CA Aix-en-Provence, 9e ch. soc. A, 15 mai 2003, n° 02-02930
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Casanova France (SARL)
Défendeur :
Loumi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zavaro
Conseillers :
MM. Bourgeois, Elleouet
Avocats :
Mes Canciani, Formi, Fructus, Gallin
La société Casanova France a, le 2 août 2001 relevé appel d'un jugement prononcé le 30/03/2001 par le Conseil des prud'hommes de Marseille.
Ce jugement ayant estimé que le licenciement de Monsieur Loumi était dépourvu de cause réelle et sérieuse a notamment condamné la société Casanova France à payer à celui-ci diverses sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité de clientèle, du remboursement des frais de recouvrement, de rappels de commissions.
La société Casanova France a conclu à la réformation du jugement du 30/03/2000 et demandé à la cour de débouter Monsieur Loumi de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Loumi a conclu à la confirmation du jugement déféré et demandé la condamnation de la société Casanova France à lui payer les sommes suivantes :
- 15 244,90 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 6 099,13 euro au titre de l'indemnité compensatrice de 3 mois de préavis ;
- 610,97 euro au titre de l'incidence sur congés payés sur préavis ;
- 509,14 euro à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 2 036,51 euro au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
- 50 799,06 euro à titre d'indemnité de clientèle ;
- 2 122,36 euro à titre de rappel de commissions ;
- 70,28 euro au titre de remboursement du billet de train trajet retour sur Marseille ;
- 228,67 euro au titre de remboursement de la franchise concernant le véhicule de fonction ;
- 533,57 euro à titre de préjudice subi pour une semaine de rendez-vous ratés ;
- 117,18 euro au titre du remboursement des frais de recouvrement indûment retenus avec les intérêts de droit à compter du jour de la demande et capitalisation ;
- 1 524,49 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les parties ont développé à la barre les écritures versées au dossier de la procédure.
Sur quoi
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée par les parties et que le dossier ne contient pas d'éléments permettant de relever d'office ce moyen ;
Attendu que Monsieur Loumi a été engagé à compter du 1er octobre 1994 par la société Casanova France en qualité de VRP exclusif pour la vente de montures de lunettes ;
Attendu qu'aux termes de ce contrat, la rémunération de Monsieur Loumi comportait une partie fixe de 609,80 euro bruts par mois et une partie variable consistant en une commission de 15 % brut sur toutes les commandes directes ou indirectes sauf en ce qui concerne le magasin Grand Optical pour lequel les ventes étaient commissionnées à hauteur de 8 % brut ;
Attendu que reprochant à son employeur d'avoir à partir de mars 1998 modifié unilatéralement les conditions de sa rémunération en retenant sur ses commissions les ristournes consenties aux clients et ayant refusé en janvier 1999 de signer l'avenant proposé par son employeur concernant les retours des ristournes sur commissions, Monsieur Loumi a, par courrier du 3 novembre 1999 pris acte de la rupture de son contrat imputable à la société Casanova ;
Attendu que la société Casanova France expose que les ristournes consenties au client venant toujours en déduction du chiffre d'affaires constituant l'assiette des commissions et ne faisant naître aucune droit à commission pour le VRP, elle a effectivement adressé à celui-ci le 8 novembre 1999 un chèque correspondant au total retenu entre mars 1998 et décembre 1999, par pure faveur car elle souhaitait garder à son service Monsieur Loumi qui avait donné sa démission le 5 novembre 1999 pour aller travailler dans une société concurrente ;
Attendu que dans l'hypothèse où la rupture du contrat lui serait imputée, la société Casanova estime qu'en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, Monsieur Loumi engagé dès le 1er décembre 1999 dans une entreprise concurrente, ne justifie pas du préjudice dont il lui demande réparation et qu'en application de l'avenant en date du 23 mars 1998, il n'est dû à celui-ci aucune indemnité de clientèle ;
Attendu que la société Casanova soutient que Monsieur Loumi ne peut rien obtenir au titre des rappels sur commissions sur des factures impayées ou sur des commandes annulées qui ne génèrent pas de droit à commission et dont certaines sont couvertes par la prescription quinquennale de l'article L. 143-14 du Code du travail ;
Attendu que la société Casanova fait valoir qu'aux termes du contrat elle ne s'est jamais engagée, en cas d'accident du véhicule de fonction de garder à sa charge la franchise, que Monsieur Loumi n'a subi aucun préjudice du fait que le véhicule de fonction, dont la livraison devait intervenir le dimanche 10 mai 1998, est intervenue avec 2 jours de retard puisqu'il ne travaillait ni le dimanche ni le lundi et qu'enfin elle ne devait contractuellement à son salarié le remboursement d'un billet de train aller, en cas de restitution de la collection ;
Attendu que Monsieur Loumi appelant incident, fait valoir que dès le mois de mars 1998, son employeur a modifié unilatéralement, sans son consentement ni signature d'un avenant les conditions de rémunération en retenant sur les commissions dues les ristournes qui étaient consenties aux clients et que dès avril 1998, il a adressé à son employeur plusieurs courriers de protestation lui demandant également la régularisation de la situation ;
Que Monsieur Loumi indique avoir refusé, en janvier 1999, de signer l'avenant proposé par la société Casanova France avec effet rétroactif sur 1998 concernant la retenue des ristournes sur les commissions et que n'ayant pu obtenir de régularisation, il a adressé le 3 novembre 1999 un courrier à son employeur aux termes duquel, en l'état de la modification de ses conditions de travail touchant à sa rémunération, il a pris acte de la rupture de son contrat imputable à la société Casanova ;
Attendu que si à la réception de cette lettre, la société Casanova France a indiqué qu'elle acceptait de régulariser la situation et adressait le remboursement des ristournes indûment retenues et de continuer à appliquer le contrat aux conditions initiales, Monsieur Loumi maintient qu'il y a eu rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ;
Attendu qu'il est établi que Monsieur Loumi a adressé plusieurs réclamations à la société Casanova France entre avril et décembre 1998, celle-ci a tenté de régulariser la situation le 9 novembre 1999 ;
Attendu que cependant l'employeur ne pouvant comme il l'a fait, sans l'accord du salarié modifier les conditions de rémunération de celui-ci, la rupture du contrat de travail est en conséquence imputable à la société Casanova ;
Attendu que cette rupture s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Casanova France employant moins de 19 salariés, Monsieur Casanova peut prétendre à la réparation du préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et notamment celle relative à l'assistance du salarié en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail ;
Que l'indemnité due à ce titre à Monsieur Casanova sera fixée à la somme de 2 036,57 euro correspondant à un mois de salaire assortie des intérêt au taux légal à date du présent arrêt ;
Attendu que la société Casanova ne peut opposer à Monsieur Loumi la clause insérée dans l'avenant du 23/03/1998 excluant tout droit à une indemnité de clientèle qui a un caractère d'ordre public ;
Attendu qu'à juste titre Monsieur Loumi établit avoir augmenté, développé, voire créé le secteur de la Région PACA et avoir également beaucoup développé le secteur Rhône-Alpes, même si celui-ci avait été précédemment exploité ;
Attendu que la société Casanova ne démontre pas que Monsieur Loumi après la rupture de son contrat a continué à démarcher la même clientèle ;
Attendu que comme devant les premiers juges, Monsieur Loumi, tout en réclamant en application de l'article L. 751-9 du Code du travail une indemnité correspondant au montant de commissions perçues au titre des 24 derniers mois, n'a fourni ni le chiffres d'affaires, ni la liste des clients entre 1994 et le jour de la rupture du contrat ;
Qu'au vu des courriers que lui a adressés la société Casanova et faisant état de la progression du chiffre d'affaires entre 1998 et 1999, Monsieur Loumi ne démontre pas que l'évaluation faite par les premiers juges a été à ce titre insuffisante au regard de l'article L. 751-9 du Code du travail ;
Que le jugement déféré sera confirmé du chef de la condamnation au paiement de la somme de 12 958,17 euro à titre d'indemnité de licenciement ;
Attendu qu'ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, il résulte des stipulations du contrat liant les parties qu'en cas d'impayés, les commissions correspondant aux impayés devaient être défalquées au représentant qui ne pouvait dès lors être commissionné sur des commandes annulées et que c'est donc à juste titre que Monsieur Loumi a été débouté de ses demandes de ce chef ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Loumi de ses demandes de ce chef à l'exception cependant de la condamnation au paiement de la somme de 148,13 euro au titre du reliquat de commissions dues sur les ventes faites auprès du magasin Grand Optical pour laquelle la société Casanova reconnaît son obligation ;
Attendu que si dans l'avenant du 23/03/1998, il a été stipulé que " lors de la restitution du véhicule les dommages facturés par la société de location seront à la charge du représentant ", cette clause ne peut recevoir application, en l'absence de la démonstration d'une faute lourde de Monsieur Loumi, à l'origine du dommage ;
Que c'est donc à tort que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de remboursement de franchise ;
Que la société Casanova sera en conséquence condamnée à lui payer à ce titre, la somme de 228,67 euro ;
Attendu que Monsieur Loumi ne rapportant pas la preuve du préjudice subi du fait de la livraison avec 2 jours de retard du véhicule mis à sa disposition, c'est à juste titre que celui-ci a été débouté de sa demande de ce chef ;
Attendu que par contre Monsieur Loumi verse aux débats le relevé de commissions du mois de juillet 1999 établi par la société Casanova sur lequel figure un retrait d'un montant de 768,75 euro et qu'ainsi à juste titre les premiers juges en relevant qu'aucune clause du contrat ne permettait à l'employeur de retenir sur les commissions versées des frais de recouvrement, ont fait droit à la demande de Monsieur Loumi ;
Attendu que s'agissant du billet de train retour Paris-Marseille, il ressort de l'avenant du 23/03/1998 que la restitution de l'ensemble de la collection étant à la charge de Monsieur Loumi, c'est à juste titre que celui-ci a été débouté de sa demande de remboursement des frais de transport restés à sa charge ;
Attendu qu'en l'absence de contestation sur les condamnations prononcées au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés sur préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et de l'indemnité allouée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement déféré sera confirmé de ces chefs ;
Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au seul bénéfice de Monsieur Loumi ;
Par ces motifs LA COUR Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en matière prud'homale ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et Y ajoutant ; Condamne la société Casanova France à payer à Monsieur Loumi : la somme de 2 036,51 euro au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil ; la somme de 228,67 euro au titre du remboursement de la franchise mise à sa charge ; la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute Monsieur Loumi du surplus de ses demandes ; Déboute la société Casanova France de ses demandes ; Condamne la société Casanova France aux entiers dépens.