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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 9 septembre 1992, n° 6346-90

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Voyages Bellier (SA)

Défendeur :

Trochu ; Caisse de Crédit Mutuel de Bretagne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacan

Conseillers :

Mmes Dabosville, Segondat

Avoués :

Mes Demidoff, Colleu, Bourges

Avocats :

Mes Chevreuil, Cartron, Couetoux du Tertre

TGI Saint-Malo, du 27 nov. 1990

27 novembre 1990

Considérant que la SA Voyages Bellier a régulièrement relevé appel du jugement contradictoire rendu le 14 novembre 1990 par le Tribunal de grande instance de Saint-Malo, et Trochu reporté contre le CMB l'appel de cette décision qui a :

- prononcé la résolution du contrat de vente passé entre Monsieur Trochu et la SA Voyages Bellier portant sur un autocar Saviem Type PC E 7 2156 AL n° Série 616645, et ordonné en conséquence à la SA Voyages Bellier de restituer à Monsieur Trochu la somme de 100 000 F représentant la partie du prix payé par lui avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 octobre 1988 valant mise en demeure, enfin dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté Monsieur Trochu de sa demande de dommages et intérêts contre la SA Bellier,

- débouté Monsieur Trochu de sa demande d'annulation du contrat de prêt conclu avec le Crédit Mutuel de Bretagne et l'a condamné aux dépens de sa mise en cause,

- débouté la SA Voyages Bellier de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la SA Voyage Bellier à verser à Monsieur Trochu la somme de 4 000 F pour frais irrépétibles.

Considérant que le tribunal retenu au soutien de sa décision

- que si l'usure du véhicule qui en l'espèce était âgé de 13 ans et avait parcouru 450 000 km ne constitue pas en soi un vice, encore faut-il qu'elle n'ait pas pour effet d'empêcher le fonctionnement du véhicule et de priver l'acquéreur des services qu'il est en droit d'en attendre ce qui était précisément le cas puisque la rupture du guide de soupape d'admission sur le cylindre à hauteur de la culasse survenu seulement 1 844 km après la vente résultait de l'usure ayant entraîné une dégradation du moteur déjà irréversible au moment de la vente ;

- que la clause de non garantie figurant sur facture ne pouvait être utilement invoquée par le vendeur faut d'établir que l'acheteur l'ait connu et accepté au moment ou il avait donné son accord,

- que n'étant pas vendeur professionnel la SA Bellier ne pouvait être tenu à Dommages et Intérêts,

- qu'enfin la cause de l'obligation de Monsieur Trochu au remboursement du prêt qui lui avait accordé le CMB pour l'achat du véhicule résidant dans la mise à disposition des fonds, l'anéantissement rétroactif du contrat de vente ne pouvait faire disparaître le contrat de prêt.

Considérant que faisant grief aux Premiers Juges d'avoir méconnu tant les conventions passées qui prévoyaient une exclusion de garantie au profit du vendeur qu'une réserve de propriété également à son profit jusqu'au dernier jour du règlement, que l'absence de compétence de l'acheteur pour la conduite de ce type de véhicule, la SA Transports Bellier fait valoir au soutien de son appel :

- que la vétusté et la fragilité du véhicule était parfaitement connue de l'acheteur lors de la vente,

- que la rupture du guide de soupape peut avoir des causes multiples.

- qu'enfin, la vente a porté sur un véhicule propre à l'usage auquel il est destiné puisqu'il a pu circuler,

Qu'elle demande en conséquence à la cour, de réformer le jugement entrepris, de débouter Monsieur Trochu de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 5 000 F pour solde du prix d'achat de l'autocar avec intérêts à compter du 9 octobre 1989 jusqu'à parfait paiement, outre 10 000 F à titre de Dommages et Intérêts pour procédure abusive et vexatoire et 7 000 F pour frais irrépétibles ;

Considérant que Monsieur Trochu lui oppose que n'ayant accepté aucune clause exonératoire de responsabilité ni commis aucune faute dans la conduite du véhicule il est fondé à obtenir non seulement la résolution de la vente pour vice caché ou défaut de conformité mais également s'agissant d'un vendeur professionnel du transport, des dommages et intérêts et enfin le remboursement des frais d'immobilisation du véhicule ;

Qu'il fait valoir par ailleurs que la résolution du contrat de vente doit nécessairement entraîner celle du contrat de prêt dont la cause autre que l'achat du véhicule ;

Qu'il demande en conséquence à la cour

- de confirmer partiellement la décision déférée, de prononcer la résolution de la vente du véhicule litigieux pour manquement du vendeur à son obligation de garantie de délivrance, d'ordonner la restitution du prix avec Intérêts au taux légal à compter de son versement, de condamner la SA Bellier à lui verser 50 000 F à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues ainsi que celle de 25 421,91 F au titre des frais d'immobilisation et de lui décerner acte de ce qu'il se réserve de solliciter ceux postérieurs au 31 mars 1992,

- de réformer le jugement en ce qui concerne le contrat de prêt, d'en prononcer l'annulation et subsidiairement de condamner la SA Voyages Bellier au paiement de la somme de 46 148 F représentant les frais financiers afférant au prêt,

- de lui décerner acte de ce qu'il ne peut fournir la carte violette et le certificat de passage aux mines,

- enfin de condamner la SA Voyages Bellier à lui verser 10 000 F pour frais irrépétibles ;

Considérant que le CMB conclut à titre principal à la confirmation du jugement en soutenant que l'annulation de la vente ne peut entraîner celle du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1131 du Code civil puisque la cause de l'obligation de Trochu à son égard ne réside pas dans l'achat du véhicule mais dans la mise à disposition des fonds ;

Que très subsidiairement il sollicite la condamnation de Trochu à lui verser la somme de 82 898,93 F correspondant aux échéances de prêt impayées ;

Qu'enfin il sollicite la condamnation de Trochu ou à défaut celle de la SA Bellier à lui verser 5 000 F pour frais irrépétibles ;

Considérant que pour plus ample exposé de la procédure, ainsi que des fins et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement et aux conclusions déposées.

Sur ce la cour,

Considérant en premier lieu que la critique formulée par la société Voyages Bellier concernant la méconnaissance de la convention n'est pas fondée ;

Que le contrat n'a en effet fait l'objet d'aucun écrit ;

Que l'accord des parties est manifestement intervenue le 3 mars 1988 au plus tard puisqu' à cette date l'acheteur a accepté une offre de prêt de la somme de 110 000 F du Crédit Mutuel de Tresboeuf pour l'acquisition d'un véhicule de transport en commun ;

Que les clauses de réserve de propriété et d'exclusion de garantie du vendeur dont la SA Transport Bellier invoque la méconnaissance ne résulte que d'un document postérieur et unilatéral, à savoir une facture établie par elle le 4 mars 1987 ; qu'aucun élément ne vient établir que Monsieur Trochu ait accepté au moins implicitement ces deux clauses rajoutées par le vendeur après l'accord de volonté ;

Considérant par ailleurs que la détérioration du moteur ne saurait imputé à Monsieur Trochu ; que l'expert a en effet exclu formellement toute utilisation incorrecte du véhicule et relevé en particulier après examen des disques de contrôle du tachygraphe que les vitesses d'utilisation étaient normales ;

Que contrairement aux allégations de la société Voyages Bellier également déterminé que la rupture de la soupape d'échappement du 6e cylindre était due à la rupture de son guide en bronze qui avait éclaté, certains morceaux se logeant entre la soupape et son siège, à la suite de l'accroissement progressif du diamètre de la tige de soupape par dépôt de calamine provenant de la carbonisation de l'huile de lubrification du moteur ;

Que se trouvent ainsi exclues les hypothèses avancées la société Voyages Bellier pour tenter d'échapper à sa responsabilité du fait de ce vice affectant le moteur, lequel est le résultat d'un long processus résu1tant de l'utilisation du véhicule et donc antérieur à la vente, même si la panne n'est survenue qu'après ;

Qu'à bon droit les Premiers Juges ont estimé que si l'usure du véhicule ne constituait pas en soi un vice encore fallait-il qu'elle n'ait pas pour effet d'empêcher le fonctionnement du véhicule vendu et de priver l'acquéreur des services qu'il était en droit d'en attendre en dépit de sa vétusté ;

Qu'en effet si l'autocar était âgé de 13 ans et avait déjà parcouru 450 000 km, l'état du véhicule souligné par l'expert et attesté par les photographies jointes à son rapport, son usage prévisible et normale pour le kilométrage, et le prix demandé qui correspondait à un matériel pouvant encore assurer un usage substantiel, excluaient que le moteur soit encalminé à un point tel que sa destruction soit inéluctable après quelques milliers de kilomètres seulement ;

Que le fait que le véhicule ait effectivement parcouru 1 844 km avant que le moteur ne soit définitivement hors d'usage démontre que certes il a été en mesure de parcourir cette distance mais, loin de prouver qu'il était propre à son usage, révèle que son moteur était à bout de souffle au moment de la vente,

Que ce vice caché révélé par l'expertise effectué après la panne justifie la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil ;

Considérant que par motifs pertinents que la cour adopte le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur Trochu ; que le vendeur ne pouvant être considéré comme un professionnel ou comme étant de mauvaise foi il ne peut en effet lui être réclamé que les frais occasionnés par la vente dans lesquels ne peuvent être inclus ni les frais de garde du véhicule après la vente ni le préjudice financier résultant du prêt souscrit pour son achat ;

Qu'enfin celui-ci trouvant sa cause pour l'emprunteur, non pas dans la livraison de la chose, mais dans la mise à disposition des fonds empruntés pour son acquisition, la résolution de la vente pour vice caché ne peut entraîner son annulation corrélative ;

Considérant que la décision sera en conséquence confirmée ;

Considérant que l'équité commande de faire droit partiellement à la demande de Monsieur Trochu et du CMB pour frais irrépétibles ;

Considérant que succombant la SA Voyages Bellier sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ainsi qu'à titre des frais irrépétibles et aura la charge des dépens ;

Par ces motifs, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Rejette comme inutile ou mal fondée toute autre demande, Condamne la SA Voyages Bellier à verser au titre des frais irrépétibles six mille francs (6 000 F) à Monsieur Trochu et mille francs (1 000 F) au CMB ; Condamne la SA Voyages Bellier aux dépens qui seront recouvert conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.