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Décisions

CA Aix-en-Provence, 9e ch. soc. A, 12 juin 2003, n° 02-03742

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Tonetti

Défendeur :

Laboratoires Pharmygiène Médipole (Sté) ; Laboratoire Biopha (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

MM. Bourgeois, Elleouet

Avocats :

Mes Andrac, Keusseyan, Sinibaldi, Herpin

Cons. prud'h. Marseille, du 5 févr. 2001

5 février 2001

Monsieur Jean-Claude Tonetti a, le 4.09.2001 relevé appel d'un jugement prononcé le 5.02.2001 par le Conseil des prud'hommes de Marseille.

Ce jugement retenant que son licenciement pour motif économique était fondé sur une cause réelle et sérieuse l'a débouté de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SA Laboratoire Biopha.

Monsieur Tonetti a conclu à la réformation du jugement du 5.02.2001 et demandé à la cour de condamner la société Laboratoires Pharmygiène Médipole venant aux droits de la SA Laboratoire Biopha à lui payer à titre principal la somme de 60 000 euro à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire, la même somme pour non-respect de l'ordre des critères de licenciement ainsi qu'une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Laboratoire Biopha a conclu à la confirmation du jugement déféré et au débouté de Monsieur Tonetti de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation au paiement d'une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les parties ont développé à la barre les écritures versées au dossier de la procédure.

Sur quoi

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée par les parties et que le dossier ne contient pas d'éléments permettant de relever d'office ce moyen ;

Attendu que Monsieur Tonetti a été engagé le 6 janvier 1986 par la SA Laboratoire Biopha en qualité de VRP ;

Attendu que par lettre du 28 juin 1999, Monsieur Tonetti a été licencié pour motif économique ;

Attendu que Monsieur Tonetti soutient que :

- la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée et qu'en outre le dossier joint à cette lettre n'indique pas les raisons économiques rendant indispensable son licenciement ;

- l'employeur en faisant référence à l'article L. 122-12 du Code du travail, s'est délibérément orienté vers un licenciement collectif et devait dès lors respecter les mentions prévues à l'article L. 321-1-1 du Code du travail ;

- l'employeur, en attribuant à Monsieur Féléliche plus jeune que lui, le secteur qui lui était précédemment attribué, et en lui proposant un secteur sur la région parisienne, n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement ;

- la société Biopha faisait partie du Groupe Pharmygiène Médipole au jour du licenciement et qu'il n'est nullement justifié des difficultés économiques au niveau de ce groupe, ni d'aucune tentative de reclassement au sein de celui-ci ;

- avoir subi un préjudice très important car, étant âgé de 57 ans, il n'a pas retrouvé d'emploi à la suite de son licenciement ;

Attendu que la société intimée réplique que :

- avoir été, à la suite de difficultés économiques, le 1er janvier 1999, vendue à la société Laboratoire Pharmygiène Scat filiale du groupe Pharmygiène Médipole ;

- dans le cadre de cette opération, elle a, le 6 mai 1999, informé Monsieur Tonetti de son transfert au sein de la société Laboratoires Clément et lui a proposé une modification de son contrat de travail portant sur sa rémunération;

- suite du refus opposé par Monsieur Tonetti, elle a proposé à celui-ci deux autres postes de VRP au sein d'une autre société du groupe, la société Pharmygiène Scat et que suite au nouveau refus opposé par celui-ci, elle l'a licencié pour motif économique;

- les difficultés économiques sont établies par la baisse de 15 % de son chiffre d'affaire et de celle de son nombre de clients, inférieur d'un quart de celui de ses concurrents;

- la société Clément, qui connaissait également des difficultés, ne pouvant reprendre les salariés de la société Biopha dans des conditions identiques, elle a ainsi proposé à ses salariés, dont Monsieur Tonetti de modifier leurs contrats afin de les harmoniser avec ceux des salariés de la société cessionnaire;

- sa qualité de cédant lui permettant de procéder à une mise en œuvre d'une réorganisation décidée par le nouvel employeur, elle a dans le cadre de la mise en place d'un projet de licenciement collectif pour motif économique ne prévoyant aucune suppression de poste mais uniquement la modification de la rémunération de VRP, consulté les délégués du personnel qui ont donné un avis favorable au projet;

- après avoir proposé la modification du contrat de Monsieur Tonetti sur la rémunération, afin de l'harmoniser avec ceux des salariés de la société Clément, elle a envisagé une seconde modification portant sur le secteur attribué au salarié, ce qui lui était permis en vertu des stipulations du contrat initial qui prévoyait la possibilité pour l'employeur de modifier celui-ci si les conditions générales de la vente l'exigeaient, c'était le cas puisque cette décision était prise dans l'intérêt de l'entreprise car l'installation d'un VRP volant sur la région se justifiait ;

- le reclassement a été tenté car la note d'information économique, financière et commerciale communiquée aux délégués du personnel, prévoyait parmi les mesures sociales d'accompagnement des mesures de reclassement au sein des différentes sociétés du groupe et qu'à la suite du refus de Monsieur Tonetti, il a été proposé à celui-ci deux postes ayant une rémunération sensiblement identique à celle proposée au sein de la société Laboratoires Clément ;

- la lettre de licenciement et la note annexée du 6 mai 1999 qui en fait partie intégrante, explicitent les raisons économiques et financières figurant dans le courrier du 6 mai 1999 et l'informent sur la situation économique et financière de la société ;

- du fait que seule une modification des contrats des VRP était envisagée et non une suppression des postes, il n'y avait pas lieu d'établir un projet concernant l'ordre des licenciements ;

Attendu qu'en application de l'article L. 321-1 du Code du travail, constitue un motif économique le motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives à des difficultés économiques, des mutations technologiques ou une réorganisation de l'entreprise ;

Qu'en vertu de l'article L. 122-14-2 du dit code, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs économiques ou de changement technologique invoqués par l'employeur ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la notification de la lettre de rupture doit énoncer aussi bien l'élément causal du licenciement, c'est-à-dire les raisons économiques motivant la décision de licencier, que son élément matériel lequel, en vertu de l'article L. 321-1 susvisé, est constitué soit par une suppression d'emploi, soit par une transformation d'emploi soit par une modification du contrat de travail ;

Attendu que l'article L. 122-14-2 du Code du travail dispose que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L. 122-14-1 ;

Qu'en application de l'alinéa 2 du même article, lorsque le licenciement est prononcé pour motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changement technologique invoqués par l'employeur;

Attendu que la lettre de licenciement fixant le cadre du débat, a été libellée comme suit :

"Monsieur,

Votre lettre du 2 juin 1999, nous informant de votre décision de ne pas accepter la modification de votre contrat de travail et de la rémunération qui y est attachée, qui vous a été proposée le 6 mai 1999, et dont vous trouverez à nouveau les raisons économiques financières et commerciales à l'origine du projet de modification de la relation contractuelle dans le dossier complet joint à la présente.

Votre préavis de 3 mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre"

Attendu que le "Dossier économique financier et commercial sur la modification de la relation contractuelle" visé dans la lettre de licenciement et annexé à celle-ci, en fait partie intégrante ;

Que si la lettre de licenciement elle-même ne faisant état que des " raisons économiques ", son annexe constitue une analyse économique et commerciale de la société Biopha, établie dans la perspective de confier, par la signature d'un contrat de commissionnaire à la vente, la promotion de ses propres produits Biopha aux Laboratoires Clément et de procéder, en application de l'article L. 122-14-2 du Code du travail, au transfert de certains de ses salariés dont Monsieur Tonetti dans cette société ;

Que cependant, cette annexe mentionnant la nécessité du redressement du chiffre d'affaires de la société, en baisse constante entre 1996 et 1998, permet dès lors de retenir que la société Biopha a ainsi entendu invoquer ses difficultés économiques et que dès lors, la lettre de licenciement doit être considérée comme suffisamment motivée au regard de l'article L. 122-14-2 du Code du travail;

Attendu que si des explications de la société Biopha, il ressort que c'est uniquement du fait de la baisse de son chiffre d'affaires depuis 1995, qu'elle a décidé de s'allier avec la société Laboratoires Clément faisant partie comme elle du Groupe pharmaceutique et parapharmaceutique Pharmygiène-Médipole, l'analyse de l'annexe de la lettre de licenciement permet également de constater, que c'est aussi dans la perspective de l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail, du fait du transfert de ses salariés à la société Laboratoires Clément, qu'elle entendait justifier la modification des contrats de travail afin de les harmoniser avec ceux des salariés de la société cessionnaire qui, à ses dires, était également en difficultés économiques depuis de nombreuses années ;

Attendu qu'outre le fait qu'il n'a nullement été démontré, bien que la lettre de licenciement en fasse état, de la signature par la société Biopha d'un contrat de commissionnaire avec la société Laboratoires Clément, dans des conditions de nature à entraîner l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail, il est ainsi manifeste que c'est uniquement afin de pouvoir finaliser son opération de rapprochement commercial avec une société faisant partie du même groupe que la société Biopha a entendu modifier le contrat de Monsieur Tonetti ;

Qu'ainsi, la rupture du contrat de travail de Monsieur Tonetti ne repose pas sur une cause économique réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au jour de son licenciement, Monsieur Tonetti âgé de 55 ans, avait 13 ans et demi d'ancienneté et perçu au cours des 6 mois précédents son licenciement un salaire mensuel brut de 22 775,88 euro ;

Qu'il a été indemnisé par l'ASSEDIC et n'a pas retrouvé d'emploi ;

Qu'au vu des pièces versées aux débats, la cour possède les éléments suffisants pour fixer à la somme de 50 000 euro le montant de l'indemnité due en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Attendu que l'équité commande l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au seul bénéfice de Monsieur Tonetti ;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire et en matière prud'homale ; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau condamne la société Biopha à payer à Monsieur Tonetti : 1°) la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; 2°) la somme de 1 500 euro l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Biopha à rembourser à l'ASSEDIC, dans les conditions de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le tribunal, dans la limite de 6 mois, Dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe à l'UNEDIC, BP 500 75564 Paris Cedex 12, Déboute Monsieur Tonetti du surplus de ses demandes ; Condamne la société Biopha aux entiers dépens.