la sortie du territoire de l'Etat membre concerné, d'un montant équivalant à celui de la prime variable à l'abattage des ovins "donne lieu à des difficultés sensibles pour l'exportation des produits en cause hors de la communauté". Sur le fondement de l'article 33 du règlement n° 1837-80 du Conseil qui prévoit qu' "afin de faciliter le passage du régime existant avant l'application du présent règlement dans chacun des Etats membres au régime institué par le présent règlement, la Commission peut arrêter les mesures appropriées", l'article 1 du règlement n° 3191-80 dispose, comme il a déjà été dit, que, par dérogation à l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1837-80, le montant prévu à ce paragraphe n'est pas perçu lors de l'exportation des produits en cause hors de la communauté.

31. Dans la mesure où la société Julius Kind se plaint de ce qu'une mesure de suspension équivalente n'ait pas été fixée pour les exportations d'un Etat membre vers un autre Etat membre, sa demande n'est pas fondée. En effet, aucune disposition du traité, aucun principe général du droit communautaire n'exige qu'une mesure justifiée par des besoins d'exportation vers les pays tiers soit étendue aux échanges entre les Etats membres. Bien au contraire, pour les raisons qui ont déjà été indiquées, la suspension de la perception du "claw-back", lors des exportations d'un Etat membre dont les producteurs bénéficient de la prime variable à l'abattage vers un autre Etat membre où cette prime n'est pas versée, pourrait perturber les marchés de la communauté dans le secteur des viandes ovine et caprine que le règlement n° 1837-80 a pour objet de stabiliser.

32. Dans la mesure où la société Julius Kind entend soutenir que la suspension, par la Commission, de la perception du "claw-back", lors des exportations hors de la communauté, a nui à ses exportations vers les pays tiers en ce sens que, par l'effet du règlement n° 3191-80, ces derniers ont trouvé avantage à s'approvisionner directement dans un état, comme le Royaume-Uni, qui pratiquait la prime à l'abattage et, par conséquent, le "claw-back", il y a lieu de rappeler qu'au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la mise en cause de la responsabilité de la communauté figure celle que le requérant qui demande réparation ait, effectivement, subi un préjudice.

33. En l'espèce, les allégations de la requérante, selon lesquelles la suspension de la perception du "claw-back" lors des exportations à destination des pays tiers aurait entraîné des détournements de trafic à son détriment, sa clientèle helvétique, notamment, ayant reporté ses achats sur des fournisseurs britanniques, sont dépourvues de consistance.

34. Il résulte, en effet, tant de l'examen du dossier que des affirmations de la requérante à l'audience orale, que celle-ci ne s'était pas, durablement, constitué un marché sur des pays tiers à la communauté. En particulier, s'agissant du marché helvétique avancé comme unique exemple concret d'expansion commerciale en dehors de la communauté, la société requérante a reconnu qu'elle n'avait cherché à pénétrer sur le marché suisse qu'à partir du mois de septembre 1980 et il n'est pas établi, ni même, à la vérité, soutenu qu'elle y ait acquis une clientèle avant l'intervention du règlement n° 3191-80. Par suite et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les autres conditions auxquelles est subordonnée la mise en cause de la responsabilité de la communauté sont réunies, il y a lieu de constater que la requérante n'a pu apporter ne fut-ce qu'un commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle l'action de la Commission lui aurait causé un préjudice.

35. De tout ce qui précède, il résulte que la demande d'indemnité présentée par la société Julius Kind doit être rejetée.

Sur les dépens

36. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé dans ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux exposés par la partie intervenante au soutien de la partie défenderesse.

Par ces motifs,

LA COUR,

Déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens de l'instance, y compris ceux exposés par la partie intervenante.