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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 3 décembre 2003, n° 02-01854

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Medianim Promotion Plus (SARL), SCI Du Châtel

Défendeur :

Ponroy (ès qual.), Musica (SARL), Pouchon (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Puechmaille

Conseillers :

Mmes Valtin, Le Meunier-Poels

Avoués :

Mes Tracol, Rahon, Guillaumin

Avocats :

Mes Monteiro, Sorel, Neyret

T. com. Bourges, du 17 sept. 2002

17 septembre 2002

Vu le jugement dont appel rendu entre les parties le 17 septembre 2002 par le Tribunal de commerce de Bourges ;

Vu les dernières conclusions des appelantes, la SARL Medianim Promotion Plus et la SCI Du Châtel, signifiées le 6 février 2003 ;

Vu les dernières conclusions de l'intimé, Maître Ponroy ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Musica, signifiées le 14 mai 2003 ;

Vu les dernières conclusions des intimés, les consorts Pouchon Jean-René, signifiées le 3 juin 2003 ;

Vu les conclusions de la SARL Medianim Promotion Plus et de la SCI Du Châtel, signifiées le 20 juin 2003, par lesquelles ces dernières indiquent se désister de leur appel uniquement à l'encontre des consorts Pouchon Jean-René ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er octobre 2003 :

Sur quoi, LA COUR,

Attendu que suivant acte en date des 13 et 15 novembre 1999, la SARL Medianim Promotion Plus, a donné à titre de location gérance à la SARL Musica un fonds de discothèque bar sis à St Parize Le Chatel, sous l'enseigne "Le Châtel" ;

Attendu qu'à la même date, la SCI Du Châtel consentait à la SARL Musica une promesse de vente portant sur l'immeuble dans lequel était exploité le fonds de commerce;

Qu'en conséquence de cette promesse et à titre d'indemnité d'immobilisation forfaitaire, la SARL Musica devait verser une indemnité de 150 000 F;

Que le 6 juin 2000, la SARL Medianim Promotion Plus et la SARL Musica signaient une convention de résiliation aux termes de laquelle les parties décidaient de la résiliation amiable de la convention de location gérance avec effet rétroactif du 1er juin 2000 ainsi que la résiliation amiable de la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce en date du 15 novembre et prenait acte que la SCI Du Châtel consentait à ce que l'indemnité d'immobilisation soit ramenée 65 000 F HT de telle sorte que la SCI Du Châtel restait devoir à la SARL Musica la somme de 85 000 F ;

Qu'enfin, le 6 juin 2000, la SARL Musica cédait à la SARL Medianim Promotion Plus la créance qu'elle détenait sur la SCI Du Châtel ;

Attendu que la 20 décembre 2000, la SARL Musica déposait son bilan ;

Que par jugement du 22 décembre 2000, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la SARL Musica et par jugement du 13 avril 2001, reporté la date de cessation des paiements au 19 novembre 1999 ;

Que par assignation en date du 4 juillet 2001, Maître Ponroy, liquidateur de la SARL Musica a sollicité du Tribunal de commerce de Bourges de prononcer la nullité de la convention passée entre la SCI Du Châtel et la SARL Musica le 6 juin 2000 et de la cession de créance passée entre la SARL Musica et la SARL Medianim Promotion Plus le 6 juin 2000 ; de condamner la SCI Du Châtel à lui payer la somme de 150 000 F avec intérêts de droit à compter du 6 juin 2000 ; d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir; de condamner les défendeurs au paiement d'une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;

Attendu qu'aux termes de la convention de résiliation du 6 juin 2000, les époux Pouchon se sont portés cautions solidaires et indivisibles des charges et obligations découlant de la convention de location gérance ;

Attendu que par assignation en date du 27 décembre 2001, la SARL Medianim Promotion Plus a attrait devant le Tribunal de commerce de Bourges, les époux Pouchon pour les voir condamner à garantir la SARL Medianim Promotion Plus de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre tant en principal, intérêts, frais et dépens ;

Que c'est dans ces conditions qu'à été rendu le jugement dont appel ;

Attendu qu'en vertu de l'acte passé le 15 novembre 1999 entre la SCI Du Châtel et la société Musica, il avait été convenu que la résiliation de la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce entraînerait automatiquement la résiliation de la promesse de vente d'immeuble ;

Que dans pareille hypothèse l'acte prévoyait que l'indemnité d'immobilisation devait être restituée à la société Musica en ce qu'il était indiqué cette somme restera acquise au promettant, même en cas de non-réalisation d'un ou des conditions suspensives, sauf impossibilité pour la société Medianim Promotion Plus de céder le fonds de commerce dont elle est propriétaire en même temps que l'immeuble objet des présentes" ;

Qu'il s'ensuit, que la SCI Du Châtel était redevable à l'égard de la société Musica, dans la mesure où la résiliation de la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce avait précédé la résiliation de la promesse unilatérale de vente, de l'intégralité de l'indemnité d'immobilisation fixée à 150 000 F ;

Que la société Musica ne pouvait sans contrepartie accepter que cette restitution soit limitée à la somme de 85 000 F ;

Que la société Medianim Promotion Plus ne saurait contester que l'indemnité d'immobilisation de 150 000 F n'est prévue que dans la promesse de vente d'immeuble sous condition suspensive;

Que c'est donc sur le fondement de cet acte exclusivement qu'elle pouvait en réclamer le versement ;

Or attendu, ainsi qu'il vient d'être rappelé, que ce même acte indique expressément page 7 que l'indemnité d'immobilisation ne sera pas acquise au promettant si la société Medianim Promotion Plus est dans l'impossibilité de céder le fonds de commerce dont elle est propriétaire en même temps que l'immeuble ;

Qu'il apparaît manifeste qu'eu égard à l'état de cessation des paiements du locataire-gérant, la société Medianim Promotion Plus et la SCI Du Châtel ont eu la volonté de recouvrer le plus rapidement possible tant le fonds de commerce que l'immeuble ;

Qu'il suffit de constater que dès lors que les parties avaient déclaré indivisibles la promesse de vente du fonds de commerce et la promesse de vente des murs, il était logique qu'une convention intervienne également sur la résiliation de la promesse unilatérale de vente de l'immeuble ;

Qu'il convient d'observer que les deux conventions sont en date du même jour, peu importe la date à laquelle elles ont été enregistrées ;

Qu'en conséquence, la SCI Du Châtel n'avait droit à aucune indemnité de résiliation d'autant que l'indemnité d'immobilisation de 150 000 F avait été convenue pour une immobilisation de l'immeuble sur la période allant du 15 novembre 1999 au 31 juillet 2001, soit plus de 18 mois alors que dans la réalité la résiliation est intervenue 6 mois environ après la date de la promesse ;

Que l'abandon par conséquent d'une partie de l'indemnité d'immobilisation constitue bien un acte fait à titre gratuit sans aucune contre-partie, lequel se trouve entaché de nullité en vertu des dispositions de l'article L. 621-107 premièrement du Code de commerce, comme intervenu durant la période suspecte ;

Que de même, est applicable le deuxièmement dudit article en vertu duquel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ;

Que tel est bien le cas de la transaction passée aux termes de laquelle la société Musica renonçait sans aucune contrepartie à une créance de 65 000 F ;

Attendu qu'est également nulle la cession de créance consentie pendant la période suspecte par la société Musica à la société Medianim Promotion Plus et portant sur l'indemnité de 85 000 F dont était redevable la SCI Du Châtel, et ce sur le fondement de l'article L. 621-107 quatrièmement du Code de commerce, en vertu duquel tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu en espèces, effets de commerce, virements bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires, est nul s'il a été effectué pendant la période suspecte ;

Que la cession de créance dont s'agit ne saurait être admise comme un mode normal de paiement dès lors qu'elle n'est intervenue ni dans le cadre des relations d'affaires d'un secteur professionnel, ni dans le cadre d'une cession de créance professionnelle à un établissement de crédit ;

Que les appelantes ne peuvent valablement soutenir que le tribunal aurait dû,après avoir prononcé la nullité, aller jusqu'au bout de son raisonnement et considérer qu'inéluctablement les promesses unilatérales de vente seraient valables de sorte que la SCI Du Châtel serait fondée à conserver l'indemnité d'immobilisation ;

Qu'en effet, dans le cadre de l'article L. 621-107 du Code de commerce, seule la cession de créance est frappée de nullité, la cession faite par la société Musica à la société Medianim Promotion Plus de la créance qu'elle possédait à l'encontre de la SCI Du Châtel ayant pour conséquence que la société Musica recouvre la propriété de cette créance et peut dès lors la réclamer à la SCI Du Châtel ;

Que Maître Ponroy ès qualités est également fondé à solliciter la nullité des conventions litigieuses par application des dispositions de l'article L. 621-108 du Code de commerce ;

Qu'il est constant en effet que la société Medianim Promotion Plus ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société Musica, la connaissance de cet état résultant suffisamment des éléments suivants alors que la convention de location-gérance a été signée les 13 et 15 novembre 1999, dès le 8 décembre 1999 la Société Medianim Promotion Plus n'était réglée d'aucune des sommes devenues exigibles, soit le loyer de location-gérance pour la période des 15 au 30 novembre 1999, le loyer de location-gérance pour la période de décembre, ainsi que les prorata de charges; au surplus, la société Medianim Promotion Plus savait parfaitement que la société Musica avait été constituée pour exploiter dans le cadre d'abord d'une location-gérance puis d'une acquisition, le fonds de commerce de discothèque-bar exploité à Saint Parize Le Châtel sous l'enseigne "Le Châtel" ; à tel titre d'ailleurs que lors de la signature de la convention de location-gérance, la société Musica est alors une société en cours de formation; la société Medianim Promotion Plus ne pouvait ignorer non plus que la résiliation du contrat de location-gérance interdisait à la société Musica de poursuivre son activité de sorte que le dépôt de bilan était inéluctable ;

Que dans ces conditions, le jugement entrepris qui a prononce la nullité de la convention passée entre la SCI Du Châtel et la SARL Musica le 6 juin 2000, ainsi que celle de la cession de créance intervenue à la même date entre la SARL Musica et la SARL Medianim Promotion Plus, et a condamné la SCI Du Châtel à payer à Maître Ponroy ès qualités la somme de 22 867,35 euro (150 000 F) avec intérêts de droit à compter du 6 juin 2000, doit être confirmé ;

Qu'il serait inéquitable de laisser ce dernier supporter la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel, qui seront fixés à 3 000 euro ;

Attendu que tant dans son assignation introductive d'instance que. dans ses écritures subséquentes et celles devant la cour, Maître Ponroy ès qualités, s'il a sollicité la confirmation de la SCI Du Châtel à lui régler une somme de 22 867,35 euro, n'a développé aucune réclamation à l'encontre de la société Medianim Promotion Plus ;

Qu'il s'en déduit que cette dernière n'a aucun intérêt à agir à l'encontre des consorts Pouchon au titre d'une quelconque garantie de condamnation non sollicitée à son encontre; Qu'elle en a tellement conscience que dans ses dernières écritures devant la cour, elle indique, de même que la SCI Du Châtel, se désister de son appel à l'encontre des consorts Pouchon, ce dont il leur sera donné acte ;

Que sans pour autant donner lieu à des dommages-intérêts pour procédure abusive, du fait précisément de ce désistement, le maintien des consorts Pouchon en cause d'appel, qui n'est justifié par aucun moyen développé dans les écritures de la société Medianim Promotion Plus, a cependant contraint ces intimés à exposer des frais irrépétibles qui doivent être indemnisés qu'il leur sera alloué de ce chef la somme de 1 000 euro ;

Que les appelantes qui succombent en toutes leurs prétentions auront la charge des dépens de l'instance ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la SARL Medianim Promotion Plus et à la SCI Du Châtel, de ce qu'elles se désistent de leur appel à l'encontre des consorts Pouchon Jean-René; Au fond Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne solidairement la SARL Medianim Promotion Plus et la SCI Du Châtel à payer à Maître Ponroy ès qualités la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SARL Medianim Promotion Plus à payer aux consorts Pouchon Jean-René, la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne solidairement la SARL Medianim Promotion Plus et la SCI Du Châtel aux entiers dépens d'appel ; Accorde à Maître Rahon et à Maître Guillaumin, avoués, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.